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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1122/2022

ATA/947/2022 du 20.09.2022 ( ANIM ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1122/2022-ANIM ATA/947/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Romain Jordan, avocat

contre

SERVICE DE LA CONSOMMATION ET DES AFFAIRES VÉTÉRINAIRES

 



EN FAIT

1) Madame A______ est domiciliée dans le canton de Genève. Le 26 février 2022, venant de France, elle s’est présentée à la frontière genevoise en vue de procéder au dédouanement de son chien de race ______, mâle, né le ______ 2021 et nommé « B______ ».

Le même jour, l’office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (ci-après : OFDF) a transmis cette information ainsi que le formulaire ad hoc au service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV).

2) Le 28 février 2022, Mme A______ s’est entretenue au téléphone avec le SCAV. Ce dernier a résumé cet entretien dans un courriel envoyé à l’intéressée le même jour. Elle avait confirmé l’importation de « B______ » depuis la France. Or ce chiot, âgé de douze semaines et six jours, n’était pas vacciné contre la rage. En conséquence, les mesures sanitaires suivantes devaient être prises : 1) faire enregistrer « B______ » auprès de la banque de données nationale pour les chiens (ci-après : AMICUS) ; 2) l’animal ne devait pas être vacciné contre la rage avant réception de l’autorisation écrite du SCAV ; 3) l’animal devait porter une muselière lors des sorties et ne devait avoir aucun contact avec les autres chiens et le moins de contact possible avec les personnes extérieures au foyer ; 4) l’animal ne devait pas passer la frontière et sa propriété ne pouvait pas être transférée ; 5) le SCAV devait être immédiatement informé si l’animal présentait des symptômes ou un comportement inhabituel.

En vue du prononcé d’une décision, la copie des documents sanitaires de « B______ », la preuve de l’enregistrement auprès d’AMICUS et les remarques de Mme A______ devaient être transmises au SCAV d’ici au 7 mars 2022.

3) Ce même 28 février 2022, Mme A______ a transmis au SCAV le passeport de l’animal, son carnet de santé et la déclaration écrite de l’éleveuse certifiant qu’il n’avait jamais été en contact avec des animaux sauvages.

Elle prenait les mesures sanitaires au sérieux et s’engageait à amener le chiot à tous les rendez-vous utiles chez le vétérinaire. Elle souhaitait toutefois la levée des mesures relatives au port obligatoire de la muselière et du non-contact. Le chiot traversait une période de développement essentielle et il était important qu’il rencontre d’autres personnes ou d’autres chiens et qu’il assiste au cours d’éducation canine.

4) Le 1er mars 2022, le SCAV a informé Mme A______ qu’il maintenait les mesures annoncées. La vaccination antirabique était en effet obligatoire pour passer la frontière suisse pour les animaux dès leur douzième semaine en provenance de l’Union européenne. Cette information pouvait être consultée sur la page dédiée de l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (ci-après : OSAV). Or, lors de son passage à la frontière, « B______ » était âgé de douze semaines et six jours et n’était pas vacciné contre la rage.

5) Mme A______ a, les jours suivants, transmis au SCAV tous les documents sollicités. Le 11 mars 2022, ce dernier l’a informée qu’une décision lui parviendrait.

6) Le 17 mars 2022, le SCAV, sous la signature du vétérinaire cantonal, a ordonné à Mme A______ :

1. la surveillance vétérinaire officielle de « B______ », à ses frais et à ses risques, pour une durée de cent jours dès le 26 février 2022 jusqu’au 6 juin 2022, de telle façon qu’il ne puisse mettre en danger ni des personnes ni des animaux ;

2. de le maintenir à domicile et d’éviter tout contact avec les personnes extérieures à son lieu de résidence, la disparition ou la mort du chien devant être signalées dans les plus brefs délais au SCAV ;

3. de le maintenir isolé de tout autre animal vivant d’espèce sensible à la rage ;

4. de déplacer « B______ » dans un panier de transport ou muni d’une muselière lors de ses sorties, durant toute la durée de la surveillance vétérinaire ;

6, 7 et 8. de présenter le chien à son vétérinaire traitant deux fois par mois ainsi qu'à l'issue de la période de surveillance vétérinaire pour un contrôle sanitaire et transmettre au SCAV le rapport après chaque contrôle et à l'issue de ladite période.

