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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1158/2023

ATA/585/2024 du 14.05.2024 sur JTAPI/901/2023 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1158/2023-PE ATA/585/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 mai 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 août 2023 (JTAPI/901/2023)


EN FAIT

A. a. A______, ressortissant du Kosovo né le ______2003, est le fils aîné de B______ et C______, qui ont deux autres enfants, D______, né le ______2005 au Kosovo, et E______, née le ______2012 à Genève.

b. A______ est arrivé à Genève, où se trouvait déjà son père, en 2011, avec son frère et leur mère.

B. a. Par décision du 19 avril 2016, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé de donner une suite positive à la demande d’octroi de titres de séjour pour cas individuel d'extrême gravité déposée le 1er décembre 2014 par la famille B______ et C______ et de transmettre leur dossier avec un préavis positif au SEM, a prononcé leur renvoi de Suisse et leur a imparti un délai au 30 juin 2016 pour quitter la Suisse.

La durée du séjour de B______ n’était pas établie et sa présence en Suisse entre 1995 et 1997, 2001 et 2003 et en 2013 n’était pas démontrée. Il avait encore d’étroites attaches avec sa famille au Kosovo. La durée de la présence en Suisse de son épouse, qui y séjournait illégalement depuis 2011, ne permettait pas une suite différente. La réintégration d’A______ et D______ au Kosovo ne relevait pas d’une rigueur excessive. L'aîné y avait été scolarisé deux ans. E______ n’avait pas encore commencé sa scolarité et son intégration dans son pays d’origine était évidente. L’intégration professionnelle de B______ n’était pas remarquable. Sa famille et lui‑même étaient assistés par les services sociaux. Il avait fait l’objet d’une condamnation pénale à une peine pécuniaire avec sursis de 100 jours-amende à CHF 20.- le jour, avec un délai d’épreuve de trois ans, prononcée par le Tribunal de police le 25 mars 2015, pour escroquerie, séjour illégal et activités lucratives sans autorisation. Le suivi médical de la mère pouvait être fait au Kosovo. Malgré les demandes de l’OCPM, les détails des traitements que le père devait suivre n’avaient pas été communiqués. Les médicaments antidouleur et la physiothérapie étaient disponibles dans son pays d’origine.

b. Par jugement du 24 janvier 2017 (JTAPI/89/2017), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours formé par la famille B______ et C______ contre cette décision le 19 mai 2016.

c. Par arrêt du 17 octobre 2017 (ATA/1407/2017), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté contre ce jugement le 23 février 2017.

La durée du séjour en Suisse de B______ devait être qualifiée d’importante, mais néanmoins relativisée, au vu des renvois et retours en Suisse illégaux qui l’avaient ponctuée. Si B______ souffrait d'une hernie discale, l'évolution était lentement favorable et une intervention chirurgicale n'était indiquée qu’en cas de péjoration. Les documents médicaux, datés de mai 2015 et 2016, n’avaient pas été actualisés depuis lors, ce qui permettait de penser qu’une telle péjoration n’avait pas eu lieu. B______ avait été condamné à une peine pécuniaire de 100 jours-amende, notamment pour escroquerie, soit un crime. Il ne disposait pas d’un revenu, n’avait pas de travail alors même que la chambre des assurances sociales de la Cour de justice avait considéré qu’il n’avait pas droit à une rente d’invalidité, et bénéficiait de l’aide sociale. Les deux aînés avaient passé le début de leur vie dans leur pays d’origine. La plus jeune n’avait pas encore atteint un âge où une intégration dans sa patrie ne pouvait être exigée. L’intégration en Suisse de la mère, arrivée à 35 ans, n’avait rien de remarquable. Elle n’avait commencé à apprendre le français que peu de temps avant le début de la procédure, en 2015, et s’occupait de sa famille. L'exécution du renvoi était raisonnablement exigible. Les problèmes médicaux du père, que cela soit d’un point de vue psychique ou physique, ne nécessitaient pas en l’état de soins qui ne pourraient être prodigués dans son pays d’origine.

Le recours déposé contre cet arrêt a été déclaré irrecevable par le Tribunal fédéral le 22 novembre 2017 (arrêt 2D_47/2017).

d. L’OCPM a ensuite imparti un délai au 30 juin 2018 à la famille B______ et C______ pour quitter la Suisse.

C. a. Le 15 mai 2018, B______ a déposé auprès de l’OCPM « une demande de régularisation et de révision totale de [son] dossier et de [sa] famille pour nouveaux motifs conformément à l’ordonnance fédérale de madame Ruth Metzler de 2001 et conformément à l’Art. 33 de la Constitution Suisse Fédérale sur le droit de pétition ».

b. Par décision du 7 juin 2018, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur cette demande de régularisation, qualifiée de demande en reconsidération. La famille était tenue de quitter la Suisse au plus tard le 30 juin 2018.

c. Par jugement du 24 octobre 2018 (JTAPI/1022/2018), le TAPI a rejeté le recours de la famille B______ et C______ contre cette décision.

D. a. Le 31 décembre 2018, les époux B_____ et C______ ont déposé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur dans le cadre de l'« opération Papyrus ».

b. Par décision du 16 janvier 2020, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande d’octroi d’autorisation de séjour pour cas de rigueur dans le cadre de l’« opération Papyrus », qualifiée de demande en reconsidération.

Aucun fait nouveau et important n’était à relever et les circonstances ne s’étaient pas notablement modifiées depuis le prononcé des décisions antérieures en force.

c. Par arrêt du 24 février 2020 (AARP/76/2020), la chambre pénale d’appel et de révision de la Cour de justice a déclaré B______ coupable d’obtention de prestations d'aide financière indues, d’obtention illicite de prestations sociales et de séjour illégal, le condamnant à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende et à une amende de CHF 600.-. Son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans a également été ordonnée.

d. Par injonction du 7 avril 2020, le Ministère public a enjoint le service des peines et mesures et l’OCPM d’ordonner l’exécution des peines et mesures prononcées à l’encontre de B______ relevant de leurs compétences respectives.

e. Par jugement du 25 novembre 2020 (JTAPI/1036/2020), le TAPI a rejeté le recours interjeté par les époux B______ et C______contre la décision du 16 janvier 2020.

f. Par arrêt du 9 novembre 2021 (ATA/1196/2021), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté contre le jugement du 25 novembre 2020.

Même en prenant en compte que les époux B______ et C______ n'étaient plus aidés par l'hospice, ils ne fournissaient aucune indication sur leurs revenus. L'allégation selon laquelle ils remboursaient l'aide perçue était battue en brèche par l'attestation indiquant que le plan de paiement était peu respecté. La balance des intérêts en matière d'intégration ne penchait pas en faveur des époux B______ et C______ et de leurs enfants, au vu de la condamnation pénale récente du père. Les problèmes psychiques engendrés par l'imminence d'un renvoi n’étaient pas susceptibles de justifier la reconnaissance d'un cas de rigueur et les menaces de suicide n'astreignaient pas l'État concerné à s'abstenir d'exécuter la mesure envisagée s'il prenait des mesures concrètes pour en prévenir la réalisation. B______ était entouré par sa famille, que celle-ci soit en Suisse ou au Kosovo. Les moyens de preuve fournis, notamment quant au parcours d’A______ et d’D______, relevaient de l'écoulement du temps et ne pouvaient être considérés comme une modification notable des circonstances, sous peine de récompenser la persistance du non-respect des décisions en force.

g. Par trois courriers du 23 janvier 2023, l’OCPM a imparti à C______ et à ses deux enfants mineurs D______ et E______, à B______ et, finalement, à A______, devenu majeur, un ultime délai au 28 février 2023 pour quitter la Suisse et l’espace Schengen et leur a fixé un entretien de départ le 17 février 2023.

E. a. Par demande du 15 février 2023, C______ et B______ ont formulé auprès de l'OCPM, en leur nom propre et pour leurs enfants, A______, D______ et E______, une demande de réexamen pour faits nouveaux.

Depuis l'arrêt de la chambre administrative du 9 novembre 2021, l'état de santé du père s'était notablement détérioré. Il venait d'être mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité. Un réexamen de ses conditions de séjour et de celles de sa famille devait être effectué. Il se trouvait dans un état de santé permettant le prononcé de son admission provisoire. A______ suivait une formation de certificat fédéral de capacité (ci-après : CFC) et pouvait se prévaloir d'une intégration particulièrement aboutie. D______ et E______ étaient scolarisés à Genève depuis l'âge le permettant et la cadette y était née. Le renvoi violerait le droit conventionnel au respect de la vie privée et familiale au vu du long séjour en Suisse.

Ils ont notamment produit à l'appui de leur demande une copie du CFC d’employé de commerce du 28 juin 2021 d'A______, une attestation de suivi d'A______ par la structure Contact Emploi Jeunes de la Ville de F______ du 5 janvier au 31 août 2022 et une attestation du G______ FOOTBALL CLUB du 9 février 2023, selon laquelle A______ œuvrait à satisfaction comme éducateur et était engagé jusqu'au 30 juin 2023.

b. Par décision du 2 mars 2023, déclarée exécutoire nonobstant recours, l'OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération d'A______, qui était tenu de se conformer à la décision de renvoi dont il faisait l’objet et de quitter la Suisse et l’espace Schengen sans délai.

A______ faisait l'objet de plusieurs décisions administratives, toutes confirmées par les instances judiciaires, notamment le dernier arrêt relativement récent de la chambre administrative. Il n'avait jamais bénéficié d'autorisation de séjour et ne disposait d'aucune tolérance depuis le 30 juin 2018. Aucune explication et aucun justificatif n'était fourni à l'appui de la demande afin de démontrer un éventuel changement notable des circonstances depuis l'arrêt de novembre 2021. Le CFC avait déjà été pris en compte par la chambre administrative. Aucun fait nouveau et important n'était allégué. Les conditions d'une reconsidération n'étaient pas remplies.

c. Par décision séparée du même jour, également déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a également refusé d'entrer en matière sur les demandes de reconsidération de ses parents et ses frère et sœur, qui étaient eux aussi tenus de se conformer à la décision de renvoi dont ils faisaient l'objet et de quitter la Suisse et l'espace Schengen sans délai.

F. a. Par acte du 31 mars 2023, A______ a recouru auprès du TAPI contre la décision le concernant, concluant à son annulation et à l'octroi d'une autorisation de séjour.

Durant la procédure devant le TAPI, il a notamment versé à la procédure un avenant à son contrat de travail avec Contact Emploi Jeunes concernant son engagement du 23 mai 2022 au 22 juillet 2022 puis du 8 août au 30 septembre 2022 à 100%, un courrier de Contact Emploi Jeunes du 29 août 2022 annulant son contrat de travail, déjà suspendu depuis le 21 juillet 2022, en raison de la réponse négative de l'OCPM concernant son autorisation de travail, son curriculum vitae, une demande de permis de travail à l'OCPM du 28 avril 2023, un courrier de soutien du 28 avril 2023 d'un ancien camarade de classe et un courrier concernant son intégration au sein du G______ FOOTBALL CLUB du 28 avril 2023 .

b. l'OCPM a conclu au rejet du recours et a notamment transmis au TAPI un courrier du 20 juillet 2023 par lequel il refusait la demande d'autorisation de travail d'A______.

c. Par jugement du 24 août 2023, le TAPI a rejeté le recours.

La décision du 19 avril 2016 était entrée en force. L'OCPM avait refusé d'entrer en matière sur deux précédentes demandes de reconsidération, la deuxième décision ayant été confirmée par le TAPI puis par la chambre administrative. A______ invoquait sa scolarité en Suisse, les stages effectués, le fait qu'il y avait trouvé un emploi, ses importants efforts et le fait qu'il considérait la Suisse comme son pays. Ces éléments avaient été pris en compte par les instances ayant précédemment examiné le dossier, notamment la chambre administrative. Il ne s'agissait ni de faits nouveaux, ni de faits notables. Ces éléments étaient dus à l'écoulement du temps et au non-respect de la décision de l'OCPM du 19 avril 2016. Il était, dès sa majorité, en mesure de décider de manière autonome de respecter les décisions prises à son encontre par les autorités suisses, ce qu'il n'avait pas fait. Le renvoi avait été ordonné par décision du 10 avril 2016 et non par la décision litigieuse.

d. Par un autre jugement du même jour (JTAPI /1158/2023), le TAPI a également rejeté le recours de ses parents, son frère et sa sœur contre la décision du 2 mars 2023 les concernant.

G. a. Par acte du 29 septembre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre ce jugement, concluant à son annulation à l'octroi d'autorisations de séjour en leur faveur et à la condamnation de l'OCPM aux dépens.

Il séjournait en Suisse depuis ses 8 ans, soit depuis douze ans, dont dix ans avant sa majorité, période cruciale pour son développement, y avait été scolarisé et y avait passé la majeure partie de sa jeunesse. Son intégration au milieu helvétique était accentuée. Un renvoi au Kosovo, pays qui n'était plus le sien, causerait un traumatisme irréparable, vu la coupure du lien social et de ses amis. Il fallait aussi tenir compte de son droit à la protection de la famille garanti par le droit conventionnel, si la famille obtenait elle le droit de séjourner à Genève.

b. Par réponse du 31 octobre 2023, l'OCPM a conclu au rejet du recours, se référant au jugement attaqué et à ses observations produites devant le TAPI.

c. Par réplique du 11 décembre 2023, A______ a maintenu son recours.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit du refus de l’OCPM du 30 mars 2023 d’entrer en matière sur la demande d’autorisation de séjour du recourant pour cas de rigueur, traitée comme une demande de reconsidération.

3.             Le recourant affirme qu'une autorisation de séjour devrait lui être délivrée.

3.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/1111/2023 du 10 octobre 2023 consid. 3.1).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novæ véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause. Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1111/2023 précité consid. 3.1 et les références citées).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/1274/2023 du 28 novembre 2023 consid. 2.3).

3.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées (ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

3.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition (ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 et les références citées).

3.4 En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

La juridiction saisie d'une demande de réexamen doit procéder à la mise en balance des intérêts en tenant compte des faits nouveaux, et peut à cet égard se limiter à l'examen de l'incidence sur le plan juridique des faits nouveaux survenus depuis la dernière décision entrée en force (arrêt du Tribunal fédéral 2C_203/2020 du 8 mai 2020 consid. 4.5).

3.5 En l'espèce, le recourant fait valoir son intégration particulièrement poussée en Suisse, vu son arrivée à 8 ans et son séjour d'une durée de douze ans, dont toute l'adolescence et le début de sa vie d'adulte, sa scolarisation en Suisse et sa volonté de participer à la vie économique en Suisse.

Le recourant a fait l'objet, avec sa famille, d'un refus d'autorisation de séjour et du prononcé de son renvoi de Suisse, en avril 2016. En 2021, la chambre administrative a relevé, dans le cadre d'une précédente demande de reconsidération, que les éléments alors allégués en relation avec le parcours des enfants ne relevaient que de l'écoulement du temps et ne sauraient être pris en compte à titre de modification notable des circonstances, sous peine de récompenser la persistance dans le non‑respect des décisions en force (ATA/1196/2021 précité consid. 5).

Néanmoins, depuis la précédente demande de reconsidération formée devant l'autorité intimée, le recourant est devenu majeur, de sorte que son sort ne suit plus nécessairement celui de ses parents.

Or, s'il est effectivement resté en Suisse en dépit de la décision de refus d'autorisation de séjour et de renvoi de la famille et malgré les délais impartis pour l'exécution de celui-ci, il était, lors du prononcé de cette décision, âgé de 12 ans, presque 13 ans. Il était par ailleurs adolescent aux moments des refus d'entrée en matière de l'autorité intimée sur les précédentes demandes de reconsidération. Ainsi, ce sont ses parents qui ne se sont en tant que tels pas conformés à la décision dont la famille a fait l'objet, plus que le recourant, qui était lui encore mineur et sous leur autorité. Il apparaît dans ce contexte difficile de reprocher au recourant lui‑même de ne pas s'être conformé à la décision de refus d'autorisation de séjour et de renvoi. Il a depuis lors passé l'entier de son adolescence en Suisse, période décisive pour la formation de la personnalité, puis le début de sa vie d'adulte, étant aujourd'hui âgé de bientôt 21 ans.

Si ces éléments découlent de l'écoulement du temps, ils doivent dans le cas particulier tout de même être pris en compte à titre de modification de circonstances justifiant un nouvel examen des conditions de délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, le non-respect de la décision du 19 avril 2016 n'étant pas directement imputable au recourant.

Par conséquent, il doit être retenu que l'OCPM aurait dû entrer en matière sur la demande de reconsidération et, au besoin, l'instruire, pour ensuite prononcer une décision au fond sur la demande de délivrance d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité au recourant.

Dans ces circonstances et au vu de l'irrecevabilité de la conclusion en délivrance de l'autorisation de séjour, exorbitante au présent litige, le recours sera admis dans la mesure de sa recevabilité. Le jugement du TAPI et la décision de l'OCPM seront annulés. Le dossier sera renvoyé à l'autorité intimée pour entrée en matière sur la demande de reconsidération du recourant et décision au fond.

4.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 800.- sera allouée au recourant, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

admet, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 29 septembre 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 août 2023 ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 24 août 2023 ;

annule la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 2 mars 2023 ;

renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à A______ une indemnité de procédure de CHF 800.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy ZWAHLEN, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Patrick CHENAUX, Michèle PERNET, juges.


 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.