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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1619/2021

ATA/38/2023 du 17.01.2023 sur JTAPI/284/2022 ( ICCIFD ) , ADMIS

Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;ACTIONNAIRE;TAUX D'INTÉRÊT;PRINCIPE EN MATIÈRE DE DROIT FISCAL;FARDEAU DE LA PREUVE;IMPÔT SUR LE CAPITAL;PERSONNE PROCHE;CALCUL DE L'IMPÔT;REPRISE;INTÉRÊT(FRUIT CIVIL);ACTION(PAPIER-VALEUR);PRÊT À USAGE;APPORT(SOCIÉTÉ);FONDS ÉTRANGERS;BÉNÉFICE(DROIT FISCAL);CAPITAL PROPRE DISSIMULÉ;MARCHÉ(ECONOMIE);PRIX
Normes : LIPM.27; LIPM.28; LIPM.30; LIFD.65; LPA.19; LPA.22
Résumé : Contestation par l’AFC-GE d’un jugement du TAPI annulant des reprises effectuées par l'AFC-GE dans la taxation de la société au titre de capital propre dissimulé, des prêts ayant été octroyés par Tamedia, en même temps que cette dernière devenait actionnaire majoritaire de la contribuable. Pour analyser la question de l’existence ou non de capital propre dissimulé, il convient d’examiner si le prêt a été octroyé par un actionnaire ou un proche de la société. Or, de manière concomitante, le prêt a été octroyé au même moment ou Tamedia devenait actionnaire, à des conditions plus favorables (taux d’intérêt) pour la contribuable que le prêt qu’elle avait précédemment obtenu d’un tiers absolu, et donc octroyé en raison de la position de Tamedia. La société n’a pas démontré que les conditions du prêt étaient conformes au marché. Il s’agit donc d’un capital dissimulé, dont la contribuable n’a pas contesté le montant. Recours de l’AFC-GE admis et annulation du jugement du TAPI. Les décisions sur réclamation de l’AFC-GE seront rétablies.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1619/2021-ICCIFD ATA/38/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 17 janvier 2023

4ème section

 

dans la cause

 

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

contre

A______ SA

et

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2022 (JTAPI/284/2022)


EN FAIT

1) Le litige concerne la taxation 2018 de A______ SA
(ci-après : la contribuable ou la société), dont le siège se trouve à Genève.

Selon l’extrait du registre du commerce, la société a pour but la commercialisation et l’exploitation de produits d'information, de publicité et de divertissement sur tout support lié aux médias numériques et aux nouvelles technologies de l'information ainsi qu’aux opérations et participations s'y rapportant.

2) Le 7 juillet 2015, la société et B______ (ci-après : B______) ont conclu un contrat de prêt convertible.

À teneur de cette convention, B______ accordait à la société un prêt de CHF 5'000'000.- (ch. 2.1 du contrat), dont les intérêts étaient inclus dans une prime de non-conversion de 12.1 % (ch. 3.1). B______ avait un droit de conversion en actions privilégiées de la société, jusqu’au remboursement complet du montant du prêt et de la prime de non-conversion (ch. 6.1). En garantie du prêt, B______ obtenait le nantissement de toutes les actions nominatives de la société détenues par l’actionnaire (ch. 7.1 a) et une cession des créances de la société (ch. 7.1 b). Sauf dans le cas où B______ exerçait son droit de conversion, la société devait rembourser le prêt par tranches, multipliées par « un facteur prime de non-conversion » (ch. 8.1).

Un acte de nantissement a été conclu le même jour entre les deux parties ainsi que quatre actionnaires de la société, MM. C______, D______, E______ et F______. La société et B______ ont également conclu une convention de cession de créances.

3) Au passif de son bilan 2015, la société a fait état d’un prêt convertible de CHF 4'000'000.-. Cet emprunt, qui figurait pour un montant de CHF 5'200'000.- à son bilan 2017, a été entièrement amorti au 31 décembre 2018.

4) Par contrat d’achat d’actions daté du 14 juillet 2017, G______ SA
(ci-après : G______) a acquis 52.3 % du capital-actions de la société (ch. 2.1). Les parties convenaient que le prix d’achat et la valeur des actions seraient déterminés par elles sur la base des états financiers intermédiaires révisés de la société par H______ Zurich. En cas de désaccord sur le prix, chacune d’elles pouvait demander à un expert indépendant la détermination du prix (ch. 2.3).

Il était en outre prévu que les quatre actionnaires susmentionnés, ainsi que G______, accordent des crédits à la société, lesquels devaient être formalisés dans des conventions séparées. Le montant des prêts des actionnaires correspondait à un pourcentage du prix de vente perçu par eux. Le prêt consenti par G______ équivalait au solde des prêts à rembourser (ch. 4.3.1). En échange, les vendeurs devaient faire en sorte que B______ et des prêteurs tiers libèrent les actions mises en gage conformément à l’acte de nantissement (ch. 4.3.2 a) et que la société rembourse le prêt accordé par les tiers et par B______, y compris la prime de non-conversion (ch. 4.3.2 k). G______ devait payer le prix d’achat moins le montant total de tous les prêts (ch. 4.3.3 a iv).

L’annexe 2.2 comprenait un calcul de la valeur de la société
(CHF 24'424'000.-), dont il convenait de déduire la dette nette (CHF 5'598'000.-), ce qui aboutissait à une valeur des fonds propres de CHF 18'826'000.- et à une valeur par action de CHF 61.25.

5) Par contrat du 28 février 2018, G______ a accordé un prêt de CHF 4'006'691.- à la société afin de financer le remboursement de B______ évoqué dans le contrat d’achat d’actions du 14 juillet 2017. Le taux d’intérêt était celui du Libor à trois mois, majoré de 4 % l’an.

Le même jour, MM. C______, D______, E______ et F______ lui ont consenti un crédit d’un montant respectif de CHF 1'591'149.-, CHF 1'034'878.-, CHF 33'281.- et CHF 228'998.-. Ces prêts avaient également pour but de financer le remboursement de B______, le taux d’intérêts étant celui du Libor à trois mois, majoré de 4 % l’an.

6) Le 27 septembre 2019, la société a déposé sa déclaration fiscale 2018, à laquelle était jointe une annexe aux comptes, dont il ressortait aux chiffres 8 et 9 que les prêts des actionnaires étaient « subordonnés ».

7) Par bordereaux datés du 13 août 2020, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) a taxé la société pour l’année 2018 sur la base d’un bénéfice nul (la perte se chiffrant à CHF 5'035'702.-) et d’un capital imposable de CHF 3'029'551.-.

Ce faisant, elle a effectué diverses reprises au niveau du bénéfice et du capital imposables, en application de la circulaire n° 6 de l'administration fédérale des contributions (ci-après : AFC-CH) du 6 juin 1997 sur le capital propre dissimulé des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives (ci-après : la circulaire n° 6).

Ces reprises se présentaient comme suit :

Mont. déclarés

Montants retenus

Capital propre dissimulé

217'389

2'729'551

Intérêts sur le capital
propre dissimulé

0

68'991

Intérêts excessifs

0

107'229

Total des intérêts non admis

176'220

Intérêts insuffisants

9

1'520

Le capital propre dissimulé se calculait de la manière suivante :

 

En fin d’exercice

Dettes envers les actionnaires, les associés et les proches

6'261'004

Dettes envers les tiers

7'909'767

Dettes totales

14'170'771

Endettement admis

-9'905'132

Réserves négatives nettes

-1'536'088

Capital propre dissimulé

2'729'551

Dans la rubrique « observations », l’AFC-GE a indiqué qu’elle n’était liée ni par le nouveau contrat de prêt, ni par les modalités conclues entre la société et ses actionnaires. Ce contrat devait être considéré comme nouveau et ne présentait pas de lien avec le précédent. Les conditions énoncées dans la circulaire n° 6, ainsi que dans les lettres-circulaires annuelles devaient être strictement respectées. Par ailleurs, puisque la preuve d’un financement de tous les actifs apportés par des tiers absolus dans des conditions identiques au moment de la conclusion du nouveau contrat faisait défaut, le calcul « classique » en matière de capital propre dissimulé devait s’appliquer.

8) Le 16 septembre 2020, la société a élevé réclamation à l’encontre des bordereaux en demandant d’être taxée sur la base des éléments qu’elle avait déclarés.

En 2015, sa situation financière était telle qu’elle n’avait guère trouvé d’institutions disposées à la financer et elle avait dû accepter les conditions
quasi-usuraires imposées par B______, à savoir un taux de 12.1 % sur huit ans, ce qui revenait à un coût de près de 100 % sur une telle période. Souscrit auprès d’un tiers absolu, cet emprunt servait de référence objective de financement que la société pouvait obtenir dans sa situation prévalant en 2015.

En 2017, deux personnes physiques, également tiers absolus, lui avaient prêté CHF 200'000.- aux mêmes conditions que le prêt susmentionné. La même année, elle avait négocié un nouveau financement de CHF 4'000'000.- auprès d’un autre tiers, G______.

Les fondamentaux de sa solvabilité et sa capacité d’emprunt étaient demeurés essentiellement les mêmes, en fonction des critères retenus par les circulaires de l’AFC-CH, entre le moment de l’octroi du prêt par B______ et celui du financement par G______. Le coût du financement des prêts sur le marché libre n’avait pas non plus varié entre 2015 et 2018, ainsi qu’il résultait des lettres circulaires de l’AFC-CH sur les taux d’intérêt admis fiscalement sur les avances ou les prêts en francs suisses. Dès lors, le prêt accordé par B______ représentait une transaction comparable pouvant servir à déterminer le taux d’intérêt appliqué.

En 2017, lorsqu’elle avait négocié l’emprunt avec G______, cette société était encore un tiers absolu et cette dernière n’aurait pas accepté d’acquérir une participation si les conditions du prêt avaient été moins favorables. Le but du prêt accordé par G______ et par les actionnaires minoritaires était de rembourser B______, afin de se libérer de son prêt.

9) Par décisions du 31 mars 2021, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation en ce sens qu’elle a annulé la reprise pour intérêts excessifs et l’a rejetée pour le surplus. Ce faisant, la perte est passée de CHF 5'035'702.- à CHF 5'142'931.- . Le même jour, l’AFC-GE a notifié à la société des bordereaux de taxation rectificatifs pour tenir compte de l’admission partielle de sa réclamation.

Le redressement de CHF 2'729'551.- au niveau du capital correspondait à la requalification de ce montant en capital propre dissimulé et s’inscrivait dans le cadre du financement et de l’endettement admis de la société, ainsi que dans celui de la double imposition économique. Le prêt de G______ devait être considéré comme un nouveau prêt. C’était la situation au 31 décembre 2018 qui était déterminante pour analyser la question de la sous-capitalisation.

La société reconnaissait qu’en 2015, sa situation était telle qu’elle n’avait pas trouvé d’institutions disposées à la financer. Cela signifiait que le crédit lui avait été accordé en raison de la position des actionnaires à la date de bouclement. Une opération d’assainissement aurait dû être opérée lors du changement d’actionnariat afin d’éviter que la société ne se trouvât en situation de surendettement après coup. Un capital propre dissimulé étant constaté, il convenait d’effectuer une reprise au titre d’intérêts sur le capital propre dissimulé.

10) Par acte du 6 mai 2021, la société a interjeté recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) à l’encontre des décisions précitées, concluant à l’annulation des reprises au titre de capital propre dissimulé, ainsi que des intérêts non admis, le tout sous suite de dépens.

Elle a repris, en les développant, les arguments exposés dans sa réclamation.

11) Dans sa réponse du 13 août 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Le prêt accordé par B______ avait été garanti par les actionnaires de la contribuable. Or, selon la circulaire n° 6, il n’y avait pas de capital propre dissimulé à la double condition que le capital propre étranger soit fourni par des tiers étrangers et que ni les porteurs de parts, ni leurs proches, ne le garantissent. Le crédit octroyé par G______ et par les actionnaires minoritaires était conditionné à l’existence du contrat d’achat d’actions du 17 juillet 2017. Même si en 2017, ils devaient accorder des prêts d’actionnaires à la recourante, ils étaient à tout le moins des proches de la société au 1er janvier 2018.

12) Par réplique du 20 septembre 2021, la société a maintenu son recours.

L’AFC-GE invoquait l’existence d’une situation inusuelle sur un marché entre tiers, mais ne décrivait pas en quoi un tiers prêteur se serait comporté de manière différente que B______ ou G______.

13) Dans sa duplique du 5 novembre 2021, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse. Il ne lui incombait pas de démontrer que la recourante était sous-capitalisée, mais à cette dernière de prouver le contraire. La recourante n’apportait pas d’autres moyens de preuve démontrant que le financement dans le cas concret était conforme aux conditions du marché.

14) Par jugement du 21 mars 2022 (JTAPI/284/2022), le TAPI a déclaré le recours de la société irrecevable en ce qu’il concernait l’IFD, et admis le recours pour l’ICC.

L’autorité intimée soutenait à tort que le contrat d’achat d’actions du
14 juillet 2017 était conditionné aux crédits octroyés à la société le 28 février 2018. G______ n’était ni actionnaire, ni proche de la recourante, au moment de la conclusion du contrat d’achat d’actions. En outre, ni ce dernier contrat ni ceux du 28 février 2018 ne prévoyaient que les actionnaires de la recourante, en sa qualité d’emprunteuse, n’étaient tenus de fournir des garanties réelles ou personnelles. Ainsi, les crédits avaient été accordés par des tiers indépendants le 28 février 2018, ce qui excluait l’existence de capital propre dissimulé et donc le prélèvement d’intérêts à cet égard.

Ce jugement a été notifié à l’AFC-GE par courrier interne.

15) Par acte du 25 avril 2022, l’AFC-GE a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), contre le jugement précité, concluant à son annulation.

Le TAPI avait exclu à tort l’existence de capital propre dissimulé. L’intimée n’avait pas apporté la preuve que les prêts octroyés par ses actionnaires étaient conformes aux conditions du marché. C’était donc à bon droit que le capital propre dissimulé de CHF 2'729'551.- avait été arrêté à ce montant. En outre, les créances avaient été postposées, ce qui constituait du capital propre dissimulé selon la jurisprudence.

Contrairement à ce que le TAPI avait retenu, G______ était devenue actionnaire possiblement en juillet 2017 déjà mais au plus tard le 28 février 2018, et le montant versé au titre de prêt à cette même date devait être qualifié de prêt d’actionnaire. Le fait que le prix d’achat des actions corresponde au prix du marché n’était pas déterminant, et ne permettait pas de tirer des conclusions quant à l’existence ou non de prêts des actionnaires. Les achats d’actions de la recourante par G______ et l’engagement de cette dernière à consentir un prêt à la société, ainsi que par les anciens actionnaires, devaient être appréhendés globalement, car seule la réalisation de chacune des conditions suspensives permettait de conclure la transaction dans son ensemble.

Le contrat de vente des actions du 17 juillet 2017 était conditionné à l’octroi de prêts de la part des actionnaires. C’était le 28 février 2018 que G______ avait acquis une majorité des actions de la contribuable et que cette dernière s’était vue octroyer un prêt de la part de G______. Ce prêt octroyé à la contribuable par G______ devait être qualifié de prêt d’actionnaire, car il était conditionné à l’existence du contrat d’achats d’actions du 17 juillet 2017. Il s’agissait d’une condition sine qua non, selon les termes de la contribuable. Si G______ n’avait pas été placée en position d’actionnaire majoritaire, elle n’aurait pas accordé de prêt à la contribuable. C’était donc de manière injustifiée que le TAPI scindait l’acquisition d’actions et le prêt en deux opérations indépendantes, pour considérer in fine que les prêts avaient été accordés par des tiers indépendants.

16) Dans ses observations du 23 juin 2022, la contribuable a conclu à l’irrecevabilité du recours de l’AFC-GE et au fond, à son rejet.

Le délai de recours avait expiré le 22 avril 2022. Le recours du 25 avril 2022 était donc irrecevable. En effet, elle avait reçu le jugement le 23 mars 2022, selon le suivi des envois de la poste, de telle sorte qu’il y avait une présomption naturelle que l’AFC-GE avait reçu le jugement à la même date, soit le lendemain de sa remise en courrier interne.

Sur le fond, l’AFC-GE développait son argumentation sur quatre points : le prix de vente des actions, l’appréciation globale de l’achat d’actions par G______ et l’octroi des prêts, les garanties personnelles ou réelles et enfin la postposition du prêt de G______.

Le prix de vente des actions était contractuellement déterminé et en conformité avec le prix du marché. L’AFC-GE retenait à tort que les prêts prévus par ce contrat soient requalifiés en fonds propres imposables, le lien d’actionnariat n’étant pas établi à la date du contrat du 17 juillet 2017 concernant les prêts.

Elle ne contestait pas la congruence des transactions inclues dans le contrat du 17 juillet 2017 ni leur exécution simultanée le 28 février 2018, ni le fait que le contrat de financement prévu par le contrat du 17 juillet 2017 visait au remplacement du prêt de B______. Les conclusions tirées par l’AFC-GE de ces faits étaient en revanche erronées. En effet, les conditions du prêt avaient été négociées avant la conclusion du contrat de vente d’actions du 17 juillet 2017, lorsque G______ était encore un tiers absolu par rapport à elle-même et à ses actionnaires-vendeurs. Les conditions de l’octroi du financement correspondaient au principe de pleine concurrence et constituaient un rapport concret de financement conforme aux conditions du marché, au sens de la circulaire no 6.

Le financement accordé par G______ ne prévoyait au demeurant de garanties ni personnelles ni réelles par les actionnaires de la contribuable. Le prêt était conforme aux conditions du marché et visait à remplacer le financement de B______, un tiers absolu, ce qui n’était pas contesté par l’AFC-GE.

Enfin, la question de la postposition du prêt n’était d’aucune aide à
l’AFC-GE pour qualifier ce prêt de capital propre dissimulé, les jurisprudences citées étant distinctes de la situation d’espèce.

17) Dans sa réplique du 11 août 2022, l’AFC-GE a souligné que le recours était recevable, ayant été reçu par courrier interne le 24 mars 2022, comme l’attestait la date apposée sur le document.

Le prêt de B______ aurait déjà pu être qualifié de capital propre dissimulé si la contribuable avait rempli sa déclaration d’impôts de manière conforme à la vérité. Ces éléments n’avaient pas été mentionnés par le TAPI dans son jugement. En outre, l’intimée ne démontrait pas que le rapport de financement était conforme aux conditions du marché. Le jugement contesté ne se prononçait pas sur la postposition d’une partie des prêts, alors même que selon la jurisprudence, la postposition des créances des actionnaires justifiait qu’elles soient assimilées à du capital propre dissimulé, à hauteur au minimum de CHF 1'596'106.-.

18) Dans sa duplique du 21 septembre 2021, la société a repris son analyse de la recevabilité du recours et a souligné que la postposition du prêt ne constituait pas, à elle seule, un indice définitif de l’existence du capital propre dissimulé.
L’AFC-GE ne pouvait rien tirer en l’espèce de la postposition du prêt pour appuyer ses allégations de capital propre dissimulé.

19) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) a. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10).

b. Se pose toutefois la question de savoir si le recours a été formé dans le délai légal, ce que conteste l’intimée.

Le jugement a été notifié à l’AFC-GE par courrier interne. Selon le tampon apposé par le secrétariat de la direction des affaires juridiques de l'AFC-GE, le jugement litigieux aurait été notifié le 24 mars 2022. Dans la mesure où aucun élément concret ne permet de remettre en cause cette date, le délai de recours est arrivé à échéance le 23 avril 2022, reporté au premier jour ouvrable suivant, soit le 25 avril 2022. Ainsi, déposé auprès du guichet de la chambre de céans le 25 avril 2022, le recours est recevable. Le fait que ledit jugement ait été notifié le 23 mars 2022 à l'intimée n'y change rien. Cela ne remet pas non plus en cause la date de réception précitée auprès de l'autorité fiscale, dans la mesure où le TAPI a envoyé ce jugement par courrier recommandé à la contribuable et par courrier interne à l'AFC-GE. Le mode d'acheminement différent explique la différence d'un jour invoquée par l'intimée.

2) Le litige porte sur le bien-fondé de l’annulation par le TAPI de la reprise dans la taxation de l’ICC 2018 de la contribuable au titre de capital propre dissimulé, ainsi que les intérêts y relatifs. La recourante conteste en particulier l’analyse du TAPI s’agissant des personnes ayant octroyé les prêts litigieux, qui, pour elle, sont des actionnaires de la société.

a. Selon l'art. 27 de la loi sur l’imposition des personnes morales du 23 septembre 1994 (LIPM - D 3 15), l'impôt sur le capital a pour objet le capital propre. Le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives comprend le capital-actions et le capital-participation ou le capital social libéré, les réserves ouvertes et les réserves latentes constituées au moyen de bénéfices imposés (art. 28 al. 1 LIPM).

b. L’art. 30 LIPM, intitulé capital propre dissimulé, prévoit que le capital propre imposable des sociétés de capitaux et des sociétés coopératives est augmenté de la part de leurs fonds étrangers qui est économiquement assimilable au capital propre.

D’après les travaux préparatoires concernant l’art. 30 LIPM, cette disposition est destinée à « lutter contre la sous-capitalisation et sert à éviter que des ayants droit économiques d'une société de capitaux [ ] ne perçoivent un bénéfice de cette entité sous forme d'intérêts. Étant donné que ces derniers sont considérés comme une charge déductible du résultat de la société débitrice, ce moyen permettrait, en l'absence de correction fiscale, d'éluder la règle selon laquelle le bénéfice à disposition des actionnaires doit provenir du bénéfice net soumis à l'impôt sur le bénéfice de la personne morale. Le critère permettant de définir si l'on est en présence d'un financement étranger authentique est celui de savoir si un tiers indépendant aurait exposé des fonds aux mêmes risques que le
créancier-actionnaire. Sur cette base, le législateur fédéral a introduit [ ] dans la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du 14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14 ; art. 29 al. 3) [ ] une clause générale permettant de considérer comme des fonds propres imposables la part de fonds étrangers (prêts, endettement) qui est économiquement assimilable à des fonds propres » (Mémorial des séances du Grand Conseil de la République et canton de Genève, 1995/IV, séance 35, pp. 4185-4189 ;
ATA/435/2008 du 27 août 2008 consid. 4b).

Il peut y avoir un avantage important, pour une société de capitaux, à disposer des fonds nécessaires sous forme de prêt de l'actionnaire plutôt que de fonds propres, puisque les intérêts passifs dus sont déductibles du bénéfice imposable. Fiscalement, ce procédé n'est toutefois pas admis lorsque le prêt joue économiquement le rôle de fonds propres et qu'ainsi des intérêts passifs déductibles sont payés à l'actionnaire en lieu et place de dividendes (non déductibles) qui ne peuvent l'être. Ces fonds étrangers sont alors traités comme du capital propre dissimulé et les intérêts y relatifs ajoutés au bénéfice imposable. Le financement étranger est considéré comme économiquement assimilable au capital propre lorsque la société obtient l'apport des fonds en question d'un détenteur de parts ou d'une personne qui lui est proche, qu'elle n'aurait pas pu, par ses propres moyens, obtenir les fonds nécessaires de la part de tiers et qu'elle expose les fonds au risque inhérent à la marche des affaires dans une mesure inhabituelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_419/2015 du 3 juin 2016 consid. 4.1.1, non publié aux ATF 142 II 355).

c. Selon la circulaire no 6 relative au capital propre dissimulé, la proportion d’endettement admissible, tout comme le montant du capital propre dissimulé, se détermine à la lumière de la valeur vénale des actifs. Cette pratique se justifie, car il s’agit de déterminer si les dettes de la société correspondent à sa réelle capacité d’emprunt, ce qui ne peut être décidé qu’au regard de la valeur actuelle de ses actifs. L’autorité de taxation se fondera ainsi sur la valeur vénale des actifs si celle-ci est plus élevée (réserves latentes) que la valeur comptable fiscalement déterminante et peut être démontrée par le contribuable. En second lieu, la proportion d’endettement admissible est fonction de la nature des actifs de la société. Selon l’AFC-CH, il y a lieu de considérer qu’une société peut obtenir, par ses propres moyens, des fonds étrangers à concurrence des pourcentages d’endettement admissible de la valeur de ses actifs mentionnés dans la circulaire précitée (Robert DANON, Commentaire romand de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, art. 65, § 15 et 16, p. 1260-1261). Ainsi, selon celle-ci, l’endettement admissible en rapport avec des prêts se monte à 85 %.

Selon le Tribunal fédéral (arrêt 2C_814/2015 du 20 avril 2017 consid. 7.4), pour établir si et dans quelle mesure une société possède du capital propre dissimulé, la circulaire n° 6 prévoit qu'il faut partir de la valeur vénale des actifs et fixer sur cette base les fonds étrangers que la société peut obtenir par ses propres moyens sous la forme d'un tableau. Dans ce tableau, est attribué à chaque catégorie d'actifs un pourcentage de sa valeur vénale représentant le montant maximum que la société pourrait obtenir d'un tiers (circulaire n° 6, ch. 2.1). En particulier, les « prêts » sont supposés permettre à la société qui en est propriétaire d'obtenir des fonds étrangers à concurrence de 85 % de leur valeur vénale. La différence entre le prêt (dette) au bilan et le montant maximum ainsi déterminé, dans la mesure où les moyens en question ont été fournis par des détenteurs de parts ou des personnes qui leur sont proches, représente le capital propre dissimulé. Concernant l'origine du financement étranger, la circulaire retient que « seuls les fonds qui proviennent directement ou indirectement de détenteurs de parts ou de personnes qui leur sont proches peuvent constituer du capital propre dissimulé. Il n'y a pas de capital propre dissimulé si le capital étranger est fourni par des tiers indépendants et que ni les détenteurs de parts ni des personnes qui leur sont proches ne le garantissent. Demeure réservée la preuve qu'un rapport concret de financement est conforme aux conditions du marché » (circulaire n° 6, ch. 2.1).

d. En pratique, la problématique du capital propre dissimulé concerne avant tout les prêts accordés directement par l'actionnaire ou un proche, dans une mesure qui excède ce qu'un tiers aurait fourni, cet écart s'expliquant par les liens de participation. L'existence de capital propre dissimulé peut néanmoins se poser lorsqu'un tiers fournit le prêt. La circulaire n° 6 envisage à cet égard deux cas de figure. Dans le premier, le prêt est accordé directement par le tiers, mais indirectement par l'actionnaire ou le proche. Cette situation se présente lorsque le tiers n'intervient que comme un intermédiaire, les fonds provenant en réalité du porteur de parts ou du proche. Dans le second cas de figure, le prêt est accordé par un tiers et est « garanti » par l'actionnaire ou le proche. La circulaire n° 6 adopte à cet égard une formulation négative en indiquant qu' « il n'y a pas de capital propre dissimulé si le capital étranger est fourni par des tiers indépendants et que ni les détenteurs de parts, ni des personnes qui leur sont proches ne le garantissent » (circulaire n° 6, ch. 2.1), étant rappelé que la preuve qu'un rapport concret de financement est conforme au marché reste réservée (circulaire n° 6, ch. 2.1 in fine). Lu a contrario, ce passage signifie que la garantie fournie par l'actionnaire ou un proche pour un prêt accordé par un tiers doit être assimilée à un prêt de l'actionnaire ou du proche (ATF 142 II 355 consid. 7.1).

L'assimilation de la garantie fournie par l'actionnaire ou le proche à la mise à disposition de fonds par celui-ci est conforme à l'art. 65 LIFD si cette garantie joue économiquement le rôle d'un prêt. Tel peut être le cas si la fortune personnelle de l'actionnaire ou du proche est mise à contribution comme substrat de responsabilité (« Haftungssubstrat ») en contrepartie du prêt accordé par le tiers. Dans une telle situation, la garantie peut être assimilée à un prêt du proche. La société peut toutefois apporter la preuve que le rapport de financement est conforme au marché (circulaire n° 6, ch. 2.1 in fine). Par ailleurs, si une société obtient le prêt par ses propres moyens (par exemple par la mise en gage de ses actifs d'une manière conforme au marché), il n'y a en principe pas de capital propre dissimulé, la garantie du proche apparaissant superfétatoire sur le plan économique (ATF 142 II 355 consid. 7.2).

Il découle de ce qui précède que lorsqu'un prêt accordé par un tiers fait l'objet de garanties réelles portant sur des actifs de la société emprunteuse et qu'en sus, l'actionnaire ou un proche est débiteur solidairement responsable du prêt, il faut déterminer dans quelle mesure la garantie personnelle fournie remplit économiquement la fonction de capital propre. Tel peut être le cas lorsque la garantie réelle est insuffisante pour garantir à elle seule le montant du prêt accordé, car en pareille situation, il faut présumer que la part du prêt qui dépasse le montant couvert par la garantie réelle a été accordée en raison de la garantie personnelle fournie par l'actionnaire, la preuve que le financement concret est conforme aux conditions du marché restant réservée (ATF 142 II 355 consid. 7.3).

e. Si les directives, circulaires ou instructions émises par l'administration ne peuvent contenir de règles de droit, elles peuvent cependant apporter des précisions quant à certaines notions contenues dans la loi ou quant à la mise en pratique de celle-ci. Sans être lié par elles, le juge peut néanmoins les prendre en considération en vue d'assurer une application uniforme de la loi envers chaque administré. Il ne doit cependant en tenir compte que si elles respectent le sens et le but de la norme applicable (ATF 129 V 205 consid. 3.2 ; 127 V 61 consid. 3a ; 126 V 68 consid. 4b ; 427 consid. 5a ; 121 II 478 consid. 2b et les références). Émise par l'autorité chargée de l'application concrète d'une loi, l'ordonnance administrative est un mode de gestion : elle rend explicite une ligne de conduite, permet d'unifier et de rationaliser la pratique, assure ce faisant aussi l'égalité de traitement et la prévisibilité administrative et facilite le contrôle juridictionnel, puisqu'elle dote le juge de l'instrument nécessaire pour vérifier que l'administration agit selon des critères rationnels, cohérents et continus, et non pas selon une politique du cas par cas (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/ Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 426-427).

f. S’agissant de la question de la postposition, interprétant l'art. 29a LHID à la lumière du principe de l'imposition selon la capacité contributive (art. 127 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), le Tribunal fédéral a retenu que le fait que des dettes avaient fait l'objet d'une convention de postposition au sens de l'art. 725 al. 2 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) ne changeait rien à la qualification de capital propre dissimulé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_77/2012 du 31 août 2012 consid. 3.4 ; 2C_259/2008 du 6 novembre 2008 consid. 2.5.3). Le fait que des dettes aient fait l'objet d'une convention de postposition justifiait même d'autant plus de les assimiler à du capital propre, tant selon la jurisprudence que la doctrine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_77/2012 précité consid. 3.4 ; Robert DANON, in Commentaire romand, LIFD, 2017 no 17 ad art. 65 LIFD). En effet, une telle convention, généralement conclue avec des actionnaires ou des personnes proches, avait pour effet qu'en cas de faillite, la société devait désintéresser les titulaires des créances postposées seulement après avoir intégralement réglé tous ses autres engagements (art. 725 al. 2 CO), mais avant les actionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_77/2012 précité consid. 3.4).

D'un point de vue économique, les dettes postposées se rapprochent ainsi du capital propre (Robert DANON, in Commentaire romand, LIFD, 2017, no 17 ad art. 65 LIFD).

g. La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d'office (art. 19 LPA). Ce principe n'est pas absolu, sa portée étant restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l'obligation des parties d'apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l'absence de preuves (arrêts du Tribunal fédéral 8C_1034/2009 du 28 juillet 2010 consid. 4.2 ; 9C_926/2009 du 27 avril 2010 consid. 3.3.2 ; ATA/1197/2018 du 6 novembre 2018 consid. 3a).

En matière fiscale, il appartient à l'autorité de démontrer l'existence d'éléments créant ou augmentant la charge fiscale, tandis que le contribuable doit supporter le fardeau de la preuve des éléments qui réduisent ou éteignent son obligation d'impôts. S'agissant de ces derniers, il appartient au contribuable non seulement de les alléguer, mais encore d'en apporter la preuve et de supporter les conséquences de l'échec de cette preuve, ces règles s'appliquant également à la procédure devant les autorités de recours (ATF 133 II 153 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_89/2014 du 26 novembre 2014 consid. 7.2 ; ATA/1197/2018 précité consid. 3a).

h. En droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.5 ; ATA/558/2014 du 17 juillet 2014).

3) En l’espèce, le TAPI a considéré que les prêts mentionnés comme conditions à remplir dans le contrat d’achat d’actions de juillet 2017 avaient été accordés par des tiers indépendants.

Ce raisonnement ne saurait être suivi. Ainsi que le fait valoir la recourante, les quatre actionnaires – personnes physiques – avaient incontestablement la qualité d’actionnaires de l’intimée. Or, le TAPI n’a pas relevé cet élément qui résulte pourtant des pièces du dossier, en particulier de l’Annexe A du contrat du 17 juillet 2017. Les quatre actionnaires – personnes physiques – étaient déjà actionnaires avant l’entrée de G______ dans le capital-actions de la contribuable, et ils le sont tous restés par la suite. Pour ce motif déjà, le jugement du TAPI du 21 mars 2022 doit être annulé.

À cela s’ajoute que s’agissant de G______, il n’est pas contesté que
celle-ci est devenue actionnaire de la société au moment du « closing », soit le 28 février 2018, de sorte que le montant versé à cette même date, au titre de prêt, selon les conditions qui figurent dans le contrat, doit être qualifié de prêt d’actionnaire. Contrairement à ce que retient le jugement querellé, le fait que le prix d’achat des actions corresponde au prix du marché n’est pas un élément déterminant dans le cadre de la qualification du prêt de G______ de capital propre dissimulé, et ne figure ni dans la jurisprudence ni dans la circulaire no 6. Est au contraire décisif le fait que le prêt de la part des actionnaires et la vente des actions étaient interdépendants, ce qui ressort des termes du contrat, et en particulier des clauses 4.3.1 et 4.3.3, et ces deux opérations devaient donc s’envisager comme une transaction globale.