Le SCAV a par ailleurs :

5. interdit à Mme A______ de quitter le territoire suisse avec « B______ » ;

9. dérogé à la vaccination antirabique obligatoire dès l’âge de cinq mois et à l'issue de la période de surveillance vétérinaire tant que le chien était sous isolement, celle-ci étant réalisée à la fin de l’isolement ;

10. ordonné la mise à mort du chien en cas d’apparition de signes cliniques ne pouvant être rattachés avec certitude à une autre maladie que la rage ainsi que l’envoi immédiat du cadavre au laboratoire de référence pour analyse aux frais et risque de Mme A______, toute apparition d’un signe de maladie, d’un changement de comportement ou la mort du chien devant être signalés sans délai au vétérinaire traitant ;

11. informé la propriétaire que la présentation du chien ou de son cadavre à un vétérinaire était à ses frais ;

12. interdit à celle-ci de céder le chien jusqu’à la fin de la période de surveillance ;

13. informé l’intéressée que la levée de la mesure lui serait notifiée le moment venu ;

14 et 15. mis un émolument de CHF 220.- à sa charge, lui imputant en outre les frais de notification de la décision de CHF 2.40 ;

16. informé la propriétaire qu’un rapport serait transmis au service des contraventions pour les suites pénales à donner en raison des manquements observés ;

17. informé Mme A______ de son obligation de se conformer à la décision, sous la menace de faire l’objet d’une dénonciation pénale pour infraction à l’art. 48a de la loi sur les épizooties du 1er juillet 1996 (LFE - RS 916.40).

En raison du risque potentiel de zoonose, le SCAV a prononcé l’exécution immédiate de cette décision, nonobstant recours.

7) Le 8 avril 2022, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice contre cette décision. Elle a conclu à son annulation et à la levée immédiate de la surveillance vétérinaire. À titre préalable, elle a requis la restitution de l’effet suspensif et la levée de l’obligation de maintenir le canidé isolé de tout autre animal vivant d’espèce sensible à la rage et de toute personne extérieure à son lieu de résidence ainsi que de le déplacer en panier de transport ou muni d’une muselière, subsidiairement de lever les obligations précitées, sous réserve de celle du port de la muselière à l’occasion de contacts avec des personnes ou animaux, et enfin, plus subsidiairement, de l’autoriser à suivre des cours d’éducation canine.

Elle a soulevé le grief de la violation du principe de la proportionnalité, en lien avec le principe de la bonne foi, l’interdiction de l’arbitraire et l’interdiction du formalisme excessif. Elle n’était pas de langue maternelle française, ce qui avait eu pour effet une certaine confusion quant aux règles applicables et aux informations contradictoires qui lui avaient été fournies. Elle avait acquis le chien auprès d’une éleveuse professionnelle en France et s’était fiée à l’indication erronée de la venderesse que l’importation du chiot sans vaccin antirabique était possible s’il était âgé de moins de trois mois. Elle ignorait que la législation suisse parlait de douze semaines. On pouvait imaginer que cette erreur était courante puisque douze semaines équivalaient généralement à trois mois dans l’esprit collectif. Elle avait ainsi de bonne foi commis l’erreur d’importer le chien alors qu’il avait douze semaines et six jours. Elle n’avait pas cherché à contourner les règles applicables puisqu’elle s’était présentée à la frontière pour le dédouanement. Elle n’avait jamais contesté qu’il était de sa responsabilité d’être en possession de l’ensemble des documents requis, et elle s’était immédiatement engagée auprès du SCAV à se soumettre à toutes les mesures prononcées pour préserver tant la santé du chiot que la santé publique. Elle avait respecté ses engagements.

Les circonstances laissaient apparaître une disproportion évidente entre l’objectif poursuivi par l’autorité et les mesures imposées pour atteindre cet objectif. Ces mesures restreignaient fortement sa liberté et étaient de nature à influencer négativement le développement, l’éducation et la socialisation du jeune chien, tant auprès de ses congénères qu’auprès d’autres personnes. Son intérêt privé coïncidait du reste intégralement avec l’intérêt public consistant à ce que les chiens du canton ne soient ni agressifs ni craintifs par manque d’éducation ou de contacts sociaux lors de leur phase de développement.

Selon l’autorité, le fait que le chiot était âgé de douze semaines et six jours au moment du passage de la frontière suffisait pour conclure que l’animal était potentiellement porteur du virus de la rage, faute de pouvoir présenter la preuve du vaccin idoine à cette date. Il apparaissait excessivement formaliste et arbitraire de considérer que le chien présentait à cette date un danger pour la santé publique, tandis qu’il aurait pu passer la frontière sans autre formalité dans les mêmes circonstances six jours plus tôt. Par ailleurs, la France était considérée par la Suisse comme indemne de rage. Il n’y avait pas lieu de remettre en cause ce statut, pas plus que les statistiques officielles de l’organisation mondiale de la santé (ci-après : OMS) qui n’identifiaient que cinq rares cas de rage chez des animaux domestiques au cours des dix années précédentes. La probabilité que « B______ » ait contracté le virus de la rage était nulle, son lieu de naissance et de domicile durant ses premiers mois de vie étant connus. Aucun élément ne permettait non plus de remettre en question la validité de l’attestation fournie par l’éleveuse ni le professionnalisme de celle-ci. Les mesures litigieuses n’étaient ainsi de toute évidence pas aptes à répondre aux besoins de lutte contre les épizooties, le risque étant inexistant.

8) Mme A______ a versé à la procédure un certificat de bonne santé du chiot établi le 19 avril 2022 par le cabinet vétérinaire C______. Ce dernier soulignait que « B______ » avait urgemment besoin de commencer les cours d’éducation et de socialisation.

9) La chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif au recours le 16 mai 2022.

10) Le SCAV a conclu au rejet du recours.

La rage sévissait encore. Il s’agissait d’une maladie mortelle contagieuse qui tuait près de 60'000 personnes dans le monde par an, soit une personne toutes les dix minutes selon l’organisation mondiale de la santé animale. Elle se transmettait au contact de la salive d’un animal malade notamment lors de morsure, griffure ou léchage. Il n’existait aucun traitement une fois la maladie déclarée chez l’homme, qui était systématiquement mortelle. 99 % des cas de rage chez l’homme étaient provoqués par morsure de chiens.

Dans le cas d’espèce, les mesures avaient été prononcées en raison du statut incertain du chien qui avait été importé de France sans respect des normes idoines. Il revenait à la recourante de se renseigner préalablement à l’importation du chiot, les informations pertinentes étant accessibles y compris en anglais sur le site de l’OSAV. Bien que le risque de rage était faible en raison de la provenance française de « B______ », ce risque n’était pas inexistant. Il fallait impérativement prévenir la réintégration et la propagation en Suisse de cette maladie ; cet intérêt public de santé avait justifié le prononcé des mesures. Le fait que le chien ne présentait pas de symptômes ne signifiait pas qu’il n’était pas porteur du virus, la période d’incubation pouvant varier jusqu’à cent vingt jours.

La socialisation du chiot avait été assurée par sa mère durant les premières semaines de sa vie (phase de socialisation de la 3ème à la 12ème semaine). Il avait alors appris à se comporter convenablement avec d’autres chiens. Le port de la muselière n’empêchait pas « B______ » d’avoir des contacts sociaux, visuellement, olfactivement ou auditivement avec ses congénères. La recourante devait toutefois rester vigilante pour empêcher tout contact direct par léchage malgré la muselière. Elle était libre de suivre avec son chien des cours d’éducation à titre privé et de manière individuelle. Les mesures prononcées, qui étaient les moins invasives possibles au regard de l’intérêt public en jeu, étaient communément appliquées pour les canidés au statut incertain en provenance de l’Union européenne. Il n’y avait eu aucun retour des détenteurs quant à des comportements excessivement agressifs ou craintifs de leurs chiens. En 2021, le SCAV avait prononcé 41 surveillances à domicile pour des canidés en provenance de l’Union européenne ou pays au statut favorable à l’égard de la rage.

11) Dans sa réplique, Mme A______ a fait valoir qu’afin de tenter de justifier la proportionnalité de la décision litigieuse, le SCAV affirmait dans sa réponse qu’elle aurait été autorisée, moyennant le port de la muselière, à mettre son chiot en contact avec des congénères et à suivre des cours individuels d’éducation canine. Cela confinait à la mauvaise foi, la décision ne pouvant être comprise ainsi. Le SCAV se méprenait lorsqu’il affirmait que la socialisation du chiot par sa mère avait été suffisante. Elle constatait les répercussions négatives des mesures sur son comportement. À terme, l’intervention régulière d’un comportementaliste canin était nécessaire, engendrant des coûts qui auraient pu être évités. Le chien détestait porter la muselière, ce qui limitait les contacts sociaux et la possibilité de suivre des cours individuels.

Le fait que le SCAV n’avait jamais eu connaissance de comportements agressifs ou craintifs était allégué sans preuve et sans préciser s’il s’agissait de chiens adultes ou de chiots. De même, l’autorité n’expliquait pas pourquoi elle avait fixé la durée des mesures à cent jours ni pourquoi une durée plus courte n’avait pas été envisagée alors qu’il ressortait d’un arrêt du Tribunal fédéral que, selon les vétérinaires français, la durée moyenne d’incubation du virus de la rage chez les chiens était dans la plupart des cas de quinze à soixante jours. Or, sa naissance auprès d’une éleveuse professionnelle en France, l’absence de tout contact avec des animaux sauvages et son jeune âge au moment de son passage de la frontière étaient des éléments de nature à faire diminuer la suspicion que « B______ » soit porteur du virus de la rage. L’autorité aurait ainsi dû faire preuve de plus de souplesse.

Le SCAV ne lui avait pas donné de renseignements sur les conditions d’importation du chien. Toutefois, le collaborateur de l’OFDF qui l’avait reçue à la douane lui avait affirmé que l’absence de déclaration écrite de l’éleveuse n’était pas un problème et que s’il devait annoncer l’importation du chien au SCAV, cela n’était qu’une formalité. À aucun moment, il ne lui avait signalé qu’elle s’apprêtait à violer la loi en passant la frontière. Si tel avait été le cas, elle aurait fait demi-tour et ramené le chiot à son éleveuse jusqu’à ce qu’il soit vacciné.

La fin des mesures allait intervenir du fait de l’écoulement du temps. Il devait toutefois être renoncé à l’exigence d’un intérêt actuel.

12) Le 9 juin 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

13) Le 13 juin 2022, le SCAV a informé la chambre de céans de la levée des mesures de surveillance vétérinaire officielle. Le délai de ladite surveillance était échu le 7 juin 2022, de sorte qu’il convenait de constater l’absence d’intérêt actuel de la recourante et rayer la cause du rôle.

14) Le 1er juillet 2022, Mme A______ a informé la chambre administrative qu’elle avait pris bonne note de la fin de la surveillance vétérinaire officielle. Elle n’avait pas d’observations supplémentaires à formuler et persistait dans son recours, qui présentait toujours un intérêt actuel.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’intimé soutient que, la durée de la surveillance officielle vétérinaire étant échue, la recourante n’a plus d’intérêt actuel au recours.

a. À teneur de l’art. 60 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/805/2020 du 25 août 2020 consid.  2b et les arrêts cités). Un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; 137 I 23 consid. 1.3). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 137 I 296 consid. 4.2) ; si l’intérêt s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement radié du rôle ou déclaré irrecevable (ATF 142 I 135 consid.1.3.1). Un intérêt actuel et pratique fait en particulier défaut lorsque l’acte de l’autorité a été exécuté (ATF 125 I 394 consid.  4) ou a perdu son objet ou encore lorsque l’admission du recours ne permettrait pas la réparation du préjudice subi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_863/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2). Il est toutefois renoncé à cette exigence lorsque cette condition fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 140 III 92 consid. 1 ; 140 IV 74 consid. 1.3.3 ; ATA/648/2022 du 23 juin 2022 consid 5a).

b. En l’espèce, la surveillance vétérinaire ordonnée par la décision querellée a pris fin le 6 juin 2022. La recourante conserve néanmoins un intérêt à faire examiner la légalité de la mesure ordonnée, dès lors qu’à défaut, vu la durée limitée dans le temps de celle-ci, un tel contrôle ne pourrait jamais ou que rarement avoir lieu. En outre, la décision lui a imposé des frais qu’elle doit supporter, malgré la fin de la période de surveillance vétérinaire.

Dans ces circonstances, le recours conserve un intérêt actuel et est, donc, recevable.

3) La recourante se plaint de la violation du principe de la proportionnalité, en lien avec le principe de la bonne foi, l’interdiction de l’arbitraire et l’interdiction du formalisme excessif.

a. À teneur de l'art. 1 al. 1 let. a LFE, sont notamment considérées comme épizooties, les maladies animales transmissibles qui peuvent se transmettre à l'homme (zoonoses).

Les épizooties hautement contagieuses doivent être éradiquées aussi rapidement que possible et combattues, pour le reste, comme les autres épizooties (art. 1a al. 1 let a et b LFE). Les autres épizooties doivent être éradiquées, dans la mesure où l'éradication répond à un besoin sanitaire ou économique et qu'elle est possible moyennant des dépenses acceptables (art. 1a al. 2 let. a LFE).

Le Conseil fédéral édicte les prescriptions générales de lutte contre les épizooties hautement contagieuses et les autres. Il fixe en outre l'objectif de la lutte contre les autres épizooties en tenant compte du coût et du bénéfice de la lutte. Il règle notamment l'isolement des animaux infectés ou suspects de l'être, la mise sous séquestre d'étables, de fermes, de pâturages et de localités pour le trafic du bétail, la désinfection et la restriction à la circulation des personnes et au trafic des marchandises (art. 10 al. 1 ch. 4 LFE).

b. L'art. 3 let. c de l'ordonnance sur les épizooties du 27 juin 1995 (OFE - 916.401) précise que la rage fait partie des épizooties à éradiquer. La période d’incubation de la rage est de cent vingt jours (art. 142 al. 2 OFE).

Les mesures d'interdiction ont pour but d'empêcher la dissémination d'épizooties en limitant le trafic des animaux et des marchandises ainsi que les déplacements de personnes. Elles sont arrêtées par le vétérinaire cantonal (art. 66 al. 1 OFE). Les mesures d’interdiction restent applicables jusqu’à ce qu’elles soient modifiées ou levées par le vétérinaire cantonal qui les a ordonnées (art. 72 al. 1 OFE).

c. Le Conseil fédéral décide à quelles conditions l'importation, le transit et l'exportation d'animaux, de produits animaux et de substances susceptibles d'être les vecteurs d'épizooties sont autorisés (art. 24 al. 1 LFE).

L'ordonnance concernant l'importation, le transit et l'exportation d'animaux de compagnie du 28 novembre 2014 (OITE-AC - RS 916.443.14) s'applique à l'importation, au transit et à l'exportation d'animaux de compagnie qui accompagnent leur détenteur ou une personne autorisée par ce dernier et ne sont pas destinés à faire l'objet d'un transfert de propriété (art. 1 al. 1 let. a et b OITE-AC).

À teneur de l'art. 9 al. 1 OITE-AC, le passeport pour animal de compagnie destiné aux chiens, aux chats et aux furets doit être conforme aux exigences fixées à l'annexe 4 ch. 2. L'annexe 4 ch. 2.1 de l'OITE-AC précise que le passeport pour animal de compagnie destiné aux chiens, aux chats et aux furets en provenance d'États visés à l'art. 6 al. 1, let. a, soit des États membres de l'UE et autres États européens utilisant un passeport pour animal de compagnie reconnu par l'UE, doit être conforme aux exigences fixées à l'annexe III du règlement d'exécution (UE) n° 577/2013. Seul un vétérinaire autorisé peut inscrire des informations dans le passeport (art. 9 al. 2 OITE-AC).

Selon l'art. 11 al. 1 OITE-AC, la vaccination antirabique doit être effectuée au moyen d'un vaccin conforme aux exigences fixées à l'annexe 4 ch. 4. La vaccination antirabique est valable à partir du vingt et unième jour suivant la fin du protocole de vaccination (art. 11 al. 2 let. a OITE-AC) ou de la date de la vaccination de rappel, lorsque le vaccin de rappel est administré au cours de la période de validité de la vaccination indiquée par le fabricant (art. 11 al. 2 let. b OITE-AC).

Les chiens provenant d'un État membre de l'UE doivent être accompagnés d'un passeport pour animal de compagnie (art. 12 al. 1 OITE-AC). Ils doivent avoir fait l'objet d'une vaccination antirabique valable. La vaccination doit être inscrite dans le passeport pour animal de compagnie (art. 12 al. 2 OITE-AC). Les chiens âgés de moins de douze semaines sans vaccination antirabique et les animaux âgés de douze à seize semaines ayant reçu une vaccination antirabique qui n'est pas encore valable selon l'art. 11 al. 2 let. a OITE-AC, peuvent être importés si une déclaration du détenteur conforme aux exigences fixées à l'annexe 4 ch. 5, atteste que les animaux n'ont pas eu de contacts depuis leur naissance avec des animaux sauvages d'espèces sensibles à la rage (art. 12 al. 3 let. a OITE-AC), ou s'ils accompagnent leur mère dont ils dépendent encore et qui, conformément au passeport pour animal de compagnie, a reçu une vaccination antirabique avant leur naissance (art. 12 al. 3 let b OITE-AC).

Aux termes de l'art. 29 al. 1 1ère phrase OITE-AC, si les conditions d'importation ou de transit applicables aux animaux de compagnie ne sont pas remplies, l'autorité vétérinaire cantonale compétente prend les mesures nécessaires pour protéger la santé de l'être humain et des animaux. L'autorité peut notamment ordonner le refoulement, le séquestre ou la mise à mort des animaux (art. 29 al. 3 OITE-AC).

d. À Genève, la police des épizooties est confiée au vétérinaire cantonal (art. 3 du règlement d’application de la loi fédérale sur les épizooties du 11 novembre 2020 - RaLFE - M 3 20.02). Selon l’art. 52 al. 1 RaLFE, afin d’éviter la dissémination d’une épizootie, le vétérinaire cantonal peut édicter des mesures telles que, par exemple, l'isolement (let. a), la quarantaine (let. b), le séquestre simple de premier ou de second degré (let. c et d) ou le séquestre renforcé (let. e).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

f. Une décision est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. lorsqu'elle est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. L'arbitraire ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable (ATF 142 V 512 consid. 4.2 ; ATF 141 I 49 consid. 3.4). De plus, il ne suffit pas que les motifs de la décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3).

g. Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; 141 V 530 consid. 6.2). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard de personnes déterminées, (2) qu'elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que l'administré n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) qu'il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1).

4) En l’espèce, il n’est pas contesté que lors de son entrée sur le territoire suisse, le chien était âgé de douze semaines et six jours et qu’il n’était pas vacciné. Les conditions d’importation imposées par l’art. 12 al. 3 OITE-AC n’étant pas remplies, l’autorité intimée n’avait d’autre choix que de prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé de l’être humain et des animaux comme le prévoit l’art. 29 OITE-AC. Elle ne pouvait pas, comme le suggère la recourante, envisager l’hypothèse que le chien, notamment parce qu’il venait de France, n’était pas porteur de la rage et renoncer à toute mesure. Cela étant, parmi les mesures prévues par l’art. 52 al. 1 RaLFE, l’intimé a opté pour la moins dommageable pour l’animal, à savoir l’isolement. Cette mesure, qui permettait au chien de vivre auprès de sa maîtresse et de sortir, emportait quelques contraintes comme le port de la muselière, l’évitement impératif de tout contact avec les personnes extérieures à son lieu de résidence et l’isolement de tout autre animal vivant d’espèce sensible à la rage. Ces contraintes apparaissent toutefois comme indispensables à la protection de la santé, tout contact avec la salive du chiot devant être évité comme l’a expliqué de manière convaincante l’autorité intimée. La durée de l’isolement, prononcée pour la période du 26 février au 6 juin 2022, n’aura été que de cent jours alors qu’elle aurait pu être prolongée de vingt jours de plus tout en échappant à toute critique, la période d’incubation du virus étant de cent vingt jours (art. 142 al. 2 OFE).

Enfin, même à supposer que, comme elle le soutient, un collaborateur de l’OFD a affirmé à la recourante que l’absence de déclaration écrite établie par l’éleveuse n’était pas un problème et que l’annonce du chien auprès de l’intimé n’était qu’une formalité, cette affirmation ne l’exemptait pas de l’obligation de se renseigner sur les conditions d’importation de son chiot en Suisse, le site officiel de l’OSAV étant accessible en anglais. Il n’apparaît en outre pas que le collaborateur en question aurait été compétent pour décider des mesures en l’espèce litigieuses.

Le recours sera en conséquence rejeté.

5) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 800.-, qui comprend la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 a. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 avril 2022 par Madame A______ contre la décision du service de la consommation et des affaires vétérinaires du 17 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 800.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat de la recourante, au service de la consommation et des affaires vétérinaires ainsi qu’à l’office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. Poinsot

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :