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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1310/2022

ATA/644/2022 du 23.06.2022 ( MARPU ) , IRRECEVABLE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1310/2022-MARPU ATA/644/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 23 juin 2022

sur effet suspensif

 

dans la cause

 

A______ SA

contre

COMMUNE B______
représentée par Me Bertrand Reich, avocat



Vu en fait le recours interjeté le 27 avril 2022 par A______ SA (ci-après : A______) contre la « décision d'adjudication » de la commune B______ (ci-après :  la commune) du 25 avril 2022 l'informant que son offre n'avait pas pu être retenue pour les travaux CFC 1______ – Menuiseries intérieures, liés à la rénovation/transformation de l'immeuble de la mairie ;

que A______ faisait recours pour le motif qu'elle considérait que la notation du critère n° 2 Références n'était pas conforme aux éléments qu'elle avait produits ;

qu'elle a exposé que si ce point revêtait pour le pouvoir adjudicateur une importance spécifique, il fallait le signaler dans la demande de références ou le texte de la soumission. Le courrier de non-adjudication faisait à tort référence à une procédure de gré à gré non soumise aux accords internationaux. D'autres points, moins importants, pouvaient être relevés dans le traitement des offres et seraient portés à la connaissance de l'autorité de recours sur demande, en cas de besoin. Elle se disait dans l'attente des instructions de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) ;

vu le courrier adressé spontanément par la commune le 28 avril 2022 à la chambre administrative, via son conseil, l'informant qu'elle avait eu connaissance du recours de la société évincée interjeté le 27 avril 2022 et prendrait « volontiers » connaissance du délai qui serait fixé sur effet suspensif et sur le fond ;

vu le délai imparti le 28 avril 2022 à la commune pour adresser à la chambre administrative, jusqu'au 31 mai 2022, ses observations et son dossier, ce dont A______ a été informée ;

vu la transmission le 29 avril 2022 à A______ d'une copie du courrier de la commune du 28 avril 2022 précité ;

vu le courrier déposé le 19 mai 2022 au greffe par la commune, informant la chambre administrative, conformément à l'art. 14 al. 2 de l'accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 (AIMP - L 6 05), de la signature du contrat avec l'adjudicataire ;

vu la transmission d’une copie de cette lettre le 20 mai 2022 à A______ ;

vu les déterminations de la commune du 20 mai 2022 sur le fond au terme desquelles elle a conclu au rejet du recours ;

vu la transmission de ces déterminations à A______ le 20 mai 2022, avec fixation d'un délai au 21 juin 2022 pour le dépôt d'une éventuelle réplique sur le fond ;

vu le courrier de A______ du 30 mai 2022 relevant qu'elle avait été informée de la signature du contrat « par transmission de courrier du 19.05.2022 » et demandait de « faire mettre en suspens la réalisation de ce contrat » qui était l'objet de son recours, dans l'attente du jugement sur le fond. La décision de signer ce contrat lui semblait absolument précipitée et servait uniquement à la mettre dans une situation de fait accompli. Elle rappelait l'échéancier des évènements, de la publication de la soumission publique à l'information de la signature du contrat. La période d'intervention pour la pose de la menuiserie intérieure était planifiée du 14 avril au 30 septembre 2022, étant noté que ce planning n'était plus actuel puisque les travaux ne pourraient en aucun cas débuter le 14 avril 2022. Il serait intéressant de savoir à quelle date le contrat avait été signé ;

vu le courrier de la juge déléguée à A______ du 31 mai 2022 par lequel elle a demandé à cette dernière si la chambre administrative devait considérer son courrier du 30 mai 2022 comme une demande d'effet suspensif et partant qu'elle rende une décision sur ce point après interpellation des parties, étant relevé qu'il ne ressortait pas de son recours qu'elle aurait requis l'effet suspensif, lequel n'était pas automatique en matière de marchés publics. La juge déléguée comprenait du courrier de la commune du 19 mai 2022 que le contrat avait effectivement été conclu ;

vu le courrier de A______ du 2 juin 2022 « confirmant » qu'elle demandait l'effet suspensif « à l'exécution du contrat ». Sa signature était précipitée et non nécessaire compte tenu du planning actuel et servait surtout à affaiblir son recours en le dénuant de finalité. Cette manœuvre relevait de la technique du fait accompli ;

vu la réplique de A______ sur le fond du 3 juin 2022 ;

vu la détermination de la commune du 13 juin 2022 au terme de laquelle elle a conclu à ce qu'il soit constaté que le recours était dénué d'effet suspensif ;

qu'elle a exposé être liée contractuellement à l'adjudicataire depuis le 19 mai 2022, ce dont elle avait immédiatement informé la chambre administrative. L'entreprise adjudicataire avait donc commencé son activité. A______ n'avait pas sollicité l'octroi de l'effet suspensif à son recours et la chambre administrative n'avait pris aucune décision provisionnelle de cet ordre ou interdisant la signature du contrat. Ledit contrat avait été signé trois semaines après le dépôt du recours. L'impératif temporel pour la réalisation des travaux en cause ne pouvait être ignoré. Il n'existait pas de motif qui justifierait le prononcé de mesures provisionnelles, dont les conditions ne devaient être admises qu'avec restriction en matière de marchés publics. Compte tenu de la conclusion, valable, du contrat et de la fourniture partielle des prestations qui en découlaient, lesquelles continueraient à être délivrées, le recours portait désormais uniquement sur la constatation de l'illicéité de l'adjudication ainsi que des dommages-intérêts. Les chances de succès du recours étaient inexistantes ;

vu la réplique de A______ sur effet suspensif du 16 juin 2022 confirmant sa conclusion dans ce sens. La commune n'avait nullement quantifié un impératif temporel. Elle persistait dans la politique du fait accompli en la justifiant par des bases légales qu'elle-même n'était pas en mesure de discuter et par le fait que les prestations étaient fournies par l'adjudicataire et continueraient de l'être. Ce qui était plus grave était qu'elle exposait que les chances de succès de son recours étaient inexistantes, ce qui semblait à tout le moins présomptueux ;

vu l'information donnée aux parties le 17 juin 2022 que la cause était gardée à juger sur la question de l'effet suspensif ;

Considérant en droit en droit que le recours a été interjeté en temps utile devant l'autorité compétente, et est, a priori, recevable de ces points de vue (art. 15 al. 2 AIMP ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d'État à adhérer à l'accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01) ;

que les mesures provisionnelles sont prises par la présidente ou le vice-président de la chambre administrative ou, en cas d'empêchement de ceux-ci, par un autre juge (art. 21 al. 2 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020) ;

qu'aux termes des art. 17 al. 1 AIMP et 58 al. 1 RMP, le recours n'a pas d'effet suspensif ; toutefois, en vertu des art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, l'autorité de recours peut, d'office ou sur demande, octroyer cet effet pour autant que le recours paraisse suffisamment fondé et qu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose ;

que l'examen de la requête suppose une appréciation prima facie du bien-fondé du recours ; l'effet suspensif doit être refusé au recours manifestement dépourvu de chances de succès et dont le résultat ne fait aucun doute ; inversement, un diagnostic positif prépondérant ne suffit pas d'emblée à justifier l'octroi d'une mesure provisoire, mais suppose de constater et de pondérer le risque de préjudice (ATA/987/2021 du 24 septembre 2021 ; ATA/217/2021 du 1er mars 2021 consid. 2 ; ATA/1349/2019 du 9 septembre 2019 ; Benoît BOVAY, Recours, effet suspensif et conclusion du contrat, in Jean-Baptiste ZUFFEREY/Hubert STÖCKLI, Marchés publics 2010, Zurich 2010, p. 317) ;

que lorsqu'une autorité judiciaire se prononce sur l'effet suspensif ou d'autres mesures provisoires, elle peut se limiter à la vraisemblance des faits et à l'examen sommaire du droit (examen prima facie), en se fondant sur les moyens de preuve immédiatement disponibles, tout en ayant l'obligation de peser les intérêts respectifs des parties (ATF 139 III 86 consid. 4.2 ; 131 III 473 consid. 2.3) ;

que la restitution de l'effet suspensif constitue cependant une exception en matière de marchés publics, et représente une mesure dont les conditions ne peuvent être admises qu'avec restriction (ATA/1349/2019 précité ; ATA/446/2017 précité consid. 2 ; ATA/62/2017 du 23 janvier 2017 consid. 2 ; ATA/793/2015 du 5 août 2015 consid. 2) ;

que l'AIMP a pour objectif l'ouverture des marchés publics (art. 1 al. 1 AIMP) ; il poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP) et assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) ;

que selon l'art. 14 AIMP, le contrat ne peut être conclu avec l'adjudicataire qu'après l'écoulement du délai de recours et, en cas de recours, que si l'autorité juridictionnelle cantonale n'a pas accordé au recours l'effet suspensif (al. 1) ; si une procédure de recours est en cours sans que l'effet suspensif ait été prononcé, l'adjudicateur informe immédiatement l'autorité juridictionnelle de la conclusion du contrat (al. 2) ;

qu'en l'espèce, la décision de non-adjudication litigieuse date du 25 avril 2022, le recours du 27 avril 2022 et sa connaissance par le pouvoir adjudicateur au plus tard le 28 avril 2022 ;

que la recourante n'a pas conclu dans son recours à l'octroi de l'effet suspensif ni a fortiori n'a motivé les motifs pour lesquels la chambre de céans devait le lui accorder ;

que la chambre administrative n'a pas fait usage de la possibilité d'octroyer l'effet suspensif d'office, telle que prévue aux art. 17 al. 2 AIMP et 58 al. 2 RMP, étant rappelé qu'un tel octroi demeure l'exception en matière de marchés publics ;

que partant, le contrat a été conclu le 19 mai 2022, a priori en conformité avec l'art. 14 al. 2 AIMP entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire ;

que ce n'est que le 30 mai 2022, soit onze jours plus tard, que l'adjudicataire a demandé la « mise en suspens de la réalisation de ce contrat », dans l'attente du jugement au fond ;

que cette demande d'effet suspensif est néanmoins devenue sans objet en raison de la conclusion du contrat ;

qu'elle sera donc déclarée irrecevable ;

que sauf disposition contraire contenue dans l'AIMP, la procédure est régie par la LPA art. 3 al. 4 L-AIMP). Ainsi, la qualité pour recourir appartient à toute personne touchée directement par une décision et ayant un intérêt personnel digne de protection à ce que l'acte soit annulé ou modifié (art. 60 al. 1 let. b LPA) ;

que si le contrat est déjà conclu et que le recours est jugé bien fondé, l'autorité de recours constate le caractère illicite de la décision (art. 18 al. 2 AIMP). Une fois le caractère illicite de la décision constaté, le recourant peut demander, devant l'autorité compétente, la réparation de son dommage, limité aux dépenses subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP) ;

qu'en l'espèce, bien que le contrat ait déjà été conclu, la recourante en tant que soumissionnaire évincée, conserve un intérêt actuel à recourir contre la décision d'adjudication, son recours étant à même d'ouvrir ses droits à une indemnisation (art. 18 al. 2 AIMP ; art. 3 a. 3 L-AIMP ; ATA/201/2015 consid. 1b) ;

qu'un délai sera en conséquence fixé à A______ pour présenter des conclusions en indemnisation motivées et étayées.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

déclare irrecevable la demande en restitution de l’effet suspensif au recours ;

fixe un délai à A______ SA au 4 juillet 2022 pour produire des conclusions en indemnisation, motivées et étayées, sous peine d'irrecevabilité de son recours ;

réserve le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF-RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique la présente décision à A______ SA, à Me Bertrand Reich, avocat de la commune B______, ainsi qu’à la Commission de la concurrence (COMCO).

 

 

 

 

 

La présidente :

 

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :