Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/651/2023

ATA/350/2023 du 04.04.2023 ( PROF ) , ACCORDE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/651/2023-PROF ATA/350/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 4 avril 2023

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me François Bellanger, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



Vu le recours interjeté par Monsieur A______, le 24 février 2023 contre l’arrêté du département de la population, de la sécurité et de la santé (ci-après : DSPS) du 9 février 2023 le sanctionnant d’une amende d’un montant de CHF 3'000.- (ch. 1) et limitant son autorisation de pratiquer dans la clinique de chirurgie esthétique à l’enseigne « B______ », sise ______, selon les modalités suivantes : 1) les chirurgies de catégories 2 - actes de chirurgie esthétique majeure selon la norme ISO EN SN 16372 étaient prohibées ; 2) les autres chirurgies étaient autorisées à condition qu’un espace vestiaire (cabine de changement de tenue par exemple, incluant l’ensemble du matériel nécessaire) soit installé dans l’espace de préparation, et vérifié par le service du médecin cantonal (ci-après : SMC) avant mise en exploitation ; 3) l’utilisation des caves de l’établissement médical était prohibée en ce qui concernait les activités liées aux soins, en particulier le stockage du matériel de soins (ch. 2) ; le médecin devait transmettre mensuellement au SMC la liste des opérations programmées (ch. 3) ; la reprise totale de l’activité serait autorisée lorsque les travaux de mise en conformité auraient été effectués et vérifiés par le SMC, dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire auprès de l’office concerné (ch. 4) ; l’arrêté était exécutoire nonobstant recours (ch. 5) ;

que l’arrêté précisait que cette décision faisait suite à des demandes de mise en conformité, réitérées à de multiples reprises par le SMC et la direction générale de la santé (ci-après DGS) depuis 2020 ; que le praticien n’avait toujours pas corrigé les insuffisances et n’avait présenté aucun projet de modification conforme de son bloc opératoire dans le délai imparti par le SMC dans son courrier du 8 novembre 2022 ; qu’en l’absence de correction des déviations constatées, les chirurgies de catégories 2 devaient être prohibées, pour éviter de mettre en danger la sécurité et la santé des patients et dans l’attente d’une mise en conformité des locaux ;

que le recourant a conclu à l’annulation de l’arrêté précité et, préalablement, à l’octroi de l’effet suspensif, à une comparution personnelle des parties et un transport sur place ; qu’il exerçait depuis plus d’une dizaine d’années son activité professionnelle dans des locaux autorisés et validés par l’office des autorisations de construire (ci-après : OAC) et la DGS ; que le 9 octobre 2020, le « groupe risque pour l’état de santé et inspectorat du SMC » (ci-après : GRESI) avait inspecté les locaux de B______ et avait constaté quelques déviations au niveau du bloc opératoire, ce qui avait surpris le recourant ; qu’à compter de cette date, il avait échangé de nombreux courriers avec la DGS et le SMC notamment ; que des travaux avaient été entrepris ; qu’alors que des discussions étaient toujours en cours, le SMC avait prononcé une « décision » ordonnant la suspension immédiate de son activité le 14 juin 2022 ; que le SMC avait toutefois renoncé à cette décision, tout en précisant qu’une nouvelle décision formelle sujette à recours serait notifiée ; que les discussions avaient continué ; qu’à la requête du recourant, la DGS avait inspecté le bloc opératoire le 26 août 2022 ; qu’après l’inspection, le chef de groupe de l’inspectorat de la DGS avait transmis une proposition de plans pour le vestiaire du personnel de la clinique ; que le recourant avait soumis ce plan à un architecte et à un ingénieur protection incendie qui avaient relevé des problèmes quant à la faisabilité, en raison des règles de protection-incendie ; que ces difficultés avaient été détaillées à la DGS le 30 septembre 2022 ; que cette dernière lui avait octroyé un délai au 15 décembre 2022 pour soumettre un projet d’aménagement ; que dans le délai imparti, il avait adressé un courrier recommandé au SMC, accompagné d’un projet de plan, d’un courrier de l’architecte attestant de la conformité du projet soumis ainsi que d’une photo du bloc opératoire avec la mention que les travaux pouvaient commencer des janvier 2023 ; que le SMC n’avait pas donné suite à ce courrier ; qu’au contraire, l’arrêté entrepris, du 10 février 2023, faisait mention de l’absence de réponse dans le délai imparti au 15 décembre 2022 ; que, compte tenu du caractère exécutoire nonobstant recours de l’arrêté du 9 février 2023, le recourant avait dû annuler dans l’urgence toutes les opérations programmées pour les jours et semaines à venir ; qu’il n’avait pas été en mesure de reporter les opérations urgentes avant le mois de mars 2023 ; qu’il était sans activité chirurgicale, sans revenus et que l’entreprise de cinq employés et deux consultants anesthésistes était à l’arrêt ; que ses patients étaient privés de soins, notamment de chirurgie oncologique de la peau, prévue depuis plusieurs semaines et n’avaient pas de solution de remplacement, ce qui pouvait créer un grave danger pour leur santé ;

que le département a conclu au rejet de la demande de restitution de l’effet suspensif ; que le plan annexé au courrier du 15 décembre 2022 ne réglait pas la situation, le vestiaire étant maintenu dans la partie « caves » de l’immeuble ; que le recourant se limitait à affirmer qu’une exécution de la décision lui causait un préjudice économique irréparable, sans le démontrer ; que la décision n’interdisait que les chirurgies de catégories 2 ; que de nombreux délais avaient été accordés au recourant pour remédier aux manquements ; que ceux-ci faisaient courir des risques, notamment infectieux, pour la santé et la sécurité des patients pris en charge par la clinique ; que « l’intérêt privé à une inexécution immédiate de la décision du département, à savoir une limitation de l’activité du recourant lui interdisant momentanément d’effectuer des chirurgies de catégorie 2, ne saurait primer sur l’intérêt public de l’État à prendre une mesure pour faire cesser un état de fait non conforme au droit et susceptible de mettre en danger la santé et la sécurité des patients » ; que de surcroît le recours était manifestement mal fondé ;

que dans sa réplique sur effet suspensif, le recourant a persisté dans ses conclusions ; que pour la première fois le département admettait avoir reçu son courrier du 15 décembre 2022 et se déterminait à son propos ; qu’il renouvelait sa demande de transport sur place ; que son intérêt privé à pouvoir pratiquer la chirurgie de type 2 était important dès lors qu’il avait dû fermer sa clinique à compter du 10 février 2023, de façon abrupte, après deux ans de dialogue et sans que le département ne prenne position sur son plan du 15 décembre 2022 ;

qu’un transport sur place s’est tenu le 30 mars 2023 ;

que, d’entente entre les parties, la cause a été gardée à juger sur effet suspensif à l’issue de celui-ci ;

 

Attendu qu’en droit :

que le recours paraît à première vue recevable ;

que les décisions sur mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d’empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 [LPA - E 5 10] et art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu’aux termes de l’art. 66 LPA, sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que lorsque l'effet suspensif a été retiré ou n'est pas prévu par la loi, l'autorité de recours doit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution ;

qu’elle dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la nature de l'affaire ;

que la restitution de l'effet suspensif est subordonnée à l'existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ou de la norme (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l'autorité de recours n'est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités) ;

que, en cas d'activités contraires à la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03), le département est fondé à engager une procédure visant à faire cesser l'état de fait illégal (art. 126 LS) ; que la LS prévoit la possibilité d'infliger des sanctions disciplinaires aux professionnels de la santé (art. 127 al. 1 LS) ;

que les sanctions administratives peuvent être accompagnées de l’injonction de suivre une formation complémentaire ou de procéder aux aménagements nécessaires pour se mettre en conformité avec les conditions de pratique ou d’exploitation (art. 127 al. 6 LS) ;

que des mesures provisionnelles peuvent être prises pendant la durée de la procédure disciplinaire par le département ou, sur délégation, par le médecin cantonal permettant de limiter l'autorisation de pratiquer ou d'exploiter, l'assortir de charges ou la retirer (art. 127 al. 7 LS) ;

qu’en l’espèce, le prononcé de la décision a été notamment motivé par l’absence de réponse du praticien à la mise en demeure du 8 novembre 2022 du SMC ; que cet élément est toutefois erroné dès lors que l’intéressé y avait donné suite, par pli recommandé du 15 décembre 2022, soit dans le délai qui lui avait été imparti, ce que l’autorité intimée a reconnu ;

que le département s’est toutefois déterminé dans ses écritures sur effet suspensif (et au fond) sur les plans du 15 décembre 2022 en les critiquant au motif que le vestiaire litigieux serait toujours dans les caves ; qu’il ressort toutefois du plan du 15 décembre 2022 que tel n’est pas le cas, le vestiaire étant prévu dans l’espace de la clinique, avant l’espace de préparation du patient ;

que cela a été constaté lors du transport sur place ;

qu’il y a en conséquence eu confusion, par le département, sur l’emplacement du vestiaire ;

qu’à la question de savoir comment le département aurait réagi s’il avait pu prendre connaissance du plan du 15 décembre 2022 et du fait que le vestiaire du personnel n’était pas dans les caves avant le prononcé de l’arrêté litigieux, il a indiqué, lors du transport sur place, que les parties auraient pu continuer à discuter et à chercher des solutions ;

qu’en conséquence une décision exécutoire nonobstant recours n’aurait manifestement pas été prononcée ;

que les parties divergent sur la portée de la décision, ce qui a une incidence sur effet suspensif ;

que le département considère, dans ses écritures, que le praticien « a préféré cesser toute activité et persister dans son déni plutôt que de prendre des mesures a minima pour continuer ses chirurgies, à l’exception de celles qui lui étaient interdites, ou de rechercher une solution pour effectuer momentanément des chirurgies de catégorie 2 dans d’autres endroits » ;

qu’il ressort toutefois de l’arrêté litigieux que les chirurgies de catégories 2 sont prohibées dans la clinique (ch. 1) et que les autres chirurgies sont autorisées à condition qu’un espace vestiaire (cabine de changement de tenue par exemple, incluant l’ensemble du matériel nécessaire) soit installé dans l’espace de préparation, et vérifié par le service du médecin cantonal (ci-après : SMC) avant mise en exploitation (ch. 2) ;

qu’en conséquence, en l’état et en l’absence de l’espace vestiaire et de vérification par le SMC, les autres chirurgies lui sont, à première vue, aussi interdites (ch. 2) à la clinique ;

qu’il ressort par ailleurs du dossier que le bloc opératoire a fait l’objet d’une analyse à son ouverture et que le SMC a validé la conformité des locaux ; qu’en effet, par courrier du 26 février 2013, le SMC, faisant suite à l’inspection effectuée le 6 février 2013, a confirmé, sous concerne « ouverture d’un bloc opératoire dans votre cabinet médical » que les locaux étaient en adéquation avec l’activité y déployée ; qu’il l’avait même félicité « du niveau de qualité des locaux et installations » ;

qu’à ce titre, l’allégation du département lors du transport sur place selon laquelle l’autorité qui y avait procédé n’était pas compétente et que ledit courrier serait non avenu ne peut pas, en l’état de la procédure et sans préjudice de l’examen au fond, être déterminant, notamment au vu de l’apparence qu’il a créée auprès de l’administré qui a pris de nombreuses dispositions en fonction ;

que, de surcroît, le praticien a effectué de nombreux travaux, conformément à la demande du département ;

que le plan proposé par le département par courriel du 7 septembre 2022 ne semble, à première vue, au vu des critiques de l’architecte et surtout de l’ingénieur incendie, pas être réalisable ;

que de surcroît, lors du transport sur place, les parties ont pu ébaucher une solution que le CMC a pu valider consistant à ajouter une porte entre l’espace patient et le vestiaire du personnel à construire ; que le praticien avait précisé en décembre 2022 que des travaux pourraient être entrepris dès janvier 2023 ; qu’il a renouvelé son souhait de se conformer à la requête du département en lien avec le vestiaire du personnel ; que l’avancement des démarches pourra être analysé plus en détail dans le cadre de l’examen au fond de ce dossier ;

que la clinique a fonctionné pendant quelque dix années, à la suite d’une autorisation et d’un courrier confirmant sa conformité à différentes normes ISO, étant précisé qu’elles n’ont, prima facie et de l’avis des parties, pas été modifiées sur des points pertinents ;

que le médecin n’a jamais fait l’objet de sanction ;

que l’intérêt à la santé et la sécurité des patients est indéniablement très important ;

que l’intérêt du recourant à pouvoir continuer de pratiquer, de garder sa clinique ouverte, les emplois qui y sont liés et la viabilité de son entreprise l’est aussi ;

que les parties discutaient depuis plus de deux ans, soit depuis le rapport du 9 octobre 2020 lorsque l’arrêté du 10 février 2023 a été prononcé, notamment au motif erroné de l’absence de réponse du médecin à la lettre du 8 novembre 2022 ;

qu’au contraire, le praticien avait répondu et soumis une proposition de plan, comme demandé, dans le délai, et attendait une prise de position de l’autorité intimée ;

que, dans ces conditions, le caractère exécutoire nonobstant recours de l’arrêté du 9 février 2023 apparaît disproportionné ;

que l’intérêt public n’apparaît pas mis en péril de façon si importante que l’intérêt privé du praticien à pouvoir continuer à exercer dans l’attente de la validation par l’État des plans ne puisse primer ;

que le département a d’ailleurs attendu huit mois depuis sa décision du 14 juin 2022, qu’il avait au demeurant annulée ;

que de même, il n’a pas réagi immédiatement après le 15 décembre 2022, ne prononçant l’arrêté que le 9 février 2023 ;

que ces délais relativisent fortement l’urgence ;

qu’il existe en conséquence de justes motifs résidant dans l’intérêt privé prépondérant du recourant à l’absence d’exécution immédiate de la décision ;

que dans ces conditions l’effet suspensif sera restitué au présent recours ;

que la question des frais sera tranchée au fond ;

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

restitue l’effet suspensif au recours interjeté le 24 février 2023 par par Monsieur A______ contre l’arrêté du département de la population, de la sécurité et la santé du 9 février 2023 ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique la présente décision à Me François Bellanger, avocat du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

 

 

le vice-président :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :