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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1600/2020

ATA/891/2021 du 31.08.2021 sur JTAPI/748/2020 ( LCR ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1600/2020-LCR ATA/891/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 31 août 2021

2ème section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Samir Djaziri, avocat

contre

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 septembre 2020 (JTAPI/748/2020)


EN FAIT

1) Le 27 avril 2020, le service cantonal des véhicules (ci-après : SCV) a prononcé une décision interdisant à Monsieur A______, domicilié à B______ (France), de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre définitif, soit au minimum cinq ans, en application de l'art. 16c de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR - RS 741.01).

Il lui était reproché d'avoir conduit malgré une mesure d'interdiction de faire usage du permis de conduire étranger sur le territoire suisse et en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié, soit une alcoolémie minimum au moment critique de 1,87 ‰ le 20 février 2020 à 03h15, sur la route de Meyrin, en direction de Genève, au volant d'une voiture.

Il était également indiqué que M. A______ était déjà sous le coup d'une mesure d'interdiction de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse pour une durée indéterminée, mais au minimum deux ans, mesure prononcée le 15 avril 2016.

2) Le 5 mai 2020, le Ministère public a reconnu l'intéressé coupable de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié et de conduite sous retrait du permis de conduire.

3) M. A______ a formé opposition contre cette ordonnance pénale le 26 mai 2020.

4) Le 5 juin 2020, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision du 27 avril 2020, concluant à son annulation.

À l'appui de son recours, M. A______ s'est contenté de faire valoir qu'il « s'attachera[it] à démontrer par le présent recours qu'il n'a[vait] commis aucune infraction et que la procédure [devait] être suspendue jusqu'à droit jugé sur la procédure pénale concernant les mêmes faits ».

5) Le 12 juin 2020, le TAPI a accusé réception de cet acte par pli recommandé et a imparti à M. A______ un délai au 22 juin 2020, sous peine d'irrecevabilité, pour compléter son acte de recours, afin de satisfaire aux exigences légales, notamment sous l'angle de l'exigence de la motivation.

Il lui a également imparti un délai au 13 juillet 2020 pour verser un montant de CHF 500.- à titre d'avance de frais.

6) Le 22 juin 2020, par courrier recommandé parvenu au greffe du TAPI le lendemain, le conseil du recourant a sollicité une prolongation du délai au 26 juin 2020 pour compléter son recours, invoquant une surcharge de travail et l'attente d'informations de la part de son client.

7) Le 26 juin 2020, le TAPI a refusé d'accorder à M. A______ un délai supplémentaire pour compléter son recours.

8) Le même jour, par courrier recommandé parvenu au TAPI le 29 juin 2020, M. A______ a transmis un complément à son recours.

9) Par jugement du 7 septembre 2020, le TAPI a déclaré le recours irrecevable.

L'acte de recours, bien que rédigé par un avocat, ne contenait aucune motivation et ne permettait pas de comprendre en quoi M. A______ contestait la décision du SCV, se contentant d'indiquer qu'il contestait avoir commis les infractions qui lui étaient reprochées, sans autre explication.

Invité à compléter ses écritures, M. A______ n'y avait pas donné suite avant l'échéance du délai fixé au 22 juin 2020. Ce jour-là, son conseil, invoquant une surcharge de travail et le fait qu'il était dans l'attente d'informations de la part de son client, s'était limité à solliciter une prolongation du délai. Cette requête avait été rejetée par courrier du 26 juin 2020.

10) Le 9 octobre 2020, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant préalablement à la restitution de l'effet suspensif au recours et, principalement, à l'annulation du jugement entrepris, au renvoi de la cause au TAPI pour nouvelle décision et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Il contestait avoir commis les infractions du 20 février 2020 qui lui étaient reprochées. Ses intérêts étaient manifestement menacés par la décision attaquée et aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'opposait à la restitution de l'effet suspensif, dans la mesure où il faisait déjà l'objet d'une décision d'interdiction de circuler sur le territoire suisse pour une durée indéterminée mais d'au minimum deux ans. Sur le fond, la motivation contenue dans l'acte de recours était suffisante. Par ailleurs, le délai qui lui avait été octroyé pour compléter son recours était manifestement trop bref, étant d'au maximum sept jours.

11) Le 27 octobre 2020, le SCV a conclu au rejet de la demande de restitution de l'effet suspensif.

12) Par décision présidentielle du 10 novembre 2020, la chambre administrative a refusé de restituer l'effet suspensif au recours, en tant que la demande était recevable.

Le recourant étant déjà sous le coup d'une mesure de même type que celle attaquée, et toujours en force, sa demande de restitution de l'effet suspensif apparaissait dénuée d'intérêt pratique et donc irrecevable. Dans tous les cas, ce n'était que sous réserve de circonstances particulières que l'effet suspensif pouvait être restitué dans la présente affaire. Le recourant n'en invoquait toutefois aucune, et il n'en résultait pas plus de la lecture du dossier, si bien que la restitution de l'effet suspensif devait de toute façon être refusée.

13) Le 17 novembre 2020, le SCV a indiqué n'avoir pas d'observations à formuler sur le fond du recours.

14) Le 18 décembre 2020, le recourant a persisté dans son recours et ses conclusions et transmis copie d'un procès-verbal d'audience ayant eu lieu la veille par-devant le Tribunal de police dans le cadre de la procédure pénale.

15) Le 18 janvier 2021, la chambre administrative a invité le recourant à signaler tout nouveau développement dans la procédure pénale.

16) Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le présent litige porte sur l'irrecevabilité du recours du 5 juin 2020 prononcée par le TAPI, à défaut de motivation suffisante dans le délai imparti. Le recourant estime quant à lui que la motivation contenue dans son acte de recours était suffisante, et que le délai qui lui a été octroyé pour le compléter était manifestement trop court.

3) a. Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs, ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d'irrecevabilité (al. 2).

b. Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, il convient de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions de la personne recourante. Le fait que ces dernières ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est pas en soi un motif d'irrecevabilité, pourvu que le tribunal et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins de la personne recourante. Une requête en annulation d'une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où la personne recourante a de manière suffisante manifesté son désaccord avec la décision, ainsi que sa volonté qu'elle ne développe pas d'effets juridiques (ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 2b).

c. Quant à l'exigence de la motivation au sens de l'art. 65 al. 2 LPA, elle a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l'objet du litige qui lui est soumis et de donner l'occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s'en prend à la décision litigieuse. L'exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (ATA/193/2021 du 23 février 2021 consid. 2c les références citées).

La motivation doit être en relation avec l’objet du litige et le recourant doit se référer à des motifs qui entrent dans le pouvoir d’examen de l’autorité de recours (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2ème éd., 2015, p. 551).

Le Tribunal fédéral a, pour sa part, confirmé qu’il faut pouvoir déduire de l’acte de recours sur quels points et pour quelles raisons la décision entreprise est contestée, ce que le recourant demande et sur quels faits il entend se fonder. Une brève motivation est suffisante à condition toutefois que les motifs avancés se rapportent à l’objet de la contestation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.143/2005 du 21 avril 2005 ; ATA/656/2015 du 23 juin 2015).

Il serait contraire au texte même de la loi de renoncer à ces exigences minimales (ATA/1634/2017 du 19 décembre 2017 consid. 1 ; ATA/216/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/632/2005 du 27 septembre 2005).

d. Le délai imparti par l'autorité peut être prolongé pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA). La restitution pour inobservation d'un délai imparti par l'autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d'agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l'empêchement a cessé (art. 16 al. 3 LPA).

Constituent des cas de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de la personne concernée et qui s'imposent à elle de façon irrésistible (ATA/1591/2019 du 29 octobre 2019 consid. 2c). L'art. 16 al. 3 LPA ne s'applique qu'aux délais fixés par l'autorité, et non aux délais légaux (ATA/608/2016 du 12 juillet 2016 consid. 3).

4) En l'espèce, le recours du 5 juin 2020, qui a été rédigé par un avocat, est dirigé contre une décision datant du 27 avril 2020. Il n'est pas contesté qu'il a été déposé dans le délai de recours, soit le dernier jour de celui-ci. S'il apparaît, à la lecture des conclusions du recourant, que celui-ci sollicite l'annulation de la décision entreprise, il n'est en revanche pas possible de comprendre, sans autre explication, pour quel motif. Le seul élément qui ressort du recours litigieux est que, dans la mesure où le recourant conteste avoir commis les infractions qui lui sont reprochées et qui ont conduit au prononcé de la décision, cette dernière serait injustifiée.

C'est ainsi à juste titre que le TAPI a attiré l'attention du recourant sur le risque d'irrecevabilité de son recours et lui a imparti, le 12 juin 2020, un délai de dix jours, soit au 22 juin 2020, pour compléter la motivation de son recours.

Le conseil du recourant a toutefois attendu l'échéance de ce délai, non pas pour donner suite à la requête de l'instance précédente, mais pour solliciter un délai supplémentaire de quatre jours en raison d'une surcharge de travail et de l'attente d'informations complémentaires de son client.

Le TAPI a rejeté cette requête en indiquant, à raison, que la règle prévue à l'art. 65 al. 2 2ème phrase LPA était du seul ressort de la juridiction concernée et ne constituait pas une faculté pour le recourant de s'affranchir de son obligation de déposer un recours satisfaisant aux exigences légales tout en requérant un délai supplémentaire pour y procéder et, de cette façon, contourner la portée impérative du délai de recours fixé par la loi.

Dans ces circonstances et ne pouvant pas prendre en considération l'acte complémentaire déposé après le délai de grâce le 26 juin 2020, le TAPI ne pouvait pas comprendre pour quelle raison le recourant entendait contester la décision du 27 avril 2020, faute de motivation en lien avec l'objet de la contestation.

Le recourant se plaint que le délai supplémentaire que lui a octroyé le TAPI était trop court. Le courrier daté du 12 juin 2020 ne lui étant parvenu que le lundi 15 juin 2020, il avait disposé d'un délai d'à peine sept jours pour compléter son recours au 22 juin 2020. Or, le recourant n'allègue pas que lui ou son conseil auraient été empêchés d'agir en raison d'un cas de force majeure. Dans de telles circonstances ordinaires, le fait qu'une juridiction administrative octroie à un recourant un délai de dix jours, week-ends inclus, pour compléter son recours n'apparaît ni inhabituel, ni choquant, étant précisé que ce délai doit permettre au recourant de compléter les éventuelles lacunes de son recours et non de le rédiger au-delà du délai légal de recours. C'est du reste pour cette dernière raison, et donc par souci d'égalité de traitement entre justiciables, que le texte même de l'art. 65 al. 2 LPA prévoit que le délai octroyé pour remédier aux défauts d'un acte de recours est bref ; la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) est, par comparaison, encore plus stricte à cet égard, le défaut de motivation n'étant pas un vice réparable en vertu de l'art. 42 al. 5 LTF (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_781/2017 du 15 novembre 2017).

Partant, dans la mesure où le recours du 5 juin 2020 devait être déclaré irrecevable, le recours contre le jugement du TAPI du 7 septembre 2020 sera rejeté.

5) Au vu de l'issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 9 octobre 2020 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 7 septembre 2020 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu'aucune indemnité de procédure n'est allouée ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir Djaziri, avocat du recourant, au service cantonal des véhicules ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :