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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3101/2022

ATA/86/2023 du 30.01.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3101/2022-EXPLOI ATA/86/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 janvier 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______
représentée par Me Pierre Ochsner, avocat

et

Monsieur B______

contre

SERVICE DE POLICE DU COMMERCE ET DE LUTTE CONTRE LE TRAVAIL AU NOIR



EN FAIT

1) Le 25 avril 2018, le service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) a autorisé Monsieur B______ à exploiter le café-restaurant à l’enseigne « C______ », propriété de la société A______ (ci-après : la société), situé rue du D______ à Genève.

2) Le 22 juin 2022, l’associé gérant de la société a informé le PCTN que celle-ci allait engager dès le 1er juillet 2022 un nouvel exploitant pour remplacer M. B______. Le formulaire prévu à cet effet et les documents requis allaient être envoyés dans les plus brefs délais.

3) Par courrier du 4 juillet 2022, dont une copie a été adressée à M. B______, le PCTN a imparti à la société un délai au 5 août suivant pour désigner un nouvel exploitant et déposer une requête en changement d’exploitant. À défaut, la caducité de l’autorisation d’exploiter de M. B______ serait constatée. Dans le même délai, la société était invitée à faire valoir son droit d’être entendue.

4) Le 8 août 2022, la société a déposé une requête en autorisation d’exploiter désignant un nouvel exploitant. Celle-ci étant incomplète, le PCTN n’est pas entré en matière et l’a retournée le lendemain au nouvel exploitant désigné.

5) Par décision du 29 août 2022, notifiée à M. B______, le PCTN a constaté la caducité de l’autorisation d’exploiter du 25 avril 2018.

6) Le 22 septembre 2022, M. B______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

Il n’avait pas pu répondre aux courriers et courriels qu’il avait reçus car il avait été absent de son travail pendant une longue période suite à deux accidents. La « patronne » du restaurant avait demandé à une tierce personne de solliciter une nouvelle autorisation d’exploiter, qui avait été refusée. Il souhaitait se voir délivrer « une autorisation provisoire afin de pouvoir rouvrir le restaurant » le temps de compléter et mettre à jour les documents requis, étant précisé que toutes les démarches en ce sens avaient été entreprises.

7) Le 2 novembre 2022, le PCTN a conclu au rejet du recours et à la confirmation de la décision du 29 août 2022. La chambre de céans devait statuer sur la recevabilité du recours.

Le recourant ne demandait pas l’annulation de la décision querellée, mais la délivrance d’une autorisation d’exploiter provisoire, ce qu’il ne pouvait pas obtenir par le biais de la présente procédure.

Ni M. B______ ni la société n’avaient exercé leur droit d’être entendus à la suite du courrier du 4 juillet 2022. Par ailleurs, aucune nouvelle requête complète en autorisation d’exploiter n’avait encore été déposée concernant le restaurant C______. Or, dans la mesure où, à teneur des certificats médicaux produits à l’appui de son recours, le recourant ne se trouvait plus en arrêt de travail à partir du 7 juillet 2022, rien ne l’empêchait depuis cette date de faire valoir son droit d’être entendu ni d’effectuer toutes démarches nécessaires. Au surplus, le recourant ayant été en incapacité de travail plus de 3 mois consécutifs, une autorisation à titre précaire aurait dû être demandée. Il était ainsi présumé avoir renoncé à son autorisation d’exploiter.

En tout état, rien ne justifiait la délivrance d’une autorisation d’exploiter provisoire dont les conditions n’étaient, au demeurant, pas réalisées. Compte tenu de l’effet suspensif rattaché au recours, le recourant pouvait continuer à exploiter le restaurant le temps de la présente procédure et disposait encore de la possibilité de déposer en tout temps une telle requête.

8) Le 29 novembre 2022, un avocat s’est constitué pour la défense des intérêts de « C______ » et a sollicité un délai au 16 janvier 2023 pour répliquer.

9) Le 30 novembre 2022, la chambre de céans a accordé au recourant une unique prolongation au 22 décembre 2022 pour produire son écriture.

10) Le recourant n’ayant pas fait usage de son droit à la réplique, les parties ont été informées le 11 janvier 2023 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous cet angle (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite la délivrance d’une autorisation d’exploiter provisoire.

a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2, 1ère phr.).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/1156/2019 du 19 juillet 2019 consid. 2 et les références citées).

b. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/499/2021 du 11 mai 2021 consid. 2a).

c. En l’espèce, la décision attaquée, désignée comme telle par le recourant, constate la caducité de l’autorisation de ce dernier d’exploiter le restaurant concerné. Dans son recours, l’intéressé ne prend pas de conclusions formelles en annulation de cette décision, mais indique n’avoir pas été en mesure de donner suite aux courriers qu’il avait reçus concernant la validité de son autorisation d’exploiter et demande « une autorisation provisoire afin de pouvoir rouvrir le restaurant » le temps d’effectuer les démarches visant à régulariser sa situation.

Si l’on peut déduire de ce qui précède que le but du recourant est de remettre en cause la caducité de son autorisation pour pouvoir continuer à exploiter le restaurant afin d’éviter que celui-ci ne ferme, sa demande visant à être mis au bénéfice d’une autorisation provisoire s’avère, en application de la jurisprudence précitée, exorbitante à l’objet du présent litige.

En conséquence, la chambre de céans déclarera le recours recevable en tant qu’il porte sur la conformité au droit du constat de la caducité de l’autorisation d’exploiter du recourant prononcé par l’intimé le 29 août 2022 et ne statuera que sur cette question. Les conclusions du recourant concernant la délivrance d’une autorisation d’exploiter provisoire sont en revanche irrecevables.

3) a. La loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement du 19 mars 2015 (LRDBHD - I 2 22) règle les conditions d'exploitation des entreprises vouées à la restauration et/ou au débit de boissons à consommer sur place, à l'hébergement, ou encore au divertissement public (art. 1 al. 1 LRDBHD).

b. Est exploitant la ou les personnes physiques responsables de l'entreprise, qui exercent effectivement et à titre personnel toutes les tâches relevant de la gestion de celle-ci (art. 3 let. n LRDBHD ; art. 40 al. 1 du règlement d'exécution de la LRDBHD du 28 octobre 2015 - RRDBHD - I 2 22.01).

Le propriétaire est défini comme la personne physique ou morale qui détient le fonds de commerce de l'entreprise, soit les installations, machines et autres équipements nécessaires à l'exercice de l'activité de celle-ci, et qui désigne l'exploitant (art. 3 let. o LRDBHD ; art. 39 al. 1 RRDBHD).

c. L'art. 8 LRDBHD soumet l'exploitation de toute entreprise vouée à la restauration, au débit de boissons et à l'hébergement, à l'obtention préalable d'une autorisation d'exploiter délivrée par le département (al. 1), qui doit être requise lors de chaque création, changement de catégorie ou de lieu, agrandissement et transformation, changement d'exploitant ou de propriétaire de l'entreprise, ou modification des conditions de l'autorisation antérieure (al. 2).

Selon l’art. 9 let. f LRDBHD, l'autorisation d'exploiter une entreprise est délivrée à notamment à condition que l'exploitant soit désigné par le propriétaire de l’entreprise, s’il n’a pas lui-même cette qualité.

Une requête est valablement déposée lorsqu'elle est complète (art. 19 al. 1 let. c RRDBHD).

d. À teneur des art. 13 al. 3 LRDBHD et 37 al. 4 et 5 RRDBHD, en cas de changement d'exploitant, le département accorde au propriétaire un délai de 30 jours suivant la cessation d’activité de l’ancien exploitant pour désigner un nouvel exploitant et déposer une requête complète pour changement d’exploitant au sens de l’art. 18 al. 2 du règlement, avant de constater la caducité de l'autorisation. Durant ce délai, l'entreprise peut être exploitée soit par l'ancien exploitant, soit par le propriétaire. Ce dernier doit indiquer au PCTN dans ce même délai qui, de l’ancien exploitant ou de lui-même, assume l’exploitation de l’établissement durant la période de désignation. À défaut d’avoir entrepris ces démarches à temps, l'exploitation doit cesser à la date de fin d'activité de l'ancien exploitant et le PCTN constate la caducité de l’autorisation d’exploiter. Pour le surplus, les mesures et, le cas échéant, les sanctions administratives relatives au défaut d’autorisation s’appliquent.

e. En cas d’empêchement durable, l’exploitant autorisé doit requérir une autorisation d’exploiter à titre précaire. À défaut, il est présumé avoir renoncé à son autorisation d'exploiter (art. 34 al. 9 RRDBHD). Sont notamment considérés comme empêchements durables la maladie ou l’accident entraînant une incapacité de travail d’au moins 3 mois continus, dûment établie par un certificat médical (art. 34 al. 10 RRDBHD).

f. En l’espèce, lorsque la société propriétaire du restaurant a informé le service intimé de son intention de changer d’exploitant, un délai lui a été imparti au 5 août 2022 pour désigner un nouvel exploitant et déposer une requête en ce sens. Toutefois, ni la propriétaire ni le recourant, auquel l’intimé avait adressé copie de son courrier du 4 juillet 2022, n’ont réagi à ce dernier, étant précisé que le recourant a recouvré sa pleine capacité de travail dès le 7 juillet 2022, soit un mois avant l’échéance du délai.

La requête en autorisation d’exploiter, désignant un nouvel exploitant, déposée par la propriétaire après l’échéance du délai précité, s’étant avérée incomplète, ce qui n’est pas remis en cause, c’est conformément aux dispositions applicables que l’intimé n’est pas entré en matière.

Par ailleurs, dans la mesure où, malgré l’absence pour incapacité de travail de l’exploitant pendant plus de 3 mois, aucune demande d’autorisation d’exploiter à titre précaire n’a été déposée, il ne peut être reproché à l’intimé d’avoir considéré que le recourant était présumé avoir renoncé à son autorisation d’exploiter.

Dans ces circonstances, compte tenu du silence tant de la propriétaire que de l’exploitant du restaurant et faute d’avoir reçu une requête complète d’autorisation pour un nouvel exploitant, c’est conformément au droit et sans abuser de son pouvoir d’appréciation que le service intimé a constaté la caducité de l’autorisation d’exploiter du recourant.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de M. B______ et A______, pris solidairement (art. 87 al. 1 LPA) et il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure de sa recevabilité, le recours interjeté le 22 septembre 2022 par A______ et Monsieur B______ contre la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir du 29 août 2022 ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de A______ et Monsieur B______, pris solidairement ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Pierre Ochsner, avocat de la recourante, à Monsieur B______, ainsi qu'au service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Meyer

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :