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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3946/2021

ATA/1086/2022 du 01.11.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;DROIT D'OBTENIR UNE DÉCISION;REFUS DE STATUER;RETARD INJUSTIFIÉ;DOMMAGES-INTÉRÊTS;TORT MORAL
Normes : LFPr.46.al1; OFPr.46.al2.letb; FORENSEC.39; FORENSEC.40; RStCE.45.al1.letc; RStCE.65.al6; Cst.29; LPA.60.letb; Cst.29a; LPA.4.al1; forensec
Résumé : Recours d’une fonctionnaire contre l’arrêté du Conseil d’État rejetant son recours contre un courrier du département, qualifié par le Conseil d’État de décision, lequel constatait que la formation qu’elle avait suivie n’était pas obligatoire, qu’elle n’avait pas été forcée de la suivre et que cette dernière lui avait au demeurant permis d’augmenter son employabilité, en lui garantissant plus de branches à enseigner, lui permettant ainsi d’être nommée fonctionnaire. Cette formation avait été suivie sur deux semestres seulement, alors qu’elle pouvait être faite en six semestres et cette décision et ses conséquences pour la recourante lui étaient imputables. La recourante n’avait pas été touchées dans ses droits et obligations et n’avait pas subi de préjudice. Aucun déni de justice, dès lors que le Conseil d’État a qualifié de décision le courrier du département et a analysé la situation de la recourante. Enfin, ses droits et obligations ne sont pas touchés par la suggestion de suivre cette formation, étant précisé que pour enseigner en école professionnelle, une formation ad hoc est nécessaire. La recourante ne pouvait de ce point de vue enseigner que l’histoire de l’art et non la culture générale contrairement à ses affirmations. Enfin, les prétentions en dommages et intérêts sont du ressort du TPI et non du Conseil d’État, respectivement de la chambre administrative et se prescrivent par cinq ans. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3946/2021-FPUBL ATA/1086/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er novembre 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Thomas Barth, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE

 



EN FAIT

1) Madame A______ a effectué des remplacements ponctuels pour le département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : DIP ou le département), dans l’enseignement général au secondaire II durant l’année scolaire 2010-2011.

Elle a ensuite bénéficié d’un contrat de stage en responsabilité durant les années scolaires 2011-2012 et 2012-2013 auprès de B______ (ci-après : B______) dans le cadre de la préparation d’une maîtrise universitaire spécialisée en enseignement secondaire (ci-après : MASE) auprès de l’Université de Genève dans la discipline de l’histoire de l’art, titre qu’elle a obtenu en juin 2013.

2) À compter du 1er septembre 2013, Mme A______ a été mise au bénéfice de contrats de chargée d’enseignement au sein de B______, pour une activité de moins de 50 % durant l’année scolaire 2013-2014 et de 50 % durant l’année scolaire 2014-2015.

3) Le 30 juin 2014, Mme A______ a obtenu un diplôme d'enseignante de la formation professionnelle pour l'enseignement de la culture générale auprès de l'Institut fédéral de formation professionnelle (ci-après : IFFP), ainsi qu'un « Diploma Supplement » l'autorisant notamment à enseigner la matière « Langue et communication ».

4) Le 1er septembre 2015, Mme A______ a été nommée en qualité de maîtresse d’enseignement général et professionnel dans les disciplines de l’histoire de l’art et de la culture générale.

5) Par courrier du 9 octobre 2019, Mme A______ a demandé au directeur de B______ d’examiner sa situation et de revenir à elle avec des « hypothèses de compensation des heures de travail perdues, des souffrances psychologiques subies, et des heures inutilement consacrées aux formations suivies ».

Une année après son engagement en tant que stagiaire, ses supérieurs hiérarchiques lui avaient indiqué qu’il était nécessaire qu’elle effectue une formation supplémentaire d’enseignement en culture générale de soixante crédits ECTS, soit mille huit cents heures, pour pouvoir être nommée en qualité d’enseignante au terme de sa formation de MASE. Elle s’était immédiatement soumise à « cette condition » et s’était inscrite à l’IFFP. Sa formation pour l’obtention de soixante crédits ECTS, dont trente crédits ECTS avaient pu être obtenus par équivalence, s’était déroulée à Renens et avait duré un an. Ladite formation avait été très lourde psychologiquement pour elle et avait impliqué qu’elle réduise son activité professionnelle de 50 % à 30 %, lui causant ainsi une perte financière importante. Or, en consultant a posteriori les bases légales réglementant l’enseignement de la formation professionnelle, elle s’était rendue compte que la formation suivie auprès de l’IFFP était superflue. Pour pratiquer dans ses branches d’enseignement, l’unique complément nécessaire à sa formation initiale était une formation à la pédagogie professionnelle de trois cents heures. Il lui avait ainsi été demandé à tort d’effectuer un excédent de mille cinq cents heures de formation.

6) Par courrier du 8 novembre 2019, le directeur de B______ lui a répondu qu’il n’était pas possible de revenir sur sa situation ni d’entrer en matière sur une quelconque compensation concernant la formation qu’elle avait suivie, et qui avait été intégralement prise en charge par l’État de Genève.

Pour enseigner uniquement l’histoire de l’art en école professionnelle, il lui aurait effectivement été suffisant de faire un complément de formation de trois cents heures. La formation IFFP de mille huit cents heures qu’elle avait suivie lui avait en revanche permis d’enseigner d’autres branches techniques en écoles professionnelles, soit la culture générale. Grâce à l’effort consenti, elle avait pu renforcer sa polyvalence et son employabilité. Cela lui avait permis d’obtenir un taux d’activité lui permettant de travailler à 50 % au minimum et d’être nommée fonctionnaire dès 2015. La formation IFFP suivie était en principe réalisable en emploi à 80 %. Il était désolé d’apprendre qu’elle avait réduit son activité à un taux de 30 % durant ladite formation et qu’elle avait été affectée psychologiquement et économiquement.

Elle aurait effectivement pu enseigner l’histoire et la culture générale au B______ par une autre voie, laquelle aurait toutefois nécessité qu’elle obtienne davantage de crédits ECTS que ceux obtenus par la voie proposée par l’ancienne direction de l’école.

7) Par courrier du 27 novembre 2019, Mme A______ a sollicité auprès de la conseillère d’État en charge du DIP qu’une décision formelle soit rendue constatant, d’une part, le caractère illicite de l’obligation qui lui avait été faite de suivre une formation pédagogique de mille huit cents heures, et lui octroyant, d’autre part, des dommages et intérêts satisfaisants, compte tenu de la perte financière, de l’impact important de cette formation sur sa santé et du nombre d’heures qu’elle y avait inutilement consacrées.

8) Par lettre recommandée du 13 mars 2020, la conseillère d’État a répondu à l’intéressée qu’aucune décision administrative ne pouvait être rendue dans le cas d’espèce, seul pouvant être exposé le cadre légal applicable à tous les collaborateurs du département.

Un taux d’activité inférieur à 50 % ne lui permettant pas de remplir les conditions requises en vue d’une nomination en qualité de fonctionnaire, il lui avait été proposé d’effectuer une formation afin d’obtenir un titre conforme à la législation sur la formation professionnelle. Afin d’exercer son activité au sein d’un centre professionnel, il était nécessaire de préparer le diplôme au sein de l’IFFP. Reprenant les explications déjà apportées par le directeur de B______ dans son courrier du 8 octobre 2019, la conseillère d’État a encore relevé que la formation avait été prise en charge par le DIP et que Mme A______ ne s’était en aucun cas vu imposer de la suivre.

9) Par acte posté le 27 avril 2020, Mme A______ a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le courrier précité, en concluant à son annulation et à ce que le dossier soit retourné au Conseil d’État afin qu’il entre en matière sur la demande de constatation du caractère illicite de l’obligation de formation lui ayant été faite ainsi que sur les dommages-intérêts y relatifs.

En refusant explicitement dans son courrier du 13 mars 2020 de statuer sur sa demande, l’autorité intimée avait commis un déni de justice, sans qu’une mise en demeure n’ait été nécessaire. L’obligation qui lui avait été faite de suivre une formation complémentaire de mille huit cents heures était illicite et en contradiction claire avec les dispositions légales applicables. Compte tenu du dommage important qui avait résulté de la poursuite de cette formation, il était fondamental pour elle de faire reconnaître un tel caractère illicite, de sorte que son dommage puisse être réparé.

10) Le 5 juin 2020, le DIP a conclu à l’irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le courrier de la conseillère d’État du 13 mars 2020 ne constituait pas une décision administrative et n’était pas susceptible de recours. Contrairement à ce que soutenait la recourante, sa MASE en histoire de l’art ne lui permettait pas, de façon pérenne, d’enseigner la culture générale. En tout état de cause, le DIP ne l’avait pas contrainte à suivre cette formation.

11) Les parties ont ensuite répliqué et dupliqué.

12) Par arrêt du 2 février 2021 (ATA/112/2021), la chambre administrative a déclaré le recours de l’enseignante irrecevable pour raison de compétence et a transmis la cause au Conseil d’État. En effet, il existait une voie de recours prévue par une loi cantonale, avant de pouvoir saisir la chambre administrative et le courrier de la conseillère d’Etat chargée du DIP ne relevait pas d’un des cas de figure visé par l’art. 65 al. 1 et 4 du règlement fixant le statut des membres du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire ne relevant pas des hautes écoles du 12 juin 2002 (RStCE - B 5 10.04).

Ce n’était que contre la décision sur recours au Conseil d’État que la voie du recours devant elle était ouverte, pour autant qu’elle soit compétente à raison de la matière, ce qui n’était pas le cas en matière de responsabilité de l’État (art. 7 al. 1 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 - LREC - A 2 40).

13) Le 22 mars 2021, la chambre administrative a fait parvenir une copie de l’arrêt précité et le dossier relatif au litige à la section des recours au Conseil d’État.

14) Interpellée par cette dernière, Mme A______ a estimé, dans sa réponse du 27 avril 2021, que le refus du DIP de statuer constituait une décision au sens de l’art. 4 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), et que cette dernière pouvait faire l’objet d’un recours auprès de la section des recours au Conseil d’État, au sens de l’art. 65 al. 5 RStCE.

15) Le 13 juin 2021, le DIP a présenté des observations à la section des recours au Conseil d’État, persistant intégralement dans ses précédentes écritures.

Le courrier de la conseillère d’État du 13 mars 2020 constituait un acte interne, qui ne constatait aucun droit ni aucune obligation de la recourante, dès lors que cette dernière n’avait aucun droit d’obtenir un emploi au DIP ni aucune obligation de suivre la formation critiquée.

En ce qui concernait le caractère illicite de l’obligation de suivre cette formation, et du préjudice allégué qui en découlerait, les prétentions relatives étaient dénuées de tout fondement et relevaient de la compétence du Tribunal de première instance (ci-après : TPI) au sens de l’art. 7 al. 1 LREC.

16) Le 29 juin 2021, la recourante a présenté des observations, renvoyant à ses précédentes écritures et exposant pour le surplus que le litige portait sur le déni de justice formel du DIP.

17) Par arrêté du 20 octobre 2021, le Conseil d’État a rejeté le recours déposé par Mme A______.

Cette dernière n’avait pas été contrainte de suivre la formation incriminée. Elle lui avait été proposée et elle avait accepté de la suivre. Cette formation complémentaire lui avait permis d’obtenir plus d’heures d’enseignement et d’être nommée fonctionnaire au sein du DIP. C’était par ailleurs elle qui avait décidé de suivre cette formation en seulement un an, alors qu’elle aurait pu être suivie pendant une plus longue période (jusqu’à six semestres). C’était ainsi à bon droit que le DIP avait rendu une décision refusant de constater le caractère illicite de la formation, dès lors que ses droits et obligations n’étaient pas touchés par le suivi de celle-ci. En outre, le grief concernant un déni de justice formel devait être écarté, car le courrier du 13 mars 2020 constituait « de jure une décision ».

La question des dommages et intérêts n’avait pas à être examinée au vu de ce qui précédait, et du fait qu’une telle demande relevait de la compétence du TPI au sens de l’art. 7 al. 1 LREC.

18) Le 19 novembre 2021, Mme A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative à l’encontre de l’arrêté du Conseil d’État précité, concluant à son annulation et au renvoi du dossier au DIP afin qu’il entre en matière sur la « demande de constatation du caractère illicite de l’obligation de formation lui ayant été faite, ainsi que sur les dommages-intérêts y relatifs ».

Elle avait mis en demeure la conseillère d’État de statuer le 27 novembre 2019. Or, cette dernière n’avait que rappelé le texte légal et refusé de statuer, violant l’art. 4A LPA. Elle avait été atteinte dans ses droits. Le DIP ne pouvait refuser de statuer alors que la recourante le lui avait expressément demandé. Il avait commis un déni de justice formel.

En outre les art. 46 al. 1 de la loi loi fédérale sur la formation professionnelle du 13 décembre 2002 (LFPr - RS 412.20) et 46 de l’ordonnance sur la formation professionnelle du 19 novembre 2003 (OFPr - RS 412.101) avaient été violés. Elle n’avait pas besoin de suivre une formation de mille huit cents heures pour enseigner la culture générale et l’histoire de l’art et ainsi être nommée en tant qu’enseignante de deux branches au B______ de Genève. Une formation à la pédagogie professionnelle de trois cents heures aurait été suffisante selon les art. 46 al. 2 let. b ch. 2 et 3 OFPr. Ses supérieurs hiérarchiques avaient mal interprété la loi en considérant qu’un complément de formation pédagogique de mille huit cents heures lui était nécessaire. L’obligation qui lui avait été faite était donc illicite et lui avait causé un important préjudice.

Il était fondamental de reconnaître ce caractère illicite, afin que « son dommage puisse être réparé ». Elle avait suivi une formation superflue. Il ne lui avait jamais été indiqué qu’elle disposait d’une voie alternative, à savoir « une simple formation de trois cents heures ».

19) Dans sa réponse du 21 janvier 2022, le DIP a conclu au rejet du recours.

La recourante ne démontrait pas avoir été contrainte de suivre cette formation et l’illicéité de la formation qu’elle avait choisi de suivre se heurtait aux textes clairs de la LFPr et de son ordonnance d’application. Le Conseil d’État avait au demeurant admis que le DIP avait statué sur la demande de la recourante, et partant que la violation du principe de l’interdiction du déni de justice devait être rejetée. Contrairement à ce qu’elle alléguait, une formation de trois cents heures aurait été suffisante pour enseigner l’histoire de l’art et la culture générale conformément à l’art. 46 al. 3 let. b OFPr, à condition de compléter celle-ci par un stage en responsabilité, afin de répondre à la condition de « l’enseignant doit être autorisé à enseigner au gymnase » ce qui supposait un certificat de spécialisation en didactique d’une discipline supplémentaire (ci-après : le CSDS). Sa MASE en histoire de l’art ne lui permettait pas d’enseigner de manière pérenne la culture générale.

20) Le 15 mars 2022, le DIP a indiqué ne rien avoir à ajouter à sa réponse du 21 janvier 2022, en l’absence d’observations supplémentaires de la partie adverse.

21) Le 17 mars 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions.

Le DIP ne se prononçait pas sur la question centrale du recours, soit l’interprétation des art. 46 al. 1 LFPr et 46 OFPr. Elle n’avait pas choisi de suivre cette formation mais avait été « obligée et contrainte de la suivre, car c’[était] la seule option qui lui [avait] été présentée ».

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable, en tant qu’il vise l’annulation de l’arrêté du Conseil d’État du 20 octobre 2021 (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA ; art. 65 al. 6 RStCE).

2) a. L’objet du litige est la conformité au droit de la décision du Conseil d’État rejetant le recours de l’intéressée et confirmant la décision de la conseillère d’État du 13 mars 2020, laquelle refusait d’entrer en matière sur la demande de dommages et intérêts et constatation du caractère illicite de la formation entreprise par la recourante en 2013-2014.

b. La recourante se plaint d’un déni de justice au motif que le DIP aurait refusé sans droit de statuer. Ce grief doit être examiné en premier lieu dès lors qu'il est de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours au fond (ATF 141 V 557 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_54/2014 du 23 janvier 2015 consid. 4 ; ATA/399/2022 du 12 avril 2022 consid. 4).

c. Selon la jurisprudence, un tel déni est commis lorsqu'une autorité n'applique pas ou applique d'une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu'elle ferme l'accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit ; l'autorité qui se refuse à statuer, ou ne le fait que partiellement, viole l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101 ; ATF 141 I 172 consid. 5 et les références citées ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_145/2021 du 12 août 2021 consid. 4.1). L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 Cst. ; ATF 136 I 6 consid. 2.1 ; 117 Ia 116 consid. 3a et les références citées).

Pour pouvoir se plaindre de l’inaction de l’autorité, encore faut-il que l’administré ait effectué toutes les démarches adéquates en vue de l’obtention de la décision qu’il sollicite (ATA/699/2021 du 2 juillet 2021 consid. 9b ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d). Les conclusions en déni de justice sont irrecevables lorsque le recourant n’a pas procédé à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (ATA/1210/2018 du 13 novembre 2018 consid. 5c et 6).

La reconnaissance d’un refus de statuer ne peut être admise que si l’autorité mise en demeure avait le devoir de rendre une décision ou, vu sous un autre angle, si le recourant avait un droit à en obtenir une de sa part (ATF 135 II 60 consid. 3.1.2 ; ATA/7/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3b).

d. En l’espèce, le Conseil d’État est entré en matière, retenant que le DIP avait statué sur la demande de la recourante, en refusant de constater le caractère illicite de la formation qu’elle avait suivie. Il a analysé cette question, ainsi que les normes querellées, avant de constater que la recourante n’avait pas démontré avoir été contrainte de suivre ladite formation et que ses droits et obligations n’étaient pas atteints par cette dernière. Un tel procédé ne prête pas le flanc à la critique, et permet à la justiciable de voir ses griefs examinés par l’autorité de recours. Partant, il n’y a pas de place pour un déni de justice et ce grief est désormais sans objet.

3) a. Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 135 I 79 consid. 1 ; 128 II 34 consid. 1b). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours ; s’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle (ATF 125 V 373 consid. 1 ; 118 Ib 1 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_76/2009 du 30 avril 2009 consid. 2) ou déclaré irrecevable si l’intérêt actuel faisait déjà défaut au moment du dépôt du recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 et la jurisprudence citée).

L'intérêt digne de protection au sens de cette disposition consiste dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait à la partie recourante en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait (ATF 138 III 537 consid. 1.2.2). Cet intérêt doit être direct et concret (ATF 143 II 506 consid. 5.1). Par ailleurs, la qualité pour recourir suppose un intérêt actuel à obtenir l'annulation ou la modification de la décision attaquée et cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'au moment où l'arrêt est rendu (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). Si l'intérêt actuel disparaît durant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). La simple perspective d'un intérêt juridique futur ne suffit pas à fonder un intérêt actuel (ATA/629/2020 du 30 juin 2020 consid. 5a).

Un intérêt actuel et pratique fait en particulier défaut lorsque l'acte de l'autorité a été exécuté ou a perdu son objet ou encore lorsque l'admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_863/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 et les références citées). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3 ; ATA/373/2018 du 24 avril 2018 consid. 2d et les références citées).

b. Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, de par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. La norme constitutionnelle étend le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes physiques ou morales (ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1 ; 143 I 344 consid. 8.2 et les arrêts cités). Ces droits et obligations ne découlent pas de la garantie de l'accès au juge elle-même, mais de ceux et celles que confère ou impose à l'intéressé un état de fait visé, notamment, par la Cst., la loi ou encore une ordonnance (ATF 136 I 323 consid. 4.3). L'art. 29a Cst. garantit l'accès à un juge disposant d'un pouvoir d'examen complet des faits et du droit (ATF 144 I 181 consid. 5.3.2.1 ; 137 I 235 consid. 2.5). Il ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 précité).

c. Aux termes de l’art. 4 al. 1 LPA, sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l’autorité dans les cas d’espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d’annuler des droits et des obligations (let. a), de constater l’existence, l’inexistence ou l’étendue de droits, d’obligations ou de faits (let. b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou des obligations (let. c). Les décisions incidentes sont également considérées comme des décisions (art. 4 al. 2 LPA).

Une décision est un acte de souveraineté individuel adressé au particulier, par lequel un rapport de droit administratif concret, formant ou constatant une situation juridique, est réglé de manière obligatoire et contraignante (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 330 ss ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 315 ss ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 279 ss n. 783 ss)

La notion de décision, retenue en droit genevois, est calquée sur le droit fédéral (art. 5 de la loi fédérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 - PA - RS 172.021). Selon celui-ci, la notion de décision implique un rapport juridique obligatoire et contraignant entre l'autorité et l'administré. En revanche, de simples déclarations, comme des opinions, des communications, des prises de position, des recommandations ou des renseignements n'entrent pas dans la catégorie des décisions, faute de caractère juridique contraignant. Ne sont pas non plus des décisions les actes internes ou d'organisation qui visent les situations à l'intérieur de l'administration ; il peut y avoir des effets juridiques, mais ce n'en est pas l'objet. C'est pourquoi ils ne sont en règle ordinaire pas susceptibles de recours (arrêts du Tribunal fédéral 8C_220/2011 du 2 mars 2012 ; 8C_191/2010 du 12 octobre 2010 consid. 6.1 et les références citées ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 179 ss n. 2.1.2.1 ss et p. 245 n. 2.2.3.3 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 279 ss n. 783 ss ).

d. Les enseignants de la formation professionnelle initiale, de la formation professionnelle supérieure et de la formation continue à des fins professionnelles disposent d’une formation spécifique dans leur spécialité et d’une formation pédagogique, méthodologique et didactique (art. 46 al. 1 LFPr).

Selon l’art. 46 al. 2 let. b OFPr, pour être autorisé à enseigner les branches spécifiques à la profession, l’enseignant doit avoir une formation à la pédagogie professionnelle de mille huit cents heures s’il exerce son activité à titre principal et de trois cent heures s’il exerce son activité à titre accessoire. Selon le document « Responsables de la formation professionnelle – Foire aux questions » (ci-après : FAQ) émis par le Secrétariat d’État à la formation, à la recherche et à l’innovation (ci-après : SEFRI), une activité d’enseignement est dite accessoire jusqu’à un taux d’occupation de 50 %. Si ce taux dépasse les 50 %, l’activité est considérée comme principale, et il faut suivre la formation pour enseignants des écoles professionnelles à titre principal (mille huit cents heures ; FAQ du SEFRI, p. 2, ch. 1.1).

Pour enseigner la culture générale, le sport ou des branches qui demandent des études du niveau d’une haute école, l’enseignant doit être autorisé à enseigner au gymnase et avoir suivi en plus une formation à la pédagogie professionnelle de trois cents heures de formation (art. 46 al. 3 let. b OFPr).

Pour pouvoir enseigner au gymnase, il est nécessaire à Genève d’être titulaire d’un CSDS, de trente crédits, soit neuf cents heures supplémentaires, ainsi qu’un stage en responsabilité d’enseignement d’au moins six mois (art. 39, 40 et 15 du règlement d’études 2022 de la formation des enseignantes et enseignants du secondaire - FORENSEC), et un module de formation complémentaire en pédagogie professionnelle de trois cents heures pour enseigner dans un CFP comme le B______, au sens de l’art. 46 al. 3 let. b OFPr précité.

Enfin, pour être nommé fonctionnaire, l’enseignant doit être occupé à 50 % au moins de l’horaire normal de travail, sauf dans des situations particulières justifiées (art. 45 al. 1 let. c RStCE).

4) En l’espèce, il n’est pas contesté que la recourante a effectué une formation supplémentaire de mille huit cents heures, dont neuf cents ont pu être obtenues par équivalence, entièrement payée par son employeur, qui lui a permis d’être nommée fonctionnaire, car elle réunissait suffisamment d’heures d’enseignement à cette fin.

Contrairement à ses affirmations, il ne ressort pas du dossier qu’elle aurait été « contrainte » d’entreprendre cette formation. L’employeur a par ailleurs précisé que la formation lui avait été proposée ; si elle ne souhaitait pas l'entreprendre, il lui appartenait de se renseigner sur les alternatives ou sur les risques d’absence de formation pour pouvoir enseigner de manière pérenne dans un CFP. Aucune pièce (courrier, courriels ou documents) ne lui permet d’appuyer son affirmation, de telle sorte que cet argument doit être écarté. Enfin, rien ne l’obligeait non plus à effectuer cette formation – qu’il était pourtant possible de suivre sur six semestres – en deux semestres seulement, de telle sorte que le préjudice, la fatigue et les problèmes qu’elle évoque, sans qu’ils soient minimisés, ne peuvent être imputables à son employeur, tout comme la diminution de son taux d’activité de 50 % à 30 % en cours de formation. Sur ce point, l’autorité intimée a en effet indiqué, sans être critiquée, que cette formation pouvait être effectuée en cours d’emploi à un taux de 80 % et la recourante elle-même a souligné « avoir accepté » la proposition de l’IFFP de la suivre plus rapidement, de telle sorte que les conséquences de ce choix lui sont propres.

En outre, il sera souligné qu’en l’absence de cette formation, il ne lui était pas garanti d’avoir suffisamment d’heures d’enseignement pour être nommée, l’art. 45 al. 1 let. c RStCE imposant en effet un taux minimal d’emploi de 50 % et l’employeur ayant indiqué, sans être contredit par la recourante, que les diplômes de cette dernière ne lui permettaient d’enseigner au B______ que l’histoire de l’art, discipline peu dotée en heures d’enseignement. La formation suivie, entièrement prise en charge par l’employeur, tout comme les frais de repas et de déplacement, a par ailleurs augmenté l’employabilité de la recourante, en lui permettant, outre l’histoire de l’art, d’enseigner également la culture générale.

Enfin, à titre superfétatoire, il sera souligné que la recourante estime que deux alternatives s’appliqueraient à son cas, rendant la formation qu’elle a suivie superflue. Or, contrairement à ce qu’elle invoque, elle n’exerce pas son activité à titre accessoire, puisqu'elle travaille à 50 %, de sorte que l’art. 46 al. 2 let. b OFPr ne lui est pas applicable. S’agissant ensuite de l’art. 46 al. 3 let. b OFPR, la recourante ne remplissait pas les conditions pour enseigner la culture générale au gymnase, de sorte qu’elle aurait dû obtenir un CSDS et effectuer un nouveau stage en responsabilité à cette fin, dans un autre établissement, puis encore une formation à la pédagogie professionnelle, de trois cents heures de formation. Ses arguments ne peuvent donc être suivis sous cet angle non plus. À cet égard, on ne voit pas quel préjudice la recourante aurait subi en raison du suivi de la formation concernée, dès lors que celle-ci a augmenté son employabilité, lui a permis d’être nommée et a été intégralement payée par son employeur.

Dans ces conditions, le Conseil d’État était fondé à considérer que c’était à bon droit que la conseillère d’État chargée du DIP avait refusé de constater le caractère illicite de la formation de la recourante. L’arrêté du Conseil d’État est donc conforme au droit. Il sera pour le surplus souligné que les conclusions en dommages et intérêts formulées par la recourante relèvent de la compétence du Tribunal civil de première instance (art. 7 de la loi sur la responsabilité de l'État et des communes du 24 février 1989 - LREC - A 2 40) et non du Conseil d’État, ce dernier, incompétent sur ce point, étant ainsi fondé à ne pas examiner cette question, étant relevé au surplus que la recourante a obtenu son diplôme en juin 2014 et fait valoir des prétentions à ce sujet en octobre 2019, alors que les prétentions pécuniaires de droit public se prescrivent en règle générale par cinq ans (ATA/449/2021 du 27 avril 2021 consid. 3a).

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

5) Vu cette issue, un émolument de procédure de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 novembre 2021 par Madame A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 20 octobre 2021 confirmant la décision du departement de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 13 mars 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Thomas Barth, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :