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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4153/2021

ATA/1082/2022 du 01.11.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4153/2021-FPUBL ATA/1082/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 1er novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1967, est entré en juin 2003 au service de la Ville de Genève (ci-après : la ville), notamment en qualité d’agent de sécurité municipal (ci-après : ASM) et comme caporal-chef de groupe au service de la police municipale (ci-après : SPM ; depuis janvier 2018 à ce jour).

2) Entre 2010 et 2015, M. A______ a fait l'objet de trois plaintes, mais aucune n'a donné lieu à une sanction disciplinaire.

3) Dans son rapport relatif à l'entretien périodique du 28 novembre 2017, l'évaluateur, le sergent-major B______, a indiqué, à titre d'« observations globales et appréciation générale de la qualité des prestations rendues », que « le caporal A______ est une personne entière. Il est apprécié et respecté par ses collègues. Il a une bonne vision du travail et privilégie la police de proximité ».

4) Le 19 décembre 2018, un entretien « de recadrage » a eu lieu en présence du sergent-major B______, du sergent C______ et de M. A______, le second des précités reprochant à ce dernier un comportement agressif et peu respectueux à son égard. Cet entretien a fait l'objet d'un procès-verbal détaillé.

5) En avril 2019, la presse a fait état de ce qu’une vingtaine d’agents cantonaux et municipaux de la police genevoise étaient suspectés d’une trop grande proximité avec un patron d’enseignes érotiques actif à D______et récemment arrêté après une transaction immobilière suspecte. L’analyse du téléphone portable dudit tenancier avait révélé de nombreux échanges pendant plus de dix ans avec des agents de police et des comportements problématiques des agents, comme des infractions de corruption, de violation du secret de fonction et d’acceptation d’un avantage, en contrepartie de nombreux passe-droits obtenus par le prévenu.

6) Le 11 juin 2019, la brigade financière de la police judiciaire (ci-après : la brigade financière) a établi un rapport de renseignements à l’attention du Ministère public.

À la suite de l’ouverture d’une procédure pénale à l’encontre de Monsieur E______, gérant d’un « sex center » à D______, et de son placement en détention provisoire, son téléphone portable avait été saisi. L’analyse des données extraites de son téléphone avait mis en évidence des liens avec différents agents de la police municipale de la ville, notamment un contact enregistré comme « Police Munic. A______ ». Diverses photos et messages avaient été extraits.

7) Le 27 juin 2019, le Ministère public a ordonné la transmission de ce rapport à l’inspection générale des services (ci-après : IGS).

8) Dans le rapport relatif à l'entretien périodique du 11 octobre 2019 (portant sur la période du 1er avril 2019 au 11 octobre 2019, au poste F______), le commentaire général est le suivant : « Arrivé au poste F______ en avril 2019, j'ai pu constater qu'il [M. A______] a effectué un bon travail au sein de son groupe qui était peu motivé, à ce jour je suis satisfait du caporal A______ ».

9) Dans le rapport relatif à l'entretien périodique du 26 novembre 2019 (portant sur la période 2018-2019 au poste D______), le commentaire général est le suivant : « Le caporal A______ a un fort caractère, il n'a pas peur de dire les choses, ce qui parfois peut lui porter préjudice. Il doit être plus pro-actif au niveau de la résolution des problèmes, les actions organisées dans son secteur ont été trop rares et pas forcément ciblées avec la vision de police de proximité. Ce dernier doit être plus impliqué dans son travail. Nous relevons également que passablement de points en rapport avec son cahier des charges de caporal n'ont pas donné entière satisfaction ».

10) Le 15 juin 2020, l’IGS a sollicité du Ministère public l’autorisation de transmettre une copie de son rapport et de tout autre document pertinent au conseiller administratif de la ville en charge de la police municipale, afin qu’il puisse se déterminer sur l’ouverture d’une enquête administrative à l’encontre de M. A______.

11) Le 15 juin 2020 également, l'IGS a remis un rapport au Ministère public concernant notamment M. A______.

De nombreux échanges via WhatsApp montraient une grande proximité entre certains agents de la police municipale (ci-après : APM) de la ville et M. E______, mettant en évidence des problèmes d'ordre déontologique.

S'agissant de M. A______, présent dans les contacts de M. E______ tant avec son numéro professionnel qu'avec son numéro privé, les problèmes détectés étaient les suivants :

-          5 mars 2016 : M. E______ envoie à M. A______ une série de séquences filmées, extraites du système de vidéosurveillance de son arcade, lors du passage d'une patrouille d'APM. Ces images montraient notamment M. A______ se dévêtir partiellement et exhiber ses tatouages à M. E______, ceci dans un vestiaire ;

-          11 août 2017 : M. A______ demande à M. E______ si ce dernier peut lui prêter de l'argent ;

-          27 juin 2018 : plusieurs APM dont M. A______ avaient mangé au domicile de M. E______ en compagnie de ce dernier qui les y avait conviés ;

-          18 octobre 2018 : M. E______ envoie à M. A______ des images d'un repas pris en compagnie de l'amie intime de ce dernier dans un poste de la police municipale, ainsi que des images prises dans les bureaux de certains APM ;

-          30 et 31 octobre 2018 : M. E______ envoie à plusieurs de ses contacts, notamment à M. A______ et à l'amie intime de celui-ci, une série de quatorze images et films pris dans les locaux de la police municipale montrant un fusil d'assaut à bille soft air.

De plus, M. A______ avait demandé à M. E______, au moyen de son téléphone professionnel, de lui envoyer « des photos de bombe » ainsi que d'« une meuf à poil en train de faire des steps ». Il avait reçu à plusieurs reprises sur son téléphone professionnel des photographies et vidéos érotiques ou pornographiques, et avait à l'occasion commenté lesdits clichés, notamment en indiquant « Toujours intéressantes tes vidéos » ou encore « Putain m'envoie pas ça plus de 15 jours que je n'ai pas baisé ».

12) Le 1er septembre 2020, le Ministère public a accordé un « n’empêche » à l’IGS, permettant ainsi de communiquer son rapport aux autorités administratives concernées

13) Le 9 avril 2021, la directrice du département de la sécurité et des sports de la ville (ci-après : DSS) a écrit à M. A______.

Il ressortait du dossier que ce dernier avait développé et entretenu, pendant plusieurs années, des liens étroits avec M. E______, mélangeant ainsi activité professionnelle et vie privée de manière inadéquate ; se serait fait offrir par M. E______, à de nombreuses reprises, des cafés et des repas, voire d'autres avantages, notamment durant ses heures de service ; aurait reçu, visionné voire envoyé, durant ses heures de service et/ou au moyen de son téléphone portable professionnel, du contenu à caractère sexuel ou pornographique, ou à tout le moins inapproprié ; aurait demandé à M. E______ de lui prêter la somme de CHF 4'000.- ; et aurait ainsi adopté un comportement incompatible avec son statut d'employé de la ville et de caporal au sein du SPM.

La directrice du DSS envisageait ainsi de prononcer à son encontre la suppression de son augmentation annuelle de traitement pour l'année à venir. Elle le convoquait à un entretien formel visant à l'entendre sur les reproches précités. Cet entretien, lors duquel il pouvait être assisté, aurait lieu le 6 mai 2021, en présence d'elle-même, de la commandante de la police municipale Madame G______ et de Madame H______, conseillère juridique.

Une procédure de changement d'affectation d'office serait en outre prochainement initiée.

14) La date de l'entretien a par la suite été reportée au 28 mai 2021 à la demande du conseil de M. A______. Aucun procès-verbal n'a été tenu malgré la demande faite par le précité.

15) Par décision du 8 juillet 2021, la directrice du DSS a prononcé un blâme à l'encontre de M. A______ et a annoncé qu'un changement d'affectation d'office allait être demandé au Conseil administratif (ci-après : CA).

Après avoir rappelé les éléments reprochés à M. A______, en précisant à propos de la demande de prêt qu'elle portait sur CHF 4'000.- et avait été refusée par M. E______ au motif qu'il avait une grosse facture à payer, elle a résumé les déclarations faites par M. A______ lors de l'entretien du 28 mai 2021.

M. A______ avait ainsi déclaré que M. E______ était un commerçant comme les autres et une relation professionnelle avec laquelle il y avait eu un rapprochement au fil des années. Il lui donnait de nombreuses informations utiles car il savait tout ce qui se passait dans le quartier. Lorsqu'il devait patrouiller dans le quartier D______, toutes les cinq semaines du jeudi au samedi de 22h00 à 02h00, il se rendait dans l'arcade de M. E______ pour y boire le café pendant sa pause. M. E______ utilisait sa machine à café privée, et il ne lui avait jamais donné d'argent pour le café. Il se faisait du reste offrir le café par de nombreux autres commerçants ou cafetiers. Il s'était aussi fait offrir une bière, mais à titre privé et en dehors des heures de service. M. E______ était venu au poste D______, où il l'avait présenté au chef de poste. Le barbecue n'avait pas eu lieu à son domicile, mais dans la maison d'un proche qu'il devait garder pendant plusieurs jours, en compagnie de deux autres APM faisant partie de son groupe.

Il était conscient qu'il n'était pas adéquat de demander à M. E______ de lui envoyer des photos de femmes nues, et il aurait dû lui demander d'arrêter de lui envoyer ce type de contenus. Il comprenait désormais le rapport compromettant dans lequel il se trouvait avec le gérant d'un salon de massages. Il regrettait également d’avoir demandé à M. E______ de lui prêter CHF 4'000.-. Il ne l'avait pas relancé, et le prêt n'avait pas eu lieu.

L'examen du dossier conduisait à retenir que la relation qu'entretenait M. A______ avec M. E______ dépassait clairement le cadre professionnel, et ce de manière inadéquate et en violation de ses devoirs de service. Le fait qu'à une occasion, il ait décliné une invitation de M. E______ parce qu'il se trouvait « avec le grand chef » montrait du reste qu'il avait conscience du caractère inadéquat de ces relations.

16) Le 17 août 2021, Mme G______ a écrit à M. A______. Les différents éléments de son dossier l'amenaient à considérer que le précité ne parvenait pas à fournir les prestations suffisantes dans sa fonction de caporal-chef de groupe. Elle envisageait ainsi de solliciter auprès du CA son changement d'affectation au poste d'appointé, lequel correspondait à ses qualifications et aptitudes. Elle le convoquait pour l'entendre à ce sujet le 1er septembre 2021.

17) Le 13 septembre 2021, M. A______ a interjeté un recours hiérarchique auprès du CA contre le blâme prononcé le 8 juillet 2021.

Il avait demandé à ce que l'entretien du 28 mai 2021 fasse l'objet d'un procès-verbal, ce qui lui avait été refusé au mépris de son droit d'être entendu. Plusieurs de ses propos avaient ensuite été transcrits de manière erronée ou incomplète ; il n'avait ainsi pas dit qu'il était à l'époque conscient de ce que demander des photos à contenu sexuel était inadéquat, et avait dit qu'il n'avait jamais mangé chez M. E______, ni M. E______ chez lui.

Il n'y avait pas de règlements ni de directives, pas plus que d'instructions orales, sur la nature des contacts que les agents pouvaient ou non entretenir avec des personnes du quartier, ceci alors qu'il était membre d'une police de proximité. M. E______ était la personne qui lui donnait le plus de renseignements. Il n'avait jamais mélangé son activité professionnelle et sa vie privée, et le Ministère public avait rendu le 22 mars 2021 une ordonnance de non-entrée en matière sur le plan pénal. Le CA ne pouvait de plus se référer aux messages contenus dans son téléphone privé, sauf à violer son droit au respect de sa sphère privée.

Sa référence au « grand chef » s'expliquait par sa mauvaise relation avec son chef de poste. Le fait de se faire offrir un café de temps à autre n'entachait aucunement son indépendance et son impartialité. La consommation d'une bière et le barbecue s'inscrivaient dans un cadre strictement privé.

Cela étant, il avait pris conscience que certains de ses comportements ne correspondaient pas à ce que la ville attendait, si bien qu'il avait exprimé des regrets lors de l'entretien du 28 mai 2021, et surtout s'était engagé à ne plus reproduire le comportement reproché.

18) Par courrier du 15 septembre 2021, le conseil de M. A______ a indiqué au CA que l'ordonnance de non-entrée en matière pénale à laquelle il avait fait référence ne concernait pas M. E______.

19) Le 16 septembre 2021, M. A______ s'est opposé « catégoriquement » au changement d'affectation d'office annoncé. Il souhaitait être entendu par le directeur général de l'administration municipale.

20) Par décision du 3 novembre 2021, le CA a rejeté le recours hiérarchique de M. A______.

La tenue d'un procès-verbal était facultative en procédure non contentieuse.

M. A______ avait contrevenu aux devoirs généraux des fonctionnaires municipaux au sens des art. 82, 83 let. c et 84 let. a, c f et g du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (LC 21 151 - ci-après : le statut), ainsi qu'à l'art. 95 du règlement d'application du statut du 14 octobre 2009 (REGAP - LC 21 152.0), interdisant d'accepter des dons ou d'autres avantages, et à la directive sur les systèmes d'information et de communication (ci-après : directive SIC), qui tolérait l'utilisation des systèmes d'information et de communication (ci-après : SIC) à des fins privées pour autant qu'il ne s'agisse pas de consultation ou de transmission de représentations obscènes ou violentes.

M. A______, qui était tenu à un devoir d'exemplarité accru vu sa position de chef de groupe, avait ainsi régulièrement échangé des messages « WhatsApp » avec M. E______, le fréquentait en dehors de ses heures de service, notamment en l'invitant à un événement privé en présence d'APM de son groupe, et se faisait régulièrement offrir des cafés par M. E______. Il avait demandé un prêt à ce dernier, risquant ainsi de s'en rendre débiteur et donc de perdre son indépendance à son égard. En outre, en sollicitant et en recevant du contenu à caractère sexuel sur son téléphone professionnel, M. A______ avait enfreint la directive SIC.

21) Par acte posté le 6 décembre 2021, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation, au constat qu'il n'avait pas contrevenu à ses devoirs de service, au classement de la procédure disciplinaire ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Il reprenait pour l'essentiel l'argumentation de son recours hiérarchique, ajoutant que selon la jurisprudence cantonale, un procès-verbal devait être tenu dans le cadre d'une procédure qui précédait une prise de décision.

22) Le 28 janvier 2022, la ville a conclu au rejet du recours, en développant juridiquement l'argumentation contenue dans ses précédentes décisions.

23) Le 8 février 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 18 mars 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

24) Le 18 mars 2022, la ville a persisté dans ses conclusions, précisant que M. A______ était toujours en incapacité de travail et produisant les certificats médicaux reçus à cet égard.

25) M. A______ ne s'est quant à lui pas manifesté dans le délai imparti.

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la confirmation par le CA, le 3 novembre 2021, du blâme prononcé le 8 juillet 2021 par la directrice du DSS en lien avec divers comportements du recourant révélés lors de l'enquête de police concernant M. E______.

3) Le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu par l'autorité intimée en amont de la décision querellée.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_539/2019 du 19 mars 2020 consid. 3.1 ; 2C_203/2019 du 4 juillet 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités).

b. Selon la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public, l'autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d'office l'ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l'établissement des faits ; il incombe à celles-ci d'étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles, spécialement lorsqu'il s'agit d'élucider des faits qu'elles sont le mieux à même de connaître (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_649/2020 du 10 novembre 2020 consid. 6.4).

c. En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité intimée de ne pas avoir établi de procès-verbal à la suite de l'entretien du 28 mai 2021. Or la tenue d’un procès-verbal n’est pas obligatoire en phase non contentieuse (art. 20 al. 3 LPA a contrario ; ATA/871/2022 du 30 août 2022 consid. 3c ; ATA/27/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, n. 357).

À cet égard, l'ATA/216/2016 du 8 mars 2016 cité par le recourant dit que l'obligation constitutionnelle ou légale de tenir un procès-verbal concerne principalement sinon exclusivement la procédure contentieuse, ainsi que la procédure non contentieuse devant aboutir au prononcé d'une décision, et qu'en cas de discussions informelles tenues sur une base consensuelle, l'autorité doit mettre à disposition le procès-verbal s'il existe, mais qu'elle n'est pas tenue d'en établir un. Cet arrêt n'avait ainsi nullement vocation à instituer, à l'encontre du texte légal, une obligation de tenir un procès-verbal en procédure non contentieuse.

Au surplus, quand bien même aucun procès-verbal de l'entretien du 28 mai 2021 n'a été tenu, la décision du 8 juillet 2021 formalise les propos tenus par le recourant à cette occasion. Le recourant estime certes que certains de ses propos ont été mal restitués, mais tel aurait pu tout aussi bien être le cas avec un procès-verbal. Le recourant a eu l'occasion de rectifier lesdits propos censément erronés ou déformés et a pu rédiger son recours hiérarchique, puis son recours auprès de la chambre de céans en toute connaissance de cause.

Son grief d'une violation d'être entendu sera donc écarté.

4) Le recourant conteste le principe d'une sanction disciplinaire, soit en l'espèce un blâme.

Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont toutefois pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l’espèce.

Il n’en résulte toutefois pas que l’autorité est libre d’agir comme bon lui semble (ATA/1300/2021 du 30 novembre 2021 consid. 6). Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux de droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_37/2020 du 7 septembre 2020 consid. 5.1).

5) La décision litigieuse se fonde sur les art. 82, 83 let. a, 84 let. a, c, f et g et 93 statut, sur les art. 95 et 107 al. 2 REGAP ainsi que sur la directive SIC.

a. Le chapitre VI du statut énonce les devoirs du personnel. Parmi les devoirs généraux, les membres du personnel sont tenus au respect des intérêts de la ville et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 82 statut), justifier et renforcer la considération et la confiance dont le personnel de la ville doit être l'objet (art. 83 let. c statut), remplir leur devoir de fonction consciencieusement et avec diligence, assumer personnellement leur travail et s'abstenir de toute occupation étrangère au service pendant les heures de travail, se conformer aux règlements et directives les concernant ainsi qu'aux instructions de leurs supérieurs et en exécuter les ordres avec conscience et discernement (art. 84 let. a, c, f et g statut).

b. Selon l'art. 93 al. 1 statut, les membres du personnel qui violent leurs devoirs de service intentionnellement ou par négligence peuvent se voir infliger un avertissement ou un blâme ou la suppression de l’augmentation annuelle de traitement pour l’année à venir. Le CA détermine par règlement l'autorité compétente pour prononcer ces sanctions (art. 93 al. 2 statut).

c. Selon l'art. 95 REGAP, il est interdit aux membres du personnel de solliciter, de se faire promettre ou d'accepter, en raison de leur fonction, pour elles-mêmes ou eux-mêmes ou pour autrui, des dons ou d'autres avantages quelconques.

d. L'art. 107 al. 2 REGAP prévoit que la directrice du département, le secrétaire général de la ville ainsi que la conseillère administrative déléguée sont compétents pour prononcer un blâme concernant le personnel placé sous leur autorité.

e. Selon le ch. 2.1.1 al. 3 let. d de la directive SIC, l'utilisation des SIC à des fins privées est tolérée pour autant qu'elle n'entraîne pas la consultation ou la transmission de représentations obscènes ou violentes.

6) Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/ Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/508/2022 du 17 mai 2022 consid. 7 ; ATA/137/2020 du 11 février 2020). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, in Revue jurassienne de jurisprudence, 1998, n. 55 p. 14).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (ATA/912/2022 du 13 septembre 2022 consid. 6e ; Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50 p. 14). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (ATA/571/2022 du 31 mai 2022 consid. 7b ; Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51 p. 14).

7) En l'espèce, la décision querellée sanctionne le recourant pour sa proximité avec M. E______, tenancier d'un « sex center » du quartier D______ où le recourant était alors en poste.

Il résulte de l'ensemble du dossier que la proximité en question était excessive et, partant, fautive. Si l'on peut à la rigueur admettre qu'un policier de proximité puisse à l'occasion se faire offrir un café par un commerçant du quartier sans encourir pour autant de responsabilité disciplinaire, les liens entre le recourant et M. E______ ont une tout autre dimension : fréquentes pauses à l'arcade du précité, communication à celui-ci de son numéro privé, invitation à un barbecue, tutoiement systématique, détails intimes livrés par messages, demande de prêt portant sur plusieurs milliers de francs, demandes de contenus à caractère sexuel et, réception de M. E______ dans les bureaux du poste D______ démontrent qu'il existait entre les deux hommes des liens allant bien au-delà d'une fréquentation ordinaire dans un cadre professionnel. Une telle proximité était susceptible de faire perdre au recourant son objectivité vis-à-vis d'un administré à qui il pouvait facilement avoir affaire dans le cadre de ses tâches de police, et a incontestablement contribué à ternir l'image de la police municipale auprès du public. Ce faisant, le recourant a contrevenu aux différentes dispositions des art. 82 à 84 statut citées plus haut. Le fait qu'il n'existait pas de règlements ou de directives écrites ou orales sur le degré de proximité possible entre un ASM et un administré n'y change rien, dès lors qu'il s'agit avant tout d'une question de bon sens et que, comme déjà exposé, la faute disciplinaire ne suppose pas que les comportements fautifs soient spécifiquement et précisément décrits dans une loi ou un règlement. La réception de clichés et de vidéos à contenu sexuel contrevenait également à la directive SIC et, par contrecoup, à l'art. 84 let. f statut.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le recourant s'est vu sanctionner disciplinairement.

8) Reste à examiner la proportionnalité de la sanction.

a. Le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATA/1019/2022 du 11 octobre 2022 consid. 2g ; ATA/1218/2021 du 16 novembre 2021 consid. 6a).

b. Il a en l'espèce déjà été retenu que le principe d'une sanction est fondé, au vu du comportement du recourant. Le blâme prononcé est propre à lui faire comprendre qu'il ne peut persister dans cette posture d'opposition à l’encontre d'ordres légitimes de sa hiérarchie. Aucune mesure moins contraignante ne pouvait être envisagée ; à cet égard, il convient de noter que le recourant, s'il dit avoir exprimé des regrets lors de l'entretien du 28 mai 2021, n'en tente pas moins jusqu'à ce jour de justifier son comportement en déclarant n'avoir jamais mélangé son activité professionnelle et sa vie privée.

Quant au choix de la sanction, il s'agit de la deuxième plus faible d'un catalogue volontairement restreint par le législateur communal. Or, certains des comportements reprochés au recourant auraient pu à eux seuls justifier une telle sanction : c'est notamment le cas de la demande d'un prêt à hauteur de CHF 4'000.- à M. E______, que le recourant ne conteste pas mais qu'il minimise en faisant valoir que cette demande a été déclinée par l'intéressé, alors que cet élément était totalement indépendant de sa volonté.

Ainsi, c'est sans violer son pouvoir d'appréciation que la directrice du DSS a infligé un blâme au recourant et que le CA de la ville a confirmé cette décision.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

9) Vu son issue, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 décembre 2021 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 3 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat du recourant ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :