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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2874/2022

ATA/922/2022 du 13.09.2022 ( FPUBL ) , IRRECEVABLE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2874/2022-FPUBL ATA/922/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 13 septembre 2022

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Robert Assael, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE

et

Monsieur B______



EN FAIT

1) Madame A______ a été engagée le 1er juillet 2014 en qualité de cheffe d’unité au Service C______de la Ville de Genève (ci-après : la ville). Le 18 novembre 2015, elle a été nommée au poste de directrice du département D______ (ci-après : E______), avec effet au 1er février 2016.

2) Par décision du 19 janvier 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le Conseil administratif de la ville (ci-après : le CA) a prononcé la suspension avec effet immédiat de Mme A______ de son activité de directrice du E______ jusqu’au prononcé d’une éventuelle sanction ou d’un licenciement et l’a informée de ce qu’il avait décidé, dans un premier temps, de mandater un expert externe pour effectuer notamment un état des lieux de la situation au sein de la direction du E______.

Le recours formé par Mme A______ le 31 janvier 2022 contre cette décision a été déclaré irrecevable par la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) par arrêt du 23 juin 2022 (ATA/652/2022).

3) Par décision du 2 mars 2022, déclarée exécutoire nonobstant recours, le CA a ouvert une enquête administrative à l’encontre de Mme A______, qu’il a confiée à Monsieur B______.

Le recours formé par Mme A______ le 16 mars 2022 contre cette décision a été déclaré irrecevable par la chambre administrative par arrêt du 23 août 2022 (ATA/836/2022).

4) Par décision du 18 mars 2022, le CA a rejeté la demande de récusation de M. B______ formée par Mme A______.

Le recours formé par Mme A______ le 28 mars 2022 contre cette décision devant la chambre administrative a été rejeté par arrêt du 3 mai 2022 (ATA/461/2022). Un recours est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral.

5) Mme A______ a à nouveau sollicité la récusation de M. B______ le 10 mai 2022. Par décision du 2 juin 2022, le CA a déclaré cette demande irrecevable et, en tout état, infondée.

Cette décision a été confirmée par la chambre administrative par arrêt du 23 août 2022 (ATA/837/2022).

6) Par courrier du 23 juin 2022, M. B______ a pris acte de la requête de Mme A______ s’agissant de la production d’un certain nombre de pièces et précisé qu’il entendait conduire son enquête de manière objective et indépendante.

Le 7 juillet 2022, Mme A______ a contesté ce courrier par-devant la chambre administrative.

La procédure a été ouverte sous le n° A/2364/2022.

7) Par courrier du 30 août 2022, M. B______ a informé Mme A______ de la date prévue pour la suite de l’audition d’un témoin. Il a également indiqué que, compte tenu du certificat médical remis par Mme F______, et conformément aux art. 28A al. 1 et 3 let. b et 42 al. 5 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE – E 5 10), l’audition de celle-ci se déroulerait le 19 septembre 2022 à 14h00 en l’absence des parties et de leur représentant. Les parties étaient invitées à transmettre les questions qu’elles souhaitaient soumettre au témoin d’ici au 14 septembre 2022.

8) Par acte déposé à la chambre administrative le 12 septembre 2022, Mme A______ a interjeté recours contre le courrier de M. B______ du 30 août 2022, concluant à son annulation. Sur mesures superprovisionnelles, elle a demandé que les représentants des parties soient autorisés à participer à l’audition de Mme F______ et que l’enquêteur soit enjoint à annuler cette audition fixée au 19 septembre 2022. Sur mesures provisionnelles, elle a conclu à l’annulation du délai fixé par l’enquêteur administratif au 14 septembre 2022 pour lui transmettre les questions à poser à Mme F______.

Si les art. 28A al. 3 let. b et 42 al. 5 LPA prévoyaient la possibilité d’entendre un témoin en l’absence des parties, ces dispositions ne permettaient pas d’exclure leur représentant, en particulier leur avocat. Pour cette raison déjà, il « y aurait un dommage irréparable à ce que [son représentant] ne puisse être présent » lors de l’audition de Mme F______. Il en allait de son droit d’être entendue. La possibilité de transmettre des questions à poser au témoin ne remplaçait pas le plein exercice du droit d’être entendue. En fonction de la réponse du témoin, le représentant pourrait en effet renoncer à certaines questions et en poser d’autres qu’il ne saurait anticiper. Il serait au demeurant plus aisé à la témoin d’exagérer les faits, voire d’articuler des contre-vérités, dans un environnement « protégé ».

À l’appui de son recours, elle a produit le certificat médical de la Docteure G______ attestant de ce que Mme F______ ne pouvait « pas témoigner contre sa directrice en présentiel en raison de troubles médicaux en lien avec ce qu’elle a vécu avec cette personne, entre autre générant de fortes angoisses. La présence de l’avocat de sa directrice occasionnerait également des difficultés émotionnelles qui ne sont pas recommandées médicalement actuellement ».

 

 

EN DROIT

1) La chambre administrative examine d’office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATA/660/2022 du 23 juin 2022 consid. 1 et les références mentionnées).

2) Selon l’art. 57 LPA, sont susceptibles d'un recours, les décisions finales (let. a) ; les décisions par lesquelles l'autorité admet ou décline sa compétence (let. b) ; les décisions incidentes à certaines conditions (let. c) et les lois constitutionnelles, les lois et les règlements du Conseil d'État.

Sont considérées comme des décisions les mesures individuelles et concrètes prises par l'autorité dans les cas d'espèce fondées sur le droit public fédéral, cantonal, communal et ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des obligations ; de constater l'existence, l'inexistence ou l'étendue de droits, d'obligations ou de faits ; de rejeter ou de déclarer irrecevables des demandes tendant à créer, modifier, annuler ou constater des droits ou obligations
(art. 4 al. 1 LPA).

3) Les décisions incidentes sont susceptibles de recours si elles peuvent causer un préjudice irréparable ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 57 let. c LPA).

L'art. 57 let. c LPA a la même teneur que l'art. 93 al. 1 let. a et b de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, le préjudice irréparable suppose que le recourant ait un intérêt digne de protection à ce que la décision attaquée soit immédiatement annulée ou modifiée (ATF 127 II 132 consid. 2a ;
126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. 2018 p. 432 n. 1265). Un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2 ; 133 II 629 consid. 2.3.1). Un intérêt économique ou un intérêt tiré du principe de l'économie de la procédure peut constituer un tel préjudice
(ATF 127 II 132 consid. 2a ; 126 V 244 consid. 2c ; 125 II 613 consid. 2a). Le simple fait d'avoir à subir une procédure et les inconvénients qui y sont liés ne constitue toutefois pas en soi un préjudice irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_149/2008 du 12 août 2008 consid. 2.1 ; ATA/305/2009 du 23 juin 2009 consid. 2b et 5b et les références citées). Un dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est notamment pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 133 IV 139 précité consid. 4 ; 131 I 57 consid. 1 ; 
129 III 107 consid. 1.2.1).

La chambre administrative a précisé à plusieurs reprises que l'art. 57 let. c LPA devait être interprété à la lumière de ces principes (ATA/1622/2017 du 19 décembre 2017 consid. 4c et les arrêts cités ; cette interprétation est critiquée par certains auteurs qui l'estiment trop restrictive : Stéphane GRODECKI/ Romain JORDAN, Questions choisies de procédure administrative, SJ 2014 II p. 458 ss).

Lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d).

4) En l’occurrence, la question de savoir si le courrier du 30 août 2022, qui porte sur la fixation d’une audience et les modalités d’audition d’un témoin, constitue une décision peut rester indécise.

Même à l’admettre, il faudrait alors la qualifier de décision incidente puisqu’elle ne représente qu’une étape vers la décision finale. Or, dans pareille hypothèse, il appartiendrait à la recourante de démontrer l’existence d’un préjudice irréparable, ce qu’elle ne fait pas. Dans son recours, l’intéressée se limite en effet à se plaindre d’une potentielle violation de son droit d’être entendue en raison de l’absence de son représentant à l’audition de Mme F______. Elle fait valoir que la possibilité de soumettre des questions écrites ne suffit pas puisqu’un tel procédé ne lui permettrait pas de modifier ses questions en fonction des réponses de la témoin. La recourante ne prétend toutefois pas qu’en cas de décision défavorable, elle ne pourrait se plaindre d’une éventuelle violation de son droit d’être entendue à l’occasion d’un recours contre la décision finale. Or, c’est à ce stade que l’autorité de recours exercera son contrôle au regard du respect des garanties de procédure et tirera les conséquences de leur violation éventuelle. Il s’ensuit que la première hypothèse de l’art. 57 let. c LPA n’est manifestement pas remplie.

La seconde hypothèse de l'art. 57 let. c LPA, à savoir la venue à chef immédiate d'une décision finale susceptible d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse, n'est pas davantage réalisée et la recourante ne le prétend d’ailleurs pas.

Le recours apparaît ainsi d’emblée manifestement irrecevable, de sorte qu’il peut être statué sans instruction préalable, en application de l’art. 72 LPA. La demande de mesures superprovisionnelles et provisionnelles devient ainsi sans objet.

 

5) Compte tenu de l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Il ne lui sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable le recours interjeté le 12 septembre 2022 par Madame A______ contre le courrier de Monsieur B______ du 30 août 2022 ;

met à la charge de la recourante un émolument de CHF 500.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ; si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

s’il porte sur la responsabilité de l’État et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 30’000.- ; si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 30’000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure aux minima indiqués soit CHF 15'000.- (contestation relative aux rapports de travail), respectivement à CHF 30'000.- (contestation relative à la responsabilité de l’État) ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assael, avocat de la recourante, à Monsieur B______ ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen, Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. Cardinaux

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :