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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/664/2020

ATA/598/2022 du 07.06.2022 sur ATA/679/2020 ( LAVI ) , REJETE

Recours TF déposé le 02.08.2022, rendu le 05.12.2023, IRRECEVABLE, 1C_440/2020, 1C_421/2022
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/664/2020-LAVI ATA/598/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 7 juin 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Guy Zwahlen, avocat

contre

CENTRE GENEVOIS DE CONSULTATION POUR VICTIMES D'INFRACTIONS



EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1971, vit à Genève depuis le 8 décembre 1997. En octobre 2000, il occupait une chambre au 3ème étage d'un immeuble situé à la rue B______ à Genève. En octobre 2002, Monsieur C______ s'était installé dans la chambre voisine.

2) Rapidement, des disputes verbales sont survenues entre les deux locataires, car M. C______ ne veillait pas au maintien de la propreté des locaux communs et faisait du bruit la nuit. En novembre 2006, M. C______, qui n'acceptait pas les remontrances de M. A______, a menacé celui-ci avec un couteau. Pour ces faits, M. C______ a été condamné à une amende de CHF 600.-.

3) Le 4 février 2007, alors qu'il se trouvait devant le lavabo commun, M. A______ a vu surgir dans le miroir M. C______, muni d'un grand couteau. À peine s'était-il retourné qu'il avait reçu un violent coup de couteau dans la poitrine. M. C______ a frappé de haut en bas, transperçant la peau et le cartilage, qui se trouvait entre l'artère et le sternum, sectionnant l'artère mammaire interne, puis la plèvre et provoquant plusieurs lésions graves. Avant de s'écrouler, M. A______ a vu M. C______ quitter les lieux en courant et descendre précipitamment les escaliers. Malgré la gravité de ses blessures, il a pu appeler la police avec son téléphone portable. L'intervention médicale rapide lui a sauvé la vie.

4) Par décision du 4 mai 2007, M. A______ a été admis au bénéfice de l'assistance juridique avec effet au 4 avril 2007 dans le cadre de la procédure pénale 1______, ouverte à la suite des faits précités.

5) Le 15 août 2008. M. A______ a déposé une requête tendant à l'octroi de l'assistance juridique pour les démarches liées à la liquidation de dommage avec l'assureur LAA ainsi que de l'AI.

6) Par décision du 22 septembre 2008, le Tribunal civil de première instance (ci-après : TPI) a refusé cette requête au motif que M. A______ était à même d'assumer par ses propres moyens les frais de procédure ainsi que les honoraires d'avocats, honoraires qui pouvaient être acquittés par mensualités.

7) Par décision du 18 septembre 2008, le service de l'assistance juridique a révoqué son aide dans le cadre de la procédure 1______, en raison de l'obtention par M. A______ des prestations de l'assurance-accidents.

8) Le 4 février 2009, M. A______, a déposé une requête en indemnisation auprès de l’instance d’indemnisation instaurée par la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 23 mars 2007 (loi sur l’aide aux victimes, LAVI - RS 312.5, ci-après : Instance LAVI).

9) Par ordonnance du 11 mai 2017 (n° 2009/1953), l’Instance LAVI lui a octroyé la somme de CHF 11'396.40 au titre de perte de gain, CHF 26'338.45 au titre d'atteinte à l'avenir économique, CHF 31'750.70 au titre de perte sur rente de vieillesse, CHF 3'500.- au titre de dommage découlant de ses frais d'avocat et a rejeté la requête pour le surplus.

10) Par arrêt du 30 janvier 2018 (ATA/82/2018), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) a admis partiellement le recours de M. A______ et renvoyé le dossier à l’Instance LAVI pour nouveau calcul du poste de l'atteinte à l'avenir économique du recourant.

11) Par courrier du 2 novembre 2018, Me D______ qui le représentait jusqu'alors, a remis à M. A______ sa note d'honoraires finale pour l'activité déployée du 23 janvier 2014 au 15 octobre 2018 dans le cadre de la procédure par-devant l’Instance LAVI. Il en résultait un solde, sous déduction des acomptes versés par l'intéressé, de CHF 16'411.-.

12) Le 9 avril 2019, Me D______ a remis à son ancien client un décompte définitif, annulant et remplaçant la note d'honoraires du 2 novembre 2018. Il enbressortait un solde en faveur de l'avocat de CHF 17'323.25.

13) Le 29 octobre 2019, Me D______ a adressé au Centre genevois de consultation pour victimes d'infractions (ci-après : Centre LAVI) un courriel contenant « les étapes essentielles du dossier de M. A______ » en vue de la séance du Comité de l'association LAVI qui devait avoir lieu le même soir relativement « au cas » de M. A______.

14) Par courrier du 13 novembre 2019, Me D______ a informé la Commission en matière d'honoraires d'avocats (ci-après : la commission) avoir assisté et représenté M. A______ contre son assureur LAA et l’Instance LAVI notamment, pour son indemnisation des conséquences, morales et économiques des lésions graves qu'il avait subies en 2007.

Il indiquait n'avoir ni laissé entendre, ni affirmé à son client que ses honoraires seraient payés par un tiers, bien au contraire, vu que sous « l'ancien régime » le coût d'avocat hors pénal ne bénéficiait pas [encore] d'une aide LAVI en l'absence de l'octroi de l'assistance juridique. C'était pour cette raison qu'il avait accordé à son client un taux horaire préférentiel de CHF 350.-. L’Instance LAVI avait accordé à ce dernier un montant de CHF 3'000.- (sous l'angle pénal uniquement) dans son ordonnance du 11 mai 2007.

15) Le 18 novembre 2019, Monsieur C______, psychologue au sein du Centre LAVI, a sollicité auprès de M. A______ des documents complémentaires afin de compléter sa requête.

16) Selon le procès-verbal de conciliation du 28 novembre 2019 de la commission, il était donné acte à M. A______ de son offre de verser à Me D______, selon décompte définitif du 9 avril 2019, le montant de CHF 6'250.-.

17) Le 4 décembre 2019, le Comité du Centre LAVI a, lors de sa séance du soir même, rejeté la demande de M. A______, qui en a été informé par courriel du 6 décembre 2019, aux termes duquel il lui était indiqué qu'il recevrait une décision écrite dans les prochaines semaines.

18) Par décision du 22 janvier 2020, le Centre LAVI a refusé la demande d'aide financière à plus long terme formée par M. A______ au motif que celui-ci n'avait pas déposé de demande d'assistance juridique, préalablement à la demande de prise en charge des honoraires d'avocat. Il avait mandaté Me D______ aux conditions d'un mandat privé. Selon le procès-verbal de la commission, M. A______ avait accepté de verser à Me D______ le montant de CHF 6'250.-, somme qu'il s'était engagé à supporter personnellement.

19) Par recours expédié le 21 février 2020 à la chambre administrative, M. A______ a contesté cette décision, dont il a demandé l'annulation. Il a conclu à ce qu'il soit dit qu'il avait droit à l'aide à plus long terme à la suite de l'infraction dont il avait été victime le 4 février 2007 en ce qui concernait la prise en charge de ses honoraires d'avocat. Le Centre LAVI devait ainsi être condamné à lui payer le montant de CHF 6'250.-.

L'assistance juridique lui avait été octroyée, mais été ensuite révoquée. Il y avait donc bien eu une demande d'assistance juridique, de sorte que la décision du Centre LAVI était erronée.

20) Le Centre LAVI a conclu au rejet du recours.

Les décisions d'assistance juridique se rapportaient à la procédure pénale 1______. Or, les démarches juridiques pour lesquelles la prise en charge était sollicitée se référaient aux procédures postérieures, soit principalement la procédure d'indemnisation auprès de l’Instance LAVI, pour laquelle aucune demande d'assistance juridique n'avait été déposée. L'unique motif de recours tombait donc à faux.

Il ressortait du dossier produit par le Centre LAVI que le recourant s'était vu octroyer par l’Instance LAVI les sommes de CHF 11'396.40 pour perte de gain, CHF 31'750.70 pour le préjudice de rente, CHF 53'352.90 pour atteinte à l'avenir économique et CHF 3'500.- à titre de participation aux frais d'avocat, soit la somme maximale de CHF 100'000.-.

M. A______ s'était engagé, par transaction du 28 novembre 2019, à supporter personnellement les honoraires en souffrance de Me D______, pour la somme de CHF 6'250.-.

La demande d'assistance juridique pour les démarches auprès de l'assurance-invalidité et l'assurance-accidents avait été refusée le 22 septembre 2008 au motif que M. A______ disposait de moyens financiers lui permettant d'assumer le coût desdites démarches.

Par ailleurs, l'assistance juridique accordée pour la procédure pénale avait été révoquée à la suite de l'obtention des prestations de l'assurance-accidents, de sorte que le principe de subsidiarité de l'aide à long terme n'était pas respecté.

21) Dans sa réplique, le recourant précisait que sa demande d'assistance juridique avait été refusée pour ses démarches civiles en indemnisation et celles pour les pourparlers avec les assurances sociales. Il s'agissait de démarches postérieures à la procédure pénale visant l'obtention d'une indemnité pour tort moral et dommage ainsi que celles devant l’Instance LAVI, de sorte qu'une requête d'assistance juridique avait bien été formée avant sollicitation du Centre LAVI.

Vu la complexité du dossier, le recourant proposait d'entendre à titre de témoins Me D______ ainsi que M. C______.

22) Par arrêt du 21 juillet 2020 (ATA/679/2020), la chambre administrative a rejeté le recours de M. A______.

Il avait fait valoir auprès de l’Instance LAVI des honoraires d'avocat de CHF 28'557.70, sans préciser s'il les réclamait à titre de dommage résultant de l'infraction dont il avait été victime (art. 11ss aLAVI) ou à titre de prestation du centre de consultation (art. 3 al. 4 aLAVI).

L’Instance LAVI lui avait accordé un montant de CHF 3'500.- au titre de dommage résultant de l'infraction, qualification et montant qu'il n'avait pas contestés. Sa nouvelle prétention ne pouvait qu'être fondée sur l'art. 3 al. 4 aLAVI. Comme l’Instance LAVI lui avait déjà accordé des sommes totalisant CHF 100'000.-, soit le maximum des prestations que la aLAVI permettait d'accorder à une victime, il ne pouvait se voir allouer un montant complémentaire.

Il n'était donc pas besoin d'examiner si sa situation personnelle avait justifié une aide à titre de prestation du centre de consultation comme le requérait l'art. 3 al. 4 aLAVI. Pour le même motif, il n'y avait pas lieu de procéder aux actes d'instruction requis, soit l'audition de Me D______ et M. C______.

23) Par arrêt du 4 janvier 2022 (1C_440/2020), le Tribunal fédéral a admis le recours de M. A______, annulé l'arrêt du 21 juillet 2020 et renvoyé la cause à la chambre administrative pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

L'état de fait devait être complété, l'arrêt n'indiquant pas la date du dépôt de la demande d'aide à plus long terme et ne détaillant pas les prestations d'avocat de la demande en question. Le dépôt ou non d'une demande d'assistance juridique dans le cadre de la procédure d'indemnisation ne ressortait pas non plus de l'arrêt, de sorte que le Tribunal fédéral n'était pas en mesure de déterminer si le nouveau ou l'ancien droit s'appliquait.

L'exclusion de la prise en charge des frais d'avocat au seul motif que la somme maximale prévue pour l'indemnisation avait été allouée au recourant n'était pas justifiée.

24) L'intimé a formulé de nouvelles observations le 24 février 2022.

La demande d'indemnisation initiale de M. A______ avait été déposée le 4 février 2009 par-devant l’Instance LAVI, soit après l'entrée en vigueur de la LAVI. Cette autorité avait ainsi statué à tort sur les frais d'avocats sollicités dans ladite demande, appliquant l'ancien droit, tandis qu'elle aurait dû se déclarer incompétente et lui transmettre la requête.

Contrairement à ce que soutenait le recourant, c'était le nouveau droit qui s'appliquait à sa demande d'aide à plus long terme du 29 octobre 2019, soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la LAVI dans sa teneur actuelle.

Aucune demande d'assistance juridique n'avait été déposée dans le cadre des démarches ayant fait l'objet de la décision querellée, soit la procédure d'indemnisation par-devant l’Instance LAVI, de sorte que les honoraires d’avocat ne pouvaient être pris en charge.

Les décisions d'assistance juridique produites par le recourant se rapportaient uniquement à la procédure pénale 1______ ainsi qu'aux démarches tendant à la liquidation du dommage avec l'assureur LAA et l'AI (AC/1801/2008) de sorte qu'elles ne pouvaient être prises en compte.

25) M. A______ a déposé ses observations le 2 mars 2022.

La demande d'aide à long terme datait du 13 mai 2019. Les prestations d'avocat objet de ladite demande correspondaient à l'ensemble des prestations non couvertes par les CHF 3'000.- fixés dans la décision LAVI du 28 juin 2018. Il s'agissait en particulier des notes d'honoraires de Me D______ pour son activité du 18 avril 2008 au 22 novembre 2018. Les demandes d'assistance juridique rejetées ou révoquées avaient été formulées pour les démarches concernées par lesdits honoraires, et la consultation du time-sheet de Me D______ permettait d'arriver à une telle conclusion.

Au vu de la complexité du dossier et du fait qu'il n'avait pas été traité par son conseil actuel, il sollicitait l'audition de Me D______ ainsi que celle de M. C______.

26) Les parties ont été invitées, le 25 avril 2022, à produire tout document permettant d'établir la date de dépôt de la demande d'aide à long terme du recourant.

27) Le Centre LAVI s'est référé à ses écritures précédentes, indiquant avoir été saisi d'une première demande d'aide à plus long terme le 29 octobre 2019, complétée le 4 décembre 2019.

28) Le recourant s'est déterminé dans un courrier daté du 2 février 2022, mais reçu par la chambre administrative le 24 mai 2022, indiquant que Me D______ avait déposé préventivement en date du 15 août 2008 une demande d'aide à plus long terme pour le cas où l'assistance juridique serait refusée à son client.

Il a produit, dans ce cadre, un courrier de son conseil précédent adressé le 15 août 2008 à M. C______ dans lequel l'avocat indiquait qu'il allait tenter d'obtenir de l'assistance juridique la couverture des démarches dans le cadre de son mandat en lien avec les assureurs sociaux ainsi que pour les démarches par-devant l’Instance LAVI. Me D______ annonçait, dans ce même courrier, qu'en cas de refus de cette couverture, il reviendrait auprès du Centre LAVI en vue d'une prise en charge par celle-ci.

Il sollicitait également de M. C______ qu'il lui indique « si, en l'état, M. A______ est encore en mesure d'obtenir de votre part une couverture pour les premières heures d'avocat ».

29. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) La recevabilité du recours a déjà été admise par arrêt de la chambre administrative du 21 juillet 2020 (ATA/679/2020) et le présent arrêt fait suite à celui du Tribunal fédéral du 4 janvier 2022 (1C_440/2020).

2) a. Le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la chambre de céans afin qu'elle précise l'état de fait, notamment la date de la demande d'aide à long terme du recourant, ainsi que le détail des prestations objet de ladite demande et la date de l'éventuelle demande d'assistance judiciaire préalable.

b. En application du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral, l’autorité cantonale à laquelle la cause est renvoyée par celui-ci est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché par le Tribunal fédéral et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées devant lui ou l’ont été sans succès. La motivation de l’arrêt de renvoi détermine dans quelle mesure la cour cantonale est liée à la première décision, décision de renvoi qui fixe aussi bien le cadre du nouvel état de fait que celui de la nouvelle motivation juridique (arrêt du Tribunal 6B_904/2020 du 7 septembre 2020 consid. 1.1 et les références citées).

3) Dans ses observations du 2 mars 2022, le recourant a sollicité, à titre préalable, l'audition de Me D______ et de M. C______.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), repris par l'art. 41 LPA, le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 138 I 154 consid. 2.3.3 ; 138 V 125 consid. 2.1). L'autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

b. En l'espèce, le recourant a eu l'occasion de s'exprimer par écrit auprès du Centre LAVI, puis dans le cadre de son recours. Il a pu produire et obtenir toutes pièces utiles à l'appui de son argumentation. Les pièces produites ainsi que les explications données par les parties permettent à la chambre de céans de se prononcer, sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’audition des deux témoins. Les questions à trancher, notamment celles de savoir si – et le cas échéant quand – une demande d’aide à long terme a été déposée et quelles prestations étaient sollicitées, ne peuvent que ressortir des pièces, en particulier des demandes écrites formées par le recourant. Or, les parties, invitées expressément à le faire, ont produit leurs pièces relatives à ces questions. L’audition du précédent avocat du recourant et du collaborateur du Centre LAVI n’est ainsi pas susceptible d’apporter des éléments pertinents complémentaires à ceux ressortant du dossier.

Partant, il ne sera pas donné suite à la requête d’actes d’instruction.

4) Le litige porte sur la prise en charge des honoraires d'avocat par le Centre LAVI, à titre d'aide financière à plus long terme.

a. La LAVI est entrée en vigueur le 1er janvier 2009, abrogeant la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 4 octobre 1991 (aLAVI). La LAVI révisée poursuit le même objectif que l'aLAVI, à savoir assurer aux victimes une réparation effective et suffisante dans un délai raisonnable (Message du Conseil fédéral concernant l’aLAVI du 25 avril 1990, FF 1990 II p. 909 ss, not. 923 ss ; ATF 134 II 308 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_571/2011 du 26 juin 2012 consid. 4.2). Elle maintient notamment les trois « piliers » de l'aide aux victimes, soit les conseils, les droits dans la procédure pénale et l'indemnisation, y compris la réparation morale (Message du Conseil fédéral du 9 novembre 2005, FF 2005 6701).

b. En vertu de l'art. 48 let. b LAVI, sont régies par l'ancien droit, les demandes de contribution aux frais qui sont pendantes à l'entrée en vigueur de la (nouvelle) loi.

La loi d'application de la loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infractions du 11 février 2011, (LaLAVI - J4 10) régit l'application de la LAVI dans le canton de Genève (art. 1 al. 1 LaLAVI). Elle règle en particulier les modalités d'application de la loi fédérale pour ce qui concerne le centre de consultation et la procédure d'indemnisation (art. 1 al. 2 LaLAVI).

5) a. Parmi les différents types d’aide apportée par la LAVI à la victime, figure la contribution aux frais d’une aide à plus long terme fournie par un tiers (art. 2 let. c LAVI).

L’aide est fournie par des centres de consultations que les cantons doivent instaurer (art. 9 al. 1 LAVI).

Aux termes de l'art. 13 al. 2 LAVI, les centres de consultation fournissent une aide supplémentaire à la victime et à ses proches jusqu’à ce que l’état de santé de la personne concernée soit stationnaire et que les autres conséquences de l’infraction soient dans la mesure du possible supprimées ou compensées (aide à plus long terme).

Les prestations comprennent l’assistance médicale, psychologique, sociale, matérielle et juridique appropriée dont la victime ou ses proches ont besoin à la suite de l’infraction et qui est fournie en Suisse (art. 14 al. 1 LAVI).

À Genève, ce rôle est dévolu au Centre genevois de consultations pour victimes d’infractions (art. 2 du règlement d'exécution de la loi d'application de la loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions du 13 avril 2011 (RaLAVI - J 4 10.01), qui est chargé d’accorder les prestations prévues par la LAVI (art. 3 al. 1 RaLAVI). Le centre de consultation est chargé notamment de fournir directement ou par l'intermédiaire de tiers de l'aide immédiate à la victime et à ses proches, ainsi que, si nécessaire, de l'aide à plus long terme (art. 6 al. 1 let. b LaLAVI),

Selon l’art. 4 al. 3 RaLAVI, la victime peut solliciter la prise en charge de ses frais d’avocat au titre de l’aide immédiate ou de la contribution aux frais pour l’aide à plus long terme.

Le nouveau droit prévoit la prise en charge exclusive des honoraires d'avocat par le centre de consultation au titre d'aide immédiate ou d'aide à plus long terme (1C_440/2020 du 4 janvier 2022 consid. 2.3 ; art. 19 al. 3 LAVI, art. 5 de l'ordonnance du 27 février 2008 sur l'aide aux victimes d'infractions [OAVI; RS 312.51]; Message du 9 novembre 2005 concernant la révision totale de la LAVI, FF 2005 6683 ss, 6736; ATF 141 IV 262 consid. 2.4

b. L'aide aux victimes est régie par le principe de la subsidiarité (art. 4 LAVI ; art. 3 LaLAVI). Les prestations d'aide aux victimes ne sont accordées définitivement que lorsque l'auteur de l'infraction ou un autre débiteur ne versent aucune prestation ou ne versent que des prestations insuffisantes (art. 4 al. 1 LAVI). Celui qui sollicite une contribution aux frais pour l'aide à plus long terme fournie par un tiers doit rendre vraisemblable que les conditions de l'art. 4 al. 1 LAVI sont remplies, à moins que, compte tenu des circonstances, on ne puisse pas attendre de lui qu'il effectue des démarches en vue d'obtenir des prestations de tiers (art. 4 al. 2 LAVI).

c. Ce principe de subsidiarité se retrouve dans la procédure instaurée pour la prise en charge des frais d’avocat de la victime. Ceux-ci sont à prendre en charge en premier lieu par le responsable du préjudice causé à la victime de l’infraction (art. 4 al. 1 RaLAVI), si l’assistance juridique instaurée par le Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale du 28 juillet 2010 (RAJ - 2 05.04) ne prend pas en charge les frais d’avocat, la victime peut solliciter la prise en charge de ses frais d’avocat au titre de l’aide immédiate ou de contributions aux frais d’une aide à plus long terme fournie par un tiers (art. 4 al. 3 RaLAVI).

Les demandes de prise en charge de frais d’avocat sous forme de contribution d’une aide à plus long terme présentée au centre LAVI doivent être motivées et quantifiées. Les honoraires d’avocat ne sont pris en charge au titre de prestations fournies par un tiers que si une garantie de prise en charge a été octroyée par le centre LAVI préalablement (art. 9 al. 2 RaLAVI). S’ils ont été engagés sans préalablement avoir demandé l’octroi d’une telle garantie, le centre LAVI peut refuser le remboursement de ces frais s’il s’avère que les conditions de leur prise en charge ne sont pas remplies (art. 9 al. 3 RaLAVI).

Les décisions en matière de contributions aux frais d'une aide à plus long terme prévues par l'article 11 de la loi relèvent de la compétence du comité de l'association du Centre de consultation LAVI (art. 12 al. 2 RaLAVI).

D'après l'art. 4 RaLAVI, dans la mesure où elle en remplit les conditions, la victime s'adresse à l'assistance juridique pour la prise en charge des frais d'avocat, conformément aux articles 136 à 138 du code de procédure pénale suisse, du 5 octobre 2007 (al. 1). A défaut de prise en charge par l'assistance juridique et à titre subsidiaire aux prestations dues par d'autres tiers, telles qu'une assurance de protection juridique, la victime peut solliciter la prise en charge de ses frais d'avocat au titre de l'aide immédiate ou de contribution aux frais d'une aide à plus long terme fournie par un tiers (al. 2).

Les frais d'avocat de la victime sont à prendre en charge en premier lieu par le responsable du préjudice causé à la victime de l'infraction (al. 1). Dans la mesure où elle en remplit les conditions, la victime s'adresse à l'assistance juridique pour la prise en charge de ses frais, conformément aux art. 136 à 138 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0 ; al. 2). À défaut de prise en charge par l'assistance juridique et à titre subsidiaire aux prestations dues par d'autres tiers, telles qu'une assurance de protection juridique, la victime peut solliciter la prise en charge de ses frais d'avocat au titre de l'aide immédiate ou de contribution aux frais d'une aide à plus long terme fournie par un tiers (al. 3). Dans ce cas, les frais d'avocat de la victime sont pris en charge au tarif pratiqué par l'assistance juridique. L'art. 16 du règlement du 28 juillet 2010 sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale (RAJ - E 2 05.04) est applicable par analogie (al. 4).

6) En l'espèce, le recourant indique, dans ses déterminations du 24 mai 2022, que son conseil précédent avait déposé préventivement le 15 août 2008 une demande d'aide à plus long terme auprès du Centre LAVI. Il se réfère ainsi à la pièce produite dans lesdites déterminations.

Or, la lecture de cette pièce ne permet pas de déduire qu'une telle demande a été déposée, encore moins le 15 août 2008. En effet, Me D______ indiquait dans ce courrier qu'en cas d'absence de couverture de ses honoraires dans le cadre de ses activités auprès de l’Instance LAVI, il reviendrait auprès du Centre LAVI en vue de leur prise en charge.

Il sera également relevé que le recourant se contredit, affirmant dans son mémoire de recours avoir déposé la demande d'aide à plus long terme le 13 mai 2019 alors qu'il se prévaut dans ses déterminations du 24 mai 2022 d'un dépôt le 15 août 2008, dont on vient de voir qu’il ne comporte pas de demande d’aide à plus long terme.

Dans ses circonstances, il convient de se référer aux indications du Centre LAVI, lesquelles n'ont pas varié en cours de procédure et à teneur desquelles la demande d'aide à long terme a été déposée le 29 octobre 2019, soit après l'entrée en vigueur de la LAVI, requête détaillant « les étapes essentielles du dossier de M. A______ » en vue de la séance du Comité de l'association LAVI qui devait avoir lieu le même soir. Ladite requête avait ensuite été complétée le 4 décembre 2019 et refusée le soir même par le Comité.

Dans son arrêt de renvoi, le Tribunal fédéral a également invité la chambre administrative à préciser le détail des prestations objet de la décision du 22 janvier 2020.

Contrairement à ce que soutient le recourant, le détail des prestations objet de la demande d'aide à long terme ne ressort pas de ses pièces 2 à 5 qui se composent de l'ensemble du time-sheet de Me D______ de 2008 à 2018, mais de la pièce 1 de l’intimé, plus précisément du courrier du conseil précité du 2 novembre 2018 intitulé « Procédure Instance LAVI/Clôture dossier » auquel était annexée sa note d'honoraires finale pour la période du 23 janvier 2014 au 15 octobre 2018.

C'est bien sur la base de cette note d'honoraires ainsi que du décompte définitif du 9 avril 2019, et non sur l'ensemble de son activité déployée de 2008 à 2018 dans les différentes procédures du recourant, que Me D______ a sollicité le paiement du solde de ses honoraires, fixé à CHF 6'250.- par transaction par-devant la commission en matière d'honoraires le 28 novembre 2019.

À teneur du dossier, aucune demande d'assistance juridique, second fait que la chambre de céans a été amenée à examiner, n'a été déposée dans le cadre des démarches objet de la décision querellée du 20 janvier 2020.

Les décisions d'assistance judiciaire produites se rapportent uniquement à la procédure pénale 1______ ainsi qu'aux démarches tendant à la liquidation du dommage avec l'assureur LAA et l'AI (AC/1801/2008) ; ces décisions ont respectivement révoqué et refusé la demande d’assistance judiciaire au vu de la situation financière du recourant et ne permettent pas de considérer la condition de subsidiarité comme étant remplie.

Le recourant indique dans ses déterminations du 24 mai 2022 n'avoir pas déposé de requête d'assistance juridique en vue de la couverture de la procédure par-devant l’Instance LAVI, alors même que celle-ci était annoncée dans le courrier du 15 août 2008 qu'il produit. Il affirme ainsi désormais avoir estimé que cette démarche était vouée à l'échec en raison des motifs ayant conduit à la révocation de l'assistance juridique dans la procédure pénale et le rejet de ladite requête dans le cadre des démarches civiles, soit l'amélioration de sa situation financière.

Or, le principe de subsidiarité, comme le relève justement l'intimé, lui commandait tout de même de solliciter l'assistance juridique pour la procédure par-devant l’Instance LAVI, préalablement à sa demande d'aide à long terme du 29 octobre 2019 en vue du remboursement à ce titre du solde d'honoraires dus à son avocat.

Pour le surplus, il appert, à teneur du courrier de Me D______ du 13 novembre 2019 à la commission, que celui-ci agissait à titre de conseil privé dans le cadre de la procédure opposant le recourant à l’Instance LAVI.

Il explique ainsi avoir accordé à son client un taux horaire préférentiel de CHF 350.- indiquant : « Je n'ai jamais laissé sous-entendre et encore moins affirmé à mon client que les honoraires d'avocat seraient payés par un tiers, bien au contraire, vu que sous [l'ancien régime], le coût d'avocat ne bénéficiait pas [encore] d'une aide LAVI en l'absence d'AJ ». Il ne peut ainsi pas non plus être déduit de cette pièce que l'assistance judiciaire ait été sollicitée dans le cadre de la procédure devant l’Instance LAVI, ce que le recourant n'affirme d'ailleurs plus dans ses dernières déterminations.

Enfin, comme le soulève l'intimé, le recourant s'est engagé à supporter personnellement les frais d'avocat de CHF 6'250.-, à teneur du procès-verbal du 28 novembre 2019 de la commission.

Dans ces conditions, il convient de constater que le principe de subsidiarité n'a pas été respecté, préalablement à la demande de remboursement des frais d'avocat à titre d'aide à long terme ainsi que l'exigent les art. 4 al. 2 LAVI et 3 al. 1 RaLAVI.

Partant, la décision attaquée est conforme au droit. Le recours sera rejeté.

7) Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 30 al. 1 LAVI et 87 al. 1 LPA). Compte tenu de l'issue du litige, il n'y a pas lieu à l'allocation d'une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

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PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 21 février 2020 par Monsieur A______ contre la décision du Centre genevois de consultation pour les victimes d'infractions du 22 janvier 2020 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guy Zwahlen, avocat du recourant, au centre genevois de consultation pour victimes d'infractions ainsi qu’à l’Office fédéral de la justice.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Marmy

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :