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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1888/2021

ATA/856/2022 du 23.08.2022 sur JTAPI/1000/2021 ( ICC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1888/2021-ICC ATA/856/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 août 2022

4ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Antoine Berthoud, avocat

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du
4 octobre 2021 (JTAPI/1000/2021)


EN FAIT

1) Le litige concerne l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) 2015 de Monsieur A______.

2) Par contrat du 16 septembre 1971, celui-ci a acquis la clientèle d’un tiers actif dans les domaines de la comptabilité, ainsi que des conseils fiscaux et commerciaux. Moyennant cession, M. A______ s’engageait à verser au cédant pendant une certaine durée, 20 % des honoraires annuellement facturés.

L’intéressé a versé à ce titre un montant total de CHF 30'279.- entre 1971 et 1976.

3) Par convention du 2 février 2015, M. A______ a revendu sa clientèle pour le prix de CHF 146'000.-.

4) a. Dans le cadre de sa déclaration fiscale 2015, M. A______ a déclaré le produit de la vente de la clientèle de son entreprise dans la rubrique « autres revenus » à concurrence de CHF 115'999.-, montant qui, à teneur d’un tableau annexé à sa comptabilité, se calculait comme suit :

Cession de la clientèle

146'000

- Amortissement du goodwill 2014-2015

-1

- Reprise de l’amortissement non admis durant les années 1973 à 1984

-30'000

Montant imposable

115'999

Il a précisé dans ses observations : « cession partielle de la clientèle en 2015 et cessation définitive de l’activité en 2016. Imposition en 2015 du produit de la cessation de clientèle, [ ] ICC fr. 115'999, selon détail mentionné [ ] ».

b. Le compte de profits et pertes pour l’exercice 2014-2015 (clos le 30 juin 2015) produit en annexe à la déclaration fiscale 2015 indiquait notamment sous « imposition des réserves latentes réalisées », une cessation de clientèle à hauteur de CHF 146'000.- (ICC et IFD), sous déduction d’un « amortissement s/ goodwill 2014-2015 » à hauteur de CHF 1.- (ICC et IFD) et d’une « reprise amortissement
s/goodwill non admis durant les années 1973 à 1984 » de CHF 30'000.- (ICC uniquement).

5) Par bordereau ICC du 9 août 2018, l’administration fiscale cantonale
(ci-après : AFC-GE) a arrêté le produit résultant de la vente du commerce à
CHF 145'999.-. Compte tenu des cotisations AVS de CHF 14'600.-, le bénéfice net s’élevait à CHF 131'399.-. Conformément à sa comptabilité 2015, la valeur comptable du goodwill figurait pour mémoire à hauteur de CHF 1.-. Selon le principe de déterminance, la valeur comptable était déterminante sur le plan fiscal.

6) Le 9 septembre 2018, M. A______ a formé une réclamation à l’encontre de ce bordereau.

Les amortissements comptabilisés durant les années 1973 à 1984 n’avaient pas été restitués. Dès l’année 2001, l’amortissement des valeurs immatérielles avait été admis au niveau de l’ICC, mais il était exclu de bénéficier d’une restitution d’amortissements des années antérieures.

La réclamation portait également sur d’autres points, qui ne sont plus litigieux.

7) Par décision du 28 avril 2021, l’AFC-GE a admis partiellement la réclamation, la rejetant toutefois en tant qu’elle concernait le calcul du produit de liquidation.

L’amortissement du goodwill acquis avant le 1er janvier 2001 ne pouvait débuter que dès cette date. Dès lors, le goodwill à faire valoir à des fins fiscales en rapport avec les amortissements non admis pour les années 1973 à 1984 aurait dû intervenir dans les cinq ans à compter du 1er janvier 2001. En application du principe de l’étanchéité des exercices, le fait que l’amortissement n’ait pas été revendiqué à partir de la période fiscale 2001 n’avait aucun effet sur l’année 2015.

8) Par acte du 31 mai 2021, M. A______ a interjeté recours contre la décision précitée par-devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) en concluant à son annulation et à ce que le bénéfice de liquidation soit arrêté à CHF 101'400.-.

Si la jurisprudence retenait qu’un goodwill acquis avant le 1er janvier 2001 n’était déductible pour l’ICC qu’à compter de cette date, il n’en découlait pas l’obligation de procéder à un amortissement d’un goodwill acquis plus de 25 ans auparavant. S’il avait demandé, pour les années 2001 et suivantes, l’amortissement d’un goodwill acquis dans les années 70, l’AFC-GE lui aurait opposé le principe de périodicité.

Dès lors que l’amortissement du goodwill n’avait pas été admis dans le calcul de l’ICC lors des périodes précédentes, sa valeur fiscalement déterminante était demeurée identique, à savoir CHF 30'000.- et le bénéfice de liquidation devait être déterminé comme suit : CHF 146'000.- (cession de la clientèle) – CHF 30'000.- (Goodwill) – CHF 14'600.- (cotisations AVS 10 %) = CHF 101'400.-.

9) L’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

Conformément à la jurisprudence, M. A______ aurait dû amortir son goodwill dès 2001 sur cinq ans. En 2015, il avait perdu toute valeur, preuve en était qu’il avait été amorti pour le calcul de l’IFD.

10) Par réplique du 16 août 2021, M. A______ a persisté dans son recours.

La question n’était pas de savoir s’il pouvait déduire en 2015 un amortissement sur sa clientèle, mais quelle était la valeur comptable fiscalement déterminante pour calculer le bénéfice de liquidation. Il avait procédé immédiatement à l’amortissement de son goodwill, mais sa déduction avait été refusée, car l’ancien droit cantonal ne l’y autorisait pas. Par ailleurs, selon la doctrine, lorsqu’un amortissement avait été repris par l’AFC-GE, la valeur fiscalement déterminante de l’actif devait être augmentée à concurrence de la reprise en cas de vente de l’actif et cette valeur était déterminante pour le calcul du bénéfice en capital imposable.

11) Dans sa duplique, l’AFC-GE a persisté dans les conclusions de sa réponse.

M. A______ avait toujours déclaré le goodwill pour une valeur symbolique de CHF 1.-, ainsi qu’il ressortait des bilans 2008 à 2014 annexés. Rien ne justifiait une réévaluation de l’actif en 2015. Par ailleurs, l’autorité du bilan était déterminante en droit fiscal. La seule exception permettant de comptabiliser des amortissements après coup était la mauvaise marche des affaires.

12) Par jugement du 4 octobre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé avait acquis en 1971 la clientèle d’un tiers actif dans les domaines de la comptabilité ainsi que des conseils fiscaux et commerciaux. Puisque cet achat avait eu lieu avant le 1er janvier 2001, l’amortissement du poste clientèle ne pouvait débuter qu’à compter de cette date et devait intervenir dans les cinq ans. Par conséquent, en 2015, lorsque l’intéressé avait revendu son commerce, le goodwill devait être amorti.

Aux fins de calculer le bénéfice de la cession de sa clientèle en 2015, il ne pouvait ainsi être tenu compte des amortissements non effectués par M. A______, pour un montant de CHF 30'000.-. À titre de prix d’acquisition, il ne pouvait être retenu que la valeur comptable du goodwill mentionnée pour mémoire, à savoir CHF 1.-.

13) Par acte du 4 novembre 2021, M. A______ a interjeté recours contre le jugement précité par-devant la chambre administrative de la Cour de justice
(ci-après : la chambre administrative) en concluant à son annulation, à ce qu’il soit dit que le bénéfice de liquidation qu’il avait réalisé devait être ramené à
CHF 101'400.- et au renvoi du dossier à l’AFC-GE pour nouvelle taxation, le tout sous suite de frais et dépens.

S’il était exact que l’amortissement d’un goodwill relatif à un bien acquis avant le 1er janvier 2001 ne pouvait être admis fiscalement pour l’ICC qu’à partir de cette date qui correspondait à l’entrée en vigueur de la loi sur l'imposition des

personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), cette loi ne contenait aucune disposition transitoire réglementant le sort d’un goodwill acquis antérieurement. Aucune disposition légale n’obligeait les indépendants à procéder, pour l’ICC, au rattrapage d’amortissements dont la déduction avait été refusée sous l’emprise de l’ancienne loi sur les contributions publiques.

Il était d’ailleurs douteux que l’AFC-GE ait admis entre 2001 et 2006, au regard du principe de la périodicité, la déduction d’un goodwill acquis trente ans auparavant.

L’obligation d’amortir dans un délai de cinq ans un goodwill acquis avant 2001 ne ressortait d’aucune disposition légale et contrevenait au principe de périodicité.

Le principe de l’autorité du bilan commercial ou de déterminance trouvait précisément sa limite lorsque le droit fiscal contenait une règle correctrice.

La doctrine précisait que lorsqu’un amortissement avait été repris par l’autorité fiscale, la valeur fiscalement déterminante de l’actif concerné devait alors être augmentée à concurrence du montant du redressement. En cas de vente de l’actif, cette valeur corrigée était déterminante pour le calcul du bénéfice en capital imposable. Lors d’un écart entre le bilan commercial et le bilan fiscal, seul ce dernier était déterminant pour calculer le montant d’un éventuel gain en capital.

Il avait acquis une clientèle pour CHF 30'000.- et son amortissement avait été refusé dans les taxations intervenues durant son activité indépendante pour les années suivant immédiatement cette acquisition. Ce montant était donc la valeur fiscalement déterminante pour l’ICC, de sorte que le bénéfice de liquidation imposable devait être ramené à CHF 101'400.-.

14) Dans sa réponse du 15 décembre 2021, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours et au maintien de sa décision.

La jurisprudence avait jugé qu’un goodwill acquis avant le 1er janvier 2001 devait être amorti dès cette date et dans un délai de cinq ans. Ce délai se justifiait en raison du caractère éphémère de cet actif. La clientèle ayant été acquise en 1971, le délai de cinq ans était dépassé en 2015, de sorte que le goodwill avait perdu toute sa valeur et ne figurait que pour mémoire dans les comptes de l’entreprise.

15) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 2 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 -
LPFisc - D 3 17 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le litige porte sur le calcul du bénéfice, pour l’ICC 2015, relatif à l’activité indépendante du recourant, et plus précisément sur la prise en compte ou non d’un amortissement pour le goodwill acquis en 1971 suite à la cession de sa clientèle.

b. S’agissant d’une question relative à la détermination du revenu imposable, sont applicables pour cette période en matière d’ICC les dispositions de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes du
14 décembre 1990 (LHID - RS 642.14) et de la LIPP.

3) a. En droit cantonal, l’impôt sur le revenu a pour objet tous les revenus, prestations et avantages du contribuable, qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature et quelle qu’en soit l’origine, avant déductions (art. 17 LIPP).

b. Le revenu imposable comprend le produit de l’activité lucrative indépendante. Aux termes de l’art. 19 al. 4 LIPP, la détermination du bénéfice net imposable pour les contribuables tenant une comptabilité en bonne et due forme s’effectue selon les règles applicables aux personnes morales. Les dispositions de la LIPP relatives aux frais et dépenses non déductibles demeurent réservées.

c. Des déductions liées à l’exercice d’une activité lucrative indépendante sont admises par la loi. Aux termes de l’art. 30 LIPP, sont déduits du revenu les frais qui sont justifiés par l’usage commercial ou professionnel. Font notamment partie de ces frais les amortissements justifiés par l’usage commercial à la condition qu’ils soient comptabilisés ou, à défaut de comptabilité tenue en bonne et due forme, qu’ils apparaissent dans un plan spécial d’amortissement (let. d).

4) L'amortissement permet de tenir compte de l'usure progressive ou de la baisse de valeur d'un actif. Il peut s'agir d'immobilisations corporelles (bâtiments, machines, outils et autres installations, etc.) ainsi que d'immobilisations incorporelles (brevets, marques, concessions) parmi lesquelles figure également le goodwill (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand. Impôt fédéral direct. Commentaire de la loi sur l'impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, ad art. 62 n. 19). L'amortissement se justifie uniquement si le bien se déprécie avec son usage ou l'écoulement du temps. Un bien qui ne subit aucune dépréciation ne doit pas être amorti, quelle que soit la méthode d'amortissement ; à cet égard, l'usage commercial ne saurait créer ou justifier un droit à l'amortissement en l'absence de moins-value (ATF 132 I 175 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral du 19 juin 2016 consid. 2.1 ; Jürg B. ALTORFER, Abschreibungen auf Aktiven des Anlagevermögens aus steuerlicher Sicht, n. 4.3.2 p. 78).

L'amortissement ordinaire devrait correspondre à la dépréciation réelle du bien, qui peut varier d'un exercice à l'autre. Toutefois, la méthode consistant à répartir l'amortissement en fonction de la durée probable de vie de l'actif peut être utilisée pour des raisons de simplification (art. 28 al. 2 LIFD). L'amortissement mathématique peut se présenter sous deux formes : l'amortissement linéaire se calcule sur la valeur d'acquisition ou sur le prix de revient, de sorte que le montant de l'amortissement est constant d'année en année ; l'amortissement dégressif est basé sur la valeur comptable résiduelle. Le montant de l'amortissement sera ainsi plus élevé au cours des premières années d'utilisation (ATF 132 I 175 consid. 2.2 ; Xavier OBERSON, Droit fiscal suisse, 5ème édition, 2021, p. 174).

En principe, les taux d'amortissement admis sur le plan fiscal sont fixés par les autorités fiscales ; tel est le cas pour l'impôt fédéral direct : l'AFC-CH a publié la notice A 1995 dénommée « amortissements sur les valeurs immobilisées des entreprises commerciales » (ci-après : la notice A 1995) qui indique, notamment, les taux d'amortissement normaux en pour cent de la valeur comptable en fonction des divers types d'immeubles selon qu'ils portent sur le bâtiment uniquement ou sur le bâtiment et le terrain ensemble (arrêts du Tribunal fédéral 2C_810/2017 du
16 août 2018 consid. 7.2.1 ; 2P.211/2005 du 19 juin 2006 consid. 2.2.1 ;
Xavier OBERSON, op. cit., p. 174).

Des amortissements ne peuvent être admis après coup que dans les cas où l’entreprise contribuable, en raison de la mauvaise marche des affaires, n’était pas en mesure de procéder à des amortissements suffisants pendant les années antérieures. Celui qui demande la déduction de tels amortissement est tenu d’en établir le bien-fondé (la notice A 1995, ch. 3).

Lorsque tout ou partie d’un amortissement n’est pas justifié par l’usage commercial, cette charge est ajoutée au bénéfice imposable et la valeur fiscalement déterminante de l’actif concerné doit alors être augmentée à concurrence du montant du redressement (Xavier OBERSON, op. cit., p. 174 ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 16d ad art. 62 LIFD). Cette reprise influera sur le calcul des amortissements admissibles lors des exercices ultérieurs. En raison de l’augmentation de la valeur de l’actif en N, le potentiel d’amortissement en N+1 sera plus important. Dès lors, les amortissements devront être calculés sur la base de la valeur corrigée de l’actif dans le bilan fiscal. De même, en cas de vente de l’actif, cette valeur corrigée sera déterminante pour le calcul du bénéfice en capital imposable (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 16d ad art. 62 LIFD).

5) a. Le « goodwill » est la valeur immatérielle d'un commerce et correspond notamment aux possibilités de bénéfices futurs (arrêt du Tribunal fédéral 2P.177/2004 du 17 octobre 2005 consid. 5.2 et les références citées). Il dépend notamment des relations d'une entreprise, de sa renommée, de sa clientèle, de son emplacement ainsi que de sa bonne organisation technique et commerciale (arrêt du Tribunal fédéral 2P.55/1999 du 3 septembre 1999 consid. 4c, in RDAF 2000 II
p. 221).

Le « goodwill » acquis à titre onéreux peut être porté à l'actif du bilan, à son prix d'acquisition. Ce poste sera toutefois amorti aussi vite que possible, en général de manière linéaire sur cinq ans, car il n'est pas certain que l'acquéreur puisse le conserver, de sorte que cet actif a économiquement un caractère éphémère. Cela étant, lors de l'acquisition de droits de participation (share deal), la comptabilisation séparée d'un « goodwill » n'est pas possible, car le prix auquel est comptabilisée la participation reflète la valeur de l'ensemble de l'entreprise. En conséquence, l'amortissement de la participation suppose ordinairement une baisse de valeur de la société reprise. Cela dit, indépendamment d'une baisse de valeur, l'amortissement de la participation peut se justifier dans certaines circonstances. Selon certains auteurs, il en va par exemple ainsi lorsque l'acquisition des droits de participation intervient pour créer un effet de synergie au sein du groupe ou encore acquérir des parts de marché (ATA/1833/2019 du 17 décembre 2019 consid. 5b ; Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., n. 44 ad
art. 57-58 LIFD et n. 19 ad art. 62 LIFD).

b. Il appartient au contribuable d'établir l'existence du « goodwill » ayant fait l'objet des amortissements. L'amortissement d'un « goodwill » acquis pour un prix élevé par une société dont le capital imposable est nettement inférieur à ce prix est considéré comme disproportionné et non admissible fiscalement (arrêt du Tribunal fédéral 2P.55/1999 du 3 septembre 1999 consid. 5b, in RDAF 2000 II p. 221).

6) La vente d'un fonds de commerce constitue une aliénation d'éléments de la fortune commerciale. L'éventuel bénéfice en capital réalisé sur cette vente constitue un revenu imposable de l'activité lucrative indépendante. Dans le cas de la vente d'un bien ou d'un ensemble de biens faisant partie de la fortune commerciale, lorsque la contrepartie reçue en général une somme d'argent dépasse la valeur comptable de l'objet aliéné, la différence constitue le bénéfice en capital réalisé par l'aliénateur. Le bénéfice imposable est ainsi constitué du prix de vente moins la valeur comptable des actifs vendus (Yves NOËL, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN op. cit., art. 18, § 48-49, p. 252-253 ; Xavier OBERSON, op. cit.,
p. 139, § 90).

7) Selon le principe de l'autorité du bilan commercial ou de déterminance
(« Massgeblichkeitsprinzip »), le bilan commercial est déterminant en droit fiscal. Les comptes établis conformément aux règles du droit commercial lient les autorités fiscales, à moins que le droit fiscal ne prévoie des règles correctrices spécifiques. L'autorité peut en revanche s'écarter du bilan remis par le contribuable lorsque des dispositions impératives du droit commercial sont violées ou des normes fiscales correctrices l'exigent (ATF 141 II 83 consid. 3.1 ; 137 II 353 consid. 6.2 ; 136 II 88 consid. 3.1 ; 119 Ib 111 consid. 2c).

Le principe de déterminance déploie aussi un effet contraignant pour le contribuable. En effet, celui-ci est lié par son mode de comptabilisation et seules les écritures ressortant des comptes sont décisives (Robert DANON, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], op. cit., ad art. 57-58 n. 74 p. 1074). Les écritures comptables effectivement passées doivent être reprises par le droit fiscal, et le contribuable ne peut se prévaloir que des écritures qu'il a effectivement enregistrées dans ses comptes, lesquels lui sont d'ailleurs opposables (principe de comptabilisation). Ce dernier principe implique donc que le contribuable est lié par les comptes qu'il a joints à sa déclaration (Pierre-Marie GLAUSER, Apports, 2005, p. 89 ; Pierre-Marie GLAUSER, Goodwill et acquisitions d'entreprises. Une analyse sous l'angle du droit fiscal et comptable, p. 430). Si le contribuable a passé des écritures en faisant usage de sa liberté d'appréciation, lui permettre de les remettre en question reviendrait à tolérer un comportement contradictoire, ce d'autant plus si la modification du bilan est motivée par un souci d'économie fiscale. Celui qui, par exemple pour des raisons fiscales, ne fait pas valoir des charges justifiées, ne peut ultérieurement demander à modifier les comptes (ATA/1168/2020 du 17 novembre 2020 consid. 5c ; Pierre-Marie GLAUSER, op. cit., p. 91).

8) En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que l’amortissement d’un goodwill relatif à un bien acquis avant le 1er janvier 2001 ne pouvait être admis fiscalement pour l’ICC avant cette date correspondant à l’entrée en vigueur de la LIPP dès lors qu’il était refusé précédemment à teneur de l’ancien art. 21
let. g loi générale sur les contributions publiques du 9 novembre l887
(LCP - D 3 05), abrogé depuis lors.

Il est vrai, comme le relève le recourant, qu’aucune disposition légale n’oblige les indépendants à procéder à des « rattrapages d’amortissements » dont la déduction aurait été refusée sous l’emprise des anciennes dispositions de la LCP. De même, aucune disposition légale ne stipule que l’amortissement d’un goodwill acquis avant le 1er janvier 2001 doit intervenir dans les cinq ans à compter de cette date. Ce délai de cinq ans n’est toutefois pas hasardeux dès lors qu’il ressort de la notice A 1995 que le taux pour l’amortissement sur la valeur d’acquisition du goodwill s’élève à 20 %, de sorte qu’un tel actif est amorti, en principe, après cinq ans.

Cet élément n’a toutefois pas à être examiné plus en avant. Si, comme le relève le recourant, la déductibilité d’un amortissement à compter du 1er janvier 2001 relatif à un goodwill acquis en 1973 serait discutable sous l’angle du principe de périodicité, il l’est plus encore de considérer qu’un tel actif aurait conservé sa valeur d’acquisition initiale plus de quarante années après ladite acquisition.

On ne saurait en particulier admettre que le goodwill acquis en 1971 aurait conservé la même valeur en 2015, alors même qu’il a été relevé ci-avant qu’il constitue un actif ayant économiquement un caractère éphémère, imposant un amortissement rapide. Lors de l’établissement des comptes 2015, le recourant a d’ailleurs lui-même considéré que le goodwill n’avait plus de valeur, raison pour laquelle il l’a comptabilisé à hauteur de la somme de CHF 1.- (indiquant toutefois une reprise de CHF 30'000.- pour l’ICC à titre de « reprise amortissement s/ goodwill non admis durant les années 1973 à 1984 »). Il a du reste procédé à une comptabilisation de même valeur pour les années 2008 à 2013, comme cela résulte des bilans du recourant figurant au dossier. Il ressort enfin du dossier que le recourant a effectivement amorti le goodwill pour l’IFD entre 1973 et 1984, de sorte que celui-ci ne saurait avoir conservé une valeur de CHF 30'000.-.

Le recourant fonde principalement son argumentation sur la doctrine précitée selon laquelle, en cas de vente de l’actif dont la valeur a été corrigée au motif que tout ou partie de son amortissement n’était pas justifié, cette valeur corrigée sera déterminante pour le calcul du bénéfice en capital. Or, si cette théorie peut s’appliquer en cas de vente de l’actif l’année suivant celle durant laquelle sa valeur a été corrigée, tel n’est pas le cas en cas de cession, comme en l’espèce, plus de quarante ans après son acquisition initiale, alors même que sa valeur comptable s’élève à CHF 1.-.

Pour le surplus, comme susmentionné, en matière commerciale, le résultat bénéfice ou perte se détermine en retranchant du prix d'aliénation, la valeur comptable du bien aliéné et non pas son prix d'acquisition initiale.

Ainsi, contrairement à ce que semble retenir le recourant, aucune règle correctrice du droit fiscal ne lui permettait de déduire une « reprise amortissement s/ goodwill non admis durant les années 1973 à 1984 » à hauteur de CHF 30'000.-, ce qu’a à juste titre retenu l’AFC-GE, confirmée par le TAPI.

Dans ces circonstances, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

9) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 700.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 novembre 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 4 octobre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 700.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Antoine Berthoud, avocat du recourant, à l'administration fiscale cantonale ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :