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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2383/2021

ATA/1031/2022 du 11.10.2022 sur JTAPI/1264/2021 ( ICCIFD ) , REJETE

Recours TF déposé le 16.11.2022, rendu le 01.01.2023, SANS OBJET, 9C_713/2022, 2C_925/2022
Recours TF déposé le 01.01.2023, rendu le 06.11.2023, REJETE, 9C_713/2022, 2C_925/2022
Descripteurs : DROIT FISCAL;IMPÔT CANTONAL ET COMMUNAL;IMPÔT FÉDÉRAL DIRECT;PROCÉDURE FISCALE;FARDEAU DE LA PREUVE;ÉTANCHÉITÉ;RÉALISATION(EN GÉNÉRAL);IMPOSITION DANS LE TEMPS;DÉCISION DE TAXATION;CALCUL DE L'IMPÔT
Normes : LIFD.16.al1; LIFD.17; LIFD.41; CO.151.al1; CO.151.al2; CO.1
Résumé : Recours de contribuables contre le jugement du TAPI qui a confirmé les décisions de taxation de l’AFC. Les recourants ne critiquent pas le principe de l’imposition de l’abandon de créance dont ils ont bénéficié au titre de revenu, mais ils considèrent avoir bénéficié dudit abandon de créance au moment de la signature de la convention d’abandon de créance en janvier 2007 et non en 2016, au moment où toutes les conditions de cette convention étaient remplies. Or, la signature de la convention en 2007 ne pouvait déclencher leur imposition, faute de constituer une prétention ferme au sens de la jurisprudence et de la doctrine. Il ne s’agissait que d’une expectative, soumise à la réalisation de plusieurs conditions, qui ne se sont réalisées qu’avec le dernier paiement, intervenu en décembre 2016. C’est à ce moment qu’ils ont acquis une prétention ferme à l’abandon de créance, qui constitue un revenu imposable, et donc à imposer en 2016. Les deux exemples de jurisprudence citées par les recourants diffèrent de leur cas, en termes de conditions suspensives et en termes de domaine traités. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2383/2021-ICCIFD ATA/1031/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 octobre 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______
représentés par Mes Nicole Fragnière Meyer et Alexandre Steiner, avocats

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

et

ADMINISTRATON FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 décembre 2021 (JTAPI/1264/2021)


EN FAIT

1) Le litige concerne les impôts cantonaux et communaux (ICC) et l’impôt fédéral direct (IFD) 2016 de Monsieur B______ et de son épouse, Madame A______.

2) Par reconnaissances de dettes des 27 juillet 2001, 10 juin 2002 et 30 septembre 2004, M. B______ a reconnu devoir un montant total de CHF 5’871'446.10 à la banque Crédit Suisse.

3) En 2005, ces reconnaissances de dettes ont été cédées à C______ AG (ci-après : C______), qui est devenue, en 2009, D______ SA, puis, à la suite d’une fusion, E______ SA (ci-après : E______).

Le contribuable a été informé de cette cession par courrier du Crédit Suisse du 31 janvier 2005, puis le 28 juin 2016, qu’E______ était devenue la nouvelle propriétaire de la créance.

4) Le 9 janvier 2007, C______ et le contribuable, en tant que débiteur, ont signé une convention valant reconnaissance de dette au sens de l’art. 82 de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite du 11 avril 1889 (LP - RS 281.1) 
(ci-après : la convention), dont la teneur est la suivante :

« Le débiteur reconnaît devoir à C______ la somme de CHF 5'871'446.10, à raison de trois reconnaissances de dettes. L’intégralité de cette somme est actuellement exigible. Dans le but de mettre en place un mode de règlement amiable, les parties ont manifesté la volonté de s’accorder sur un plan de remboursement extrajudiciaire ».

Les parties ont ainsi convenu de ce qui suit :

« 1. Le débiteur reconnaît devoir à C______ au sens de l’art. 82 LP la somme de CHF 5’871'446.10. Cette somme ne porte pas intérêts. Elle est actuellement exigible.

2. La présente convention définit le mode de règlement de cette somme et ne remplace ni annule les reconnaissances de dettes en mains de C______ qui fondent sa créance.

3. Le débiteur s’engage à verser à C______ CHF 4’000.- à la signature de la convention.

4. Dès le mois de janvier 2007, le débiteur versera CHF 350.- par mois, ceci pendant une durée de 10 ans, la première fois au 15.1.2007. Le but est d’arriver par ce moyen à un versement global de CHF 42’000.- d’ici au 31.12.2016.

5. Le débiteur s’engage à verser à C______ CHF 4’000.- en fin d’année 2007, au plus tard au 20.12.2007, en sus des modalités de paiement ci-avant.

6. Dès à présent, le débiteur s’engage à nous remettre en nantissement son compte de prévoyance 3e pilier N° 1______ qui présentait un solde en sa faveur de CHF 39’919.45 au 31.12.2004. À cet effet, il signe le formulaire "acte de nantissement spécial", document qui lui est remis avec la présente.

7. Le débiteur accepte que ce nantissement soit notifié à Crédit Suisse Privilegia à Zurich.

8. Par ailleurs, le débiteur s’engage à alimenter ledit compte de prévoyance avec régularité de sorte qu’il atteigne la somme de CHF 50’000.- au moment de sa libération en faveur de C______.

9. Moyennant la bonne et fidèle exécution de ce qui précède, C______ aura encaissé par les différents versements évoqués jusqu’ici la somme totale de CHF 100’000.- au 31.12.2016. À cette condition, C______ libérera le débiteur du solde de sa dette et n’aura plus aucune prétention à faire valoir à raison des trois reconnaissances de dettes mentionnées sous lettre A.

10. En cas d’exécution incomplète et/ou retard de plus de 15 jours dans ce qui est prévu, l’intégralité du solde de la créance sera immédiatement exigible et les poursuites seront introduites sans autre avis. (…) ».

5) Dans leur déclaration fiscale 2005, les contribuables ont mentionné la dette pour information et précisé qu’un arrangement pour son remboursement était en cours.

6) Le 18 décembre 2007, l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) leur a demandé une attestation concernant cette dette au 31 décembre 2005, ainsi qu’une copie des actions entreprises jusqu’à ce jour par la banque afin de recouvrer sa créance. Les contribuables lui ont répondu et remis une copie de la convention.

7) Dans leur taxation 2005 du 3 mars 2008, la dette de CHF 5’871’446.- a été déduite de leur fortune totale imposable, avec la référence « selon reconnaissance de dettes ».

8) Dans leur déclaration fiscale 2006, les contribuables ont, à nouveau, mentionné cette dette pour mémoire et indiqué qu’un arrangement pour son remboursement était toujours en cours.

9) Dans leur taxation 2006 du 29 mars 2010, la dette susmentionnée a été déduite de leur fortune totale imposable, encore avec la référence « selon reconnaissance de dettes ».

10) Dans leur déclaration fiscale 2007, les contribuables n’ont plus mentionné cette dette, considérant qu’elle était définitivement liquidée ; ils ne l’ont d’ailleurs plus indiquée dans leurs déclarations fiscales successives. Ils n’ont pas non plus déclaré avoir bénéficié d’un abandon de créance.

11) L’AFC-GE ne leur a pas demandé la raison pour laquelle cette dette n’était plus déclarée. Dans la taxation 2007 du 26 octobre 2009 des contribuables, elle n’a pas déduit la dette en cause de leur fortune imposable.

Cette dette n’a pas non plus été déduite de la fortune imposable des contribuables lors de leurs taxations 2008 à 2013, datées respectivement des 29 mars 2010, 25 janvier 2012, 14 juillet 2014, 17 novembre 2015, 23 mars et 2 août 2016.

12) Le 20 septembre 2011, dans le cadre de leur taxation 2009, l’AFC-GE a demandé aux contribuables de la renseigner sur « l’état de la dette au 31.12.2009 auprès de C______ ». Le 28 septembre 2011, ils lui ont répondu en transmettant la convention.

13) Le 11 octobre 2018, l’AFC-GE a procédé à des demandes de renseignements pour les années fiscales 2014, 2015 et 2016.

14) S’agissant des années 2014 et 2015, elle a demandé, notamment, toutes les explications utiles, avec pièces probantes à l’appui, concernant ladite convention. Elle voulait en particulier connaître l’origine des dettes, savoir si la convention était toujours en vigueur au 31 décembre, obtenir toutes les preuves des paiements des CHF 350.- par mois et des paiements au 3ème pilier A qui avait été nanti, et connaître l’état de la dette au 31 décembre.

Quant à l’année 2016, elle a demandé, notamment, toutes les explications utiles, avec pièces probantes, concernant l’abandon de créance concédé par C______ au 31 décembre au contribuable pour un montant de CHF 5’771’446.-. Elle requérait aussi une attestation établie par C______ confirmant cet abandon de créance en 2016.

15) Le 11 janvier 2019, les contribuables ont répondu, s’agissant des années 2014 et 2015, que les dettes faisant l’objet de la convention provenaient de crédits bancaires octroyés dans le cadre de la construction et de la transformation de deux immeubles sis dans les communes de F______ et de à la fin des années 1980, début 1990. La convention était toujours en vigueur au 31 décembre des années 2014 et 2015. Les mensualités de CHF 350.- avaient dûment été payées en 2014 et 2015, faute de quoi la convention aurait été annulée. Aucun versement n’avait été effectué au pilier 3a, qui avait été remis en nantissement. La dette à fin 2014 s’élevait à CHF 10’700.-, celle à fin 2015 à CHF 6’150.-

Au sujet de l’année 2016, ils ont indiqué ne pas être en mesure de répondre de manière exhaustive sur le point concernant l’abandon de créance concédé par C______. Ils ont néanmoins précisé que selon les termes de la convention, le revenu découlant de l’abandon de créance de CHF 5’771’476.- devait, du point de vue fiscal, être considéré comme réalisé en 2007.

16) Le 24 janvier 2019, les contribuables ont complété leur réponse en transmettant une lettre d’E______ du 22 décembre 2016, selon laquelle l’intégralité des créances à l’encontre du contribuable était liquidée par les paiements effectués pour un montant total de CHF 100’000.-.

La remise de dette dont le contribuable avait bénéficié constituait certes un revenu imposable, mais celui-ci devait être considéré comme réalisé en 2007. En effet, le contribuable disposait, en 2007 déjà, d’une prétention ferme à la remise de cette dette. Il pouvait aisément remplir ses obligations à sa charge à l’égard de C______ à fin 2007, qui ne comportaient en fait plus que le paiement d’un montant total de CHF 52'000.- sur dix ans. Ainsi, la condition du respect de ces obligations constituait une simple formalité, de sorte que sa prétention à la remise de la dette était déjà acquise en 2007. Partant, l’abandon de créance objet de la convention ne saurait affecter leur taxation 2016.

17) Par bordereaux du 26 janvier 2021, l’AFC-GE a taxé les contribuables pour les années fiscales 2014, 2015 et 2016.

À teneur des avis de taxation ICC/IFD 2014 et 2015, une dette de respectivement CHF 5’782’146.- et CHF 5’777’596.- était déduite de la fortune imposable, avec pour référence « 55.10 Intérêt et dettes chirographaires : Dette envers C______ AG ».

Selon les avis de taxation ICC/IFD 2016, un revenu de CHF 5’771’146.- était ajouté avec la mention « 16.64 - Autres revenus : Abandon de créance consenti par C______ AG. Dette totale selon la convention de reconnaissance de dette du 09.01.2007 : 5’871’446,10 ./. 100’000 de remboursés au 31.12.2016 selon le point 9 de la convention de reconnaissance de dette du 09.01.2007. ==> Abandon de créance imposable en 2016 : 5’771’446.- ».

18) Le 25 février 2021, les contribuables ont élevé réclamations à l’encontre de toutes ces taxations.

19) Par décisions sur réclamations du 10 juin 2021, l’AFC-GE les a maintenues.

20) Par acte du 9 juillet 2021, les contribuables ont interjeté recours contre les décisions ICC/IFD 2016 auprès du Tribunal administratif de première instance
(ci-après : le TAPI), concluant à leur annulation, ainsi qu’à celle des bordereaux ICC/IFD 2016 et au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour qu’elle émette de nouveaux bordereaux 2016, avec suite de frais et dépens.

Ils ne contestaient pas, sur son principe, que l’abandon de créance consenti par C______ avait constitué un revenu imposable. Cependant, ledit revenu était intervenu en 2007 et non en 2016, puisqu’ils disposaient d’une prétention ferme à cet abandon de la créance à la suite de la conclusion de la convention. Ce revenu ayant été réalisé en 2007, période fiscale prescrite à ce jour, la créance fiscale était dès lors aujourd’hui éteinte. Ils ne pouvaient recourir contre leurs taxations 2014 et 2015, faute d’un intérêt juridique.

21) Dans sa réponse du 13 octobre 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours et invité le tribunal à se référer à sa décision sur réclamation afin d’éviter d’inutiles redites.

22) Par jugement du 13 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L’abandon de créance n’était intervenu qu’en 2016, une fois réalisées toutes les conditions mentionnées aux clauses 4 à 8. Les contribuables avaient d’ailleurs partagé cette analyse, puisqu’ils avaient indiqué le 11 janvier 2019, en réponse à la demande de renseignements de l’AFC-GE, que la convention était toujours en vigueur au 31 décembre 2014 et 2015 et que les mensualités de CHF 350.- avaient été payées en 2014 et 2015, faute de quoi cette convention aurait été annulée. Il ressortait également de la lettre d’E______ du 22 décembre 2016 que l’intégralité des créances à l’encontre de M. B______ avait été liquidée à la suite des divers paiements effectués pendant plusieurs années, pour un montant total de CHF 100'000.-, ce qui démontrait que la liquidation n’était intervenue qu’à l’issue du paiement du dernier franc permettant d’atteindre le montant total de CHF 100'000.- . Le dernier paiement à cette fin avait eu lieu à mi-décembre 2016. C’était donc à juste titre que l’AFC-GE avait considéré que l’abandon de créance avait eu lieu en 2016 et non en 2007.

23) Par acte du 17 janvier 2022, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours à l’encontre du jugement précité auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant principalement à son annulation et au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour émission de nouveaux bordereaux de taxation ICC et IFD relatifs à la période fiscale 2016, sans adjonction du revenu supplémentaire de CHF 5'771'446.-.

Reprenant les arguments déjà invoqués devant le TAPI, ils soulignaient que le revenu découlant de l’abandon de créance avait été réalisé en 2007, date à laquelle la convention comportant l’abandon de créance avait été conclue avec C______, et non en 2016.

