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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1890/2022

ATA/765/2022 du 29.07.2022 ( MARPU ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1890/2022-MARPU ATA/765/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 29 juillet 2022

 

dans la cause

 

A______ SA, SUCCURSALE DE E______
représentée par Me Alessandro Pescia, avocat

contre

VILLE DE B______

représentée par Me Michel D’Alessandri, avocat

 

et

C______ SA
représentée par Me Bastien Geiger, avocat



Vu, en fait, la décision du 24 mai 2022 de la Ville de B______ (ci-après : la commune) adjugeant le marché public « D_______A2 » portant sur des prestations de nettoyage des espaces de vie enfantine (ci-après : EVE) de la commune, pour le montant de CHF 501'416.87 avec 7,7% de TVA à C______ SA (ci-après : C______), dont l’offre était conforme aux exigences du cahier des charges et présentait le meilleur rapport qualité/prix (offre économiquement la plus avantageuse) selon la grille d’évaluation figurant dans la décision, A______ SA, succurrsale de E______ (ci-après : A______) étant classée au troisième rang sur huit offres évaluées ;

vu le recours formé par A______ le 6 juin 2022 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision, concluant principalement à sa modification et à l’adjudication en sa faveur du marché public et subsidiairement à son annulation et au renvoi de la décision à la commune pour nouvelle adjudication dans le sens des considérants ; préalablement l’effet suspensif devait être accordé au recours ;

que la recourante a exposé que la note qui lui a été attribuée pour le critère d’adjudication C « organisation du soumissionnaire » était manifestement réductrice par rapport à ses hauts paramètres organisationnels, puisqu’elle détenait des certifications ISO 9001 :2015 (système de management de la qualité), ISO 14001 :2015 (système de management environnemental) et ISO 45001 :2018 (système de management de la santé et de la sécurité au travail), qu’elle avait pu illustrer les paramètres sélectifs de son processus d’embauche, en particulier à travers des exigences de formation initiale et de vérification continue des compétences, de suivi des compétences en cours d’emploi et de formation continue, ainsi que l’efficacité de son processus de gestion des absences, complété par un système de substitution avec un personnel de réserve, de sorte qu’elle aurait dû se voir attribuer la note de 4, ce qui lui aurait permis d’obtenir une note pondérée de 4.19, supérieure à celle d’C______, et d’emporter le marché ;

que, le 22 juin 2022, C______ s’en est rapportée à justice concernant l’octroi de l’effet suspensif, sollicitant que son dossier de soumission ne soit pas communiqué en copie à la recourante, sa consultation auprès de la chambre administrative étant suffisante pour sauvegarder ses droits ;

que, le 29 juin 2022, la commune a conclu au rejet du recours et de la requête d’effet suspensif ; le recours était manifestement dépourvu de chances de succès puisque la recourante ne démontrait pas ni ne rendait vraisemblable que l’appréciation de l’autorité adjudicatrice était erronée ou arbitraire, se contentant de substituer sa propre appréciation à la sienne, de sorte que son intérêt privé ne pouvait prévaloir sur l’intérêt public de la commune de conclure sans tarder le contrat avec C______, afin de faire procéder au nettoyage de ses EVE dès leur réouverture le 15 août 2022 ; les deux offres présentaient des avantages pour tous les éléments d’appréciation du critère d’organisation du soumissionnaire, mais celle du recourant présentait des désavantages pour un élément d’appréciation, en l’occurrence le processus de vérification des compétences à l’embauche, alors que l’offre d’C______ n’en présentait pas ;

que, le 14 juillet 2022, la recourante a persisté dans ses conclusions sur effet suspensif ; la commune avait apprécié les faits pertinents de manière absolument inexacte, au point d’être constitutif d’arbitraire, ou à tout le moins d’excès ou d’abus de pouvoir d’appréciation, dès lors qu’elle-même avait démontré l’excellence de son système organisationnel, et que la Ville n’avait pas indiqué quels paramètres et quels critères avaient été pris en considération dans son évaluation, se contentant d’alléguer des avantages de l’offre d’C______ pour tous les critères, sans les corroborer et en s’opposant à l’accès aux documents relatifs aux travaux organisationels ; selon la commune, un seul critère était jugé négatif s’agissant de son offre, ce qui menait étonnamment à une note de 3, sans toutefois qu’elle explique en quoi le processus de vérification des compétences à l’embauche serait compliqué ; ces considérations paraissaient absurdes en pleine ère de digitalisation ; la critique d’un prétendu manque de contact direct et d’une absence de documentation témoignait d’une analyse superficielle des documents annexés à son offre ; la restitution de l’effet suspensif au recours ne s’opposait pas à ce que des solutions provisoires et alternatives soient trouvées pour le nettoyage, alors que son refus, dans l’hypothèse où elle obtiendrait gain de cause, impliquerait de graves conséquences préjudiciables du point de vue économique à la commune et à ses contribuables ;

que, le 15 juillet 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif ;

Considérant, en droit, qu’interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, le recours est, a priori, recevable (art. 15 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 – RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA – E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que selon l'art. 45 al. 1 RMP, l'autorité adjudicatrice rend une décision d'adjudication sommairement motivée, notifiée soit par publication sur la plateforme électronique sur les marchés publics gérée par l’association simap.ch (www.simap.ch), soit par courrier à chacun des soumissionnaires, avec mention des voies de recours ;

qu’en matière d'évaluation des offres, la jurisprudence reconnaît une grande liberté d'appréciation au pouvoir adjudicateur (ATF 125 II 86 consid. 6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_35/2017 du 5 avril 2018 consid. 5.1 ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 8b et les références citées), y compris s'agissant de la méthode de notation (ATA/676/2020 du 21 juillet 2020 consid. 4b et les références citées) ; qu’à cet égard, la chambre administrative ne sanctionne que l'abus ou l'excès du pouvoir d'appréciation (ATF 130 I 241 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2P.111/2003 du 21 janvier 2004 consid. 3.3) ;

qu’en l’espèce, il apparaît, à première vue et sous l’angle de la vraisemblance, que l’autorité adjudicatrice a tenu compte des spécificités de l’organisation de chacun des soumissionnaires, pour considérer que sous l’angle du sous-critère C1, soit le processus de vérification des compétences à l’embauche, l’offre de la recourante – au sujet de laquelle elle a observé : « Processus compliqué. Quid de la vérification des compétences, des prises de référence des anciens employeurs, de la vérification de la langue française. Manque contact direct humain avec les futurs collaborateurs (comportement, etc ). Mentionne des directives et règlements qui ne figurent pas dans les documents d’appel d’offres » – présentait un désavantage que l’offre de l’adjudicataire ne présentait pas ;

que la recourante considère pour sa part réaliser ce sous-critère par le biais de ses exigences de formation initiale et continue et reproche à l’intimée une analyse partielle de sa présentation ;

qu’elle ne démontre toutefois en l’état pas en quoi l’appréciation différente de l’autorité adjudicatrice serait constitutive d’un abus ou d’un excès de son pouvoir d’appréciation, étant relevé que les éléments problématiques relevés par l’intimée ne ressortent pas de l’offre de la recourante, en particulier de son annexe C 4-3.2 « processus de vérification des compétences à l’embauche », qui renvoie à des directives non produites avec l’offre (notamment D 5.08.01 « Règlement des collaborateurs » et D 5.04.02 « Processus de embauche ») ;

qu’il ne peut ainsi, à ce stade et sans préjuger du fond, être retenu que le pouvoir adjudicateur aurait, à l’évidence, commis un abus ou un excès du large pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu en matière d’appréciation des critères et sous-critères ;

qu’au vu de ce qui précède, les chances de succès du recours apparaissent insuffisantes en l'état pour octroyer l'effet suspensif, étant rappelé que l'absence d'un tel effet au recours constitue la règle en matière de marchés publics ;

que pour le surplus, l’intérêt public de la commune à faire effectuer le nettoyage et à assurer l’hygiène d’EVE accueillant de très jeunes enfants dès leur réouverture le 15 août 2022 doit l’emporter sur l’intérêt privé de la recourante à la suspension de la conclusion du contrat avec l’adjudicataire durant la procédure ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête d’effet suspensif sera rejetée ;

qu’il sera statué ultérieurement sur les frais de la présente décision.

 

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse d'octroyer l’effet suspensif au recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110),  la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à Me Alessandro Pescia, avocat de la recourante, à Me Bastien Geiger, avocat d’C______ SA, ainsi qu’à Me Michel d’Alessandri, avocat de la Ville de B______.

Le vice-président :

C. Mascotto

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :