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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2351/2021

ATA/903/2022 du 06.09.2022 sur JTAPI/271/2022 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 13.10.2022, rendu le 13.10.2022, IRRECEVABLE, 2C_829/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2351/2021-PE ATA/903/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 septembre 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Madame A______
représentée par Me Magali Buser, avocate

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 

_________


 

Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2022 (JTAPI/271/2022)


EN FAIT

1) Madame A______, née le ______1966, est ressortissante du Kosovo.

2) Elle a cinq enfants majeurs vivant à Genève, tous ressortissants du Kosovo, soit Mesdames B______, C______, D______ et Messieurs E______ et F______.

3) Le 19 juin 2018, Mme A______ a saisi l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) d’une demande d’autorisation de séjour, accompagnée de plusieurs documents, attestant notamment de sa situation professionnelle, de son état de santé et de sa situation financière, à savoir une attestation du 7 mai 2018 indiquant qu’elle n’était pas aidée par l’Hospice général (ci-après : l'hospice).

4) Le 5 juillet 2019, l'hospice a attesté que Mme A______ bénéficiait d’une aide financière totale depuis le 1er février 2019.

5) Le 8 janvier 2020, l’OCPM a sollicité la production de divers renseignements et documents, afin d’examiner sa demande d’autorisation de séjour sous l’angle de l’« opération Papyrus », notamment un justificatif de son départ de Suisse suite au rejet d'une demande d’asile le 22 décembre 1999.

6) Faisant suite à cette demande, Mme A______ a notamment produit un extrait vierge de son casier judiciaire, un formulaire M indiquant une arrivée à Genève en 2008, ainsi qu’un document établi le 7 février 2020 par M. E______, détenteur du bail de l’appartement qu’elle occupait avec son autre fils.

7) Le 28 février 2020, l’OCPM lui a demandé si elle avait retrouvé un emploi ainsi que la production d'une attestation de français niveau A2.

8) À teneur d'un extrait du registre des poursuites du 2 mars 2020, elle faisait l’objet de poursuites et actes de défaut de biens pour des montants de, respectivement, CHF 17'010.65 et CHF 18'822.80, le créancier principal étant l'assurance-maladie G______.

9) Le 17 juin 2020, l’OCPM lui a fait savoir que, dans la mesure où elle ne remplissait manifestement pas les critères de l’« opération Papyrus », sa demande serait examinée sous l’angle (usuel) du cas de rigueur. Un délai de trente jours lui était imparti pour fournir des renseignements et justificatifs complémentaires. À défaut, il statuerait en l’état du dossier.

10) Le 4 août 2020, Mme A______ a indiqué être venue en Suisse pour des raisons d’ordre familial et économique. Sa décision de quitter le Kosovo avait permis à ses enfants d’accéder à un meilleur avenir. Ces derniers et leurs familles respectives, dont ses huit petits-enfants, se trouvaient en Suisse. Elle n’envisageait pas de retourner au Kosovo, où elle se retrouverait seule et dans une situation de précarité. Elle n’aurait pas de source de revenus et rencontrerait des difficultés à trouver un logement.

11) Selon une nouvelle attestation du 17 août 2020, elle était totalement aidée par l’hospice depuis le 1er février 2019.

12) Le 10 février 2021, l’OCPM lui a fait part de son intention de refuser de préaviser favorablement son dossier auprès du secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) en vue de l’octroi d’une autorisation de séjour, de prononcer son renvoi et de transmettre ses actes au SEM, afin qu’il juge de l’opportunité de prononcer une interdiction d’entrée en Suisse à son encontre.

Elle n’avait pas donné suite aux demandes de renseignements des 28 février et 29 septembre 2020 et seulement partiellement à celle du 17 juin 2020. Cela étant, sa situation ne répondait pas aux critères de l’« opération Papyrus » et les conditions des dispositions légales relatives au cas individuel d'extrême gravité n’étaient pas non plus remplies. Un délai lui était imparti pour exercer son droit d’être entendue.

13) Le 9 avril 2021, Mme A______ a indiqué être venue pour la première fois en Suisse en 1999, accompagnée de ses enfants et de son ex-époux. Elle y avait vécu durant dix-sept mois, après avoir fui la guerre au Kosovo. Elle était ensuite retournée dans ce pays, puis était revenue s’installer durablement en Suisse en 2008 auprès de ses cinq enfants, désormais majeurs. Elle avait exercé divers emplois en Suisse. De 2008 à 2011, elle avait travaillé dans le milieu de l’agriculture. Elle avait toutefois été contrainte de cesser cette activité en raison, notamment, de problèmes aux genoux. De 2011 à 2013, elle s'était trouvée en arrêt maladie. Par la suite, elle s’était occupée d’enfants et de ses petits-enfants, permettant ainsi à leurs parents de travailler. En 2018, elle avait trouvé un emploi en qualité de nettoyeuse. Elle avait cotisé auprès de l'assurance-vieillesse et survivants (ci-après : AVS). Elle n’émargeait à l’assistance publique que depuis le 1er février 2019. Or, si l’OCPM avait traité sa demande d’autorisation de séjour avec célérité, elle n’aurait pas été contrainte d’être assistée, car elle aurait trouvé un emploi. Sa situation avait toutefois évolué et elle ne bénéficiait plus de prestations sociales depuis le 1er avril 2021. Elle suivait des cours de français à partir du 1er mars 2021. Diverses pièces démontraient sa présence en Suisse en 2013, 2014 et 2017. Les poursuites et actes de défaut de biens dont elle faisait l’objet pour un montant total de CHF 36'143,05 concernaient des factures et des primes d’assurance-maladie impayées durant l’année 2016. Le montant était le même que celui mentionné le 10 février 2021, ce qui démontrait qu’elle avait cessé de s’endetter et qu’elle réglait désormais entièrement ses factures. Elle avait entrepris des démarches en vue d’établir un plan de désendettement. Les dettes étant tolérées à hauteur de CHF 10'000.- dans le cadre de l’« opération Papyrus », il y avait lieu de tenir compte d’un endettement de CHF 26'143.05. Au Kosovo, sa mère était décédée le ______ 2013 et son frère ne disposait pas des ressources matérielles et financières permettant de l’accueillir. Elle était âgée de 54 ans et n’avait pas de famille proche dans son pays d'origine susceptible de l’aider à reconstruire une vie sociale et professionnelle. Compte tenu de sa situation, elle pouvait à tout le moins prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour tant sous l'angle du cas de rigueur qu’en application de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Elle a notamment joint les pièces suivantes :

- une attestation établie le 28 février 2021 par sa fille, Mme C______, indiquant qu'elle s’occupait de ses trois petits-enfants nés en 2012, 2014 et 2017 depuis leur naissance ;

- une attestation établie le 28 février 2021 par sa belle-fille, Madame H______, épouse de M. E______, indiquant qu’elles s'étaient régulièrement fréquentées depuis 2013 et qu’elle n’avait jamais quitté la Suisse ;

- un document établi le 16 mars 2021 par l'hospice indiquant qu’elle était considérée comme indépendante financièrement « depuis le 1er avril 2021 » ;

- des documents attestant de son état de santé, notamment de problèmes aux genoux en 2014 ;

- un justificatif d’inscription à un atelier de français « débutant » pour la période du 1er au 31 mars 2021.

14) Le 16 avril 2021, l’OCPM lui a imparti un délai pour transmettre des justificatifs de ses ressources financières et un plan de désendettement. Elle était également invitée à s’expliquer sur le fait qu’elle avait sollicité et obtenu un visa de retour les 10 juillet 2018, 21 juillet 2019 et 9 mars 2020, afin de rendre visite à sa mère malade.

15) Le 3 mai 2021, Mme A______ a indiqué avoir trouvé un emploi à temps partiel en qualité de « nounou » et être à la recherche d’un second emploi. Sa prime d’assurance-maladie était entièrement subventionnée pour l’année 2021 et elle vivait chez son fils, qui payait l’entier du loyer. Dans l’attente d’une augmentation de ses revenus, elle avait sollicité de son assurance-maladie la mise en place d’un remboursement mensuel de CHF 150.-, étant précisé que le montant dû était de CHF 9'267.50, hors intérêts et frais de poursuites, soit un montant inférieur à celui précédemment annoncé. Elle avait également soldé plusieurs créances auprès de l’office des poursuites. Concernant les visas précités, il y avait certainement eu une confusion, car sa mère était décédée en 2013, tel que cela ressortait du certificat de décès qu'elle produisait. Elle avait effectivement rendu visite au Kosovo à la mère de son ex-époux, avec laquelle elle avait vécu durant plus de vingt ans et qu’elle considérait comme sa propre mère. Elles avaient toujours entretenu une très bonne relation malgré le divorce et l’éloignement géographique. Enfin, elle produirait le justificatif de son d’inscription à l’examen de français dès sa réception. Étaient notamment joints les documents suivants :

- un extrait de compte individuel établi par la caisse cantonale genevoise de compensation le 27 avril 2021, faisant état de revenus auprès de « I______ » d’avril à octobre 2009 (CHF 19'531.-) et 2011 (CHF 19'092.-), d’avril à novembre 2010 (CHF 19'449.-) et de janvier à décembre 2012 (CHF 172.-) ;

- une copie du formulaire M complété par Mme C______, qui souhaitait l’engager dès le 1er mai 2021 en qualité de garde d’enfants, à raison de vingt-cinq heures par semaine et pour un salaire mensuel brut de CHF 1'000.-, soit un salaire horaire de l’ordre de CHF 9.25 ;

- un relevé établi par G______ le 29 avril 2021, indiquant des créances impayées incluses dans un acte de défaut de biens pour un montant de CHF 13'804.40 ;

- deux quittances pour solde établies le 15 avril 2021 par l’office des poursuites pour des montants de CHF 164.60 et CHF 496.60 ;

16) Par décision du 1er juin 2021, l’OCPM a refusé de donner une suite favorable à la demande de Mme A______ et a prononcé son renvoi, lui impartissant un délai au 1er août 2021 pour quitter la Suisse.

Elle ne remplissait pas les critères de l’« opération Papyrus », notamment sous l’angle de l’indépendance et de la stabilité financière. Elle tentait de reprocher à l’autorité d’avoir manqué de célérité dans l’examen de sa demande, ce qui aurait compliqué sa situation économique. Or, la plus grande partie de ses dettes était antérieure au dépôt de sa demande et elle n'avait sollicité l’aide de l’hospice qu’après le dépôt de son dossier, alors même qu’une autorisation de travail provisoire aurait pu lui être délivrée. Sous l’angle du cas de rigueur, le fait qu'elle ne dépendait plus de l’hospice depuis le 1er avril 2021, avait entrepris de rembourser ses dettes depuis le 15 avril 2021, sans toutefois fournir un plan de désendettement et travaillait à nouveau depuis le 1er mai 2021 n’était pas de nature à changer l'appréciation de sa situation. La modification de sa situation économique était récente et vraisemblablement en lien avec les besoins de la cause. Or, l’appréciation de l’intégration ne se faisait pas à un « instant T ». Il s’agissait plutôt d’un processus de plusieurs années, lequel n’avait pas été démontré.

Elle n’avait pas créé d'attaches à ce point profondes et durables avec la Suisse qu’elle ne pût plus envisager un retour dans son pays d’origine. Elle avait vécu la majeure partie de sa vie au Kosovo, dont elle maîtrisait la langue et la culture. L’expérience professionnelle et les connaissances linguistiques qu'elle avait acquises en Suisse constitueraient des atouts lors de sa réintégration. Elle se retrouverait certes dans une situation personnelle et économique moins favorable que celle qu’elle connaissait en Suisse. Il n’était cependant pas déraisonnable de penser qu’elle pourrait compter sur le soutien financier de ses enfants. De plus, son frère et son ex-belle-mère, qu’elle considérait comme sa mère, vivaient au Kosovo.

En l’absence d’un lien de dépendance particulier, elle ne pouvait pas se prévaloir de l’art. 8 CEDH pour rester en Suisse auprès de ses enfants majeurs. Elle n’avait pas non plus démontré souffrir de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d’urgence indisponibles dans son pays d’origine.

Il ne ressortait pas du dossier que l’exécution de son renvoi serait impossible, illicite ou qu’elle ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

17) Le 2 juillet 2021, Mme A______ a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour « au sens de l’opération Papyrus », subsidiairement à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, plus subsidiairement à l’octroi d’une autorisation de séjour en vertu de l’art. 8 CEDH, plus subsidiairement encore au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision « au sens des considérants ». Elle a préalablement sollicité son audition, ainsi que celle d'une dizaine de témoins, dont ses enfants.

Elle a retracé son parcours et repris en substance les arguments qu'elle avait précédemment invoqués. S'agissant de ses enfants, Mme C______ était désormais au bénéfice d’une autorisation de séjour et M. E______ d’une autorisation d’établissement. Les demandes d’autorisation de séjour déposées par Mme B______et M. F______ depuis, respectivement, douze et onze ans, étaient en cours d’examen. Mme D______ avait déposé une demande d’autorisation de séjour en vue de se marier avec son fiancé, titulaire d’une autorisation d’établissement. Ne pouvant vivre loin d'eux, elle était revenue en Suisse en 2008. Sa présence était attestée par de nombreuses personnes et pièces produites. L’OCPM ne le contestait d’ailleurs plus. En complément de son travail auprès de la famille C______, elle avait trouvé un second emploi en qualité de nettoyeuse auprès de J______ dès le 1er août 2021. Elle s’était également constitué un important cercle social à Genève. Elle n’avait plus de famille proche au Kosovo, hormis son frère, avec lequel elle n’entretenait pas de liens étroits. Elle était encore endettée à hauteur de CHF 9'267.50 auprès de G______ et avait proposé de rembourser sa dette par des mensualités de CHF 150.-, dans un premier temps. Le 1er juillet 2021, elle avait soumis une proposition de rachat de ses actes de défaut de biens. Sa dépendance à l’hospice avait été causée par ses problèmes de santé et, surtout, par l’absence de titre de séjour. Elle parlait et comprenait bien le français et avait réussi l’examen oral niveau A2 le 8 juin 2021. Elle séjournait en Suisse depuis treize ans, était financièrement indépendante et parfaitement intégrée. Elle était désormais en bonne santé, ce qui lui permettait de continuer à assurer ses besoins vitaux par ses activités professionnelles. L’OCPM avait retenu de manière arbitraire qu’elle ne remplissait pas les critères de l’« opération Papyrus », subsidiairement du cas de rigueur. Ni son frère, ni son ex-belle-mère ne seraient en mesure de l’aider à se réinsérer au Kosovo, ce qui était problématique, compte tenu de son âge. La séparation avec sa famille, qu’elle côtoyait quotidiennement depuis treize ans, la briserait. La décision litigieuse violait ainsi aussi l’art. 8 CEDH, tant sous l’angle du droit au respect de la vie privée que familiale.

18) Le 7 septembre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

Même si Mme A______ pouvait se prévaloir d’un séjour continu de longue durée en Suisse, il ne s’agissait que d’un critère d’appréciation parmi d’autres pour l’établissement du cas de rigueur. En dépit d'un récent plan de désendettement, de son affranchissement de l’aide sociale et de son second emploi, sa situation financière apparaissait délicate et fragile. Le dossier ne contenait pas de garanties suffisantes quant à sa capacité à demeurer financièrement autonome, étant rappelé qu’elle avait, par le passé, été contrainte de cesser ses activités en raison de problèmes de santé. Lorsque l’« opération Papyrus » avait pris fin le 31 décembre 2018, elle n’en remplissait pas les critères essentiels. Elle ne pouvait pas se prévaloir d’une ascension professionnelle remarquable et, sur le plan social, il ressortait du dossier qu’elle évoluait principalement dans un contexte familial. Même si elle indiquait se trouver depuis treize ans en Suisse, elle avait passé plus de trente ans au Kosovo, où elle était née, s’était mariée et avait fondé une famille. L’art. 8 CEDH n’était pas applicable, pour les motifs déjà exposés.

19) Le 11 octobre 2021, Mme A______ a répliqué.

Conformément à la jurisprudence, sa situation actuelle était déterminante ; elle remplissait toutes les conditions de l’« opération Papyrus ». Elle avait augmenté son temps de travail et était désormais employée à raison de douze heures par semaine en qualité de nettoyeuse. Depuis 2012, ses problèmes de santé n’avaient plus interféré avec ses activités professionnelles. Elle n’avait été à la charge de l'hospice que durant une période très relative. Son frère, Monsieur K______, ressortissant suisse, se portait garant pour elle à hauteur de CHF 986.- par mois. Elle n’avait pas fait l’objet de poursuites depuis 2016 et le solde de ses dettes était de CHF 13'804.40. Elle avait convenu de racheter ses actes de défaut de biens par mensualités, à hauteur de 80 % de leur prix, ce qui portait la totalité de ses dettes à CHF 11'043.55. En suivant son plan de désendettement, elle n’aurait, en mai 2022, plus que CHF 9'156.55 de dettes, soit un montant inférieur à celui de CHF 10'000.- toléré dans le cadre de l’« opération Papyrus ». Le centre de sa vie privée et familiale se trouvait en Suisse et sa réintégration au Kosovo n’était pas envisageable, compte tenu de son âge, de la durée de son absence et du fait qu’elle n’y avait pratiquement plus de famille ni aucun réseau social.

Elle a notamment joint l’attestation de prise en charge financière établie par son frère, un contrat de travail établi par J______ le 15 juillet 2021 et des justificatifs relatifs à des arrangements de paiement avec G______.

20) Le 8 novembre 2021, l’OCPM a conclu au rejet du recours.

21) Par jugement du 21 mars 2022, le TAPI a rejeté le recours.

S'agissant des enfants de Mme A______, il ressortait du registre de l'OCPM que :

- Mme B______n'était pas enregistrée à Genève ;

- Mme C______ et son époux, Monsieur L______, étaient arrivés en Suisse le 20 novembre 2017, étaient tous deux au bénéfice d'une autorisation de séjour depuis le 22 mars 2021 et avaient trois enfants ;

- Mme D______ n'était pas enregistrée à Genève ;

- M. E______, arrivé en Suisse le 9 octobre 2008, était marié depuis le 10 février 2015 à une ressortissante suisse, Mme H______, avait obtenu une autorisation de séjour le 3 août 2015, puis avait été mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement depuis le 19 août 2020 ;

- M. F______ n'était pas enregistré à Genève.

Il a également été relevé que Mme A______ avait sollicité des visas de retour les 10 juillet 2018, 14 mars, 21 juillet 2019, 9 mars et 21 septembre 2020 afin de se rendre au Kosovo pour des raisons familiales, notamment pour voir sa « mère » et son frère.

Les actes d'instruction sollicités n'apparaissaient pas nécessaires, le dossier contenant les éléments permettant de statuer en connaissance de cause, de sorte qu'il n'y serait pas procédé.

L'OCPM n'avait pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que Mme A______ ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises par les dispositions applicables en matière de cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l’« opération Papyrus », étant rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années – même à titre légal – n'était pas suffisant sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles faisaient en l'occurrence défaut.

Au moment du dépôt de sa demande, Mme A______ ne totalisait pas un séjour continu de dix ans ou plus. Même à qualifier son séjour de longue durée, celle-ci devait être relativisée compte tenu du fait que sa continuité n'était, pour certaines années, pas démontrée, et qu'il s'était toujours déroulé sans autorisation.

Son intégration économique ne pouvait pas être qualifiée d'exceptionnelle, dès lors qu'elle n'avait pas réalisé une ascension professionnelle remarquable et que son employeur principal était sa propre fille. Elle avait bénéficié d'une aide financière durant plus de deux ans et accumulé de nombreuses dettes, atteignant jusqu'à CHF 36'000.- au total en 2021. Ses démarches pour assainir sa situation n'avaient pas eu un caractère spontané ; ce n'était qu'après avoir pris connaissance des intentions de l'OCPM qu'elle les avait entreprises. Or, rien n'indiquait qu'elle aurait été dans l'incapacité de les entreprendre plus tôt.

Elle avait conservé des attaches avec son pays d'origine, dans lequel elle avait passé la majeure partie de sa vie et où vivaient des membres de sa famille. Il n'apparaissait pas que les liens qu'elle avait créés en Suisse, outre avec sa propre famille, dépasseraient en intensité ce qui pouvait être raisonnablement attendu d'étrangers dans une situation similaire. Elle ne pouvait pas se prévaloir d'une intégration sociale remarquable.

Mme A______, âgée de 55 ans et en bonne santé, n'avait pas démontré que les difficultés auxquelles elle pourrait être confrontée en retournant au Kosovo seraient plus graves pour elle que pour n'importe lequel de ses concitoyens se trouvant dans une situation semblable. Son statut de femme seule divorcée ne constituait pas un obstacle insurmontable à sa réintégration, puisqu’elle allait se retrouver dans une situation qu'elle avait déjà connue durant huit années avant sa venue en Suisse. Si ses enfants vivaient en Suisse, seuls deux d’entre eux disposaient à ce jour d’un titre de séjour conférant un caractère légal à leur présence.

Ni son âge, ni la durée de son séjour sur le territoire, ni encore les inconvénients pratiques auxquels elle pourrait éventuellement se heurter en cas de retour dans son pays ne constituaient des circonstances si singulières qu'il fallût considérer qu'elle se trouverait dans une situation de détresse personnelle devant justifier l'octroi d'une exception aux mesures de limitation.

Mme A______ ne pouvait pas se prévaloir de l'application de l'art. 8 CEDH en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour sous l'angle du respect de sa vie familiale, dès lors qu'elle n'en réalisait pas les conditions.

Enfin, l'exécution de son renvoi n'apparaissait pas impossible, illicite ou ne pas pouvoir être raisonnablement exigée.

22) Le 21 avril 2022, Mme A______ a recouru contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Elle concluait « sur mesures provisionnelles » à être autorisée à travailler en Suisse pendant la durée de la procédure. Elle sollicitait préalablement son audition, ainsi que celle de dix témoins, notamment ses enfants. Au fond, elle concluait principalement à l'annulation du jugement attaqué et à être mise au bénéfice d'une autorisation de séjour dans le cadre de l’« opération Papyrus ». Subsidiairement, elle demandait à être mise au bénéfice d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité. Plus subsidiairement, la violation de l'art. 8 CEDH devait être constatée et une autorisation de séjour devait lui être délivrée sur la base de cette disposition. Encore plus subsidiairement, la cause devait être renvoyée au TAPI pour nouvelle décision au sens des considérants.

Son fils M. F______ avait obtenu un permis de séjour au mois de mars 2022. Sa fille, Mme B______ainsi que son époux et leurs trois enfants avaient obtenu en décembre 2021 un préavis positif de l'OCPM pour l'octroi d'une autorisation de séjour. Sa fille Mme D______ s'était mariée le 1er avril 2022 avec Monsieur M______, au bénéfice d'un permis d'établissement, dont elle allait pouvoir bénéficier également prochainement.

Elle continuait de garder ses petits-enfants contre rémunération et de travailler en tant que nettoyeuse auprès de J______. Elle honorait toujours et dans les délais son engagement auprès de G______ concernant le rachat de ses actes de défaut de biens ; un montant de CHF 2'224.40 avait déjà été remboursé. En conséquence, plusieurs de ses actes de défaut de biens avaient été radiés de son extrait des poursuites. Il n'en restait que deux, pour un montant total de CHF 6'842.05, ainsi qu'un commandement de payer pour des factures G______ pour l'année 2016 d'un montant de CHF 13'736.45. Au total, ses dettes s'élevaient à CHF 20'578.50 et tout avait été mis en œuvre pour qu'un accord soit trouvé. En une année, ses dettes avaient diminué de plus de CHF 16'000.-, ce qui démontrait le sérieux avec lequel elle tenait ses engagements.

Il était important qu'elle puisse continuer à travailler pendant la procédure pour pouvoir subvenir à ses besoins et continuer à rembourser ses dettes.

Le TAPI avait violé son droit d'être entendue en ne procédant pas à son audition et à celle des témoins qu'elle avait requis. Il avait erré en rejetant un moyen de prouver son intégration tout en retenant à son encontre le fait qu'elle ne serait pas suffisamment intégrée.

Au fond, elle persistait dans sa précédente argumentation. Dans la mesure où elle vivait en Suisse depuis plus de quatorze ans, cumulait deux emplois pour un taux de plus de 90%, était désormais financièrement indépendante, avait pris des engagements pour régler ses dettes, avait réussi son intégration en Suisse, avait passé avec succès le test de français niveau A2, avait toujours respecté l'ordre et la sécurité publics suisses, où tous ses enfants et petits-enfants vivaient à Genève et où sa réintégration au Kosovo était impossible, elle réalisait les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour relatives à l’« opération Papyrus ». À tout le moins, sa situation devait être considérée comme un cas individuel d'extrême gravité et son intérêt privé à rester en Suisse primait l'intérêt public au maintien d'une politique restrictive en matière de séjour des étrangers. Son renvoi violerait en outre l'art. 8 CEDH. Or, en ne tenant pas compte de sa situation dans son ensemble et en n'examinant pas chacun des éléments qu'elle avait fournis pour arriver à la conclusion qu'elle ne réalisait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour, le TAPI avait fait preuve d'arbitraire.

23) Le 10 mai 2022, l'OCPM a conclu au rejet du recours, les arguments soulevés par la recourante n'apparaissant pas de nature à modifier sa position.

La demande de mesures provisionnelles était sans objet, dès lors que la recourante bénéficiait de l'effet suspensif au recours qui lui permettait de solliciter durant la procédure une autorisation de travail, révocable en tout temps, par le biais du formulaire idoine.

24) Le 23 mai 2022, la recourante a répliqué sur mesures provisionnelles, persistant dans ses conclusions.

25) Par décision sur mesures provisionnelles du 25 mai 2022, la présidence de la chambre administrative a déclaré irrecevable la demande de la recourante visant à être autorisée à travailler durant la procédure.

26) Le 13 juillet 2022, la recourante a répliqué, persistant dans ses conclusions.

Dans sa réponse, l'OCPM ne contestait pas les éléments nouveaux apportés dans la procédure de recours, de sorte qu'il y avait lieu de les prendre en considération.

Il y avait également lieu de tenir compte de faits nouveaux intervenus après le dépôt du recours. Premièrement, tous ses enfants étaient désormais au bénéfice d'une autorisation de séjour ou d'établissement en Suisse, hormis Mmes B______ et D______ qui se trouvaient toujours dans l'attente de leurs permis. Deuxièmement, elle avait trouvé un nouvel emploi auprès de la société N______ en qualité de nettoyeuse. Il s'agissait d'un contrat à durée indéterminée avec un salaire mensuel brut de CHF 600.- pour vingt-quatre heures par mois. Ce nouvel emploi venait s'ajouter à ses autres activités. Elle avait demandé et obtenu de l'OCPM une autorisation de travail provisoire pour ses activités de nettoyeuse et de gardienne d'enfants. Tout cela témoignait de sa volonté de prendre part à la vie économique suisse et d'être entièrement indépendante financièrement. Il s'agissait d'une preuve complémentaire de son intégration. Troisièmement, G______ avait accepté la proposition de rachat de ses derniers actes de défaut de biens. À ce jour, elle restait devoir un montant de CHF 7'763.95, soit inférieur à la limite tolérée par l'OCPM. D'ici le mois de juin 2024, elle aurait acquitté l'entier de ses dettes. Sa volonté d'assainir sa situation financière était telle qu'elle y parviendrait rapidement.

Enfin, son frère vivant au Kosovo était gravement malade et sa guérison s'avérait impossible. Un certificat médical l'attestant serait produit. Elle n'aurait dès lors plus de proches dans son pays d'origine, excepté son ex belle-mère, qui était âgée et ne pourrait pas l'aider à se réintégrer. Son autre frère vivait en Suisse, dont il avait la nationalité. Ainsi, il était manifeste que son centre de vie privée et familiale était dans ce pays, avec ses cinq enfants et huit petits-enfants. Au surplus, elle ne pouvait pas apporter la preuve d'un fait négatif, à savoir qu'elle n'avait pas d'autres proches au Kosovo et ne pourrait pas trouver d'emploi et de réinsérer dans son pays d'origine.

27) Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La recourante conclut préalablement à son audition, ainsi qu'à celle d'une dizaine de témoins, et allègue une violation de son droit d'être entendue par le TAPI ayant rejeté cette demande d'instruction.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l'espèce, le dossier contient tous les éléments nécessaires à l'examen de la situation de la recourante. Celle-ci a par ailleurs eu l’occasion de s’exprimer devant l’OCPM, le TAPI ainsi que la chambre de céans et de produire de nombreuses pièces à la procédure. Si l'audition de témoins permettrait, selon elle, de démontrer son intégration en Suisse, il sied de relever que la majorité de ceux-ci sont des membres de sa famille, à savoir ses enfants et leurs conjoints, dont certains ont établi des attestations qui figurent déjà au dossier. Dans ces circonstances, il n'apparait pas que l'audition d'un si grand nombre de témoins serait susceptible d'apporter des éléments conduisant à une issue différente du litige.

La mesure d'instruction sollicitée ne s'avérant ainsi pas nécessaire, il ne sera pas donné suite à sa requête.

c. Pour les mêmes motifs, c'est à bon droit que le TAPI a également rejeté la demande d'auditions de la recourante, sans pour autant commettre une violation de son droit d'être entendue.

Ce grief sera en conséquence écarté.

3) La recourante reproche au TAPI d'avoir confirmé le refus de l'OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour alors qu'elle estime réaliser les conditions des dispositions applicables en matière de cas de rigueur, y compris sous l'angle particulier de l'« opération Papyrus ». Elle se prévaut également d'une violation de son droit au respect de la vie privée et familiale.

Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation, ainsi que pour constatation inexacte des faits (art. 61 al. 1 LPA). En revanche, celle-ci ne connaît pas de l'opportunité des décisions prises en matière de police des étrangers, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une mesure de contrainte (art. 61 al. 2 LPA ; art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10, a contrario ; ATA/12/2020 du 7 janvier 2020 consid. 3).

4) a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, avant le 1er janvier 2019 sont régies par l’ancien droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA, dans sa teneur au moment des faits, prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter, avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

L'« opération Papyrus » n'emporte aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c).

Cette opération a pris fin le 31 décembre 2018.

d. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que la personne étrangère concernée se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2). Ses conditions de vie et d'existence doivent ainsi être mises en cause de manière accrue en comparaison avec celles applicables à la moyenne des personnes étrangères. En d'autres termes, le refus de la soustraire à la réglementation ordinaire en matière d'admission doit comporter à son endroit de graves conséquences. Le fait que la personne étrangère ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'elle y soit bien intégrée, tant socialement que professionnellement, et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité. Encore faut-il que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu'on ne puisse exiger qu'elle vive dans un autre pays, notamment celui dont elle est originaire. À cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que la personne concernée a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une exception (ATF 130 II 39 consid. 3 ; 124 II 110 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_754/2018 du 28 janvier 2019 consid. 7.2 ; 2A_718/2006 du 21 mars 2007 consid. 3).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.1.4 ; C-6379/2012 et C-6377/2012 du 17 novembre 2014 consid. 4.3).

e. Lorsque l'étranger réside légalement depuis plus de dix ans en Suisse, il y a lieu de partir de l'idée que les liens sociaux qu'il y a développés sont suffisamment étroits pour qu'il bénéficie d'un droit au respect de sa vie privée ; lorsque la durée de la résidence est inférieure à dix ans, mais que l'étranger fait preuve d'une forte intégration en Suisse, le refus de prolonger ou la révocation de l'autorisation de rester en Suisse peut également porter atteinte au droit au respect de la vie privée (ATF 144 I 266). Les années passées en Suisse dans l'illégalité ou au bénéfice d'une simple tolérance ne sont pas déterminantes (ATF 137 II 1 consid. 4.3 ; 134 II 10 consid. 4.3).

f. La durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas de rigueur. Elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce et appréciée au regard des autres critères déterminants. Une durée de séjour conséquente peut, dans des cas particuliers, atténuer les exigences liées à la reconnaissance d'un cas de rigueur. Pour les personnes sans statut, l'examen de la durée de leur séjour en Suisse doit se faire de manière individuelle. Ni la loi, ni la jurisprudence du Tribunal fédéral ne prévoient de durée minimale ou maximale. Dans un cas particulier, l'observation stricte d'une durée de séjour minimale pourrait aboutir à un résultat contraire à la volonté du législateur. En principe, les critères retenus pour les individus s'appliquent par analogie aux familles. Toutefois, afin de tenir compte de la situation spécifique des familles, une présence de cinq ans en Suisse doit être retenue comme valeur minimum indicative (Directives LEI, ch. 5.6.10.4).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité et doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas particulier, elle doit être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2).

g. Un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille. Pour qu'il puisse invoquer la protection de la vie familiale découlant de cette disposition, il doit entretenir une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 139 I 330 consid. 2.1). Les relations familiales qui peuvent fonder un droit à une autorisation sont avant tout les rapports entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant ensemble (ATF 135 I 143 consid. 1.3.2). Un étranger majeur ne peut se prévaloir de l'art. 8 CEDH que s'il se trouve dans un état de dépendance particulier par rapport à des membres de sa famille résidant en Suisse en raison, par exemple, d'un handicap (physique ou mental) ou d'une maladie grave (ATF 129 II 11 consid. 2).

h. Aux termes de l'art. 96 al. 1 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d'appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son intégration.

5) En l'espèce, au moment du dépôt de sa demande d'autorisation de séjour en 2018, la recourante ne remplissait pas les conditions de l'« opération Papyrus », principalement en raison du fait qu'elle cumulait alors plus de CHF 35'000.- de dettes. C'est ainsi sous l'angle des art. 30 LEI et 31 OASA que sa situation doit être examinée.

La recourante est arrivée en Suisse en 2008. La durée de son séjour, de près de quatorze ans, peut être qualifiée de longue, mais doit être relativisée dans une certaine mesure compte tenu du fait qu'il a été effectué de manière illégale. Toutefois, même à admettre que la condition de la longue durée de son séjour serait réalisée, elle ne constitue pas à elle seule un élément suffisant pour justifier la délivrance d'une autorisation de séjour et doit être appréciée à la lumière de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce.

Or, comme l'a relevé à juste titre le TAPI, si l'intégration de la recourante peut être qualifiée de bonne dans la mesure où elle travaille, a suivi des cours de français, entretient de bonnes relations avec les personnes de son entourage et a entrepris des démarches pour retrouver une situation financière saine, cette intégration ne revêt pas un caractère exceptionnel. En effet, la recourante cumule trois emplois, deux en qualité de nettoyeuse et un en tant que garde de ses propres petits-enfants, ce qui ne représente pas une ascension professionnelle remarquable. Par ailleurs, les revenus générés par ses activités professionnelles restent plutôt bas et, même s'ils semblent lui permettre de subvenir à ses besoins, sa situation financière reste fragile, voire précaire, étant rappelé qu'elle a déjà eu recours à l'aide sociale par le passé. De plus, la recourante a toujours des dettes, lesquelles se sont élevée jusqu'à près de CHF 30'000.-, qu'elle s'est engagée à rembourser pendant encore au moins deux ans. Enfin, elle ne soutient pas qu’elle aurait acquis en Suisse des connaissances professionnelles à ce point spécifiques qu’elle ne pourrait les exercer à l’étranger. Au-delà de sa famille et de quelques amis, elle n’établit pas avoir créé avec la Suisse des attaches particulièrement fortes et ne soutient pas par exemple s’être investie dans les domaines associatif, culturel ou sportif.

La recourante a vécu son enfance, son adolescence et une partie de sa vie d'adulte au Kosovo, où elle s'est mariée et a fondé une famille avant d'arriver en Suisse, à l’âge de quarante-deux ans. Elle connaît ainsi parfaitement la langue et la culture de son pays d'origine dans lequel vivent encore des membres de sa famille. Si son retour la confrontera sans doute à des difficultés, il n'apparaît pas que celles-ci seraient plus importantes que pour les compatriotes confrontés à la même obligation de se réinsérer, ce d'autant qu'elle pourrait tirer profit des connaissances professionnelles acquises en Suisse.

S'il n'est pas contesté que la recourante n'a pas enfreint l'ordre et la sécurité publics suisses au-delà des dispositions réglant le séjour et le travail sans autorisation (art. 115 ss LEI) et bien que la chambre de céans n'entende pas minimiser les efforts fournis par la recourante pour acquérir son autonomie financière, ni les difficultés qu'elle pourrait rencontrer en quittant sa famille vivant en Suisse et en retournant au Kosovo, il apparait que les conditions d'octroi de l'autorisation de séjour requise ne sont pas réalisée sous l'angle du cas individuel d'extrême gravité ou dans le cadre de l’« opération Papyrus ».

S'agissant du droit de la recourante au respect de sa vie privée et familiale, comme l’a justement relevé le TAPI, la dépendance pouvant être prise en compte sous l’angle de l’art. 8 CEDH vise l’enfant adulte ainsi que ses parents, dont la maladie grave ou le handicap physique ou mental nécessitent une prise en charge étendue et constante assurée par le parent valide. Tel n’est assurément pas le cas de la recourante, laquelle, si elle a sans doute pu compter sur l’affection et le soutien de sa famille en Suisse, n'établit pas de lien de dépendance avec celle-ci et se prévaut par ailleurs de son indépendance financière.

Les faits soulevés par la recourante qui seraient intervenus après le dépôt du recours, notamment le fait que ses enfants sont désormais tous au bénéfice ou en attente d'un permis les autorisant à vivre en Suisse, ainsi que la maladie de son frère resté au Kosovo, au sujet de laquelle elle n'a finalement pas produit de pièce, ne sont pas de nature à remettre en cause ce qui précède.

C'est ainsi en procédant à une application correcte du droit et sans abuser de leur pouvoir d'appréciation que tant le TAPI que l'OCPM ont refusé de délivrer à la recourante l'autorisation de séjour sollicitée.

6) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre de l’étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/822/2021 du 10 août 2021 consid. 4a ; ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6).

En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé d’octroyer une autorisation de séjour à la recourante, l'OCPM devait prononcer son renvoi.

b. Le renvoi d'un étranger en application de l'art. 64 al. 1 LEI ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque l'intéressé ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyé dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). L'exécution du renvoi n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger l'étranger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

En l'espèce, la recourante ne fait pas valoir que son renvoi serait impossible, illicite, ou ne pourrait être exigé.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

7) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante, qui ne peut se voir allouer une indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 


* * * * *

 

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 avril 2022 par Madame A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Madame A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Magali Buser, avocate de la recourante, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population et des migrations ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.