Lors de la signature de la convention, ils avaient acquis une prétention en abandon de créance. La question à résoudre était uniquement de déterminer si l’exécution de la convention paraissait d’emblée peu probable au moment de sa conclusion. Or, il ne faisait aucun doute en 2007 que la convention serait dûment exécutée. En effet, l’ampleur de la remise de dette, comparée au faible montant de la contrepartie, confirmait le caractère certain de l’exécution de la convention. Les arguments du TAPI ne pouvaient être suivis. Les points 4 à 8 de la convention ne pouvaient pas être qualifiés de conditions suspensives. Selon leur texte, il s’agissait d’obligations contractuelles. Le point 9 de la convention prévoyait « l’engagement ferme de C______ de libérer [M. B______] de la dette moyennant bonne et fidèle exécution par [ce dernier] de ses obligations contractuelles ».

L’exécution par le recourant de ses obligations contractuelles ne représentait qu’une simple formalité. Dès lors que l’exécution de la prétention était certaine, la réalisation du revenu ne pouvait pas être différée au moment de l’avènement de la condition.

24) Dans sa réponse du 23 février 2022, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours, renvoyant à ses précédentes écritures devant le TAPI, pour éviter d’inutiles redites.

Les recourants n’apportaient aucune nouvelle motivation influençant le litige.

Il n’était pas réaliste de soutenir que lors de la signature de la convention en juin 2007, les recourants auraient été en mesure, dix ans plus tard, de se conformer à leurs obligations découlant de la convention. Le TAPI avait repris le texte clair de la convention et était parvenu à une conclusion ne prêtant pas le flanc à la critique. La clause 9, citée par les recourants eux-mêmes, prévoyait que la libération de dette n’aurait lieu qu’à la condition que le créancier ait encaissé l’entier de sa créance et cette libération ne pouvait avoir lieu qu’au-delà du 31 décembre 2016. Le lien avec la clause 10 était clair, et cette dernière réglait les conséquences d’une inexécution ou d’un retard. Au moment de la signature de la convention en 2007, l’abandon de créance n’était pas ferme, le débiteur devant accomplir un certain nombre d’actes avant de parvenir à une libération totale du solde de la dette.

25) Dans leur réplique du 24 mars 2022, les recourants ont souligné que
l’AFC-GE ne contestait pas qu’ils disposaient d’une capacité financière leur permettant de s’acquitter de leurs obligations résultant de la convention. L’interprétation des clauses 9 et 10 faite par l’AFC-GE ne pouvait être suivie. Ces dernières ne faisaient que régler les conséquences d’une non-exécution des engagements contractuels et n’atténuaient en rien le caractère ferme de ces engagements.

26) Le 28 mars 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 145 de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2) a. Le litige concerne la période fiscale 2016 en matière d’ICC et d’IFD. Il porte sur la conformité au droit du jugement du TAPI, qui a confirmé la position de l’AFC-GE estimant que l’abandon de créance avait eu lieu en 2016, au moment de la réalisation des conditions prévues dans la convention du 9 janvier 2007, et non en 2007, au moment de la signature de ladite convention.

b. De jurisprudence constante, les questions de droit matériel sont résolues en fonction du droit au vigueur lors des périodes fiscales litigieuses (ATA/1727/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3a).

c. En matière d'ICC, le 1er janvier 2010 est entrée en vigueur la loi sur l'imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), dont l'art. 69 a abrogé les cinq anciennes lois sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-I à aLIPP-V du 22 septembre 2000). L'art. 72 al. 1 LIPP prévoit que cette loi s'applique pour la première fois pour les impôts de la période fiscale 2010. Pour les périodes fiscales antérieures, les dispositions des anciennes lois s'appliquent même après l'entrée en vigueur de la loi.

Il s'ensuit que la présente cause est régie par les dispositions du droit actuel.

d. La question à trancher dans le cadre du recours étant traitée de la même manière en droit fédéral et en droit cantonal harmonisé, le présent arrêt traite simultanément des deux impôts, comme l'admet la jurisprudence (ATF 135 II 260 ; ATA/463/2020 du 7 mai 2020 consid. 6b).

3) a. Selon l'art. 16 al. 1 LIFD, l'impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils soient uniques ou périodiques. Cette disposition exprime la théorie de l'accroissement du patrimoine, respectivement du principe de l'imposition du revenu global net, selon lesquels tous les montants qui accroissent le patrimoine d'une personne sont inclus dans son revenu imposable, à moins d'être expressément exonérés (ATF 146 II 6 consid. 4.1 ; 143 II 402 consid. 5.1).
L’art. 17 LIPP a un contenu similaire à l'art. 16 LIFD et conforme à l'art. 7 al. 1 de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation fiscale des impôts directs des cantons et des communes (LHID - RS 642.14).

b. Selon la jurisprudence, l'abandon d'une créance bancaire en faveur d'un client débiteur est fiscalement considéré comme un revenu pour ce dernier et non comme un don, exonéré en vertu de l'art. 24 let. a LIFD (ATF 142 II 197 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_224/2008 du 1er avril 2009 consid. 2.2). Lorsque la dette remise est privée, il s'agit, selon la théorie de l'accroissement de la fortune nette, d'un revenu imposable en vertu de la clause générale des art. 16 al. 1 LIFD et 17 LIPP (ATF 142 II 197 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_276/2010 du 19 octobre 2010 consid. 3.2 ; 2C_120/2008 du 13 août 2008).

c. Selon le principe de la périodicité de l'impôt sur le revenu, l'impôt dû pour une période fiscale donnée se calcule sur la base du revenu réalisé et des frais tombant durant cette période. Ce principe implique que l'on attribue un revenu à la période fiscale au cours de laquelle il a été réalisé (art. 41 LIFD). L'attribution d'un revenu à une période fiscale s'effectue ainsi selon le principe de la réalisation, qui y est lié (ATF 137 II 353 consid. 6.4.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_784/2017 du 8 mars 2018 consid. 7.4 ; 2C_683/2013 du 13 février 2014 consid. 6.3).

d. La créance d'impôt naît sitôt que les faits générateurs prévus par la loi sont réalisés. La créance fiscale prend naissance ex lege, sans aucune autre intervention extérieure. L'existence et le contenu de la créance fiscale sont fixés par la loi, raison pour laquelle dite créance est en principe irrévocable: dès l'instant où une créance fiscale est née, elle ne peut être réduite à néant par une opération destinée à effacer les faits générateurs lui ayant donné naissance (arrêts du Tribunal fédéral 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.2 ; 2C_692/2013 du 24 mars 2014 consid. 4.2). La naissance ex lege de la créance fiscale a également pour conséquence que le moment de la réalisation du revenu ne saurait dépendre de la seule volonté du contribuable ; si tel était le cas, le contribuable pourrait différer et, par-là, déterminer lui-même en fonction de ses convenances personnelles, à quel moment ce revenu est imposable (arrêts du Tribunal fédéral 2C_687/2018 du 15 février 2019 consid. 4.5 ; arrêts 2C_152/2015 du 31 juillet 2015 consid. 4.2).

e. Le revenu n'est imposable que s'il est réalisé. Le principe de réalisation n’est pas explicite dans le texte légal mais découle de son interprétation par la doctrine et la jurisprudence (Yves NOËL, Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2017, N 27 ad art. 16). Cette condition essentielle constitue le fait générateur de l'imposition du revenu (Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 4ème éd., 2012, p. 99 N 12). Un revenu est réalisé lorsqu'une prestation est faite au contribuable ou que ce dernier acquiert une prétention ferme sur laquelle il a effectivement un pouvoir de disposition (ATF 113 Ib 23 consid. 2e ; 105 Ib 238 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_784/2017 du 8 mars 2018 consid. 7.5 ; 2C_445/2015 du 26 août 2016 consid. 6.3.3 ; 2C_1050/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.2 ; 2C_455/2015 du 1er avril 2016 consid. 4.1). La réalisation détermine le point d'entrée de l'avantage économique dans la sphère fiscale de la personne contribuable. Tant que l'avantage économique n'est pas réalisé, il demeure une expectative non – encore – imposable (arrêt du Tribunal fédéral 2C_710/2017 du 29 octobre 2018 consid. 5.3 ; Yves NOËL, op. cit., N 29 ss ad art. 16 LIFD). Pour être imposable, l’avantage doit être à la libre disposition du contribuable et pouvoir être affecté à ses besoins de consommation ou d’investissement (Yves NOËL, op. cit., N 28 ad art. 16). Au plan dogmatique, le principe agit comme un correctif à la théorie de l’accroissement, en excluant du revenu imposable l’appréciation non réalisée d’éléments de fortune : il faut que survienne une entrée de fonds (ou d’autres valeurs), provenant de l’extérieur et due en échange du bien pour que l’on puisse parler de revenu imposable (Yves NOËL, op. cit., N 28 ad art. 16). La réalisation suppose un titre juridique ferme, qui peut consister en l'acquisition d'une prétention ou en l'acquisition de la propriété. L'acquisition de la prétention précède en principe la prestation en argent (ATF 113 Ib 23 consid. 2e).

En règle générale, l'acquisition d'une prétention est déjà considérée comme un revenu dans la mesure où son exécution ne paraît pas incertaine. Cette hypothèse correspond, selon le Tribunal fédéral à la « Soll-Methode » (arrêt du Tribunal fédéral 2C_342/2016 du 23 décembre 2016 consid. 2.3.1 et les références citées). Ce n'est que si cette exécution paraît d'emblée peu probable que le moment de la perception réelle de la prestation est pris en considération (ATF 113 Ib 23
consid. 2e ; 105 Ib 238 consid. 4 ; 95 I 21 consid. 5a ; 73 I 135). Cette dernière hypothèse correspond, selon le Tribunal fédéral, au principe de l'encaissement (« Ist-Methode » ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_342/2016 du 23 décembre 2016 consid. 2.3.1). Selon la doctrine, le caractère certain ou incertain de l'exécution de la prestation suppose un examen de l'ensemble des circonstances concrètes. En fonction des circonstances, le juge peut ainsi déroger à l'approche normative au profit de l'entrée réelle de l'avantage dans la sphère d'influence du contribuable (Fabien LIÉGEOIS, La disponibilité du revenu, Le moment de l'acquisition en droit fiscal suisse, N 899 p. 295, N 927-929, p. 303).

f. Est en revanche incertaine la prétention conditionnelle (condition suspensive) ou la simple expectative (Yves NOËL, op. cit., N 30 ad art. 16). Faute de constituer une prétention ferme, une simple expectative, soit une créance soumise à une condition suspensive, ne déclenche pas l'imposition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_168/2012 du 1er mars 2013 consid. 2.2 et les références citées).

Une créance est grevée d'une condition suspensive lorsque sa validité ou certains de ces effets découlent d'un fait futur incertain dans l'esprit des parties (art. 151 al. 1 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse - CO - Code des obligations - RS 220 ; ATF 135 III 433 consid. 3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.3 ; 5A_328/2013 du 4 novembre 2013 consid. 5.4.3). La créance ne produit d'effets qu'à compter du moment où la condition suspensive s'accomplit, si les parties n'ont pas manifesté une intention contraire (art. 151 al. 2 CO). La condition n'est, en principe, soumise à aucune forme et peut donc être expresse ou tacite, c'est-à-dire résulter de l'interprétation du contrat, des circonstances ou du contexte (Pascal PICHONNAZ, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, N 2 ad art. 151).

Quel que soit le rapport de base, le contribuable doit acquérir un droit inconditionnel à la prestation pour être imposable sous l’angle de son revenu (Fabien LIÉGEOIS, op. cit., N 899 p. 295). Auparavant, il ne dispose que d’une expectative. Le contrat est conditionnel lorsque l’existence de l’obligation qui en forme l’objet est subordonnée à l’arrivée d’un évènement incertain (Fabien LIÉGEOIS, op. cit., N 900 p. 295). Les expectatives, selon la doctrine unanime, ne donnent pas encore lieu à des revenus imposables. Que le droit soit à naître ou qu’il s’agisse d’un droit dont les effets sont encore suspendus, il est en toute hypothèse trop tôt pour en réclamer l’exécution devant les tribunaux. Ainsi, le revenu du contribuable au bénéfice d’une expectative, n’est pas encore acquis (ou réalisé) faute de disponibilité de l’avantage économique (Fabien LIÉGEOIS,
op. cit., N 902-905 pp. 295-296).

La conclusion d’un contrat conditionnel ne permet pas de conclure à l’acquisition du revenu, car le contrat ne déploie pas encore l’intégralité de ses effets. L’avantage qui en découle n’est pas encore disponible. Une prétention échue doit découler du rapport juridique noué pour qu’il puisse y avoir revenu. Tel n’est pas le cas avant la réalisation de la condition, puisque la prétention n’est pas ferme. L’avantage économique que perçoit le contribuable est donc imposable au moment de la réalisation de la condition suspensive (Fabien LIÉGEOIS, op. cit., N 913 pp. 298).

g. À titre exemplatif, il ressort de la jurisprudence que les revenus provenant d’un contrat de vente sont imposables au moment où le contribuable obtient ce titre juridique et non au moment où la prestation sous-jacente est réalisée de manière effective, sauf si la réalisation de cette exécution paraît d’emblée incertaine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 8.1).

Le Tribunal fédéral a également considéré que dans le cas d’abandon de créance homologué dans un concordat, c’était au moment de l’homologation par le juge que le revenu était supposé réalisé, car le contribuable acquérait à ce moment une prétention ferme à l’abandon de sa créance. Il importait peu que le concordat ait prévu ensuite un échelonnement de paiement d’une certaine somme sur deux ans, cette modalité de paiement ne permettant pas de conclure que la prestation serait incertaine (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2015 précité consid. 4).

Selon la jurisprudence, le moment de l'échéance des intérêts est en principe déterminant du point de vue de la réalisation d'un revenu, puisque le créancier acquiert dès ce moment-là une prétention ferme à l'endroit du débiteur (arrêt du Tribunal fédéral 2C_710/2017 du 29 octobre 2018 consid. 5.4).

En revanche, puisque le transfert des actions d’un employé dépend généralement de certaines conditions particulières, comme par exemple le maintien d'un rapport de travail, les expectatives sur des actions de collaborateur sont donc imposées au moment de la conversion en actions de collaborateur. Lorsque le contribuable n’obtient pas une prétention ferme, dont il peut disposer mais seulement d’une expectative de paiement, il n’y a pas d’imposition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2019 du 9 mars 2020 consid. 5.2.3).

h. En matière fiscale, les règles générales du fardeau de la preuve ancrées à l'art. 8 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), destinées à déterminer qui doit supporter les conséquences de l'échec de la preuve ou de l'absence de preuve d'un fait, ont pour effet que l'autorité fiscale doit établir les faits qui justifient l'assujettissement et qui augmentent la taxation, tandis que le contribuable doit prouver les faits qui diminuent la dette ou la suppriment
(ATF 144 II 427 consid. 8.3.1 ; 140 II 248 consid. 3.5 ; 133 II 153 consid. 4.3).

Si les preuves recueillies par l'autorité fiscale apportent suffisamment d'indices révélant l'existence d'éléments imposables, il appartient au contribuable d'établir l'exactitude de ses allégations et de supporter le fardeau de la preuve du fait qui justifie son exonération (arrêts du Tribunal fédéral 2C_722/2017 du 13 décembre 2017 consid. 5.2 ; 2C_1201/2012 du 16 mai 2013 consid. 4.6 ; 2C_514/2009 du 25 mars 2010 consid. 3.2).

Par ailleurs, en droit fiscal, le principe de la libre appréciation de la preuve s'applique. L'autorité forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, en choisissant entre les preuves contradictoires ou les indices contraires qu'elle a recueillis. Cette liberté d'appréciation, qui doit s'exercer dans le cadre de la loi, n'est limitée que par l'interdiction de l'arbitraire. Il n'est pas indispensable que la conviction de l'autorité de taxation confine à une certitude absolue qui exclurait toute autre possibilité ; il suffit qu'elle découle de l'expérience de la vie et du bon sens et qu'elle soit basée sur des motifs objectifs (ATA/844/2020 du 1er septembre 2020 consid. 4b et les références citées).

i. Selon l'art. 1 CO, le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (al. 1). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (al. 2).

En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 II 93 consid. 5.2.1). Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes), qu’elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ; si au contraire, alors qu’elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s’entendre, ce dont elles étaient d’emblée conscientes, il y a un désaccord patent et le contrat n’est pas conclu.

Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l’une d’elles, ou toutes deux n’ont pas compris la volonté interne de l’autre, ce dont elles n’étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent. Le contrat est alors conclu dans le sens objectif que l’on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance ; en pareil cas, l’accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1). Le Tribunal fédéral a eu l'occasion de rappeler dans un arrêt récent qu'il convenait en premier lieu de rechercher la réelle et commune volonté des parties, et en a rappelé les principes. En présence d'un litige sur l'interprétation d'un contrat, le juge doit tout d'abord s'efforcer de déterminer la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_156/2021 du 16 juillet 2021), sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO), le cas échéant empiriquement, sur la base d’indices (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2 ; 129 III 664 consid. 3.1). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes
(ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et 5.2.3 ; 132 III 268 consid. 2.3.2 ; 131 III 606 consid. 4.1).

L’appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. S’il ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes, ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves –, le juge doit recourir à l’interprétation normative (ou subjective),
c’est-à-dire rechercher leur volonté objective en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre. On parle d’une interprétation selon le principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 4A_156/2021 précité consid. 3.2).

4) a. Devant la chambre de céans, les recourants ne critiquent pas le principe de l’imposition de l’abandon de créance au titre de revenu. Ils considèrent en revanche avoir bénéficié de l’abandon de créance au moment de la signature de la convention avec C______, en janvier 2007 et non en 2016. À leur sens, les conditions à remplir étaient déterminées dans la convention et il ne faisait « aucun doute que la convention [allait être] dûment exécutée », en raison de l’ampleur de la remise de dette et du fait qu’il ne leur restait à régler, fin 2007, que CHF 46'000.- en neuf ans. En outre, même à admettre que la convention était soumise à une condition suspensive, la jurisprudence retenait qu’une créance soumise à une telle condition n’était réalisée à l’avènement de cette condition, que si, au moment de la conclusion du contrat, cet avènement était réellement incertain, ce qui n’était pas leur cas. En effet, ils disposaient de revenus suffisants au moment de la conclusion du contrat pour remplir leurs obligations.

b. En l’espèce, il ressort du texte de la convention que l’abandon de créance n’était prévu qu’à la réalisation de plusieurs conditions, mentionnées sous clauses 4 à 8, qui devaient être exécutées par les recourants, selon des modalités précises, jusqu’en 2016. Contrairement aux affirmations de ces derniers, le texte de la convention ne prévoyait pas « l’engagement ferme de C______ de libérer
[M. B______] », moyennant diverses modalités de paiement, mais que « moyennant la bonne et fidèle exécution de ce qui précède, C______ aura encaissé par les différents versements évoqués jusqu’ici la somme totale de CHF 100'000.- au 31.12.2016. À cette condition, C______ libérera le débiteur du solde de sa dette et n’aura plus aucune prétentions (sic) à faire valoir à raison des trois reconnaissances de dettes mentionnées sous lettre A » (art. 9 de la convention). Ainsi, le recourant devait payer la somme de CHF 8'000.- à C______ en 2007, mais également lui verser chaque mois du 15 janvier 2007 au 15 décembre 2016 la somme de CHF 350.-, pour parvenir un versement total de CHF 42'000.-. Il devait en outre verser un montant sur son 3ème pilier nanti afin que celui-ci atteigne la somme de CHF 50'000.- au moment de sa libération en faveur du créancier. Les recourants n’avaient donc en 2007 qu’une expectative d’abandon de créance, subordonnée à la réalisation de plusieurs conditions.

Cet élément est corroboré par le courrier d’E______ aux recourants du 22 décembre 2016, qui confirme que l’intégralité des créances résultant des conventions étaient « liquidées par vos paiement (sic) de CHF 100'000.- en totalités (sic) », le contribuable étant « complètement libéré des dettes ». Avant le versement complet du montant total, les recourants ne pouvaient donc pas bénéficier de l’abandon de créance ni s’en prévaloir. Contrairement à leurs affirmations, le simple fait qu’ils disposaient en 2007 d’une fortune de CHF 179'000.-, leur permettant selon leurs dires de satisfaire à leurs obligations contractuelles, n’implique pas pour autant que l’exécution de la prestation (en abandon de créance) n’ait été conditionnée à leurs versements.

Sur la base de l’ensemble des éléments au dossier, il convient de retenir que les parties au contrat d’abandon de créance ont eu la volonté de soumettre l’octroi de cette dernière à une condition suspensive, soit au versement des CHF 100'000.- sur une période de dix ans et par divers moyens. Partant, la naissance de l'obligation d’abandon de créance est intervenue à l’issue de la dernière tranche de paiement du montant total de CHF 100'000.-. La société de recouvrement s’était d’ailleurs prémunie d’un défaut de paiement en prévoyant à la clause 10 les conséquences d’une exécution incomplète ou d’un retard de paiement de plus de quinze jours. Dans ce cas, l’intégralité de la créance aurait été immédiatement exigible et les poursuites introduites sans autre avis. Avant le paiement du montant de CHF 100'000.-, le contrat d’abandon de créance n’avait donc pas déployé l’intégralité de ses effets, et l’avantage économique pour le contribuable n’était pas encore disponible. Sa prétention n’était pas ferme et il ne pouvait pas en disposer.

Ainsi, la signature de la convention en 2007 ne pouvait déclencher l'imposition des recourants, faute de constituer une prétention ferme. Il s’agissait d’une simple expectative soumise à la réalisation de plusieurs conditions, qui ne se sont réalisées qu’avec le dernier paiement intervenu en décembre 2016. C'est à ce moment que les recourants ont acquis une prétention ferme à l'abandon de la créance en question, qui constitue un revenu imposable. Ce revenu devait donc être imposé en 2016.

c. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les recourants, la situation tranchée dans l’arrêt 2C_455/2015 précité, qui traite d’un abandon de créance par
concordat-dividende, diffère de leur cas. Il ressort en effet de cet arrêt que dans un concordat de ce type, les créanciers renoncent à une partie de leurs créances et se satisfont du paiement par le débiteur d’un pourcentage déterminé de leurs créances, ce qui implique la réduction des créances au dividende prévu par ledit concordat. En outre, selon l’art. 310 LP, le concordat a force obligatoire pour tous les créanciers dont les créances sont nées avant la publication du sursis ou sans l’approbation du commissaire jusqu’à l’homologation du concordat. Partant, le Tribunal fédéral a retenu qu’au moment de l’homologation du concordat, le contribuable avait acquis une prétention à l’abandon de créance, fondée sur ledit jugement (arrêt du Tribunal fédéral 2C_455/2015 précité consid. 4.2). Or, dans la présente situation, c’est précisément cette prétention à l’abandon de créance qui fait défaut. Tant que les conditions suspensives fixées dans la convention du 9 janvier 2007 n’étaient pas exécutées en totalité, les recourants ne disposaient d’aucune prétention à l’abandon de créance sur laquelle ils avaient un pouvoir de disposition.

d. Les recourants estiment enfin que le TAPI n’a pas appliqué la jurisprudence du Tribunal fédéral s’agissant du principe de réalisation en présence d’une condition suspensive et en particulier l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_705/2017 du 10 août 2018.

Dans cet arrêt, qui traite du principe de réalisation dans le cadre d’un contrat de vente, le Tribunal fédéral a tout d’abord rappelé que selon sa jurisprudence constante, la conclusion d’un contrat de vente donnait naissance à un droit ferme générateur d’un revenu imposable, dans la mesure où son exécution ne paraissait pas incertaine. Il a toutefois retenu que lorsqu’une prétention était soumise à une condition suspensive, la réalisation du revenu pouvait en principe être différée au moment de l’avènement de la condition, à moins que ladite condition ne représente qu’une simple formalité (arrêt 2C_705/2017 précité consid. 2.2.2).

Or, d’une part, l’exception évoquée dans cet arrêt concernait un contrat de vente, dont la conclusion donne en soi naissance à un droit ferme générateur d’un revenu imposable, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, ce qui n’est pas le cas d’un abandon de créance, et d’autre part, contrairement aux arguments des recourants, les conditions suspensives qu’ils devaient remplir pour bénéficier de l’abandon de créance ne sauraient constituer de simples formalités, les contribuables devant, non seulement verser plusieurs montants au moment de la conclusion de la convention, ainsi que tous les mois durant dix ans, mais également effectuer plusieurs versements à leur 3ème pilier remis en nantissement.

Au vu de ce qui précède, force est ainsi de constater que c’est à juste titre que le TAPI a considéré que l’abandon de créance dont ont bénéficié les recourants devait être imposé en 2016.

Le recours sera en conséquence rejeté.

5) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants, qui succombent (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2022 par Madame A______ et Monsieur B______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge solidaire de Madame A______ et Monsieur B______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Mes Nicole Fragnière Meyer et Alexandre Steiner, avocats des recourants, à l'administration fiscale cantonale, à l'administration fédérale des contributions ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :