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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1648/2022

ATA/394/2023 du 18.04.2023 sur JTAPI/1450/2022 ( PE ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1648/2022-PE ATA/394/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 18 avril 2023

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______, agissant pour elle, son fils mineur B______, et Monsieur C______ recourants
représentés par Me Gazmend Elmazi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2022 (JTAPI/1450/2022)


EN FAIT

A. a. Madame A______, célibataire, née le ______ 1978, et ses deux fils C______ et B______, nés respectivement le ______ 2003 et ______ 2008, sont ressortissants du Kosovo.

b. Ils sont arrivés en Suisse le 2 juillet 2017, où ils logent depuis lors chez le frère de Mme A______. Les deux autres frères de celle-ci vivent à Genève, tous au bénéfice d’autorisations de séjour ou d’établissement.

c. Par courrier du 21 décembre 2021, M. C______ et ses fils ont déposé auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) une demande d'autorisation de séjour.

Depuis leur arrivée en Suisse, ils n'étaient plus retournés au Kosovo. À Genève, ils vivaient entourés de leurs proches qui les soutenaient. Mme A______ exerçait une activité d'agente d'entretien à temps partiel qui lui permettait de subvenir aux besoins de sa famille sans devoir faire appel à l'aide sociale. Elle fournissait des efforts remarquables afin d'améliorer ses connaissances de français dans le but d'élargir son cercle social au-delà de ses liens familiaux et professionnels. Elle disposait d'un casier judiciaire vierge. Les enfants avaient travaillé assidument à leur intégration au sein du tissu social helvétique notamment grâce à l'accomplissement d'une partie de leur scolarité obligatoire au sein d'institutions publiques genevoises de même qu'à des activités extrascolaires.

d. Par la suite Mme A______ a encore déposé l’attestation de scolarité de B______, le dossier de candidature pour une place d’apprentissage de C______ ainsi que l’attestation de suivi de cours de français et le certificat de salaire pour l’année 2021 de Mme A______.

Elle s'était inscrite à des cours de langue et espérait pouvoir atteindre au plus vite le niveau A1. En tant que mère célibataire et sans le soutien de ses frères vivant en Suisse, son avenir et celui de ses enfants était précaire. Ses fils avaient fourni tant d'efforts pour s'adapter à cette nouvelle vie qu'ils considéraient la Suisse comme leur pays d'adoption et seraient complètement dévastés à l'idée de devoir retourner au Kosovo. Même s'ils y avaient vécu plusieurs années, ils seraient contraints de se familiariser, à nouveau, avec un mode de vie qu'ils avaient totalement abandonné.

e. Par décision du 21 avril 2022, l’OCPM a rejeté la requête et prononcé le renvoi des intéressés.

Ils comptabilisaient moins de cinq années de séjour en Suisse. Mme A______ n’avait pas connu une importante ascension professionnelle au point de ne pas pouvoir la mettre en pratique dans son pays d’origine. L’attestation de suivi de cours de français ne mentionnait pas le niveau A1, et le certificat de salaire faisait état d’une activité à temps partiel. Elle avait vécu toute sa jeunesse et la majeure partie de sa vie d’adulte dans son pays d’origine. L’intégration des enfants en Suisse n’était pas encore déterminante et leur réintégration dans leur pays d’origine ne devait pas poser de problèmes insurmontables.

B. a. Mme A______, agissant pour elle et B______, et M. C______ ont recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision, concluant à son annulation et à l'octroi d'autorisations de séjour.

Ils ont repris les arguments déjà développés et précisé que B______ avait rejoint le cycle d'orientation en regroupement 3 (R3) démontant son intégration au sein du tissu social dans lequel il évoluait. Il poursuivait un parcours scolaire sans encombre tel qu'attesté par son établissement scolaire. M. C______ s'était orienté vers la voie professionnelle et avait, à force de persévérance, décroché un contrat d'apprentissage pour une formation d'installateur sanitaire. Ils n’avaient plus d’amis au Kosovo et n’envisageaient pas de retourner vivre dans ce pays. Ils ont produit, notamment, des lettres de soutien.

b. Le 30 juin 2022, M. C______ a transmis au TAPI une copie du contrat d'apprentissage qu'il avait signé avec F______.

c. Le 8 juillet 2022, Mme A______ a produit une attestation de niveau A1 en langue française.

d. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

En dépit des efforts d'intégration déployés par les intéressés depuis leur arrivée en Suisse, il ne ressortait pas du dossier qu'un retour au Kosovo les placerait dans une situation d'extrême gravité quand bien même le retour de B______, en pleine période d'adolescence, pourrait s'avérer plus délicat. Mme A______ devait pouvoir continuer de compter sur le soutien de ses frères en Suisse.

e. Mme A______ a répliqué, sollicitant l'audition de MM. D______ et E______, chefs de service auprès de l'OCPM, afin qu'ils soient interrogés sur la pratique de l'office s'agissant de la prise en compte de la durée du séjour au moment du dépôt de la demande. L'OCPM laissait entendre que s'ils avaient déposé leur demande d'autorisation de séjour durant l'année 2022, il aurait considéré que le critère de la durée de séjour aurait été rempli et aurait préavisé favorablement leur demande d'autorisation de séjour. Les enfants étaient installés en Suisse et parfaitement intégrés, de sorte qu'un retour dans leur pays d'origine aurait pour conséquence d'interrompre leur cursus scolaire à une période charnière. Ils devraient se réadapter au système scolaire d'un pays où ils n'avaient que très peu de liens et de repères et dont les conditions de vie leurs étaient étrangères. À plus long terme, leur renvoi serait de nature à remettre en cause les acquis de l'enseignement genevois et à compromettre sérieusement toute future formation professionnelle.

f. L'OCPM a dupliqué en précisant que la prise en considération des années de séjour au moment du dépôt de la demande répondait aux exigences posées par le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM).

g. Par jugement du 22 décembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

La durée de séjour de cinq ans était trop brève pour retenir d’emblée l’existence d’un cas de rigueur. Mme A______ ne pouvait se prévaloir d’une intégration socioprofessionnelle particulièrement poussée. Les années passées par les enfants en Suisse, jusqu'au seuil de l'adolescence pour l’un et l’âge adulte pour l’autre, étaient significatives. Néanmoins, ils avaient passé dans leur pays, dont ils parlaient la langue, les premières années de leur vie, qui les avaient imprégnés très durablement et profondément. Eu égard aux critères très stricts posés par la jurisprudence, on ne pouvait considérer que leur intégration en Suisse était telle qu'un retour au Kosovo constituerait pour eux un grave déracinement.

Au-delà des difficultés qui touchaient l'ensemble de la population restée sur place, ils n'expliquaient pas quels seraient les problèmes graves qui pourraient les toucher en particulier. Si B______ avait pu s'intégrer au système scolaire Suisse en ayant à surmonter l'obstacle d'une langue qu'il devait apprendre, il devrait être capable, sans difficulté particulière, de réintégrer le système scolaire du Kosovo et s'y réintégrer socialement.

C. a. Par acte expédié le 31 janvier 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, Mme A______ et M. C______ ont recouru contre ce jugement, dont ils ont demandé l’annulation. Ils ont conclu à l’octroi d’une autorisation de séjour.

Mme A______ était intégrée sur le marché du travail et financièrement indépendante. Ses fils avaient passé en Suisse l’un son adolescence, l’autre une partie de celle-ci. Les deux étaient appréciés de leurs enseignants et des parents de leurs amis. Ils ont produit des attestations de ceux-ci, louant leur investissement dans leurs apprentissages scolaires ainsi que leur politesse et bonne influence sur leurs camarades de classe. Selon l’attestation de l’association Camarada de janvier 2023, Mme A______ suit des cours de français depuis septembre 2021 et semblait avoir atteint le niveau A2.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours.

Au moment du dépôt de leur demande d’autorisation de séjour, les intéressés ne totalisaient que quatre ans de séjour en Suisse, ce qui était peu. L’intégration professionnelle de la recourante n’atteignait pas le degré exigé par la jurisprudence. Ses enfants avaient passé l’essentiel de leur vie au Kosovo et ne résidaient en Suisse que depuis cinq ans désormais, de sorte que leur niveau d’intégration n’apparaissait pas à ce point poussé qu’un retour dans leur pays constituerait, notamment pour B______, un très fort déracinement.

c. Dans leur réplique, les recourants ont fait valoir que lors de l’examen de leur demande, ils séjournaient depuis cinq ans en Suisse, remplissant ainsi la condition de la durée de séjour telle que figurant sur le site Internet de l’OCPM. Les enfants parlaient couramment le français et étaient parfaitement intégrés. B______ fréquentait la 10ème année en classe R3 LS, soit le regroupement le plus exigeant, et avait une moyenne générale de 5.1 Les enfants n’avaient plus d’attaches au Kosovo.

Mme A______ a produit son décompte de salaire du mois de mars 2023, dont il ressort qu’elle réalise un salaire mensuel net de CHF 3'365.90 pour une activité exercée à 60% ; son abonnement auprès d’un club de gymnastique qu’elle fréquentait depuis mars 2022 ; une attestation du club de boxe dont B______ était membre, qui relevait le fait que celui-ci était « travailleur, volontaire et assidu », un « sportif très sympathique » et « une personne très appréciée », des attestations de parents d’amis de B______ mettant en exergue le fort lien liant les jeunes gens, une « lettre de recommandation » d’une amie de M. C______ soulignant les qualités humaines de celui-ci et le soutien qu’il lui apporte dans son activité de « cheerleader » pour le Club de hockey de G______, un autre écrit d’un ami de M. C______ indiquant qu’ils passaient beaucoup de temps ensemble et faisaient, notamment, du sport ensemble ainsi que le bulletin scolaire de B______ du deuxième trimestre 2022-2023, dont il ressortait qu’il était un très bon élève.

d. Il ressort du dossier qu’après avoir intégré une classe d’accueil dans un cycle d’orientation où il avait rencontré des difficultés dans ses apprentissages, notamment en français, M. C______ a ensuite progressé favorablement. Durant l’année scolaire 2021-2022, il a accompli plusieurs stages, portant tous une appréciation très positive sur sa personne et son investissement, le rapport de stage auprès de F______ relevant, en sus, que l’intéressé était « très motivé par le métier d’installateur sanitaire ». Cette société lui a d’ailleurs proposé un contrat d’apprentissage. Faute de disposer d’une autorisation de séjour, le jeune homme n’a cependant pas pu commencer son apprentissage en entreprise.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Les recourants font valoir que les conditions d’un cas de rigueur justifiant l’octroi d’une autorisation de séjour sont remplies.

2.1 Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la LEI et de l’OASA. Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l’espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

2.2 L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

2.3 Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2). La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

2.4 L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

2.5 Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

2.6 Les enfants mineurs partagent, du point de vue du droit des étrangers, le sort des parents qui en ont la garde (arrêts du Tribunal fédéral 2C_529/2020 du 6 octobre 2020 consid. 5.3 ; 2C_257/2020 du 18 mai 2020 consid. 6.1). Afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur indicative (Directive LEI, ch. 5.6.10.4). Comme pour les adultes, il y a lieu de tenir compte des effets qu'entraînerait pour les enfants un retour forcé dans leur pays d'origine. Il faut prendre en considération qu'un tel renvoi pourrait selon les circonstances équivaloir à un véritable déracinement, constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité. Pour déterminer si tel serait le cas, il faut examiner plusieurs critères. La situation des membres de la famille ne doit pas être considérée isolément, mais en relation avec le contexte familial global (ATF 123 II 125 consid. 4a ; ATA/434/2020 du 30 avril 2020 consid. 10a).

2.7 D'une manière générale, lorsqu'un enfant a passé les premières années de sa vie en Suisse, il reste encore attaché dans une large mesure à son pays d'origine, par le biais de ses parents. Son intégration au milieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et irréversible qu'un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Avec la scolarisation, l'intégration au milieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il convient de tenir compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scolarité, de l'état d'avancement de la formation professionnelle ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploiter, dans le pays d'origine, la scolarisation ou la formation professionnelle entamée en Suisse. Un retour dans la patrie peut, en particulier, représenter une rigueur excessive pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs années et achevé leur scolarité avec de bons résultats.

L'adolescence, une période comprise entre 12 et 16 ans, est en effet une période importante du développement personnel, scolaire et professionnel, entraînant souvent une intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_75/2011 du 6 avril 2011 consid. 3.4). Le Tribunal fédéral a considéré que cette pratique différenciée réalisait la prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, telle qu'elle est prescrite par l'art. 3 al. 1 CDE (arrêts du Tribunal fédéral 2A.679/2006 du 9 février 2007 consid. 3 ; 2A.43/2006 du 31 mai 2006 consid. 3.1 ; ATA/434/2020 précité consid. 10a).

2.8 Aux termes de l'art. 9 § 3 CDE, « les États parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant (...) ». Aucune prétention directe à l'octroi d'une autorisation de droit des étrangers ne peut toutefois être déduite des dispositions de la CDE (ATF 126 II 377 consid. 5 ; 124 II 361 consid. 3b).

2.9 Selon l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger ainsi que de son intégration.

2.10 En l’espèce, il n’est pas contesté que les recourants sont arrivés en Suisse en juillet 2017 ni qu’ils ne sont, depuis lors, pas retournés au Kosovo. Ils séjournent donc désormais depuis presque six ans à Genève.

La recourante, qui ne semble pas disposer d’une formation, œuvre dans le domaine du nettoyage. Son intégration professionnelle ne revêt ainsi pas une ascension professionnelle remarquable au sens de la jurisprudence. Il convient cependant de relever que son intégration sociale peut être qualifiée de réussie, l’intéressée suivant assidument des cours de français depuis septembre 2021 et semblant avoir acquis un niveau A2. Elle est par ailleurs membre d’un club de gymnastique et a produit des lettres de soutien, soulignant sa volonté d’intégration. Pour le surplus, elle n’a jamais émargé à l’aide sociale, ne présente pas de dette ni n’a fait l’objet d’une condamnation.

Son fils aîné, arrivé à l’âge de 13 ans et dix mois à Genève, y vit depuis lors. Il y a donc passé plus de la moitié de son adolescence et le début de sa vie d’adulte. Il a fréquenté des classes d’accueil, dans lesquelles après un début difficile, il a cependant bien progressé. Ses rapports de stage ont relevé son bon investissement, son aptitude au travail et sa capacité d’adaptation. L’entreprise dans laquelle il a accompli un de ces stages lui a d’ailleurs proposé une place d’apprentissage, dès août 2022. Il suit depuis le 30 août 2021, les cours auprès de l’ECCG H______. Son intégration professionnelle est donc actuellement en cours.

Le jeune homme a produit deux attestations de personnes faisant état de leurs liens d’amitié avec lui, l’une relevant qu’il la soutenait dans ses activités de « cheerleader » d’un club de hockey, l’autre indiquant qu’ils faisaient du sport ensemble. Le recourant a présenté un casier judiciaire vierge, n’a pas de poursuite ni de dettes. Son intégration sociale peut ainsi être qualifiée de réussie.

B______, arrivé à Genève à l’âge de 8 ans et désormais âgé de 14 ans et demi, a accompli une intégration tant scolaire que sociale remarquable. Ses excellents résultats scolaires l’ont amené à fréquenter actuellement le niveau d’exigence le plus élevé au cycle d’orientation, avec de très bonnes notes. Son cercle d’amis est large et les attestations produites témoignent de liens d’amitié forts que l’adolescents a tissés. Le club de sport dont il est membre a loué son caractère « travailleur, volontaire et assidu », ainsi que ses qualités humaines (« très sympathique » et « une personne très appréciée »). Vu la forte intégration scolaire et sociale de B______ à Genève, un retour dans son pays d’origine constituerait pour lui un véritable déracinement, constitutif d'un cas personnel d'extrême gravité.

Il est manifeste que la situation de la famille doit être examinée dans son ensemble et que le sort d’un membre de celle-ci ne saurait être dissocié de celui des autres. Ainsi, la situation de B______ n’est pas à elle seule susceptible de faire reconnaître à la famille entière l’existence d’un cas d’extrême rigueur. Cela étant, il faut relever que les deux enfants de la recourante ont passé à Genève l’un une partie importante de son adolescence et le début de sa vie d’adulte et l’autre le début de son adolescence, soit pour chacun d’eux une période particulièrement importante pour le développement personnel, scolaire et professionnel. Les deux jeunes gens ne sont pas retournés dans leur pays d’origine depuis juillet 2017. Ils n’entretiennent plus de liens affectifs au Kosovo. Une grande partie de leur parenté vit en Suisse, notamment les trois frères de leur mère, qui les élève seule. Ils sont d’ailleurs depuis leur arrivée été logés par leur oncle maternel. Compte tenu de leur jeune âge et du fait qu’ils ne sont pas retournés au Kosovo depuis 2017, il ne peut être retenu qu’ils seraient toujours familiers des us et coutumes de leur pays. Au contraire, le nombre d’années passées en Suisse ainsi que l’âge pendant lequel ils y ont séjourné aura durablement marqué leur développement personnel, social et scolaire, au point d’admettre qu’un retour au Kosovo les exposerait à des difficultés de réintégration très importantes. Si, certes, l’intégration professionnelle de leur mère ne peut être qualifiée de remarquable au sens de la jurisprudence, cet élément doit être mis en balance avec la réintégration gravement compromise des deux frères ainsi que l’intégration sociale réussie de leur mère.

Au vu de l’ensemble de ces circonstances particulières, il y a lieu de considérer que la famille remplit les critères stricts permettant d’admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité justifiant de déroger aux conditions ordinaires d’admission.

Le recours sera ainsi admis et le jugement querellé ainsi que la décision de l'OCPM seront annulés.

Les critères des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA impliquant une situation représentant un cas individuel d'extrême gravité étant remplis, le dossier sera renvoyé à l'OCPM pour suite de la procédure (art. 99 al. 1 et 2 LEI ; art. 85 al. 1 OASA ; art. 5 let. d de l'ordonnance du département fédéral de justice et police relative aux autorisations soumises à la procédure d'approbation et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers du 13 août 2015 (RS 142.201.1).

3.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux recourants (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 janvier 2023 par Madame A______, agissant pour elle, son fils mineur B______ ainsi que Monsieur C______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 22 décembre 2022 ;

au fond :

l’admet ;

annule ce jugement ainsi que la décision de l’office cantonal de la population et des migrations du 21 avril 2022 ;

renvoie la cause à l'office cantonal de la population et des migrations pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.-, solidairement à Madame A______ et Monsieur C______, à la charge de l’État de Genève (OCPM) ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gazmend Elmazi, avocat des recourants, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.