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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1925/2021

ATA/469/2022 du 03.05.2022 sur JTAPI/1303/2021 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1925/2021-PE ATA/469/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 3 mai 2022

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Michel Celi Vegas, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2021 (JTAPI/1303/2021)


EN FAIT

1) Monsieur A______, né le ______ 1992, est ressortissant du Kosovo.

2) Entendu par la police le 18 novembre 2015 au sujet d'un séjour illégal, de l’exercice d’une activité lucrative sans autorisation et pour avoir suivi une jeune fille mineure jusqu’à son domicile, il a indiqué qu'il séjournait en Suisse depuis 2011. Il était employé par la même entreprise depuis septembre 2015 et réalisait un salaire mensuel d’environ CHF 450.- qu’il envoyait à sa famille au Kosovo. Il était affilié à l’AVS, mais ne bénéficiait d’aucune assurance-maladie ou accident. Ses parents et deux de ses sœurs vivaient au Kosovo. L’un de ses frères vivait en Suisse. Deux autres frères et une sœur séjournaient en Allemagne.

3) Par décision du 19 novembre 2015, déclarée exécutoire nonobstant recours, notifiée le même jour, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 29 novembre 2015 pour quitter la Suisse, motifs pris d’une entrée sans documents de voyage valables et d’un défaut de titre de séjour valable.

4) Par ordonnance pénale du 19 novembre 2015, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de cent vingt jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation du 1er janvier 2011 au 18 novembre 2015.

5) Le 12 janvier 2016, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a rendu une décision d’interdiction d’entrée en Suisse (ci-après : IES), valable jusqu’au 11 janvier 2019.

6) Par courrier du 11 novembre 2016, se référant à une demande déposée en vue de son mariage avec Madame B______, de nationalité suisse, le service de l’état civil a requis la production d'une preuve de la légalité de son séjour en Suisse.

7) Interpellé par la police le 21 novembre 2016 au sujet d'un séjour illégal et d'un vol, de menaces et d'injures faisant suite à une plainte déposée à son encontre par Mme B______, il a notamment déclaré qu’il n’osait pas retourner au Kosovo à cause des menaces reçues de la part de la famille de cette dernière. Il s’est vu notifier, lors de son audition, la décision d’IES du 12 janvier 2016.

8) Par ordonnance pénale du 27 novembre 2017, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de quarante-cinq jours-amende et révoqué le sursis accordé le 19 novembre 2015, pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation du 20 novembre 2015 au 21 novembre 2016.

9) Par courriel du 28 novembre 2017, le service de l’état civil a fait savoir à l’OCPM que Mme B______ avait annulé la demande en vue du mariage.

10) Par pli du 18 janvier 2018, le SEM a informé M. A______ de son intention de prolonger de trois ans la décision d’IES du 12 janvier 2016, eu égard à la condamnation pénale du 27 novembre 2017, et lui a imparti un délai pour exercer son droit d’être entendu.

Ce courrier est resté sans suite.

11) Par décision du 12 février 2018, notifiée aux guichets de l’OCPM le 2 avril 2019, le SEM a prolongé la validité de l’IES jusqu’au 11 février 2021.

12) Par requête du 3 mars 2019, M. A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’un titre de séjour avec activité lucrative.

Arrivé à Genève en 2011, afin de pouvoir être indépendant financièrement, il travaillait depuis lors de manière continue et avait découvert « une autre notion de la dignité humaine », qu’il n’avait pas connue dans son pays.

Il a notamment joint un formulaire M rempli le 4 février 2019 par C______ Sàrl en vue de l’engager, pour une durée indéterminée, en qualité de plâtrier, moyennant un salaire mensuel brut de CHF 4'500.- (treize fois par an) ; ce formulaire indiquait qu'il n’avait jamais été condamné en Suisse ; un formulaire par lequel il annonçait son emménagement, le 9 février 2019, dans un appartement sis à la rue D______ en tant que sous-locataire ; des preuves de paiement d’abonnements auprès des Transports publics genevois pour les mois de juin 2011 à mars 2019 et des attestations de non-poursuite et d’absence d’aide financière établies le 19 février 2019.

13) Le 2 avril 2019, M. A______ a sollicité auprès de l’OCPM la délivrance d’un visa de retour en vue de rendre visite à ses parents au Kosovo.

14) Entendu le 11 novembre 2019 par la police, M. A______ a indiqué savoir qu’une IES avait été rendue à son encontre. Il ne souhaitait cependant pas quitter Genève, où se trouvait sa famille et où il bénéficiait d’un logement et d’un travail, pour le compte de C______ Sàrl. Sa mère vivait en Allemagne, tout comme l’un de ses frères. Deux de ses frères séjournaient à Genève.

15) Par ordonnance pénale du 12 novembre 2019, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de nonante jours-amende pour séjour illégal et exercice d’une activité lucrative sans autorisation.

16) Par pli du 18 novembre 2019, adressé au Ministère public, puis transmis à l’OCPM par ce dernier, M. A______ a sollicité l’annulation, à défaut la réduction de l’IES rendue à son encontre.

17) Par courrier du 21 novembre 2019, l’OCPM l'a informé de son intention de refuser de soumettre son cas au SEM avec un préavis positif et de prononcer son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai pour exercer son droit d’être entendu.

18) Faisant usage de ce droit, M. A______ a fait valoir qu’il remplissait les conditions du cas de rigueur. Il a notamment joint une copie d’une carte AVS établie à son nom et une demande adressée le 31 janvier 2020 à l’office cantonal des assurances sociales en vue d’obtenir son décompte individuel AVS, une carte intitulée « Second œuvre » émise le 3 mai 2016 mentionnant son nom et celui de la société G______ Sàrl et des récépissés de paiements effectués entre 2014 et 2019 ainsi qu’un Swiss Pass non daté établi à son nom.

19) L’OCPM lui a imparti un délai pour produire des pièces complémentaires.

20) Dans le délai imparti, M. A______ a transmis à l’OCPM une copie de son passeport – vierge de toute inscription – valable jusqu’au 12 mai 2020, lequel n’avait pas encore été renouvelé ; deux attestations établies le 17 décembre 2020 selon lesquelles il ne faisait l’objet d’aucune poursuite ni acte de défaut de biens et n’était pas financièrement soutenu ; un plan d’arrangement de paiement octroyé le 6 mars 2020 par le service des contraventions, à teneur duquel il s’engageait à verser CHF 200.- par mois puis, en février 2021, un montant de CHF 2'500.- en vue de s’acquitter de la somme totale de CHF 4'700.- qu'il devait à ce service ; la traduction française d’un document intitulé « Déclaration de ménage commun », du 16 décembre 2020 et portant l’en-tête du Ministère de l’intérieur du Kosovo, à teneur duquel faisaient ménage commun avec lui dans ce pays ses parents, ses deux frères et ses deux sœurs ; une attestation rédigée par ses parents le 16 décembre 2020, selon laquelle leur fils aîné, qui avait une très bonne relation avec lui, vivait dans le canton de Bâle, l’une de leur fille résidait en Allemagne, il leur manquait beaucoup et ils attendaient sa visite avec impatience ; un curriculum vitae, à teneur duquel il avait effectué sa scolarité obligatoire au Kosovo de 1998 à 2006, puis y avait fréquenté une école technique de construction de 2006 à 2010 et avait travaillé en qualité de plâtrier pour le compte de l’entreprise E______ Sàrl de 2011 à 2016 puis pour C______ Sàrl de 2016 à 2019 ; un certificat LPP du 21 août 2020 et des fiches de salaire établies par C______ Sàrl pour les mois de février, mars, mai à juillet, septembre et novembre 2019 ainsi que plusieurs courriers de soutien rédigés par des connaissances domiciliées en Suisse.

21) Le 12 février 2021, il a produit une attestation de niveau A2 en langue française à l’oral.

22) Entendu par la police le 17 février 2021, M. A______ a déclaré être arrivé en Suisse en 2010 pour voir son frère, désormais domicilié dans le canton de Zurich. Interrogé quant au fait qu’il avait indiqué à plusieurs reprises être arrivé en Suisse en 2011, il a expliqué être effectivement arrivé en 2010, mais, n’ayant aucun justificatif pour le prouver, avoir décidé de déclarer être arrivé en 2011. Il n’avait pas respecté les deux décisions d’IES prononcées à son encontre, car il n’avait aucun autre endroit où aller. Dès lors que l’OCPM lui avait délivré une attestation de résidence, grâce à laquelle il avait d’ailleurs pu signer un contrat de bail dans le canton, il en avait déduit qu’il pouvait rester en Suisse. Il était en train de rembourser le montant de CHF 2'500.- dont il restait débiteur en raison des amendes qui lui avaient été infligées. Il voyait chaque semaine les membres de sa famille qui se trouvaient en Suisse et préférerait « mourir que partir » de Suisse. Il travaillait pour un employeur dont il ne souhaitait pas communiquer l’identité, qui le payait de la main à la main, tout en s’acquittant des charges sociales en sa faveur. Il était démuni d’assurance-maladie, faute de moyens financiers.

23) Par ordonnance pénale du 18 février 2021, le Ministère public l'a condamné à une peine pécuniaire de cent cinquante jours-amende, peine partiellement complémentaire à celles prononcées les 19 novembre 2015, 27 novembre 2017 et 12 novembre 2019, en raison d’infractions aux art. 115 al. 1 let. c de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), 116 al. 1 let. a LEI et 92 al. 1 let. a de la loi fédérale sur l'assurance-maladie du 18 mars 1994 (LAMal - RS 832.10) et d’une tentative d’infraction à l’art. 118 al. 1 LEI.

24) Par courrier du 9 mars 2021, M. A______ a transmis à l’OCPM un contrat de travail de durée indéterminée conclu avec F______ Sàrl, pour un travail à temps plein dès le 1er mars 2021 en qualité de plâtrier, moyennant un salaire horaire brut de CHF 28,50. Il a également requis la délivrance d’un visa de retour, afin de se rendre au Kosovo pour rendre visite à sa mère, qui souffrait d’une grave maladie.

25) Par décision du 30 avril 2021, l’OCPM a refusé de soumettre son cas au SEM avec un préavis positif, a prononcé son renvoi et lui a imparti un délai au 31 mai 2021 pour quitter la Suisse.

26) Le 2 mai 2021, il a sollicité – sans succès – la délivrance d’un visa de retour pour un mois, en vue de se rendre au Kosovo pour « raison familiale urgente » en lien avec ses parents. Le 6 juillet 2021, à la suite d’une nouvelle requête, il s’est vu délivrer un visa de retour valable trente jours, afin de se rendre au Kosovo pour raisons familiales.

27) Par acte du 2 juin 2021, M. A______ a recouru devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 30 avril 2021, concluant à son annulation et à ce qu’il soit autorisé à disposer d’un titre de séjour en Suisse, subsidiairement au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision. Il a également sollicité sa comparution personnelle.

La durée de son séjour de plus de neuf ans pouvait être qualifiée d’assez longue. Depuis début 2011, il avait exercé une activité lucrative de façon continue. Arrivé durant la période de « transition » que constituait l’adolescence, il avait « grandi » en Suisse, où il avait connu ses premières expériences professionnelles. La confiance qu’il s’était vu accorder par ses employeurs lui avait permis de devenir l’adulte indépendant qu’il était désormais. Les seules condamnations prononcées à son encontre se rapportaient à son séjour illégal. Financièrement indépendant, il était locataire d’un logement dans le canton et parlait le français. Il était très attaché à la Suisse, où il avait de nombreux amis, devenus comme sa propre famille, et avait réussi à créer un réseau professionnel important. Il n'avait plus aucun ami au Kosovo et n’aurait pas la possibilité d’y trouver un emploi. Les liens qu'il avait créés en Suisse étaient de nature à compliquer une réintégration dans son pays d’origine, compte tenu du fait qu’il n’y avait plus de soutien et que la majorité de sa famille résidait en Suisse.

28) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

29) Par pli du 4 octobre 2021, M. A______ a produit plusieurs documents, notamment ses fiches de salaire pour les mois de mars, avril et juin 2021, faisant état de revenus mensuels bruts oscillant entre CHF 4'475.40 et CHF 4'677.85, ainsi qu’un extrait de compte privé à son nom auprès de PostFinance SA pour les mois de juin et juillet 2021.

30) Par jugement du 21 décembre 2021, le TAPI a rejeté le recours.

L’intéressé ne pouvait se prévaloir d’une longue durée de séjour légal en Suisse ni d’une intégration socio-professionnelle exceptionnelle. En outre, sa réintégration au Kosovo ne paraissait pas compromise.

31) Par acte expédié le 1er février 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______ a recouru contre ce jugement, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu, préalablement, à son audition et, principalement, à l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

Il a produit de nouvelles pièces, dont l’extrait de son compte individuel AVS, ses fiches de salaires des trois dernières années, les récépissés du paiement de ses charges et un extrait vierge de l’office des poursuites. Il séjournait depuis 2011 en Suisse. Arrivé à l’âge de 19 ans, il avait passé les années importantes pour le développement de sa personnalité en Suisse. Ses condamnations ne pouvaient être prises en compte, dès lors qu’elles se rapportaient toutes à son séjour illégal. Son intégration était excellente. Il n’avait plus d’amis ni possibilités de travail au Kosovo. La majorité de sa famille résidait en Suisse. Les membres de sa famille restés au Kosovo ne pouvaient le soutenir en cas de retour, car ils avaient leurs propres préoccupations. Les techniques apprises dans son activité en Suisse ne pourraient être « appliquées forcément » au Kosovo. Il était resté à Genève, malgré les IES, car il y avait été contraint par manque d’opportunités dans son pays. Enfin, le TAPI avait violé son droit d’être entendu en ne convoquant pas d’audience de comparution personnelle des parties.

32) L’OCPM a conclu au rejet du recours.

33) Lors de l’audience, qui s’est tenue le 22 mars 2022 devant la chambre administrative, M. A______ a produit ses fiches de salaire et son certificat de salaire 2021. Il travaillait toujours auprès de F______ Sàrl pour un salaire brut d'environ CHF 50'000.- par année. Un de ses frères habitait en Suisse, l'autre en Slovaquie, sa sœur en Allemagne et ses parents et une autre sœur au Kosovo. Il avait rendu visite deux fois à ses parents en 2021, chaque fois pendant une semaine. Il avait environ une vingtaine de cousins qui habitaient en Suisse, à Genève, à Lausanne et à Annemasse, mais aussi à Bienne, à Bâle et à Zurich.

Il habitait en Suisse depuis décembre 2010 et y travaillait depuis 2011. Il n'avait pas fait de demande de séjour plus tôt car il ignorait qu’il devait la faire. Il avait fini par déposer une demande parce que la police lui avait posé la question de savoir pourquoi il ne l'avait pas fait. Il était en bonne santé.

Son avocat a indiqué qu’il n’avait appris qu'en début 2020 que son client avait fait l'objet d'une nouvelle ordonnance de condamnation pour séjour illégal en novembre 2019. Il avait également appris, une fois qu'elle était devenue définitive, l'existence d'une autre ordonnance de condamnation pour le même motif en février 2021. Son client avait tenté de conclure un contrat d'assurance-maladie, mais le courtier voulait encaisser le rétroactif pour faire remonter le contrat à une année. Il ne l'avait donc pas conclu.

34) Dans le délai imparti pour formuler d’ultimes observations, le recourant a produit des lettres de soutien de membres de sa famille résidant en Suisse. Il a également produit des exemples caviardés d’ordonnances de classement, voire de non-entrée en matière concernant des personnes poursuivies pour séjour illégal. Sa situation était similaire à celle des personnes ayant fait l’objet desdites ordonnances pénales. Dès lors qu’il les ignorait, il n’avait pas fait opposition aux ordonnances rendues à son encontre pour infractions à la LEI.

35) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Est litigieux le refus de l’OCPM de préaviser favorablement auprès du SEM une autorisation de séjour en faveur du recourant ainsi que son renvoi de Suisse.

a. Le 1er janvier 2019 est entrée en vigueur une modification de la loi fédérale sur les étrangers (LEtr - RS 142.20) et de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201). Conformément à l'art. 126 al. 1 LEI, les demandes déposées, comme en l'espèce, après le 1er janvier 2019 sont régies par le nouveau droit.

b. L'art. 30 al. 1 let. b LEI permet de déroger aux conditions d'admission en Suisse, telles que prévues aux art. 18 à 29 LEI, notamment aux fins de tenir compte des cas individuels d'une extrême gravité ou d'intérêts publics majeurs.

L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f) ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs, d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (directives LEI, état au 1er janvier 2021, ch. 5.6.12).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, et les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 consid. 4). Elles ne confèrent pas de droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/38/2019 du 15 janvier 2019 consid. 4c ; directives LEI, ch. 5.6).

c. La reconnaissance de l'existence d'un cas d'extrême gravité implique que l'étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine ou une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2).

La question est ainsi de savoir si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'intéressé, seraient gravement compromises (arrêts du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; 2C_369/2010 du 4 novembre 2010 consid. 4.1).

d. L'« opération Papyrus » développée par le canton de Genève a visé à régulariser la situation des personnes non ressortissantes UE/AELE bien intégrées et répondant à différents critères, à savoir, selon le livret intitulé « Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus » disponible sous https://www.ge.ch/regulariser-mon-statut-sejour-cadre-papyrus/criteres-respecter), avoir un emploi ; être indépendant financièrement ; ne pas avoir de dettes ; avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; faire preuve d'une intégration réussie ; absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Dans le cadre du projet pilote Papyrus, le SEM a procédé à une concrétisation des critères légaux en vigueur pour l'examen des cas individuels d'extrême gravité dans le strict respect des dispositions légales et de ses directives internes. Il ne s'agit pas d'un nouveau droit de séjour en Suisse ni d'une nouvelle pratique. Une personne sans droit de séjour ne se voit pas délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur parce qu'elle séjourne et travaille illégalement en Suisse, mais bien parce que sa situation est constitutive d'un cas de rigueur en raison notamment de la durée importante de son séjour en Suisse, de son intégration professionnelle ou encore de l'âge de scolarisation des enfants (ATA/1000/2019 du 11 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

L'« opération Papyrus » n'emporte en particulier aucune dérogation aux dispositions légales applicables à la reconnaissance de raisons personnelles majeures justifiant la poursuite du séjour en Suisse (art. 30 al. 1 let. b LEI), pas plus qu'à celles relatives à la reconnaissance d'un cas individuel d'extrême gravité (art. 31 al. 1 OASA), dont les critères peuvent entrer en ligne de compte pour l'examen desdites raisons personnelles majeures (ATA/584/2017 du 23 mai 2017 consid. 4c). L'« opération Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018.

e. En l’espèce, le recourant séjourne en Suisse depuis 2011. La durée de son séjour doit toutefois être relativisée, dès lors qu’il a été effectué dans l’illégalité et, en particulier, en contravention à la décision de renvoi de l’OCPM rendue en 2015 et aux deux IES prononcées en 2016 et en 2018.

Par ailleurs, l’intégration professionnelle du recourant ne saurait être qualifiée d’exceptionnelle au sens de la jurisprudence. Ses connaissances professionnelles acquises, notamment, en qualité de plâtrier n'apparaissent, en outre, pas spécifiques à la Suisse. L’allégation du recourant selon laquelle les techniques apprises en Suisse ne pourraient pas être « appliquées forcément » au Kosovo demeure très générale. Il ne précise pas en quoi ses connaissances de plâtrier ne lui seraient pas utiles dans son pays d’origine ni ne fournit de pièces, qui permettraient de retenir que tel serait le cas. Il convient donc de retenir qu’il sera en mesure d’utiliser au Kosovo ses compétences et son expérience professionnelles acquises en Suisse.

Le recourant ne fait l’objet d’aucune poursuite pour dettes, n’a pas recouru à l’aide sociale, est financièrement indépendant et a attesté d’une maîtrise du niveau débutant (A2) de la langue française à l’oral. Toutefois, il n’a pas respecté les décisions de renvoi et d’interdiction d’entrée rendues à son encontre. Il n’allègue pas non plus qu'il aurait tissé des liens amicaux et affectifs à Genève d'une intensité telle qu'il ne pourrait être exigé de sa part de poursuivre ses contacts par les moyens de télécommunication modernes. Par ailleurs, il ne soutient pas qu’il se serait investi dans la vie associative, culturelle ou sportive à Genève. Il ne peut ainsi se prévaloir d’une intégration sociale remarquable en Suisse.

Le recourant réside en Suisse depuis 2011, soit depuis l’âge de 19 ans. Il a ainsi passé au Kosovo toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d'adulte, soit les périodes déterminantes pour le développement de la personnalité. Il connaît les us et coutumes de son pays. En avril 2019, mai et juillet 2021, il a sollicité de l’OCPM la délivrance d’un visa de retour pour respectivement rendre visite à ses parents, « raison familiale majeure » et « raisons familiales ». Selon ses indications, ses parents et deux de ses sœurs vivent au Kosovo. Le recourant conserve ainsi des attaches affectives au Kosovo. Enfin, il est âgé de 30 ans, en bonne santé et n’a pas d’enfants. Dans ces circonstances, il n'apparaît pas que sa réintégration soit fortement compromise.

Son expérience professionnelle acquise en Suisse, son jeune âge, son bon état de santé et la présence de membres de sa famille constituent autant d'éléments qui lui permettront de se réintégrer dans son pays d’origine. Il traversera nécessairement, après plusieurs années d’absence de son pays, une phase de réadaptation. Cet élément ne suffit toutefois pas pour retenir que sa réintégration professionnelle et sociale serait gravement compromise. Sa situation n'est en tous cas pas si rigoureuse qu'on ne saurait exiger son retour au Kosovo.

Au vu de ce qui précède, le recourant ne se trouve pas dans une situation de raison personnelle majeure au sens de la loi. L'OCPM n'a donc pas violé la loi ni consacré un excès ou un abus de son pouvoir d'appréciation en refusant de préaviser favorablement une autorisation de séjour en faveur du recourant auprès du SEM.

Il est encore observé que l’« opération Papyrus » se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et, comme cela vient d’être retenu, le recourant ne remplit pas les conditions des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 al. 1 OASA. Il ne saurait donc se prévaloir de cette opération.

Enfin, la chambre de céans n’a pas à se prononcer sur le bien-fondé des ordonnances de condamnation rendues à l’encontre du recourant pour infractions à la LEI ; ces questions ne relèvent pas de sa compétence. Elle ne s’est, au demeurant, pas fondée sur celles-ci dans son arrêt.

3) a. Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité compétente rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée. Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence du rejet d'une demande d'autorisation (ATA/1798/2019 du 10 décembre 2019 consid. 6 et les arrêts cités). Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui-ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI).

b. En l'espèce, dès lors qu'il a, à juste titre, refusé l’octroi d’une autorisation de séjour au recourant, l'intimé devait prononcer son renvoi. Pour le surplus, aucun motif ne permet de retenir que le renvoi du recourant ne serait pas possible, licite ou ne pourrait raisonnablement être exigé ; celui-ci ne le fait d'ailleurs pas valoir.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

4) Vu l'issue du recours, un émolument de CHF 400.- sera mis à la charge du recourant et aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 1er février 2022 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 21 décembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Michel Celi Vegas, avocat du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :


la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.