L’intimée tente en vain de soutenir que « plutôt qu’un prêt conditionné à l’acquisition d’actions (où G______ n’aurait pas accordé le prêt sans devenir actionnaire majoritaire), le contrat [faisait] état d’une vente d’actions subordonnée au prêt de G______ (les actionnaires n’auraient pas vendu leurs actions en l’absence du prêt) ». Cette distinction n’a pas de portée au regard de la circulaire n6 : au contraire, cet argument souligne uniquement l’interdépendance des deux actions, et par conséquent le fait que le prêt ait été octroyé en raison de la position d’actionnaire de G______, ce qui tend à démontrer que la société ne pouvait pas obtenir de financement similaire, à un même taux d’intérêt, de la part d’un tiers. L’intimée a également indiqué dans sa réclamation que G______ n’était intéressée à financer la société qu’à la condition de devenir l’actionnaire majoritaire de cette dernière, ce qui indique que le prêt n’a été octroyé qu’en raison de la position de G______, devenue, de manière concomitante à l’octroi du prêt, l’actionnaire majoritaire de la société, en acquérant 52,3 % des actions.

L’intimée fait valoir que toutes les conditions du prêt (montants, intérêts, échéances) accordé par G______ avaient été négociées avant la conclusion du contrat de vente d’actions du 17 juillet 2017, à une époque où G______ était un tiers absolu par rapport à la société et à ses actionnaires. Or, outre que cet élément ne ressort pas des pièces figurant au dossier, il ne change rien au fait que G______ est devenue actionnaire de la société le 28 février 2018 au plus tard, et qu’ainsi, au 31 décembre 2018, date déterminante pour le calcul du capital propre dissimulé, elle était bien actionnaire de l’intéressée.

En outre, la contribuable soutient que le prêt accordé par G______ a été octroyé aux mêmes conditions que celui qui avait été consenti par B______. Or, celle-ci avait été considérée comme un tiers absolu. Il appert toutefois que le prêt de G______ est plus favorable pour la contribuable, s’agissant en particulier du taux d’intérêt, ce que celle-ci admet d’ailleurs dans ses observations du 23 juin 2022. De telles conditions ne peuvent s’expliquer que par les liens d’actionnariat liés au contrat de vente et d’achat d’actions. L’intimée n’a du reste pas démontré devant la chambre de céans qu’un tiers aurait accordé un tel prêt, aux mêmes conditions que G______, et donc que celui-ci serait conforme aux conditions du marché.

Enfin, comme le soutient la recourante, il ressort du dossier, en particulier de la page 4 de l’annexe aux comptes 2018 jointe à la déclaration fiscale de la contribuable pour l’année 2018, qu’une partie des créances des actionnaires avait été postposée (chiffre 9 de l’annexe, intitulé « subordination de la dette »). Or, conformément à la jurisprudence précitée, cela soutient d’autant plus la conclusion selon laquelle les prêts doivent être considérés comme du capital propre. Comme le retient l’AFC-GE sans être contredite par la contribuable, il n’apparaît d’ailleurs pas que cette situation soit temporaire, le montant des prêts postposés ayant augmenté en 2019 par rapport à 2018 (passant de 25,5 % en 2018 à 37,2 % en 2019).

Enfin, il sera souligné que les montants repris au titre d’intérêts pour capital propre dissimulé n’ont pas été contestés, ni dans leur calcul ni dans leur quotité par l’intimée et sont par ailleurs conformes aux pièces du dossier.

Dans ces conditions, il n’était pas possible de dissocier, comme l’a fait le TAPI, les deux opérations, et de considérer que le prêt octroyé par G______ était antérieur à l’achat d’actions. Il en va d’ailleurs de même du prêt accordé par les quatre actionnaires – personnes physiques –, qui étaient déjà actionnaires de la société au moment de la conclusion du contrat d’achat d’actions du 17 juillet 2017.

Dans ces circonstances, le recours sera admis, le jugement du TAPI du 21 mars 2022 annulé et les décisions sur réclamation du 31 mars 2021 seront rétablies.

4) Vu l'issue du litige, un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge de l’intimée, laquelle a conclu au rejet du recours (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée, l'autorité recourante ayant recouru dans son propre intérêt et disposant de son service juridique (art. 87 al. 2 LPA).

     

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 avril 2022 par l’administration fiscale cantonale contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2022 ;

au fond :

l’admet ;

annule le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2022 ;

rétablit les décisions sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 31 mars 2021 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ SA ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession des recourants, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à l’administration fiscale cantonale, au Tribunal administratif de première instance, à A______ SA ainsi qu'à l'administration fédérale des contributions.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :