Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/272/2022

ATA/777/2022 du 09.08.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/272/2022-FPUBL ATA/777/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 août 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par le syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, mandataire

contre

VILLE DE GENÈVE

 



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1958, a été engagé en qualité d’ouvrier au service Voirie-Ville propre (ci-après : SVVP) par la Ville de Genève (ci-après : la ville), d’abord pour la période du 24 avril au 31 octobre 2006 sous contrat de travail de personnel temporaire. Il est devenu fonctionnaire à ce poste dès le 1er octobre 2006. Sa nomination a été confirmée avec effet au 1er mai 2009 pour une durée indéterminée.

2) Outre deux absences pour maladie les 27 mai et du 1er au 11 juin 2021, la seconde ayant été prononcée par le service de la médecin cantonale, l’intéressé est tombé gravement malade, le 1er juillet 2021, sur son lieu de vacances à B______ (Caraïbes) où il a été hospitalisé d’urgence aux soins intensifs pour différentes raisons (pneumonie par Covid-19, aggravation d’un diabète de type II ; événement pulmonaire obstructif chronique par anamnèse ; hypertension artérielle de type I). Cette hospitalisation a pris fin le 21 juillet 2021.

3) M. A______ a ensuite été transféré aux Hôpitaux universitaires de Genève
(ci-après : HUG) au moyen de la REGA pour y être hospitalisé jusqu’à fin août 2021. Son incapacité complète de travail a été prolongée par les HUG du 31 juillet au 30 août 2021. Dès le 31 août 2021, son médecin traitant a régulièrement attesté de son incapacité complète de travail, et ce jusqu’au 31 mars 2022.

Le 12 octobre 2021, le médecin traitant a établi une contre-indication formelle pour M. A______ à se faire vacciner par le vaccin à base d’ARN en raison de son état de santé (diabétique et ayant eu une embolie pulmonaire avec infection au « Sars-Covid 2 » en août 2021) et des problèmes au niveau cardio-vasculaire et pulmonaire que ce vaccin pouvait entraîner.

4) Par courrier du 26 août 2021, la direction des ressources humaines (ci-après : DRH) a informé M. A______ que ses rapports de service avec la ville prendraient fin de plein droit, sans résiliation, le 31 mars 2022, moment où il atteindrait l’âge statutaire de la retraite. Elle lui a aussi communiqué qu’il avait la possibilité de prolonger ses rapports de service jusqu’à l’âge donnant droit à la rente de vieillesse selon le droit fédéral, en joignant un document contenant les informations utiles pour les démarches administratives.

5) Le 11 septembre 2021, l’intéressé a répondu en exprimant son étonnement au sujet du courrier de la DRH au motif qu’il lui avait déjà adressé, le 27 avril 2021, une demande de prolonger son activité jusqu’au 31 mars 2023, date de ses 65 ans. Il avait formulé la même demande, en avril 2021, par lettre remise en mains propres à Monsieur C______, spécialiste en ressources humaines du SVVP du département de la sécurité et des sports de la ville. En outre, sans réponse écrite à sa demande, il avait téléphoné au responsable de la gestion des salaires, dont il avait oublié le nom, pour obtenir une réponse écrite. Il a donc renouvelé sa demande de prolonger ses rapports de service d’une année au-delà du 31 mars 2022, c’est-à-dire jusqu’au 31 mars 2023.

6) À la demande de son employeur, M. A______ s’est rendu, le 11 novembre 2021, à la consultation du Docteur D______, médecin-conseil de la ville.

Selon le rapport y relatif établi par ce dernier le même jour, l’intéressé était en incapacité de travail pour maladie non professionnelle. Cette incapacité était médicalement justifiée et complète depuis le 1er juillet 2021. Il n’était pas possible d’établir un pronostic de reprise du travail dans la fonction occupée. Une réévaluation devait être effectuée quatre mois plus tard. L’intéressé lui avait fait part de difficultés liées au poste ou à la relation de travail, sans autre précision sur ce point.

Ce rapport a été transmis à l’intéressé le 16 novembre 2021.

7) Le 18 novembre 2021, M. A______ a écrit à M. C______ en reprenant ses arguments du 11 septembre 2021. Il s’est plaint de l’absence de réponse à sa demande de prolongation de son activité jusqu’à ses 65 ans. Il lui a rappelé le courrier de la DRH adressé au personnel de la ville, selon lequel cette demande devait être formulée au moins six mois avant la date prévue de départ à la retraite et que le demandeur devait être, à cette date, apte à travailler à son taux d’engagement. Tel avait été son cas le 27 avril 2021. Dans un courrier séparé du 17 novembre 2021, M. A______ a également indiqué à M. C______ avoir « frôlé la mort » en juillet 2021 et être en COVID long avec un diabète non stabilisé et un état de santé « fortement obéré ».

8) Le 22 novembre 2021, le psychologue de la ville a informé M. A______ avoir pris acte des difficultés qu’il avait évoquées au médecin-conseil et être disposé à le recevoir en entretien dans le cadre de l’organisation de son retour au travail dans les meilleures conditions possibles. Il lui a mentionné les différentes démarches utiles qu’il pouvait entreprendre.

9) Par décision du 21 décembre 2021, le conseil administratif (ci-après : CA) de la ville a refusé d’accorder à M. A______ la prolongation de ses rapports de service au-delà de l’âge statutaire de la retraite, en application des art. 38 al. 2 du statut du personnel de la ville du 29 juin 2010 (LC 21 151 ; ci-après : le statut) et art. 72 al. 1 et 2 du règlement d’application du statut du 14 octobre 2009 (REGAP - LC 21 152.0). Cette décision mentionnait les délai et voie de recours.

Il « accus[ait] réception » de ses lettres des 27 avril et 24 septembre 2021. Il avait pris connaissance, lors de sa séance du 21 décembre 2021, du rapport de la DRH et de l’analyse du département compétent au sujet de sa demande. Sa décision était fondée sur le fait qu’une de ses deux demandes n’avait pas été présentée six mois avant la date prévue de départ à la retraite et qu’il avait déposé l’autre demande alors qu’il était inapte au travail.

10) Le 18 janvier 2022, M. A______, représenté par son syndicat, a invité le CA de la ville à annuler sa décision du 21 décembre 2021 et à accepter sa demande de prolongation d’activité jusqu’au 31 mars 2023, à défaut de quoi il serait contraint de recourir.

Il avait remis sa demande, le 27 avril 2021, en mains propres à M. C______ et était alors apte à travailler. Il « rest[ait] apte à ce jour malgré une incapacité de travail passagère ». Sa première demande était restée « inexplicablement sans suite » malgré un téléphone de sa part le 1er juin 2021 et une relance en septembre 2021. Il remplissait ainsi les deux conditions posées par l’art. 72 al. 1 et 2 REGAP. Il ne comprenait pas la motivation de cette décision, selon laquelle une de ses demandes aurait été faite tardivement tandis que l’autre aurait été émise alors qu’il aurait été inapte. Il offrait « expressément ses services à la [ville] après le 1er avril 2022 ».

11) Le 25 janvier 2022, l’intéressé a interjeté recours contre la décision du 21 décembre 2021 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) en concluant principalement à son annulation, à l’octroi de la prolongation de ses rapports de service avec la ville jusqu’au 31 mars 2023 et à ce que soit constatée son offre de service dès le 1er avril 2022 jusqu’au 31 mars 2023. Á titre préalable, il a sollicité la production de l’intégralité de son dossier par la ville et l’autorisation de compléter ses offres de preuves et le dépôt d’observations complémentaires. Á titre subsidiaire, il a sollicité le renvoi de la cause à la ville pour nouvelle décision.

Lors de sa première demande du 27 avril 2021, il était apte à travailler de sorte qu’il respectait les deux conditions de l’art. 72 al. 1 et 2 REGAP. La formulation de l’art. 38 al. 2 du statut lui donnait un droit à la prolongation de ses rapports de service si les conditions étaient remplies ; il ne s’agissait pas d’une norme potestative. Si la ville n’avait pas tardé à statuer, il aurait obtenu cette prolongation. Elle violait le principe de la bonne foi, celui de l’interdiction de l’arbitraire et l’interdiction de l’abus de droit en lui reprochant d’avoir renouvelé sa demande alors qu’il était inapte ou que le délai de six mois était échu. Ce délai courait jusqu’au 30 septembre 2021 et la ville se fondait sur une constatation manifestement inexacte des faits.

12) Par courrier du 3 mars 2022, le recourant a adressé au CA de la ville un certificat médical pour la période du 3 au 31 mars 2022 et lui a indiqué être disposé à reprendre le travail le 1er avril 2022, ce qu’il a réitéré le 22 mars 2022.

13) Le 4 mars 2022, la ville a conclu à l’irrecevabilité et au rejet du recours.

Le recourant ne disposait pas d’intérêt actuel et pratique au recours vu qu’il était, selon le médecin-conseil de la ville, en incapacité complète de travail pour une durée indéterminée et qu’aucune date précise de reprise ne pouvait être fixée.

Sur le fond, elle contestait avoir reçu du recourant une demande du 27 avril 2021, de sorte que seule était pertinente sa demande du 11 septembre 2021, date à laquelle il n’était pas apte à travailler. La possibilité de prolonger les rapports de travail au-delà des 64 ans était une exception au principe de la retraite statutaire à 64 ans posé à l’art. 38 al. 1 du statut. Elle impliquait une liberté d’appréciation du CA quant à l’opportunité d’accorder une telle prolongation et n’accordait pas de droit au recourant. Cette prolongation présupposait l’aptitude à travailler non seulement au moment du dépôt de la demande, comme prévu par l’art. 72 al. 1 REGAP, mais également au moment de la décision incombant au CA. En l’espèce, le recourant était dans une incapacité complète de travailler depuis le 1er juillet 2021 jusqu’au 31 mars 2022. Le médecin-conseil ne pouvait en outre pas fixer de date de reprise du travail dans sa fonction, qui était au surplus physiquement pénible. Dès lors, depuis le 1er juillet 2021, le recourant ne pouvait prétendre à la prolongation litigieuse.

14) Le 23 mars 2022, le CA de la ville a pris note du fait que le médecin traitant du recourant le considérait apte à reprendre son travail dès le 1er avril 2022. Il ne pouvait en l’état, vu sa décision du 21 décembre 2021 et le recours pendant devant la chambre administrative, pas donner suite à une quelconque offre de services de l’intéressé, au-delà du 31 mars 2022, date à laquelle il atteindrait l’âge statutaire de la retraite.

15) Le 25 mars 2022, le recourant a persisté dans ses conclusions principales et subsidiaires. Ses incapacités successives de travail n’étaient que passagères. Depuis le 1er avril 2022, il maîtrisait « parfaitement la glycémie de son diabète », s’était remis de ses problèmes oculaires et avait retrouvé « totalement » sa capacité respiratoire. Son aptitude à travailler était ainsi non seulement réalisée au moment du dépôt de sa demande le 27 avril 2021, mais également au moment où il atteignait l’âge statutaire de la retraite, son état de santé au moment de la décision litigieuse n’étant pas déterminant. Quant à l’absence de pronostic favorable de reprise du médecin-conseil, elle n’était pas pertinente puisque ce dernier aurait dû l’examiner après quatre mois, ce qui n’avait pas été fait.

16) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 104 et 96 al. 1 du statut ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. c de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) La ville conteste la qualité pour recourir du recourant, qui n’aurait pas d’intérêt actuel et pratique à recourir contester le refus litigieux du 21 décembre 2021 compte tenu de son état de santé.

a. Conformément à l’art. 60 al. 1 LPA, applicable par renvoi de l’art. 96 al. 1 du statut, ont notamment qualité pour recourir : les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée (let. a) ; toute personne qui est touchée directement par une loi constitutionnelle, une loi, un règlement du Conseil d’Etat ou une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce que l’acte soit annulé ou modifié (let. b).

b. Selon la jurisprudence, un intérêt digne de protection suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation ou la modification de la décision attaquée (ATF 138 II 42 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_865/2019 du 14 avril 2020 consid. 3.2 ; ATA/619/2020 du 23 juin 2020). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 142 I 135 consid. 1.3.1). En outre, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué – qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait – doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 144 I 43 consid. 2.2). Ces exigences ont été posées de manière à empêcher l’action populaire proscrite en droit suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2C_61/2019 du 21 janvier 2019 consid. 3.1). Il faut donc que le recourant ait un intérêt pratique à l’admission du recours, soit que cette admission soit propre à lui procurer un avantage de nature économique, matérielle ou idéale (ATF 143 II 578 consid. 3.2.2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_417/2018 du 13 décembre 2018 consid. 2 ; ATA/636/2020 du 30 juin 2020). Un intérêt purement théorique à la solution d'un problème est de même insuffisant (ATF 144 I 43 consid. 2.1).

c. En l’espèce, aucune des parties ne conteste qu’à tout le moins, la prolongation des rapports de service a été demandée par le recourant le 11 septembre 2021, soit six mois avant la date à laquelle il atteindrait l’âge statutaire de retraite fixé à 64 ans. Ce dernier invoque également être capable de travailler à partir du 1er avril 2022. Comme il l’était déjà le 27 avril 2021, au moment de sa demande initiale, il soutient avoir droit à la prolongation sollicitée, son état de santé au moment de la décision litigieuse n’étant selon lui pas déterminant. Dans ces circonstances, le recourant a un intérêt actuel et pratique à l’annulation du refus querellé prononcé par le CA de la ville le 21 décembre 2021, vu que la prolongation concerne la période allant du 31 mars 2022 au 31 mars 2023, date de ses 65 ans. Par conséquent, sa qualité pour recourir doit être admise et le recours déclaré recevable.

3) Le présent litige porte sur la conformité au droit du refus prononcé par le CA de la ville d’accorder au recourant la prolongation de ses rapports de service
au-delà du 31 mars 2022, date de ses 64 ans qui est l’âge statutaire de retraite fixé à l’art. 38 al. 1 du statut. Les parties divergent sur le moment déterminant pour examiner l’aptitude du recourant à travailler, condition posée par l’art. 72 al. 1 REGAP afin de bénéficier de ladite prolongation.

Cette condition n’est remise en cause par aucune partie, pas plus que le fait que le recourant a été dans l’incapacité totale de travailler du 1er juillet 2021 au 31 mars 2022. En revanche, la ville soutient, dans sa réponse, ne pas avoir reçu la demande du 27 avril 2021, dont se prévaut le recourant. Celui-ci affirme l’avoir remise en avril 2021 à M. C______ en mains propres ainsi qu’être apte à travailler dès le 1er avril 2022, son incapacité préalable de travail n’ayant été que « passagère ».

a. Selon l’art. 38 al. 1 du statut, les rapports de service prennent fin de plein droit, sans résiliation, lorsque les employés atteignent l'âge de la retraite fixé à 64 ans. L’art. 38 al. 2 du statut dispose que : « Sur demande, le Conseil administratif prolonge les rapports de service des employées et employés. Cette prolongation prend fin à l'âge donnant droit à une rente de vieillesse selon la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, du 20 décembre 1946 ».

À teneur de l’art. 72 al. 1 REGAP, la prolongation d’activité d’un employé au-delà de l’âge de 64 ans est possible pour autant qu’il soit apte à travailler à son taux d’engagement au moment du dépôt de la demande. L’art. 72 al. 2 REGAP prévoit que la demande de prolongation doit être présentée, par la voie de service, au moins six mois avant la date prévue de départ à la retraite au sens de l’art. 38 al. 1 du statut.

b. Selon une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte légal n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge recherchera la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son contexte (interprétation systématique), du but poursuivi, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort notamment des travaux préparatoires (interprétation historique) (ATF 145 I 108 consid. 4.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1D_8/2019 du 27 janvier 2020 consid. 2.3 ; ATA/560/2020 du 9 juin 2020). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme. Il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 145 IV 17 consid. 1.2 ; ATA/628/2020 du 30 juin 2020). Enfin, si plusieurs interprétations sont admissibles, il faut choisir celle qui est conforme à la Constitution (ATF 144 III 58 consid. 4.1.3.1).

c. Selon l'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable.

Cette disposition constitutionnelle, à l’instar de l’art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), consacre le principe de la célérité en ce sens qu'il prohibe le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 144 I 318 consid. 7.1 ; 130 I 312 consid. 5.1). Le caractère raisonnable du délai s'apprécie selon les circonstances particulières de la cause, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, à l'enjeu du litige pour l'intéressé, à son comportement ainsi qu'à celui des autorités compétentes (ATF 144 II 486 consid. 3.2 ; 135 I 265 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1069/2019 du 14 avril 2020 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, il appartient au justiciable, en application du principe de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) applicable tant à l’égard de l’État que des particuliers, d'entreprendre ce qui est en son pouvoir pour que l'autorité fasse diligence, que ce soit en l'invitant à accélérer la procédure ou en recourant, le cas échéant, pour retard injustifié, car il serait contraire à ce principe qu'un justiciable puisse valablement soulever ce grief devant l'autorité de recours, alors qu'il n'a entrepris aucune démarche auprès de l'autorité précédente afin de remédier à cette situation (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_477/2020 du 17 juillet 2020 consid. 3.1 ; ATA/435/2020 du 30 avril 2020). Par ailleurs, on ne saurait reprocher à l'autorité quelques temps morts, qui sont inévitables dans une procédure. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut (ATF 130 I 312 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1069/2019 précité consid. 5.1).

d. En l’espèce, la question de savoir si le recourant a remis, le 27 avril 2021, à la ville sa demande de prolongation des rapports de service jusqu’à ses 65 ans qu’il aura le 31 mars 2023, n’a in casu pas à être instruite. En effet, même dans cette hypothèse, il ne peut être reproché à la ville de prendre en compte l’aptitude au travail de l’intéressé au moment où elle rend sa décision puisqu’il s’agit d’une décision ayant des effets sur la durée, à savoir un an, et d’une condition indispensable à la poursuite des rapports de service sollicités. Le fait que cette condition doive être réalisée au moment de la demande de prolongation par le recourant fait partie des exigences préalables à la prise d’une décision intervenant, eu égard à l’art. 72 al. 2 REGAP, généralement dans les six mois précédant la date de départ à la retraite au sens de l’art. 38 al. 1 du statut.

Dans le présent cas, il n’est pas contesté que le recourant a été dans l’incapacité complète de travailler depuis le 1er juillet 2021 jusqu’au 31 mars 2022, date de ses 64 ans, en raison notamment d’une infection au Covid-19. Il a en outre déclaré à M. C______, dans sa lettre du 17 novembre 2021, être en « Covid long » et fortement atteint dans sa santé. Ces déclarations ont été corroborées par l’analyse du médecin-conseil de la ville que l’intéressé a consulté, à la demande de celle-ci, le 11 novembre 2021. Selon le rapport de ce même jour, le médecin-conseil n’a alors pas pu établir un pronostic de reprise du travail pour l’intéressé et a recommandé une réévaluation de la situation quatre mois après, soit mi-mars 2022, à la veille de ses 64 ans. Dans ces circonstances particulières, le 21 décembre 2021, au moment du prononcé de la décision litigieuse, la ville ne pouvait que constater l’inaptitude au travail du recourant, et ce indépendamment des motifs certes peu cohérents qu’elle y mentionne. Que sa décision ait été prononcée à cette date ou postérieurement, au cours du premier trimestre de l’année suivante, n’aurait rien changé, la réévaluation de la situation médicale devant intervenir environ deux semaines avant que le recourant n’atteigne l’âge de la retraite statutaire fixé à 64 ans.

La présente espèce est ainsi différente du cas jugé en 2001 sous l’ancien statut de la ville, selon lequel le conseil administratif pouvait accorder une prolongation
au-delà de l’âge statutaire de la retraite, alors fixé à 62 ans, si la personne jouissait « d’une capacité de travail normale pour son âge » (ATA/718/2001 du 13 novembre 2001 consid. 2 et la norme citée). Dans cette ancienne affaire, le fonctionnaire communal avait atteint l’âge de la retraite statutaire en mai 2001 et fait sa demande de prolongation en janvier 2001, après avoir souffert de problèmes de santé l’ayant empêché de travailler pour cause de maladie pendant 436 jours entre décembre 1998 et décembre 2000, avec une reprise de travail à mi-temps du 15 août au 12 décembre 2000 et une pleine capacité de travail depuis cette date-ci. L’ancien Tribunal administratif avait alors jugé que l’ancien statut ne permettait pas à la ville de refuser la demande de prolongation qui remplissait les conditions prévues dans le règlement de l’époque, lorsque le fonctionnaire avait rencontré des problèmes de santé atteignant sa capacité de travail d’une façon anormale pour son âge (ATA/718/2001 précité consid. 3).

Contrairement à cette ancienne affaire, le recourant est in casu en incapacité totale de travail, confirmé par son médecin-traitant ainsi que par le médecin-conseil de la ville, pendant les neuf mois précédant la survenance de l’âge de sa retraite statutaire. D’un point de vue téléologique, le but de la prolongation au sens de l’art. 38 al. 2 du statut est l’accomplissement de la fonction assumée par le recourant au service de la ville, ce qui présuppose qu’il puisse continuer à travailler au-delà de l’âge de retraite statutaire et exige de vérifier son aptitude au travail avant cette date. Si le fait d’être passagèrement malade ou de l’avoir été antérieurement, y compris sur une longue durée comme dans le cas précité de 2001, n’est pas un motif permettant à la ville de refuser la prolongation des rapports de service au-delà de l’âge statutaire de la retraite, il en va différemment dans le présent cas où l’intéressé est fortement affecté dans sa santé pendant toute la période de six mois précédant la survenance de sa retraite statutaire. Dans ces circonstances, le fait d’obliger la ville à prolonger ses rapports de service avec l’intéressé, au motif qu’il était apte à travailler lors de sa demande de fin avril 2021, irait à l’encontre du but même de cette prolongation. Par ailleurs, l’atteinte de l’âge de retraite statutaire fixé à 64 ans a pour effet, à moins d’une décision contraire confirmant leur prolongation, de mettre fin aux rapports de service en vertu de l’art. 38 al. 1 du statut. Dès lors, le recourant n’a pas droit à la prolongation sollicitée.

Enfin, même à considérer que la ville aurait reçu la demande du 27 avril 2021 du recourant, une période de seulement deux mois se serait écoulée entre ladite demande visant la prolongation des rapports de service au-delà des 64 ans, atteints le 31 mars 2022 par le recourant, et le début de son incapacité de travail précitée. Dans ces circonstances, outre le fait qu’une telle durée n’est pas choquante au sens de la jurisprudence susmentionnée, le fait de savoir si la ville aurait dû statuer avant le 21 décembre 2021, date de la décision querellée, est sans pertinence pour l’issue du présent litige, vu que le recourant a été inapte à travailler du 1er juillet 2021 au 31 mars 2022, inaptitude confirmée par le médecin-conseil de la ville à la demande de cette dernière. Le grief tiré de la violation du principe de célérité au sens de l’art. 29 al. 1 Cst. doit donc être également écarté.

Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté et la décision litigieuse confirmée.

4) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 500.- sera mis à la charge du recourant qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 25 janvier 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la Ville de Genève du 21 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 500.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au syndicat interprofessionnel de travailleuses et travailleurs, mandataire du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :