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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1700/2024

ATA/844/2024 du 11.07.2024 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1700/2024-MARPU ATA/844/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 11 juillet 2024

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Stéphane GRODECKI, avocat

contre

B______ intimée

et

VILLE DE GENÈVE intimée

_________



Vu, en fait, l’appel d’offres publié le 23 janvier 2024 par la Ville de Genève et la Fondation de la Ville de Genève (ci-après : FVGLS) portant sur un mandat de surveillance du chantier sis à l’esplanade C______ (ci-après : « lot BC »);

qu’à teneur du cahier des charges, la soumissionnaire devait être porteuse d’un titre dont les compétences étaient reconnues par l’association des entreprises suisses de sécurité (ci-après : E______ ; art. 1) ; que l’annexe B1 à remplir par les soumissionnaires posait, dans la rubrique « organisation du candidat » (art. 4.2), la question de savoir quel effectif global de l’entreprise et d’éventuelles entreprises associées allait être affecté au mandat, quelle était l’organisation générale de la soumissionnaire pour ce marché, le nombre de collaborateurs prévus pour le marché avec des indications spécifiques les concernant (formation, date d’engagement, tâches effectuées pour le marché, taux d’occupation pour celui-ci), la personne-clef pour le marché (CV et diplôme de celle-ci) ainsi que l’organisation mise en place pour le marché ; qu’une page entière était prévue pour exposer « la compréhension de la problématique », à savoir expliquer comment le soumissionnaire percevait les prestations à exécuter en mettant en évidence « les difficultés principales et sensibles liées à l’exécution du marché » et la manière dont il entendait les résoudre (art. 4.3) ; qu’étaient requises trois références en rapport avec le marché à exécuter, « en termes de complexité et d’importance » (art. 4.4) ;

que par décision du 7 mai 2024, la Ville a attribué le lot précité à B______ pour le montant de CHF 324'373.08, correspondant à la part de 38% (recte : 62%) de la Ville de Genève, les parties d’ouvrage de la FVGLS (38%) faisant l’objet d’une autre adjudication ; l’offre de B______ avait été jugée économiquement la plus avantageuse, conformément à la grille d’évaluation qui était annexée ;

que, par acte déposé le 21 mai 2024 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice, A______ a recouru contre cette décision, concluant à son annulation, au renvoi du dossier à la Ville pour nouvelle évaluation des offres, subsidiairement à l’attribution en sa faveur du lot BC ; préalablement, elle a requis la production par la Ville des grilles détaillées de notation ;

qu’ayant soumis l’offre la mieux disante (pour un prix de CHF 498'638.82, alors que celui de l’adjudicataire se montait à CHF 511'831.88), étant active depuis plus de 20 ans (alors que sa concurrente D______ n’existait que depuis juillet 2023, mais avait obtenu de meilleures notes pour ses références et son organisation), elle ne comprenait pas comment les notes avaient été attribuées ; que ses demandes d’éclaircissements étaient restées vaines ; qu’ainsi, la décision querellée apparaissait arbitraire et insuffisamment motivée ;

que se déterminant sur la requête de restitution d’effet suspensif, la Ville a expliqué que, selon le cahier des charges, l’organisation était appréciée au regard de l’effectif global de l’entreprise attribué au mandat concerné, de l’effectif global des éventuelles entreprises associées, de l’organisation générale de l’entreprise pour le marché, de la personne-clef pour l’objet du marché (y compris son CV et ses diplômes), du nombre de collaborateurs prévus avec pour chacun l’indication de sa formation, sa date d’engagement, sa tâche pour le mandat et son taux d’occupation dédié à celui-ci, les moyens consacrés à l’exécution du marché et l’organisation opérationnelle mise en place ;

que lors de la séance de clarification, à laquelle seules les deux entreprises les mieux offrant avaient été conviées, A______ avait remis des pièces complémentaires relatives à son organisation, notamment la liste des personnes affectées au chantier et la présentation de l’entreprise ; qu’il lui avait été indiqué que son offre ne pouvait être évaluée que sur la base des pièces remises avec son offre ; qu’A______ avait déclaré être en phase de test, dans l’attente de son affiliation à l’association E______ ; que B______ avait confirmé y être affiliée ;

qu’elle exposait ensuite, en détail, les notes attribuées à la recourante ; que celle-ci n’avait, en particulier, pas fourni toutes les informations demandées à l’art. 4.2 du cahier des charges ; que peu d’informations avaient été données concernant la compréhension de la problématique ; que, par ailleurs, dans les trois références mentionnées, l’une se rapportait à un marché de bien moindre importance (CHF 76'000.-) et aucune information ne détaillait la nature précise de l’activité, celle-ci étant uniquement décrite comme « gestion des accès chantiers via work contrôle/livraison/rondes/O-F », alors que les soumissionnaires disposaient d’une page A4 recto/verso pour présenter leurs références ; qu’enfin, les notes attribuées à D______ n’étaient pas pertinentes, cette société étant classée 4ème ; qu’elle précisait néanmoins que D______ avait produit trois bonnes références, conformes aux exigences posées et développé sa compréhension du projet ; qu’en outre, il n’était pas nécessaire d’avoir au moins trois ans d’existence, comme cela était le cas dans le secteur de la construction ; que la certification ISO présentée par la recourante n’était pas exigée ;

que la Ville s’est ainsi opposée à la restitution de l’effet suspensif ; qu’il existait un intérêt public prépondérant à ce que le contrat relatif à la sécurité du marché soit conclu rapidement afin de respecter le planning des travaux, qui concernaient de nombreux logements, des équipements publics importants (piscine, centre socio-culturel, espace de vie enfantine) ; que les travaux de maçonnerie allaient débuter à mi-juillet 2024 ;

que B______ a également conclu au rejet de la requête, faisant valoir que les chances de succès du recours étaient faibles, la grille d’évaluation et les explications fournies par la Ville permettant de comprendre les notes attribuées, qui n’étaient entachées d’aucun arbitraire ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, la recourante a fait valoir que la violation du droit d’être entendu ne pouvait être réparée devant la chambre administrative ; que l’évaluation de l’offre de D______ ne pouvait être écartée, dès lors qu’elle démontrait le caractère arbitraire de la notation ; que F______, qui avait signé l’offre de B______, n’était pas habilité à représenter celle-ci et que la Ville ne lui avait pas imparti de délai pour corriger ce vice, de sorte que l’offre de B______ aurait dû être écartée ; que B______ n’avait pas prévu de responsable sur le site, contrairement à elle, qui avait prévu deux responsables dédiés au site ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause état gardée à juger sur effet suspensif ;

que dans une écriture spontanée sur effet suspensif, la Ville a relevé qu’il n’était pas pertinent de comparer les notes de D______ avec celles de la recourante, dès lors que si celles de sa concurrente étaient trop élevées, la recourante ne pouvait rien en déduire en sa faveur ; que, par ailleurs, il était fréquent que des offres soient signées par des personnes au bénéfice d’une procuration ; que le fait que B______ vienne appuyer la décision de la Ville venait confirmer qu'F______ était autorisé à déposer l’offre de B______ ;

que dans une écriture spontanée du 1er juillet 2024, B______ a expliqué que F______ disposait d’une procuration pour les dossiers qu’il traitait ; qu’en sa qualité de « commercial », il entrait dans les attributions de celui-ci de rédiger et signer des offres ; qu’ainsi, B______ confirmait que l’offre signée par son employé l’engageait pleinement ;

que ces écritures ont été transmises à la recourante ;

que les intimées ont conclu au rejet du recours et qu’un délai de réplique au fond a été imparti à la recourante au 22 juillet 2024 ;

que cette dernière a constaté, dans un courrier du 5 juillet 2024, que le courrier de B______ du 1er juillet 2024 ne comportait aucune annexe et indiqué qu’elle allait répliquer dans le délai imparti au 22 juillet 2024 ;

Considérant, en droit, qu’interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est, a priori, recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par le président ou la vice-présidente de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par une autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur des mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit, en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; qu’il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que selon l’art. 43 RMP, l'évaluation des offres est faite selon les critères prédéfinis conformément à l'art. 24 RMP et énumérés dans l'avis d'appel d’offres et/ou les documents d'appel d’offres (al. 1) ; que le résultat de l'évaluation des offres fait l'objet d'un tableau comparatif (al. 2) ; que le marché est adjugé au soumissionnaire ayant déposé l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport qualité/prix ; qu’outre le prix, les critères suivants peuvent notamment être pris en considération : la qualité, les délais, l'adéquation aux besoins, le service après-vente, l'esthétique, l'organisation, le respect de l'environnement (al. 3) ;

qu’en matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées) ;

qu’en l’espèce, l’autorité adjudicataire a annexé à sa décision la grille d’évaluation des offres qui lui étaient parvenues d’où ressortent les notes attribuées à chaque critère d’évaluation, leur pondération, le nombre de points y étant associés, le total de points obtenus par chaque soumissionnaire et son classement ;

que la Ville a encore apporté des explications complémentaires au sujet des points d’évaluation critiqués par la recourante ;

qu’ainsi, a priori et sans préjudice de l’examen au fond, il apparaît que le grief de motivation insuffisante ne semble pas d’emblée fondé ;

qu’il en va de même du caractère arbitraire allégué de la notation ; qu’à première vue, il semblerait que la recourante n’ait pas présenté la certification souhaitée ; que ses explications relatives à la « compréhension du marché » soient demeurées très sommaires, l’intéressée se limitant à exposer sur quatre lignes, alors qu’une page A4 était réservée pour les explications à donner, qu’il était «primordial d’installer une guérite à l’entrée principale, une centrale de vidéosurveillance avec des caméras donnant accès sur différentes entrées, en complément d’autres caméras [qui] pourraient être installées pour la surveillance du site. Un accès à ces caméras pourrait être donné à la DT. La gestion des livraisons sera un point essentiel au bon fonctionnement du chantier » ; que dans les trois références mentionnées, l’une se rapportait à un marché de bien moindre importance (CHF 76'000.-) et aucune information ne détaillait la nature précise de l’activité déployée pour les marchées référencés ;

que, partant, les critiques adressées à la notation de 3 sur 5 pour les deux critères « compréhension » et « références » n’apparaissent, a première vue et sans préjudice de l’examen au fond, pas non plus manifestement fondées ;

qu’il ressort, à première vue, de l’offre de B______ qu’elle a désigné une personne-clef, dont elle a produit, sous A1 des annexes au document B1, le CV comportant son expérience professionnelle et sa formation, alors que le document A1 produit par la recourante est uniquement constitué d’un organigramme ; que l’absence de réponse précise à cette question ne rend, a priori, pas manifestement arbitraire une note moins bonne (3) pour le critère « organisation » que celle attribuée à l’adjudicataire (4) ;

que si la comparaison avec la notation de certains critères de l’offre soumise par D______ ne peut, d’emblée, être écartée comme non pertinente, il n’apparaît pas, sous l’angle de la vraisemblance et sans préjudice de l’examen au fond, qu’elle permette d’en déduire le caractère manifestement arbitraire de la notation de l’offre de la recourante, étant relevé que l’offre de D______ a été classée en 4ème position, obtenant 381.78, loin derrière B______ qui a obtenu 425.78 et la recourante qui en a recueilli 400.00 ;

qu’enfin, il ne peut être retenu d’emblée que F______ n’était pas habilité, dans le cadre de la fonction qu’il occupe au sein de l’adjudicataire, à signer l’offre de celle-ci ; qu’en outre, cette dernière a confirmé, en tant que de besoin, que l’offre signée par celui-ci l’engageait pleinement ; qu’a priori, les arrêts ATA/356/2024 et ATA/947/2016 cités par la recourante ne retiennent pas qu’une offre signée par un employé qui n’y serait pas habilité constituerait, en toute circonstance, un vice qui ne serait pas réparable ;

que l’ATA/356/2024 mentionne, au contraire, qu’un tel procédé pourrait se heurter à l’interdiction de formalisme excessif ;

qu’au vu de ce qui précède, les chances de succès du recours n’apparaissent pas à ce point manifestes qu’elles justifieraient d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

qu’en outre, l’autorité adjudicatrice a affirmé, sans être contredite, que le début du chantier était prévu à la mi-juillet 2024 ;

qu’il apparaît ainsi qu’en cas d’octroi de l’effet suspensif, l’ouverture du chantier serait retardée, celle-ci n’étant pas concevable, pour des motifs de sécurité publique, sans la surveillance adéquate d’un tel chantier d’envergure ; qu’un tel retard entraîne, notoirement, des surcoûts importants ;

qu’au regard de cet élément également, il n’y a pas lieu d’accorder l’effet suspensif ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d’octroyer l’effet suspensif au recours ;

dit qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Stéphane GRODECKI, avocat de la recourante, à la Ville de Genève ainsi qu'à B______.

 

 

 

La vice-présidente :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :