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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3491/2020

ATA/550/2021 du 25.05.2021 ( PROF ) , ADMIS

Normes : LLCA.2.al2; LLCA.27.al1; LLCA.28; LPAv.22; Directive 1998/5/CE.1.al2; Directive 1998/5/CE.2; Directive 1998/5/CE.3; Cst.8
Résumé : Recours contre le refus d'inscription du recourant, avocat brésilien également inscrit en tant qu'« advogado » au barreau portugais, au tableau des avocats UE/AELE. La seule condition d'inscription au tableau des avocats UE/AELE correspond à l'exigence que le ressortissant UE/AELE soit inscrit dans un État membre de l'UE ou de l'AELE sous l'un des titres mentionnés dans l'annexe à la LLCA. Condition en l'espèce réalisée, de sorte que le recourant doit être admis à exercer en Suisse sous son titre d'« advogado » portugais, comme l'avait d'ailleurs admis la commission du barreau dans quatre autres cas. Violation des principes de la légalité et de l'égalité de traitement. Recours admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3491/2020-PROF ATA/550/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 25 mai 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

COMMISSION DU BARREAU

 



EN FAIT

1) Par demande parvenue au greffe de la commission du barreau (ci-après : la commission) le 6 juillet 2020, Monsieur A______, ressortissant brésilien et allemand travaillant comme collaborateur au sein d'une étude d'avocats à Genève, a sollicité son inscription au tableau des avocats des États membres de l'Union européenne (ci-après : UE) ou de l'Association européenne de libre échange (ci-après : AELE) autorisés à pratiquer la représentation en justice en Suisse de manière permanente sous leur titre d'origine (ci-après : le tableau des avocats UE/AELE).

Il était inscrit depuis le 10 avril 2019 en tant qu'« advogado » au barreau de Lisbonne. La législation portugaise permettait aux avocats brésiliens dont la formation académique supérieure avait été conclue au Brésil ou au Portugal de s'inscrire auprès du barreau portugais sur la base du principe de réciprocité entre les deux États, mais pour autant que certaines conditions soient remplies, notamment l'approbation aux examens au barreau brésilien. Le principe de réciprocité dispensait un avocat brésilien de passer l'examen du barreau et d'effectuer le stage d'avocat au Portugal pour être admis en tant qu'avocat portugais. Il avait sur cette base été admis au barreau portugais et était détenteur d'un titre d'avocat dans ce pays. Ce titre accordait à son bénéficiaire une autorisation illimitée, pleine et effective de pratiquer le métier d'avocat et une admission sans restriction. Il ne s'agissait pas d'une autorisation permettant de pratiquer sous un titre d'origine. Dès lors qu'il remplissait toutes les conditions de l'admission au barreau portugais, son titre d'avocat portugais était son titre d'origine.

2) Par décision du 29 septembre 2020, notifiée le 1er octobre 2020, la commission a refusé de donner une suite positive à la requête de M. A______ d'inscription au tableau des avocats UE/AELE.

Il avait obtenu son baccalauréat universitaire en droit au Brésil, soit un État non membre de l'UE/AELE. Le fait que son diplôme avait été délivré par une université reconnue au Brésil et qu'il avait réussi les examens d'admission au barreau brésilien lui avait permis de remplir les conditions requises par le barreau portugais pour son admission en tant qu'avocat de ce pays. Il n'avait toutefois pas acquis sa qualification professionnelle dans un État membre. Le titre professionnel d'origine était celui de l'État membre dans lequel la qualification professionnelle avait été acquise, ce que confirmait une jurisprudence de l'ancien Tribunal administratif. M. A______ était reconnu comme avocat au Portugal en application du principe de réciprocité liant le Brésil et le Portugal.

3) Le 1er octobre 2020, M. A______ s'est adressé par courriel à la commission, s'interrogeant sur l'existence d'un éventuel malentendu relatif à sa situation. Trois personnes ayant étudié au Brésil et ayant été admises au barreau portugais de la même manière que lui étaient inscrites au tableau des avocats UE/AELE. Il ne comprenait pas pourquoi son inscription lui était refusée. Il travaillait en Suisse depuis six ans et avait effectué un doctorat à l'Université de Saint-Gall. L'étude qui l'employait s'attendait à ce qu'il obtienne l'autorisation de la commission et il se trouvait dans une position difficile.

4) Le 15 octobre 2020, la commission a décidé de maintenir sa décision du 29 septembre 2020.

5) Par acte du 2 novembre 2020, M. A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 29 septembre 2020.

Plusieurs avocats avaient été admis au barreau genevois après avoir été, tout comme lui, admis à la fois aux barreaux brésiliens et portugais. Une telle situation ne semblait pas non plus avoir posé de problème à Zurich, en Allemagne et en France.

Les pièces produites à l'appui de sa requête démontraient qu'il était un avocat à part entière au Portugal, habilité à exercer sans aucune restriction, au même titre que tous les avocats de ce pays. La législation portugaise ne faisait aucune différence s'agissant du lieu où l'avocat avait étudié, que ce soit au Portugal ou au Brésil.

La jurisprudence citée par la commission concernait la distinction entre des titres original et secondaire. Ce cas était différent du sien, dès lors qu'il concernait un avocat roumain autorisé à pratiquer le droit à Malte et que les lois de ces deux pays n'avaient pas de liens. Cet avocat n'avait pas été admis à pratiquer à Malte devant les tribunaux, mais seulement autorisé à pratiquer sous son titre original, soit le titre roumain.

Toutes les conditions d'inscription au tableau des avocats UE/AELE étaient réalisées.

6) À l'occasion d'un échange de courriels intervenu entre les 16 et 22 novembre 2020, M. A______ a demandé à la commission de reconsidérer sa décision, notamment en raison du fait que son cas ne s'apparentait pas à celui de l'avocat roumain, dès lors qu'il avait été admis comme avocat au barreau portugais sans restriction. Les avocats inscrits au barreau genevois alors qu'ils se trouvaient dans la même situation avaient obtenu l'autorisation après le cas de l'avocat roumain.

La commission a indiqué que ces arguments seraient examinés à l'occasion de la prochaine séance plénière, étant précisé qu'il n'y avait pas de malentendu puisque le fait que M. A______ était admis à pratiquer au barreau portugais n'était pas mis en doute par la décision contestée.

7) Par réponse du 21 décembre 2020, la commission s'est référée à sa décision.

S'agissant de l'inégalité de traitement invoquée par M. A______, il appartenait à la commission de procéder à la vérification des conditions d'inscription des avocats au registre cantonal. Dans ce contexte, elle était appelée à examiner les demandes des avocats inscrits au tableau des avocats UE/AELE qui, après une activité de trois ans au moins sous leur titre professionnel d'origine, sollicitaient leur inscription au registre cantonal des avocats. Or, son attention avait été attirée sur le fait que certains avocats inscrits par ce biais ne maîtrisaient aucune des langues nationales de manière suffisante ou avaient une connaissance insuffisante du droit suisse, ce qui rendait problématique leur exercice de la profession devant les tribunaux. Dès lors, la commission se montrait désormais exigeante, procédant à l'audition de chaque personne sollicitant son inscription au registre cantonal des avocats et exigeant, conformément aux conditions d'inscription au tableau des avocats UE/AELE, que le titre professionnel d'origine ait été acquis dans un État membre de l'UE/AELE.

8) Le 20 janvier 2021, M. A______ a répliqué.

C'était bien son inscription au tableau des avocats UE/AELE qu'il sollicitait et non son inscription au registre des avocats genevois.

9) a. Le 23 mars 2021, en réponse à la demande de la juge déléguée, la commission a indiqué qu'il y avait alors cinq avocats inscrits au tableau des avocats UE/AELE autorisés à pratiquer la représentation en justice de manière permanente sous leur titre d'origine portugais, dont quatre avaient obtenu leur titre professionnel au Brésil. Seul le premier cas avait fait l'objet d'un examen par la commission plénière le 10 octobre 2016, les autres ayant été inscrits au bénéfice d'une pratique résultant du premier cas. Dans la présente affaire, la commission considérait que les conditions légales d'inscription de M. A______ n'étaient pas réunies pour les motifs déjà indiqués.

b. Elle a versé à la procédure les dossiers d'inscription des quatre avocats portugais inscrits au tableau des avocats UE/AELE sous leur titre d'origine portugais mais ayant initialement obtenu leur titre professionnel au Brésil.

10) Dans ses observations expédiées le 14 avril 2021, M. A______ a souligné que les quatre dossiers soumis par la commission concernaient des situations identiques à la sienne et a persisté dans son recours.

11) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi sur la profession d'avocat du 26 avril 2002 - LPAv - E 6 10 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'intimée refusant d'inscrire le recourant au tableau des avocats UE/AELE.

3) a. La loi fédérale sur la libre circulation des avocats du 23 juin 2000 (LLCA - RS 935.61) garantit la libre circulation des avocats et fixe les principes applicables à l'exercice de la profession d'avocat en Suisse (art. 1). Elle détermine notamment les modalités selon lesquelles les avocats ressortissants des États membres de l'UE peuvent pratiquer la représentation en justice (art. 2 al. 2). Les art. 27 à 29 LLCA règlent l'exercice permanent de la profession d'avocat, sous le titre d'origine, par les avocats ressortissants des États membres de l'UE.

L'avocat ressortissant d'un État membre de l'UE ou de l'AELE habilité à exercer dans son État de provenance sous un titre figurant en annexe - au Portugal, le titre « advogado » - peut pratiquer la représentation en justice en Suisse à titre permanent, sous son titre professionnel d'origine, après s'être inscrit au tableau (art. 27 al. 1 LLCA et annexe LLCA).

L'autorité de surveillance tient un tableau public des avocats des États membres de l'UE ou de l'AELE autorisés à pratiquer la représentation en justice en Suisse de manière permanente sous leur titre d'origine (art. 28 al. 1 LLCA). L'avocat s'inscrit auprès de l'autorité de surveillance du canton sur le territoire duquel il a une adresse professionnelle. Il établit sa qualité d'avocat en produisant une attestation de son inscription auprès de l'autorité compétente de son État de provenance ; cette attestation ne doit pas dater de plus de trois mois (art. 28 al. 2 LLCA).

L'avocat désireux de figurer sur le tableau des avocats UE/AELE doit adresser une demande écrite, accompagnée de l'attestation requise, à la commission (art. 22 al. 1 LPAv). La commission peut déléguer l'examen des conditions d'inscription et l'inscription au tableau des avocats UE/AELE à son secrétariat (art. 22 al. 2 et 21 al. 2 p. a. LPAv).

b. La conclusion de l'accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) a impliqué pour la Suisse de régler dans la LLCA les modalités d'accès aux activités d'avocat en Suisse pour les avocats ressortissants des États membres de l'UE, en transposant en droit suisse la réglementation communautaire pertinente, soit notamment la directive 98/5/CE du parlement européen et du Conseil de l'UE du 16 février 1998 visant à faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (ci-après : la directive 98/5/CE ; art. 9 ALCP ; art. 1 annexe III ALCP ; point 3 section A annexe III ALCP ; FF 1999 5331 p. 5339, 5358, 5375 et 5387). Cette directive autorise l'avocat d'un État membre à exercer dans tout autre État membre sous son titre professionnel d'origine les mêmes activités professionnelles que celles de l'avocat exerçant sous le titre professionnel de l'État membre d'accueil. Cette activité sous le titre d'origine est soumise à la condition que l'avocat migrant s'inscrive auprès de l'autorité compétente de l'État d'accueil (FF 1999 5331 p. 5341).

Les art. 27 à 29 LLCA règlent ainsi l'exercice permanent de la profession d'avocat, sous le titre d'origine, par les avocats ressortissants des États membres de l'UE conformément à la directive 98/5/CE (FF 1999 5331 p. 5378). L'avocat qui entend exercer sous son titre d'origine s'annonce auprès de l'autorité de surveillance du canton dans lequel il dispose d'une adresse professionnelle. Sur la base d'une attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente de l'État de provenance, l'autorité de surveillance l'inscrit sur un tableau qui ne comprend que les avocats des États membres de l'UE exerçant sous leur titre d'origine (FF 1999 5331 p. 5379).

c. La directive 98/5/CE a pour objet de faciliter l'exercice permanent de la profession d'avocat à titre indépendant ou salarié dans un État membre autre que celui dans lequel a été acquise la qualification professionnelle (art. 1 al. 1 directive 98/5/CE).

On entend par « avocat » toute personne, ressortissant d'un État membre, habilitée à exercer ses activités professionnelles sous l'un des titres professionnels mentionnés - parmi lesquels, pour le Portugal, celui d'« advogado » - (let. a), par « État membre d'origine » l'État membre dans lequel l'avocat a acquis le droit de porter l'un des titres professionnels visés à la let. a, avant d'exercer la profession d'avocat dans un autre État membre (let. b) et par « titre professionnel d'origine » le titre professionnel de l'État membre dans lequel l'avocat a acquis le droit de porter ce titre avant d'exercer la profession d'avocat dans l'État membre d'accueil (let. d ; art. 1 al. 2 directive 98/5/CE).

Tout avocat a le droit d'exercer à titre permanent, dans tout autre État membre, sous son titre professionnel d'origine, les activités d'avocat telles que précisées à l'art. 5 directive 98/5/CE (art. 2 directive 98/5/CE).

L'avocat voulant exercer dans un État membre autre que celui où il a acquis sa qualification professionnelle est tenu de s'inscrire auprès de l'autorité compétente de cet État membre (art. 3 al. 1 directive 98/5/CE). L'autorité compétente de l'État membre d'accueil procède à l'inscription de l'avocat au vu de l'attestation de son inscription auprès de l'autorité compétente de l'État membre d'origine. Elle peut exiger que cette attestation délivrée par l'autorité compétente de l'État membre d'origine n'ait pas, lors de sa production, plus de trois mois de date. Elle informe l'autorité compétente de l'État membre d'origine de cette inscription (art. 3 al. 2 directive 98/5/CE).

4) a. Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'UE (ci-après : CJUE), la présentation à l'autorité compétente de l'État membre d'accueil d'une attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente de l'État membre d'origine apparaît comme l'unique condition à laquelle doit être subordonnée l'inscription de l'intéressé dans l'État membre d'accueil lui permettant d'exercer dans ce dernier État membre sous son titre professionnel d'origine (arrêts de la CJUE Monachos Eirinaios, C-431/17, du 7 mai 2019, § 27 ; Torresi, C-58/13 et C-59/13, du 17 juillet 2014, § 39). Dès lors, il y a lieu de considérer que les avocats qui ont acquis le droit de porter ce titre professionnel dans un État membre et qui présentent à l'autorité compétente de l'État membre d'accueil l'attestation de leur inscription auprès de l'autorité compétente de ce premier État membre, doivent être considérés comme remplissant toutes les conditions nécessaires à leur inscription auprès de l'autorité compétente de l'État membre d'accueil, sous leur titre professionnel obtenu dans l'État membre d'origine (arrêts de la CJUE Monachos Eirinaios précité, § 28).

b. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 28 al. 2 LLCA exige uniquement, comme condition préalable à l'inscription au tableau de avocats UE/UALE, que l'avocat apporte la preuve de son aptitude à exercer la profession d'avocat au moyen d'une attestation d'inscription auprès de l'autorité compétente de l'État d'origine (arrêt du Tribunal fédéral A.536/2003 du 9 août 2004 consid. 4.1). C'est sur la base de cette attestation que l'autorité compétente de l'État d'accueil procède à l'inscription de l'avocat étranger (arrêt du Tribunal fédéral 2C_874/2016 du 23 décembre 2016 consid. 7.2).

c. La chambre administrative a eu l'occasion d'examiner l'affaire d'un avocat, ressortissant de France et inscrit au barreau roumain, qui demandait son inscription au tableau des avocats UE/AELE en se fondant sur son inscription au barreau de Malte. L'intéressé faisait valoir une attestation selon laquelle il était autorisé à la pratique de la profession juridique sous le titre de son pays d'origine, lequel ne pouvait, en toute logique, être Malte et une seconde attestation qui ne correspondait pas à un titre d'origine. La chambre administrative a dès lors conclu que le recourant n'avait pas établi à satisfaction que le titre maltais dont il se prévalait correspondait à son titre professionnel d'origine visé par la LLCA (ATA/584/2009 du 10 novembre 2009 consid. 11).

5) Une décision ou un arrêté viole le principe de l'égalité de traitement garanti par l'art. 8 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. La question de savoir si une distinction juridique repose sur un motif raisonnable peut recevoir une réponse différente selon les époques et suivant les conceptions, idéologies et situations du moment (ATF 145 I 73 consid. 5.1 ; 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_468/2019 du 8 juin 2020 consid. 3.1).

6) a. La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/304/2021 du 9 mars 2021 consid. 6a).

b. Un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c'est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit, mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d'une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d'un changement de circonstances extérieures, de l'évolution des conceptions juridiques ou des moeurs. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu'ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 135 I 79 consid. 3 ; 132 III 770 consid. 4 ; 127 I 49 consid. 3c ; 127 II 289 consid. 3a ; ATA/304/2021 précité consid. 6a).

7) En l'espèce, l'intimée a refusé l'inscription du recourant, ressortissant européen ayant le titre d'« advogado » au Portugal, au tableau des avocats UE/AELE, car il avait obtenu sa qualification professionnelle hors de l'UE/AELE et été reconnu comme avocat au Portugal uniquement en application du principe de la réciprocité liant le Brésil et le Portugal.

Cependant, d'une part, contrairement à ce qui prévalait dans l'ATA/584/2009 précité, le recourant n'est pas uniquement autorisé à exercer au Portugal sous son titre brésilien, mais s'est vu attribuer le titre portugais lui-même, de sorte que ce précédent n'est pas applicable dans le cas d'espèce, contrairement à ce qu'a retenu l'intimée.

D'autre part, il ressort de la LLCA, son annexe et ses travaux préparatoires, de la directive 98/5/CE et de la jurisprudence, tant européenne que du Tribunal fédéral, que la seule condition d'inscription au tableau des avocats UE/AELE correspond à l'exigence que le ressortissant UE/AELE soit inscrit dans un État membre de l'UE ou de l'AELE sous l'un des titres mentionnés dans l'annexe à la LLCA. Ce dernier constitue son titre professionnel d'origine. Il s'agit de l'unique fait concernant ses qualifications professionnelles dont il doit apporter la preuve par une attestation au sens de l'art. 28 al. 2 LLCA datant de moins de trois mois.

Or, le recourant, ressortissant notamment d'Allemagne, a démontré, par une attestation datant de moins de trois mois au moment du dépôt de la demande auprès de l'intimée, être inscrit en tant qu'avocat au barreau portugais.

Ce qui précède suffit à l'inscription du recourant au tableau des avocats UE/AELE et aurait donc dû conduire l'intimée à admettre le recourant à exercer en Suisse de manière permanente sous son titre d'origine, soit le titre d'« advogado » portugais.

L'intimée admet d'ailleurs avoir par le passé donné suite à la demande d'inscription au tableau des avocats UE/AELE de quatre avocats inscrits au barreau portugais ayant initialement obtenu leur titre professionnel au Brésil, ne contestant pas le fait que ces quatre cas sont similaires à celui du recourant, comme le confirment du reste leurs dossiers versés à la procédure.

La commission affirme néanmoins qu'elle exigerait désormais que le titre professionnel d'origine ait été acquis dans un État membre de l'UE/AELE, car son attention avait été attirée sur le fait que certains avocats ayant pu être inscrits au registre cantonal des avocats par le biais de l'art. 30 al. 1 let. b LLCA ne maîtrisaient aucune des langues nationales de manière suffisante ou avaient une connaissance insuffisante du droit suisse, rendant problématique l'exercice de la profession devant les instances helvétiques.

Si les soucis invoqués par l'intimée apparaissent compréhensibles et légitimes, la loi est claire et la nouvelle pratique dont elle se prévaut se heurte à celle-là, en ajoutant une condition qui n'y est pas prévue. En outre, cette pratique n'est pas de nature à répondre aux préoccupations exprimées par l'autorité intimée. Dite pratique est ainsi contraire au principe de la légalité, l'ajout d'une condition supplémentaire n'incombant pas à l'autorité d'application mais au législateur.

Il sera au surplus relevé que le souci de la commission ne s'inscrit pas dans le cadre de l'inscription au tableau des avocats UE/AELE, mais se rapporte à l'inscription au registre des avocats pour laquelle l'art. 30 LLCA requiert un examen différent de celui prévu par les art. 27 et 28 LLCA, en particulier en exigeant une activité effective et régulière en droit suisse.

Au vu de ce qui précède, l'intimée a traité différemment le recourant, dont la situation est pourtant identique à celle de quatre avocats inscrits au barreau portugais ayant initialement obtenu leur qualification professionnelle au Brésil, ceci en opérant un changement de pratique contraire à la loi. Ce faisant, elle a violé les principes de la légalité et de l'égalité de traitement.

Dans ces circonstances, le recours sera admis. La décision entreprise sera annulée et le dossier sera renvoyé à l'intimée pour inscription du recourant au tableau des avocats UE/AELE.

8) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure, le recourant n'étant pas représenté et n'y ayant pas conclu (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 novembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision de la commission du barreau du 29 septembre 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission du barreau du 29 septembre 2020 ;

renvoie le dossier à la commission du barreau pour nouvelle décision au sens des considérants ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______, à la commission du barreau ainsi qu'à l'ordre des avocats.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mme Lauber, M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :