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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2130/2022

ATA/973/2022 du 27.09.2022 ( FORMA ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2130/2022-FORMA ATA/973/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
agissant au nom de leur enfant mineur B______

contre

OFFICE DE L'ENFANCE ET DE LA JEUNESSE - SECRÉTARIAT À LA PÉDAGOGIE SPÉCIALISÉE



EN FAIT

1) Le 19 janvier 2021, Madame C______, médecin interne au service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent (ci-après : SPEA) des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après HUG), a transmis au secrétariat à la pédagogie spécialisée (ci-après : SPS) un formulaire de procédure d'évaluation standardisée (ci-après : PES) concernant B______, né le ______ 2017 et donc alors âgé de 3 ans et 8 mois.

L'enfant avait des frères jumeaux de 9 ans. Il allait trois demi-journées par semaine au jardin d'enfants, et était gardé le reste du temps par ses parents ainsi que par une nounou. Il présentait des difficultés graves ou importantes dans les domaines de la communication et des relations sociales ainsi que des comportements répétitifs et des intérêts restreints compatibles avec un trouble spécifique mixte du développement.

Il éprouvait des difficultés importantes ou graves dans les fonctions émotionnelles, cognitives de niveau supérieur, de l'attention ainsi que de la voix et de la parole. Il avait besoin d'une prise en charge individualisée en préscolaire ; une première rencontre avec le service éducatif itinérant (ci-après : SEI) avait eu lieu le 7 juillet 2021 au sujet d'une prise en charge à domicile. Un bilan et un suivi étaient nécessaires tant en logopédie qu'en psychomotricité. Mme A______ avait participé à la procédure, et était en accord avec l'évaluation des besoins et les mesures envisagées.

2) Le 29 novembre 2021, Madame D______, logopédiste, a rédigé un bilan logopédique au sujet de B______.

Ce dernier n'utilisait pas le langage pour communiquer, et présentait un important retard de langage expressif et réceptif qui s'inscrivait dans un trouble plus global de la communication. La motricité et le jeu étaient également en retard pour l'âge. Les difficultés observées étaient compatibles avec un trouble du spectre de l'autisme (ci-après : TSA), qui devrait être précisé par un bilan spécialisé. Au vu de ces observations, une intégration en 1P n'était pas envisageable. Une demande PES pour une scolarité spécialisée avait été discutée avec les parents, qui devaient encore donner leur accord.

3) Par le biais de plusieurs décisions rendues en mars 2022, le SPS a accordé des prestations de logopédie en faveur de B______.

4) Le 18 mars 2022, un deuxième formulaire de PES a été transmis au SPS par Madame E______, médecin interne au SPEA.

B______ était un petit garçon de 4 ans qui présentait des difficultés dans le domaine de la communication et des relations sociales, ainsi que des comportements répétitifs et des intérêts restreints. Il avait été présenté à la consultation multidisciplinaire du psycho-développement de la Guidance infantile le 8 octobre 2021. Avait été retenu un diagnostic de TSA avec un retard important pour l'âge (quasi-absence de langage, avec un jeu très pauvre). Grâce à de nombreuses stratégies mises en place tant au domicile, avec le SEI, qu'à la crèche et qu'avec un suivi en ambulatoire par une logopédiste en privé, l'enfant montrait une légère amélioration dans sa symptomatologie autistique. Celle-ci restait néanmoins très marquée tant dans son besoin de routine, d'accompagnement que dans sa capacité à être en lien avec autrui.

Selon l'évaluation des fonctions organiques, il n'avait pas de difficultés en lien avec les fonctions émotionnelles, mais toujours des difficultés importantes ou graves dans les trois autres domaines cités dans la première PES. Il n'était notamment pas autonome pour s'habiller, et n'était pas encore propre. Un diagnostic d'autisme infantile était posé.

Au vu des difficultés de B______, il était indiqué qu'il intègre une institution spécialisée. Il fallait en outre continuer son accompagnement en le rassurant physiquement et affectivement, et utiliser la musique comme moyen car l'enfant était sensible et ouvert à ce genre d'approche. Avaient aussi participé à l'évaluation l'éducatrice du jardin d'enfants et une psychologue du SEI. Les deux parents ont signé le document, lequel indiquait qu'ils étaient en accord tant avec l'évaluation des besoins qu'avec les mesures envisagées.

5) Par décision du 19 avril 2022, le SPS a octroyé une prestation en éducation précoce spécialisée en faveur de B______, du 21 juillet 2021 au 31 octobre 2022. Cette décision n'a pas fait l'objet d'un recours.

6) Par décision du 21 juin 2022, le SPS a octroyé une prestation en enseignement spécialisé en faveur de B______, du 22 août 2022 au 28 juin 2024. Il se référait au contenu du formulaire PES du 21 juillet 2021 et à la recommandation de la cellule d'évaluation pluridisciplinaire. La prestation était évaluée en continu et son octroi pouvait être modifié à tout moment.

7) Par acte posté le 29 juin 2022, Mme et M. A______ ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, sans prendre de conclusions formelles.

Ils contestaient le placement de leur fils en enseignement spécialisé, car B______ faisait beaucoup de progrès avec l'aide des mesures mises en place par les différents professionnels du réseau. La PES de 2021 ne correspondait dès lors selon eux pas à la réalité actuelle de leur enfant. Ils avaient ainsi décidé de le placer dans une école ordinaire moyennant la poursuite de ses suivis thérapeutiques. Ils voulaient ainsi donner à B______ une chance de vivre les premières années de sa scolarité dans un établissement ordinaire.

Seule la décision attaquée était jointe à leur recours.

8) Le 13 juillet 2022, le SPS a conclu au rejet du recours.

Sur la base du formulaire PES 2021 actualisé le 18 mars 2022, la commission pluridisciplinaire de recommandation avait considéré qu'au vu des besoins de l'enfant et de la complexité de sa situation, des mesures de pédagogie spécialisée étaient nécessaires. Des décisions finales avaient été immédiatement rendues au vu de l'accord des parents.

Il était faux de dire que l'enfant avait fait beaucoup de progrès, puisqu'il rencontrait toujours des difficultés importantes dans les fonctions cognitives de niveau supérieur, de l'attention et de la voix et de la parole, dans l'apprentissage et l'application des connaissances, l'exécution des tâches générales, la communication, les relations et les interactions avec autrui, ce malgré les mesures dont il bénéficiait. Il avait été diagnostiqué comme ayant un trouble autistique, ce qui limitait ses possibilités d'apprentissage. La logopédiste avait dans son bilan estimé qu'une intégration en 1P n'était pas envisageable, et la PES actualisée en mars 2022 préconisait une mesure d'enseignement spécialisée. La décision attaquée avait ainsi été prise sur la base de faits établis sur une observation prolongée, actualisés et conformes à la situation actuelle de l'enfant.

Les parents avaient signé les deux PES et indiqué être en accord avec l'évaluation des besoins ainsi qu'avec les mesures envisagées, à savoir une mesure individuelle renforcée d'enseignement spécialisé. Or, l'affectation de l'enfant dans une classe intégrée au sein d'un établissement régulier ou en école de pédagogie spécialisée était une mesure d'organisation interne non suette à recours.

9) Le 14 juillet 2022, le juge délégué a fixé aux parties un délai au 3 août 2022 pour formuler toutes requêtes ou observations complémentaires, après quoi la cause serait gardée à juger.

10) Les époux A______ ont observé que leur fils avait fait beaucoup de progrès globalement. Certes, il avait certaines difficultés, mais il se développerait beaucoup plus vite dans une école régulière, plutôt que dans un cadre où il ne serait jamais confronté à la vie ordinaire. Ils craignaient également qu'Ashkan reste dans une « zone de confort » et ne trouve jamais les moyens de retourner dans une école ordinaire.

11) Le SPS ne s'est quant à lui pas manifesté.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et des conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). L'acte de recours contient également l'exposé des motifs et l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes (art. 65 al. 2 LPA).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de l'art. 65 LPA, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. L'exigence de motivation de l'art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre (ATA/64/2021 du 19 janvier 2021 consid. 2). L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que la personne recourante désire (ATA/604/2021 du 8 juin 2021 consid. 2a et les références citées).

c. En l'espèce, les recourants n'ont, dans leur acte de recours, pas pris de conclusions formelles. Ils n'ont en particulier pas conclu expressément à l'annulation de la décision attaquée. Il ressort toutefois de leur recours qu'ils s'opposent à l'octroi de la prestation d'enseignement spécialisé en faveur de leur fils, ou du moins à ce que ce dernier fréquente une institution spécialisée plutôt qu'une classe ordinaire.

Le recours est donc recevable, sous réserve de ce qui suit.

3) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision d’octroi de la prestation d’enseignement spécialisé à l’enfant des recourants.

a. Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas la compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exceptions prévues par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisées dans le cas d’espèce.

b. Selon l’art. 62 al. 3 Cst., les cantons pourvoient à une formation spéciale suffisante pour les enfants et adolescents handicapés – terme qui inclut les enfants à besoins éducatifs particuliers –, au plus tard jusqu'à leur vingtième anniversaire.

c. Pour mettre en œuvre l'art. 62 al. 3 Cst., la Conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique (ci-après : CDIP) a, le 25 octobre 2007, adopté l'Accord intercantonal sur la collaboration dans le domaine de la pédagogie spécialisée (AICPS - C 1 08), qui est entré en vigueur le 1er janvier 2011 et auquel la République et canton de Genève est partie (C 1 08.0). Cet accord a pour finalité la collaboration entre cantons signataires dans le domaine de la pédagogie spécialisée, laquelle fait partie du mandat public de formation (art. 1 et 2 let. a AICPS).

Lorsque les mesures octroyées dans le cadre de l'école ordinaire s'avèrent insuffisantes, une décision quant à l'attribution de mesures renforcées doit être prise sur la base de la détermination des besoins individuels (art. 5 al. 1 AICPS).

La détermination des besoins individuels prévue à l'art. 5 al. 1 se fait dans le cadre d'une PES, confiée par les autorités compétentes à des services d'évaluation distincts des prestataires (art. 6 al. 3 AICPS).

d. En référence aux principes de l’école inclusive mentionnés à l’art. 10 al. 2 LIP et dans l’AICPS, le DIP met en place les mesures de pédagogie spécialisée destinées aux enfants et aux jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés. Les plans d’études constituent la référence commune à tous les élèves qui fréquentent l’école, quels que soient leurs besoins particuliers (art. 28 al. 1 et 2 LIP).

De la naissance à l’âge de vingt ans révolus, les enfants et les jeunes qui ont leur domicile dans le canton ont droit à des prestations de pédagogie spécialisée s’il est établi qu’ils sont entravés dans leurs possibilités de développement et de formation au point qu’ils ne pourront pas ou ne peuvent plus suivre l’enseignement régulier sans soutien spécifique, ou lorsqu’un autre besoin éducatif particulier a été constaté (art. 30 LIP).

Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

4) a. Les critères cliniques des besoins éducatifs particuliers ainsi que la liste des infirmités congénitales reconnues sont détaillés par règlement (art. 29 al. 3 LIP).

Le nouveau règlement sur la pédagogie spécialisée du 23 juin 2021, entré en vigueur le 30 juin 2021 (RPSpéc - C 1 12.05), a remplacé le règlement sur l'intégration des enfants et des jeunes à besoins éducatifs particuliers ou handicapés du 21 septembre 2011 (RIJBEP - C 1 12.01) qui détaillait à son Annexe II la liste des critères cliniques des besoins éducatifs particuliers ainsi que la liste des infirmités congénitales reconnues. Le RPSpéc ne contient plus une telle annexe.

b. Selon l'art. 33 al. 1 LIP, les prestations de pédagogie spécialisée comprennent : le conseil, le soutien, l’éducation précoce spécialisée, la logopédie et la psychomotricité (let. a) ; des mesures de pédagogie spécialisée dans un établissement d’enseignement régulier ou spécialisé (let. b) ; la prise en charge en structure de jour ou à caractère résidentiel dans une institution de pédagogie spécialisée (let. c).

c. Aux termes de l'art. 11 RPSPéc, l'offre en matière de pédagogie spécialisée couvre notamment les prestations individuelles de logopédie (al. 6), de psychomotricité (al. 7), de soutien spécialisé en enseignement régulier (al. 8), et, subsidiairement à ces mesures, d'enseignement spécialisé. Cette dernière prestation comprend l'enseignement et l'éducation adaptés aux besoins de l'enfant ou du jeune concerné. À cette fin, si nécessaire, elle comprend également la prestation de conseil et de soutien dans les domaines de la logopédie, de la psychomotricité et de la psychologie. Elle est dispensée en structure d'enseignement spécialisé, soit en classe intégrée au sein d'un établissement régulier ou en école de pédagogie spécialisée (al. 9 et 10).

Selon l’art. 12 RPSpéc, une mesure individuelle de pédagogie spécialisée est soit ordinaire soit renforcée (al. 1). Une mesure individuelle de pédagogie spécialisée est envisagée lorsque les mesures dispensées dans le lieu principal de prise en charge ou dans le cadre scolaire de l'enfant ou du jeune sont insuffisantes et/ou inappropriées. Sont considérées comme des mesures individuelles ordinaires les prestations suivantes : (a) l'éducation précoce spécialisée dans le domaine préscolaire, sous réserve des mesures visées à l’alinéa 3, lettre a ; (b) la logopédie et la psychomotricité, qui ne dépassent pas, renouvellement compris, 4 ans de traitement ou 220 heures de traitement, le premier des deux seuils atteints étant déterminant ; (c) le soutien par des interprètes en langue des signes française, par des codeurs en langage parlé complété et par des spécialistes du soutien en basse vision (al. 2). Une mesure individuelle renforcée est envisagée lorsque les mesures dispensées dans le cadre de l'enseignement régulier et/ou les mesures individuelles ordinaires de pédagogie spécialisée sont insuffisantes et/ou inappropriées. Sont considérées comme des mesures individuelles renforcées les prestations suivantes : (a) l’éducation précoce spécialisée en milieu institutionnel après 3 ans de suivi ou si un suivi est en cours l'année précédant l'entrée en scolarité obligatoire ; (b) la logopédie et la psychomotricité, qui dépassent les seuils de traitement prévus à l'alinéa 2, lettre b ; (c) le soutien pédagogique de l'enseignement spécialisé ; (d) l’enseignement spécialisé ; (e) la prise en charge à caractère résidentiel (al. 3). La mesure de transport est liée à l'octroi d'une mesure ordinaire ou renforcée de pédagogie spécialisée. Son octroi est réglé par voie de directive (al. 4).

5) a. L'art. 34 LIP prévoit qu'afin de garantir les meilleures chances d’autonomie à la majorité : toutes les personnes responsables de la prise en charge d’un enfant ou d’un jeune, quel que soit son âge, sont tenues d’informer les parents du handicap qu’elles observent dans le cadre de leur fonction (let. a) ; les parents d’un enfant ou d’un jeune à besoins éducatifs particuliers ou handicapé le signalent à l’autorité compétente le plus rapidement possible, afin qu’une évaluation des besoins de l’enfant ou du jeune puisse être effectuée et que des mesures d’intégration préscolaire, scolaire ou professionnelle puissent être mises en place (let. b) ; en l’absence de signalement précoce, il incombe aux autorités scolaires d’informer l’autorité compétente et de décider des mesures transitoires (let. c) ; lorsque l’enfant atteint l’âge de scolarité obligatoire, les parents l’inscrivent à l’école conformément aux dispositions de la présente loi (let. d).

b. La détermination des besoins de pédagogie spécialisée se fait dans le cadre d'une PES, confiée par l'autorité compétente à des structures d'évaluation reconnues (art. 31 al. 3 LIP).

Les parents sont associés à la procédure de décision relative à l’attribution des mesures de pédagogie spécialisée (art. 32 al. 2 LIP). Chaque bénéficiaire des mesures de pédagogie spécialisée est intégré dans la structure d’enseignement ou de formation la plus adaptée à ses besoins et visant à la plus grande autonomie à sa majorité, tout en répondant aux besoins de tous les élèves ou apprentis de la classe (art. 32 al. 3 LIP).

c. La PES est un instrument du concordat sur la pédagogie spécialisée. Les cantons recourent à cet instrument lorsqu'il s'agit d'attribuer des mesures renforcées de pédagogie spécialisée (sur le site de la CDIP consulté le 19 septembre 2022 : https://www.cdip.ch/fr/themes/pedagogie-specialisee). La PES prend en considération les compétences et difficultés de l'enfant mais aussi les caractéristiques environnementales (familiales et scolaires) dans lesquelles il vit. Elle permet ainsi de se prononcer sur les possibilités d'adaptation de l'environnement aux difficultés de l'enfant. L'application de cette procédure doit garantir une égalité de traitement de toutes les demandes (site de la CDIP, op. cit). Depuis le 30 juin 2021, le concept cantonal pour la pédagogie spécialisée à Genève de février 2018 est remplacé par le RPSpéc (https://www.ge.ch/document/concept-cantonal-pedagogie-specialisee-geneve).

d. La PES est élaborée sur la base du formulaire mis à disposition par le SPS et évalue le fonctionnement, les besoins et les objectifs de l'enfant ou du jeune. Elle détermine également les objectifs de la mesure envisagée (art. 16 al. 1 RPSpéc).

Le responsable chargé de la conduite de la PES est le professionnel responsable du lieu principal de prise en charge de l’enfant ou du jeune (art. 15 al. 1 RPSpéc).

Selon l’art. 17 RPSpéc, la PES des besoins en mesures individuelles renforcées a pour but d'évaluer la situation effective de l’enfant ou du jeune, en rendant compte de son contexte scolaire ou de prise en charge, son contexte de vie ou familial, les mesures de soutien déjà déployées, son fonctionnement sous l'angle de la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé et son éventuel diagnostic issu de la classification internationale des maladies (al. 1). Elle a pour but d'estimer les objectifs de développement et de formation de l’enfant ou du jeune, à court et moyen termes, en référence au plan d’études romand et à la classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé. En vue d'atteindre ces objectifs, elle estime les besoins de mesures individuelles renforcées de pédagogie spécialisée (al. 2). À l'issue de la PES, le responsable d'évaluation transmet le dossier d'évaluation au SPS, en vue de la procédure d'octroi (al. 3).

e. Selon l’art. 18 RPSpéc, dans le cadre de la PES, le responsable d'évaluation veille à impliquer systématiquement l'enfant ou le jeune ainsi que ses parents. Il inclut également les professionnels impliqués dans la prise en charge et le suivi, notamment thérapeutique, de l'enfant ou du jeune. Il s’adjoint si nécessaire la collaboration d'autres professionnels (al. 1). La participation de l’enfant ou du jeune concerné est garantie de manière adaptée à ses capacités, ses difficultés et son âge. Ses opinions ou souhaits sont pris en compte dans l’évaluation des objectifs et des besoins (al. 2). Le responsable d'évaluation recherche un consensus entre les parties prenantes sur l'évaluation des objectifs et des besoins. Il veille à ce que les positions des parties prenantes figurent dans le dossier d'évaluation. Le refus de l’enfant ou du jeune ou des parents de participer à la procédure doit également figurer dans le dossier d’évaluation (al. 3).

À l'issue de la PES, le responsable d'évaluation transmet le dossier d'évaluation au SPS, en vue de la procédure d'octroi, qui est fixée par voie de directive (art. 16 al. 2 RPSpéc).

f. Le SPS est rattaché à la direction de la coordination des prestations déléguées et de la surveillance et est l'autorité compétente chargée de l’octroi des mesures de pédagogie spécialisée et de la désignation des prestataires. Il veille à l'application de la procédure d’évaluation des besoins et met en œuvre la procédure d'octroi telles que prévues dans le RPSpéc (art. 7 al. 2 à 4 RPSpéc).

À réception du dossier d'évaluation, le SPS l'examine et, en fonction du type de prestation envisagée, sollicite le préavis de spécialistes du domaine de la pédagogie spécialisée, qui sont rattachés à (a) l'unité pluridisciplinaire du service de la pédagogie spécialisée et/ou (b) la direction générale de l'office médico-pédagogique (art. 21 al. 1 RPSpéc). En cas de besoin, le service de la pédagogie spécialisée peut faire procéder à une expertise médicale ou technique à laquelle l'enfant ou le jeune concerné est tenu de se soumettre (art. 21 al. 2 RPSpéc).

g. En l'absence d'accord des parties prenantes sur l'évaluation des besoins ou les mesures envisagées, ou lorsqu'il le juge nécessaire pour sa prise de décision, le SPS sollicite le préavis de la commission pluridisciplinaire de recommandation sur les mesures de pédagogie spécialisée (anciennement cellule de recommandation ; ci-après : la commission de recommandation) en lui transmettant le dossier d'évaluation, le cas échéant accompagné des renseignements et pièces issus de l'instruction complémentaire (art. 21 al. 4 RPSpéc).

La commission de recommandation a pour mission de formuler des recommandations sur les mesures individuelles renforcées de pédagogie spécialisée à mettre en œuvre, à l'attention du SPS (art. 22 al. 2 RPSpéc). Elle est composée de six membres, comprenant un représentant de la direction de la coordination des prestations déléguées et de la surveillance de l’OEJ, qui la préside, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement obligatoire, un pédagogue de la direction générale de l'enseignement secondaire II, un pédagogue et un thérapeute de l’OMP et un représentant d'une organisation se vouant statutairement à la défense des droits des personnes à besoin éducatif particulier ou handicapées (art. 22 al. 4 RPSpéc).

h. Les représentants légaux, l'enfant capable de discernement ou le jeune majeur sont associés aux étapes de la procédure d'octroi. Ils ont accès au dossier et peuvent obtenir copie des pièces (art. 23 al. 1 RPSpéc). Leur droit d'être entendu est respecté avant la prise d'une décision (art. 23 al. 2 RPSpéc).

Le SPS rend une décision après examen du dossier d'évaluation et des éventuels préavis obtenus (art. 24 al. 1 RPSpéc). La décision d'octroi désigne le type de prestation octroyée, sa durée, le prestataire retenu et la prise en charge financière y relative. La décision d'octroi précède la mise en œuvre de la prestation (art. 24 al. 2 RPSpéc).

6) En l'espèce, l'intimé prétend que les recourants sont d'accord sur le principe avec la mesure d'enseignement spécialisé, et qu'ils ne contestent que le choix d'exécuter celle-ci en institution spécialisée plutôt que par le biais d'un soutien spécialisé en enseignement régulier. La question de savoir si l'acte attaqué est ou non sujet à recours sur ce point, et donc recevable, souffrira néanmoins de rester ouverte au vu de ce qui suit.

Le formulaire de PES 2021 ainsi que son actualisation de mars 2022, tout comme le bilan logopédique de novembre 2021, concourent à démontrer que B______ a des besoins particuliers. Ces documents font état d'un diagnostic d'autisme infantile, et mettent en lumière les difficultés et retards de l'enfant dans plusieurs domaines. Le bilan logopédique de novembre 2021 estimait qu'une intégration en 1P régulière n'était pas envisageable, tandis que le formulaire PES de mars 2022 conclut à une intégration en institution spécialisée. La quasi-absence de langage, et dans une moindre mesure l'absence d'autonomie pour s'habiller et pour la propreté, constituent à n'en pas douter des obstacles majeurs à une intégration en classe régulière.

Face à ces éléments, les recourants estiment que leur fils a récemment fait beaucoup de progrès, et que s'il a certes certaines difficultés, il se développerait beaucoup plus vite dans une classe régulière, plutôt que dans un cadre où il ne serait jamais confronté à la vie ordinaire. Ils ne fournissent toutefois aucune preuve de ce qu'ils avancent, leur recours n'étant accompagné d'aucune attestation ou certificat en ce sens. Ils ne décrivent pas précisément en quoi consisteraient lesdits progrès, ce qui ne permet pas d'en évaluer la vraisemblance. Dès lors, si l'on peut comprendre les souhaits et craintes des recourants, il apparaît clairement que l'engagement dans un cursus scolaire ordinaire ne serait pas dans l'intérêt de leur fils dans les circonstances d'espèce. La décision attaquée apparaît ainsi justifiée et conforme à l'intérêt de l'enfant, une orientation en classe spécialisée répondant mieux à ses besoins.

Mal fondé, le recours sera rejeté et la décision querellée confirmée.

7) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera prélevé (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, en tant qu'il est recevable, le recours interjeté le 29 juin 2022 par Madame et Monsieur A______ agissant au nom de leur enfant mineur B______ contre la décision de l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée du 21 juin 2022 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s'il porte sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession (art. 83 let. t LTF) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Madame et Monsieur A______ ainsi qu'à l'office de l'enfance et de la jeunesse - secrétariat à la pédagogie spécialisée.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :