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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1490/2021

ATA/995/2022 du 04.10.2022 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1490/2021-AIDSO ATA/995/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 4 octobre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

SERVICE DES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES



EN FAIT

1) Mme B______ et M. A______ ont formé le 19 août 2020 une demande de prestations complémentaires familiales en leur faveur et en faveur des enfants C______ (née le ______ 2007) et D______ (née le ______ 2002), qu’ils ont adressée au service des prestations complémentaires (ci-après : SPC). Selon l’attestation 2020, le revenu déterminant unifié (ci-après : RDU) était de CHF 35'410.- pour le couple. Selon les indications renseignées dans le formulaire, les enfants n’avaient pas de comptes bancaires et les parents n’avaient pas de comptes d’épargne.

2) Par deux décisions du 30 octobre 2020, le SPC a alloué à M. A______ des prestations complémentaires familiales et de subsides d’assurance maladie de CHF 802.- par mois rétroactivement d’août à octobre 2020 et dès novembre 2020, et des prestations d’aide sociale et de subside d’assurance-maladie de CHF 0.- rétroactivement d’août à octobre 2022.

3) Le 28 novembre 2020, M. A______ a formé opposition aux décisions du 30 octobre 2020.

Les calculs étaient erronés. Il avait fourni le 11 novembre 2020 la documentation de son compte postal. Sa belle-fille ne recevait pas de pension alimentaire de son père, selon une attestation qu’il enverrait.

4) Le 1er décembre 2020, le SPC a recalculé à CHF 991.- par mois la prestation complémentaire familiale pour l’année 2021, soit, déduction faite du subside mensuel d’assurance-maladie de CHF 890.-, CHF 101.- effectivement versés.

5) Le 4 décembre 2020, le SPC a indiqué avoir pris note de l’opposition et procéder à un nouvel examen du dossier.

6) Le 9 décembre 2020, M. A______ a indiqué que l’épargne de CHF 36'628.65 retenue par le SPC n’était pas correcte car il n’avait pas ces fonds sur son compte. Il produisait diverses pièces relatives à la pension alimentaire que sa belle-fille ne percevait pas.

7) Le 15 janvier 2021, le SPC, constatant que le montant de la fortune de M. A______, de CHF 18'399.45, était supérieur aux normes légales en vigueur, soit un maximum de CHF 10'000 pour l’ensemble du groupe familial, a refusé le droit aux prestations complémentaires familiales, d’aide sociale et de subsides d’assurance maladie.

8) Le 8 février 2021, M. A______ a formé opposition contre cette décision.

Une pension alimentaire de CHF 8'076.- par an avait été retenue à tort pour sa belle-fille, qui avait droit à une pension alimentaire de USD 150.- par mois mais ne percevait plus rien de son père depuis 2017.

9) Le 30 mars 2021, le SPC a admis l’opposition à la décision sur prestations complémentaires familiales et réduit la pension alimentaire de l’enfant D______ à USD 150.- par mois, soit CHF 1'649.- par an, compte tenu qu’aucune démarche n’avait été entreprise pour la recouvrer en E______, où habitait son père. L’épargne, réduite à CHF 18'399.45, était inférieure à la franchise de CHF 90'000.- prévue pour le groupe familial et n’avait aucune influence sur le calcul des prestations complémentaires.

Il avait droit à un arriéré de prestations de CHF 3'410.- pour la période d’août 2020 à mars 2021. Dès le 1er avril 2021, les prestations complémentaires familiales s’élèveraient à CHF 1'530.- par mois, dont CHF 890.- affectés au paiement du subside de l’assurance maladie.

Un recours pouvait être formé contre cette décision par-devant la chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la chambre des assurances sociales).

10) Le 30 mars 2021, le SPC a rejeté l’opposition à la décision sur prestations d’aide sociale.

La fortune connue était supérieure à CHF 10'000.-.

Un recours pouvait être formé contre cette décision par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

11) Par acte remis à la poste le 1er mai 2021, M. A______ a fait « opposition » devant la chambre administrative contre « décision de prestations complémentaires familles, prestation d’aide sociale et mise à jour des documents ».

D______ ne percevait plus aucune pension de son père depuis 2017. Celui-ci était parti en E______, où il était sans domicile fixe et introuvable, de sorte qu’aucune démarche de recouvrement ne pouvait être faite. Ils n’avaient en outre pas les moyens de rémunérer un avocat sur place.

Le compte sa de fille C______ avait été résilié. Les avoirs bancaires avaient été utilisés pour payer un traitement dentaire (déminéralisation et orthodontie) encore en cours ainsi que des cours de formation en sa faveur.

12) Le 10 juin 2021, le SPC a exposé être en possession de relevés bancaires faisant état d’une fortune totale de CHF 18'399.45 au 31 octobre 2020, dont CHF 14'914.65 au crédit du compte de C______.

Il sollicitait la production de la documentation à jour de la fortune du groupe familial au 31 décembre 2020 afin de pouvoir se déterminer à nouveau.

13) Le 29 juin 2021, M. A______ a produit les documents réclamés par le SPC.

14) Le 3 août 2021, le SPC a pris acte que l’épargne de M. A______ était pratiquement nulle au 31 décembre 2020.

Il était disposé à reprendre le calcul des prestations dès le 1er janvier 2021.

Une procédure étant pendante devant la chambre des assurances sociales, laquelle pourrait aboutir à une hausse des prestations complémentaires familiales, la procédure devait être suspendue.

15) Le 6 septembre 2021, M. A______ a donné son accord à la suspension de la procédure.

16) Le 10 septembre 2021, le juge délégué a ordonné la suspension de la procédure jusqu’à droit connu dans la procédure devant la chambre des assurances sociales.

17) Le 28 juin 2022, le SPC a informé la chambre de céans que la procédure devant la chambre des assurances sociales était terminée.

L’épargne du groupe familial était nulle au 31 décembre 2020. Le SPC avait établi des plans de calcul simulés rétroagissant au 1er août 2020, lesquels démontraient que M. A______ ne pouvait pas bénéficier de prestations d’aide sociale dès lors que ses revenus étaient systématiquement supérieurs aux dépenses reconnues.

Les dépenses annuelles reconnues, de CHF 83'400.- d’août à octobre 2020, passaient à CHF 58’606.- pour août 2020, CHF 59'806.- pour septembre 2020 et CHF 63'022.- pour octobre 2020, en raison de la déduction d’un supplément d’intégration d’enfant de CHF 3'600.- et d’une prestation relative au contrat d’aide sociale individuel (ci-après : CASI) de CHF 5'784.-.

Les dépenses annuelles reconnues passaient de CHF 83'400.- pour novembre et décembre 2020 à CHF 63'022.- en raison de la déduction d’un supplément d’intégration d’enfant de CHF 3'600.-, d’une prestation CASI de CHF 5'784.- ainsi que d’une « franchise revenu » de CHF 6'000.-.

Pour janvier 2021, elles passaient de CHF 87'972.- à CHF 65'710.-, pour les mêmes motifs.

Dès septembre 2021, un gain d’apprentissage de CHF 9'090.30 s’ajoutait aux revenus du groupe familial. La pension alimentaire annuelle de CHF 1'649.- demeurait comptabilisée.

La fortune du groupe familial était de CHF 22'205.65 d’août à octobre 2020, de CHF 18'399.45 en novembre et décembre 2020, de CHF 199.10 dès janvier 2021.

18) Le 1er juillet 2022, le juge délégué a ordonné la reprise de la procédure et imparti à M. A______ un délai au 3 août 2022 pour se déterminer.

19) Le 8 août 2022, M. A______ ne s’étant pas déterminé, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

20) Il ressort de l’arrêt ATAS/53/2022 rendu le 26 janvier 2022 que la chambre des assurances sociales a rejeté le recours formé par M. A______ contre la décision du SPC du 30 mars 2021 portant sur les prestations complémentaires familiales.

M. A______ avait admis que son épouse avait renoncé au versement de la pension alimentaire pour sa fille jusqu’en 2019, afin de pouvoir venir en Suisse, accompagnée de celle-ci. Il n'exposait pas avoir entrepris, depuis lors, des démarches sérieuses afin de recouvrer la pension due, excepté l’avoir réclamée au débiteur via les réseaux sociaux. Selon ses explications, ce n'était qu'en 2020 qu’il se serait rendu au service cantonal d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires (ci-après : SCARPA). Or, à teneur de l'attestation produite et du courrier de ce service du 29 novembre 2021, aucune demande d'intervention n'avait été déposée au nom de la créancière. Contrairement aux allégations de M. A______, selon lesquelles le SCARPA lui aurait indiqué ne pas pouvoir intervenir en l'espèce, il ressortait des explications de ce service que des démarches auraient pu être entreprises, même s'agissant d'un débiteur domicilié à l'étranger. L’inaction de M. A______ constituait ainsi une renonciation à faire valoir un droit à un revenu, au sens de l’art. 19 al. 1 du règlement relatif aux prestations complémentaires familiales du 27 juin 2012 (RPCFam - J 4 25.04).

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recours a pour objet le refus de prestations sociales.

La chambre de céans n’est pas compétente pour connaître de la décision du 30 mars 2021 recalculant sur opposition les prestations complémentaires familiales et les conclusions portant sur cette décision sont irrecevables, étant observé que la chambre des assurances sociales les a rejetées le 26 janvier 2022.

3) Le recourant se plaint de la prise en compte de la pension alimentaire de sa belle-fille pour un total de CHF 1’649.- par an et de la prise en compte des avoirs bancaires de sa fille.

a. Aux termes de l'art. 12 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d'être aidé et assisté, et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine.

Le droit constitutionnel fédéral ne garantit toutefois que le principe du droit à des conditions minimales d'existence ; il appartient ainsi au législateur fédéral, cantonal et communal d'adopter des règles en matière de sécurité sociale qui ne descendent pas en dessous du seuil minimum découlant de l'art. 12 Cst. mais qui peuvent aller au-delà (arrêts du Tribunal fédéral 2P.318/2004 du 18 mars 2005 consid. 3 ; 2P.115/2001 du 11 septembre 2001 consid. 2a ; ATA/790/2019 du 16 avril 2019 et les références citées). L'art. 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) reprend ce principe : « toute personne a droit à la couverture de ses besoins vitaux afin de favoriser son intégration sociale et professionnelle ».

b. En droit genevois, la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et le règlement d'exécution de la loi sur l'insertion et l'aide sociale individuelle du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

La LIASI a pour but de prévenir l'exclusion sociale et d'aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Ses prestations sont fournies sous forme d'accompagnement social et de prestations financières (art. 2 LIASI). Ces dernières sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI) et leurs bénéficiaires doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l'aide financière est subsidiaire (art. 9 al. 2 LIASI ; ATA/790/2019 précité et les références citées).

Ont droit à des prestations d'aide financière les personnes qui ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève, ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien et répondent aux autres conditions de la loi (art. 11 al. 1 LIASI). Les conditions financières donnant droit aux prestations d'aide financière sont déterminées aux art. 21 à 28 LIASI.

Selon l’art. 1 al. 1 RIASI, les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de (a) CHF 4'000.- pour une personne seule majeure, (b) CHF 8'000.- pour un couple et (c) CHF 2’000.- pour chaque enfant à charge. Selon l’art. 1 al. 2 RIASI, le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial.

c. En l’espèce, il est exact que la fortune du groupe familial est passée de CHF 18'399.45 en décembre 2020 à CHF 199.10 en janvier 2021, de sorte que sous cet angle au moins le recourant aurait été fondé à réclamer l’aide sociale.

Le SPC objecte toutefois que le groupe familial n’était plus déficitaire, ce qui le privait du droit à l’aide sociale pour un autre motif. Il produit des plans de calculs simulés rétroagissant au 1er août 2020.

Cette manière de procéder est problématique. Il appartenait au SPC d’annuler la décision attaquée et de prendre une nouvelle décision formelle motivée par de nouveaux calculs, sous peine de violer le droit d’être entendu du recourant.

La décision sera donc annulée et la cause renvoyée au SPC pour nouvelle décision au sens des considérants.

4) Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée au recourant, qui n’y a pas conclu et n’affirme pas avoir exposé de frais (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er mai 2021 par M. A______ contre la décision du service des prestations complémentaires du 30 mars 2021 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision ;

renvoie la cause au service des prestations complémentaires pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'au service des prestations complémentaires.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :