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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2700/2020

ATA/113/2021 du 02.02.2021 ( PATIEN ) , ADMIS

Recours TF déposé le 26.02.2021, rendu le 02.03.2021, IRRECEVABLE, 2C_204/2021
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2700/2020-PATIEN ATA/113/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 février 2021

 

dans la cause

 

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE

contre

COMMISSION DE SURVEILLANCE DES PROFESSIONS DE LA SANTÉ ET DES DROITS DES PATIENTS

et

Madame A______



EN FAIT

1) Le 10 août 2012 dans la matinée, Madame A______ a présenté son fils B______ , né le ______ 2011, aux urgences pédiatriques des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG). Après examen, il s'est avéré que l'enfant était afébrile et un diagnostic de virose des voies respiratoires supérieures a été posé, pour laquelle il a reçu une prescription de paracétamol et d'ibuprofène sous forme de sirop, avant de regagner leur domicile.

Le même jour vers 15h. 30, l'enfant a été hospitalisé dans le service de chirurgie pédiatrique des HUG en raison de brûlures des mains et des pieds, sur une surface corporelle de 3 % après avoir marché pieds nus sur une sculpture en verre, chauffée au soleil, au Jardin anglais.

Un pansement des blessures a été effectué sous anesthésie générale le 12 août 2012. L'état général de l'enfant a baissé le lendemain. Le 14 août 2012, B______ a été repris au bloc, une nouvelle fois sous anesthésie générale, pour la réfection du pansement. À la suite de cette deuxième intervention, les bilans sanguins ont révélé un ammonium augmenté, de tests hépatiques péjorés ainsi qu'une acidose métabolique aggravée. L'enfant a été admis aux soins intensifs le 15 août 2012. Le diagnostic d'hépatite fulminante d'origine indéterminée avec encéphalopatie a été posé. L'enfant est sorti des soins intensifs le 17 août 2012 et est rentré à domicile le 27 août 2012.

2) Mme A______ a déposé plainte pénale le 22 octobre 2012 contre inconnus pour mise en danger de la vie d'autrui et lésions corporelles graves par négligence. Son fils avait été victime d'une réaction allergique à une substance anesthésique. Ce nonobstant, une seconde anesthésie générale avait été pratiquée sur l'enfant.

3) Le 23 novembre 2016, Mme A______ a saisi la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients (ci-après : la commission). Les droits de patient de son fils avaient été violés et son consentement n'avait pas été requis pour les deux opérations qu'il avait subies.

4) Le 25 janvier 2017, elle a amplifié sa requête : les HUG n'avaient pas signalé à Swissmedic les effets indésirables du Sevoflurane utilisé lors des anesthésies de son fils.

5) Par décision du 8 novembre 2017, la sous-commission 1 de la commission a suspendu l'instruction de la cause jusqu'à droit jugé dans la procédure pénale.

6) a. Par arrêt du 31 janvier 2018, la chambre pénale de recours de la Cour de justice (ci-après : CPR) a rejeté le recours de Mme A______ contre l'ordonnance de classement rendue le 27 mars 2017 à la suite de sa plainte contre plusieurs médecins des HUG. L'arrêt retient notamment que : 

« la cause de l'hépatite fulminante n'est toujours pas connue, l'hypothèse la plus vraisemblable étant une toxicité médicamenteuse directe du paracétamol et/ou du Sevoflurane, sans qu'il n'y ait jamais eu de surdosage de paracétamol. (...)

Les médecins ont pris en charge, le 10 août 2012, un enfant de 17 mois victime de brûlures au second degré couvrant 3 % de sa surface corporelle et qui présentait une infection virale des voies respiratoires, avec des pics à 38.5 et 39°C.

Le 13 août suivant, les médecins, qui ignoraient l'origine de la cytolyse apparue en fin d'après-midi - non encore diagnostiquée comme hépatite fulminante -, ont posé un diagnostic différentiel sur la cause des tests hépatiques fortement perturbés, soit une origine médicamenteuse ou infectieuse, et ont agi sur les deux pistes.

Durant la nuit, l'anesthésiste a donné l'ordre de ne plus administrer de Dafalgan, médicament hépatotoxique, a vérifié les quantités de paracétamol administrées, a prévu que les gastroentérologues investiguent davantage s'agissant du bilan hépatique et a demandé une analyse complémentaire de la crase au laboratoire ainsi que des analyses d'urine retenant une possible infection urinaire. Le médecin a vu l'enfant et a contrôlé le foie, qui ne présentait pas de particularité. La prise de sang n'étant pas possible sur l'enfant, compte tenu de son âge et du peu de surface piquable - ce qui a été confirmé l'expert (sic) - et vu l'importante quantité de sang requise pour réaliser les tests sanguins demandés par les hépatologues (au regard de la spécificité de ces tests), le prélèvement a été prévu, et réalisé, lors de l'intervention chirurgicale sous anesthésie générale.

Le jour de l'intervention, l'anesthésiste a évalué l'état général de l'enfant et fait faire une radio du thorax pour exclure toute
contre-indication respiratoire à l'anesthésie, vu la virose dont le patient souffrait, et a confirmé l'ordre de ne pas administrer de Dafalgan en pré- et post-opératoire.

Le chirurgien a, quant à lui, considéré que l'intervention chirurgicale sur les plaies restait prioritaire ne pouvant exclure une infection des blessures (Toxic choc sydrom).

Ainsi, dans la pesée des intérêts pour la santé de l'enfant, le choix de l'anesthésie générale était justifié. L'expert entendu ainsi que les médecins ont confirmé que, vu l'âge de l'enfant et les difficultés de faire une prise sang, cette anesthésie restait nécessaire et adéquate tant pour le prélèvement d'une quantité importante de sang pour le bilan sanguin que pour procéder à la réfection des plaies. On ignore toujours si le Sevoflurane a participé à la dégradation, mais même sans anesthésie avec cette substance, l'intervention aurait nécessité l'administration de médicaments potentiellement hépatotoxiques.

Si l'on ignore pourquoi les tests hépatiques n'ont pas été effectués à l'occasion du prélèvement de sang au bloc opératoire, rien ne permet d'établir que, s'ils avaient été faits, l'hépatite fulminante aurait été diagnostiquée. L'expert a répondu que l'on ne pouvait pas savoir quels auraient été les résultats des tests effectués un jour avant la date à laquelle ils ont réellement été effectués. En outre, d'autres tests permettant d'analyser la problématique hépatique avaient été ordonnés, tels que l'analyse de la crase.

Après l'opération, du paracétamol à faible dose a été administré à l'enfant pour calmer ses douleurs. On ne peut soutenir que son administration serait à l'origine de la dégradation de santé puisque la paracétamologie a toujours été dans la norme, même après l'intervention, et surtout que l'origine de l'hépatite fulminante n'est pas connue, ni de considérer que la décision n'aurait pas été prise en connaissance de cause et au vu des douleurs de l'enfant.

Le cas a ensuite été présenté à la garde des soins intensifs de pédiatrie, en raison des problèmes respiratoires survenus, et des antibiotiques mis en réserve si l'enfant présentait de la fièvre ou si les hémocultures s'avéraient positives. À ce stade, les médecins considéraient dès lors toujours comme possible une origine infectieuse à cette cytolyse. Dans la soirée du 14 août, l'enfant était réveillé et a bien mangé, "il semblait bien aller".

Le 15 août, le Dre C______ a constaté l'augmentation du foie et l'enfant a été pris en charge par l'unité des soins intensifs dès 11h45.

Aucun retard de prise en charge ne peut être retenu de la part de l'équipe médicale ou d'un médecin en particulier.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, les médecins ont agi, dès qu'ils ont constaté que l'enfant souffrait d'une cytolyse hépatique, sur les deux origines possibles de cette affection. Comme cela a été d'ailleurs retenu par les experts, aucune négligence, par action ou omission, ne peut être reprochée aux médecins dans la prise en charge de l'enfant.

Il n'existe, ainsi, pas de soupçon suffisant permettant le renvoi en jugement de la présente cause pour lésions corporelles par négligence ».

b. Par arrêt du 2 avril 2018, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par Mme A______ contre l'arrêt du 31 janvier 2018 (arrêt du Tribunal fédéral 6B_191/2018).

7) a. Par décision du 6 juillet 2020, la commission a retenu que le service de chirurgie pédiatrique des HUG avait fait preuve de la diligence requise dans la prise en charge de B______, y compris relativement au recueil du consentement de sa mère aux interventions effectuées.

b. En revanche, l'institution avait failli à son devoir d'annonce, tel qu'il ressortait de la loi sur les produits thérapeutiques (LPTh - RS 812.21), et de son devoir de diligence en s'abstenant d'annoncer le possible effet indésirable du Sevoflurane à Swissmedic dans le cas particulier de B______. Un avertissement leur était infligé.

Les HUG, par l'intermédiaire de la Professeure D______, cheffe de service de la chirurgie pédiatrique des HUG, avaient expliqué qu'ils étaient le centre de référence suisse pour la transplantation hépatique pédiatrique. Lors de ces interventions sous anesthésie générale, ils avaient recours au Sevoflurane dont la toxicité sur le foie n'était ni décrite, ni prouvée. Ils n'avaient pas changé leur procédure depuis l'incident intervenu en août 2012 sans avoir constaté des complications du même type que celles qu'avait subies B______.

La commission constatait toutefois qu'il ressortait aussi bien du texte de la loi que du message du Conseil fédéral y relatif que l'obligation d'annonce prévue par la LPTh s'appliquait dès la survenance d'un incident en lien avec l'utilisation d'un produit, et ce même en cas de simple soupçon quant à la toxicité dudit produit. Il ne ferait en effet que peu de sens que cette obligation ne naisse qu'en cas de certitude s'agissant de la causalité entre l'administration d'un produit et son effet a priori indésirable, l'idée de l'annonce étant manifestement de lister les éventuels effets indésirables d'un produit en vue d'une analyse globale des cas recensés.

Ainsi, même si, dans le cas d'espèce, les soignants avaient envisagé plusieurs causes possibles à la survenance de l'hépatite foudroyante subie par B______ autre que la dispensation de Sevoflurane (i.e. une intoxication au paracétamol ou une étiologie infectieuse), il n'en demeurait pas moins qu'ils avaient envisagé qu'il pouvait exister un lien entre l'hépatite et le produit utilisé pour l'anesthésie (cf. feuille d'anesthésie du 28 août 2012). Ainsi, dans le doute quant à la cause de l'atteinte hépatique, une annonce aurait dû être effectuée auprès de Swissmedic.

À cet égard, il importait peu que la toxicité du Sevoflurane sur le foie n'ait, à ce jour, jamais été décrite, ou que les HUG n'aient pas rencontré d'autres problèmes avec cette substance avant ou après le mois d'août 2012.

8) Par acte déposé le 7 septembre 2020, les HUG ont interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant à son annulation et au constat qu'ils n'avaient pas violé l'art. 59 al. 3 LPTh et l'art. 107 de la loi sur la santé du 7 avril 2006 (LS - K 1 03).

a. La commission avait constaté les faits de façon inexacte. D'une part, aucun lien de causalité direct entre le Sevoflurane et l'hépatite dont avait souffert B______ n'avait été envisagé. L'infection virale dont B______ souffrait était la cause probable de l'atteinte hépatique subie.

D'autre part, la toxicité du Sevoflurane sur le foie n'était ni décrite ni prouvée. Cette substance était d'ailleurs, parmi tous les médicaments que B______ avait reçus, la moins métabolisée par le foie. L'hypothèse d'une hépatite causée par le Sevoflurane était donc tout au plus fantaisiste et sans fondement. Elle ne pouvait pas même être qualifiée de soupçon quant à la toxicité du Sevoflurane. Devant le caractère extrêmement peu probable d'une telle causalité, il serait absurde pour les HUG d'annoncer une telle situation à Swissmedic.

b. La commission avait violé le droit.

À rigueur de texte de l'art. 59 al. 3 aLPTh en vigueur en août 2012, aucun effet indésirable hypothétiquement relié au produit en question ne faisait l'objet d'une obligation d'annonce.

Cette formulation divergeait de celle, plus large, de l'art. 59 al. 1
let. a LPTh, relatif à l'obligation d'annonce du fabricant et du distributeur de produits thérapeutiques. Dans ce dernier cas, un tel devoir existait en cas d'effet indésirable d'incident qui était ou pourrait être imputable au produit thérapeutique lui-même, à son administration, à un étiquetage ou à un mode d'emploi incorrects. Or, c'était en lien avec cette dernière disposition que le Conseil fédéral avait relevé les éléments mis en exergue par la commission.

Le Conseil fédéral avait traité de manière quelque peu différente le devoir d'annonce de l'art. 59 al. 3 aLPTh, puisqu'il précisait que « l'obligation d'annoncer est étendue à quiconque administre ou remet des produits thérapeutiques à titre professionnel, c'est-à-dire aux médecins et aux médecins vétérinaires ainsi qu'à toute autre personne ayant une formation médicale. Mais, contrairement aux personnes visées aux al. 1 et 2, ils ne sont tenus d'annoncer que les effets et événements indésirables d'une certaine gravité ou inconnus jusque-là, ainsi que les défauts de qualité. Ils ne doivent donc pas annoncer tout événement indésirable en rapport avec l'administration ou la remise de produits thérapeutiques ». En conséquence, le seul soupçon d'un lien entre un produit thérapeutique et un effet indésirable n'entraînait pas ipso jure un devoir d'annonce à des personnes administrant le produit thérapeutique à un patient, dans la mesure où ni la loi ni le message ne faisait état d'une obligation d'annoncer en cas d'effet hypothétiquement imputé au produit thérapeutique. Dès lors, les HUG ne pouvaient pas se fonder sur une hypothèse simplement émise, sans qu'elle ne soit documentée, pour déclencher une déclaration d'incident grave dû au Sevoflurane, dont il paraissait extrêmement peu vraisemblable qu'il ait été à l'origine de ou/et induit cette hépatite.

En toute hypothèse, un simple soupçon d'effet indésirable n'existait en l'espèce même pas.

En conséquence, les HUG n'avaient aucunement violé leur obligation de diligence en s'abstenant d'annoncer le plus qu'hypothétique effet indésirable du Sevoflurane dans le cas de B______. L'avertissement prononcé à leur encontre sur la base de la LS était donc sans fondement et devait être annulé.

Était produite une traduction libre d'un commentaire relatif aux infections virales systémiques et dommages collatéraux dans le foie de Messieurs E______ et F______.

9) Le 30 septembre 2020, la commission a persisté dans les termes de sa décision, a conclu au rejet du recours sans formuler d'observations et a transmis son dossier.

10) Mme A______ a conclu au rejet du recours par observations des 16 novembre et 1er décembre 2020. Elle a produit différents avis médicaux, notamment en italien.

11) Dans leur réplique, les HUG ont persisté dans leurs conclusions et contesté les allégations de Mme A______.

12) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

13) Le dossier comprend par ailleurs, entre autres, les documents suivants :

- un rapport d'anesthésie du 14 août 2012 ; le déroulement de l'anesthésie est mentionné avec problème, à l'instar du déroulement du réveil. Le rapport mentionne « après revue de la littérature, pas d'évidence que le Sevoflurane soit à lui seul hépatotoxique pour engendrer une hépatite fulminante. Possible association de plusieurs facteurs pouvant induire ou péjorer une toxicité hépatique : hautes doses de paracétamol et d'AINS, jeûne de trois jours et deux anesthésies successives au Sevoflurane. Conduite à tenir si le patient nécessite une anesthésie dans le futur : attention aux doses de paracétamol et à l'association avec le jeûne - éviter le Sevoflurane, privilégier un autre agent halogéné t.q. Isoflurane ou mieux encore TIVA Propofol - surveillance étroite des tests hépatiques avant et après l'anesthésie. Mère informée de ces détails. Cas vu et discuté avec G______ et Dr H______ » ;

- un compte rendu d'anesthésie du 27 août 2012 mentionnant « aucun cas d'hépatite fulminante associé au Sevoflurane décrit dans la littérature. Dans le cas de B______ : association de plusieurs facteurs ayant pu induire, voire péjorer une défaillance hépatique : jeûne/dénutrition ; infection virale (parainfluenza) ; hautes doses de paracétamol et d'ibuprofène ; Sevoflurane sur proposition : si nécessité d'une anesthésie générale dans le futur : attention au dosage du paracétamol (éventuellement réduire le dosage si jeûne associé) ; éventuellement éviter le Sevoflurane, utiliser plutôt l'Isoflurane en anesthésie [deux sigles illisibles] Propofol ;

- une lettre de sortie des HUG du 28 août 2012 mentionnant que « l'effet toxique des produits d'anesthésie selon nos collègues anesthésistes n'est pas possible car le Sevoflurane, principalement utilisé lors de l'anesthésie chez les enfants, n'a pas d'effet toxique sur le foie ».

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 22 al. 1 de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 - LComPS - K 3 03).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de la commission d'infliger un avertissement aux HUG pour violation de leur obligation d'annonce en application de la LPTh.

3) La commission, instituée par l'art. 10 LS, est chargée de veiller au respect des prescriptions légales régissant les professions de la santé et les institutions de santé visées par la LS et au respect du droit des patients (art. 1 al. 2 LComPS).

En cas de violation des droits des patients, la commission de surveillance peut émettre une injonction impérative au praticien concerné sous menace des peines prévues à l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) ou une décision constatatoire (art. 20 al. 1 LComPS). En cas de violation des dispositions de la LS, la commission est également compétente pour prononcer un avertissement, un blâme et/ou une amende jusqu'à CHF 20'000.- (art. 20 al. 2 LComPS). Si aucune violation n'est constatée, elle procède au classement de la procédure (art. 20 al. 3 LComPS).

Compte tenu du fait que la commission est composée de spécialistes, mieux à même d'apprécier les questions d'ordre technique, la chambre de céans s'impose une certaine retenue (ATA/8/2018 du 9 janvier 2018 consid. 4c ; ATA/238/2017 du 28 février 2017 ; ATA/322/2014 du 6 mai 2014).

4) a. Le droit de plainte reconnu au patient, ainsi que sa qualité de partie à la procédure par-devant la commission trouvent leur fondement dans le fait que la législation sur la santé confère des droits au patient. La procédure devant la commission a en effet pour objet de permettre aux patients de s'assurer que leurs droits ont été respectés conformément à l'art. 1 al. 2 LComPS (ATA/1075/2019 du 25 juin 2019 consid. 4d).

b. Les principaux droits du patient sont énumérés aux art. 42ss LS. Il s'agit notamment du droit aux soins (art. 42 LS), du libre choix du professionnel de la santé (art. 43 LS), du libre choix de l'institution de santé (art. 44 LS), du droit d'être informé et du choix libre et éclairé (art. 45 LS).

Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le droit aux soins consacré par l'art. 42 LS comprend le droit de se faire soigner conformément aux règles de l'art médical (ATA/1075/2019 précité consid. 4d ; ATA/474/2016 du 7 juin 2016 consid. 2g ; ATA/22/2014 du 14 janvier 2014 consid. 3 ; ATA/527/2013 du 27 août 2013 consid. 6d ; ATA/5/2013 du 8 janvier 2013 consid. 12). Les droits du patient sont en outre garantis par l'art. 40 LPMéd  ; Dominique SPRUMONT/ Jean-Marc GUINCHARD/Deborah SCHORNO, in : Ariane AYER/ Ueli KIESER/Thomas POLEDNA/Dominique SPRUMONT, Loi sur les professions médicales [loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (loi sur les professions médicales, LPMéd - RS 811.11)], Commentaire, 2009, p. 385, n. 10 ad art. 40), applicable par renvoi de l'art. 80 LS (voir aussi PL 10'228, p. 11), qui consacre de manière uniforme et exhaustive les devoirs professionnels des personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre indépendant (Boris ETTER, Medizinalberufegesetz, 2006, p. 123, n. 1 ad art. 40).

5) a. L'art. 40 LPMéd prévoit que les personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre d'activité économique privée sous leur propre responsabilité professionnelle doivent observer les devoirs professionnels suivants : a. exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu'elles ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue ; (...) c. garantir les droits du patient : (...) e. défendre, dans leur collaboration avec d'autres professions de la santé, exclusivement les intérêts des patients indépendamment des avantages financiers ; (...).

L'art. 40 let. a LPMéd exige des personnes concernées qu'elles exercent leur activité avec soin et conscience professionnelle. Il s'agit d'une clause générale (FF 2005 p. 211).

b. La LPMéd a pour but d'unifier le droit disciplinaire notamment quant aux mesures prévues en cas de violation des obligations professionnelles (FF 2005 ad art. 43 p. 212). De même que les devoirs professionnels des personnes exerçant une profession médicale universitaire à titre indépendant (qui deviendra « des personnes exerçant une profession médicale universitaire sous leur propre responsabilité professionnelle », selon la loi fédérale sur les professions de la santé du 30 septembre 2016 (LPSan - RS 811.21), dont le délai référendaire a échu le 19 janvier 2017 [FF 2016 7383]) sont énumérés exhaustivement à
l'art. 40 LPMéd, l'art. 43 LPMéd contient une liste exhaustive des mesures disciplinaires pouvant être prononcées que les cantons ne peuvent pas modifier (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1062/2016 du 11 juillet 2017 consid. 3.3).

Les sanctions prévues à l'art. 43 al. 1 LPMéd sont l'avertissement (let. a), le blâme (let. b), l'amende jusqu'à CHF 20'000.- (let. c), l'interdiction temporaire de pratiquer (let. d) et l'interdiction définitive de pratiquer (let. e).

6) En l'absence de dispositions transitoires, la règle générale prévaut selon laquelle s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où lesdits faits se sont produits, sous réserve, en matière de sanctions disciplinaires ou d'amendes administratives, que le nouveau droit soit plus favorable (ATA/956/2020 du 29 septembre 2020 consid. 4 ; ATA/410/2020 du 30 avril 2020 consid. 3).

7) a. La LTPh, en vue de protéger la santé de l'être humain et des animaux, vise à garantir la mise sur le marché de produits thérapeutiques de qualité, sûrs et efficaces (art. 1 LTPh).

La LTPh s'applique notamment aux opérations en rapport avec les produits thérapeutiques (médicaments et dispositifs médicaux), notamment à leur fabrication et à leur mise sur le marché (art. 2 al. 1 let. a LTPh).

b. Quiconque fabrique des produits thérapeutiques ou en distribue qui sont prêts à l'emploi doit mettre en place un système de déclaration. Il est tenu de déclarer à l'institut tout effet indésirable ou incident (let. a) qui est ou pourrait être imputable au produit thérapeutique lui-même, à son administration ou à un étiquetage ou à un mode d'emploi incorrects ; (let. b) qui pourrait mettre en péril ou altérer la santé du consommateur, du patient, de tiers ou des animaux traités (art. 59 al. 1 LTPh).

c. Est aussi tenu d'annoncer tout effet indésirable grave ou jusque-là inconnu et tout incident ou défaut, quiconque, à titre professionnel, administre des produits thérapeutiques à l'être humain ou aux animaux ou en remet (art. 59 al. 3 dans sa version jusqu'au 31 décembre 2018).

L'art. 59 al. 3 LTPh a été modifié à compter du 1er janvier 2019.

La nouvelle teneur consiste en : quiconque utilise ou remet, à titre professionnel, des produits thérapeutiques destinés à l'être humain ou aux animaux, ou est autorisé à le faire en tant que professionnel de la santé, est tenu de déclarer à l'institut tout effet indésirable grave ou jusque-là inconnu, tout incident et toute autre observation de faits graves ou jusque-là inconnus ainsi que les défauts qui sont déterminants du point de vue de la sécurité thérapeutique (art. 59 al. 3 LTPh dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2019).

d. Le Message du Conseil fédéral du 1er mars 1999, précise à propos de l'al. 1, « l'un des principaux instruments de la surveillance du marché est l'obligation faite au responsable de la fabrication ou de la distribution de produits thérapeutiques d'annoncer à l'institut tout effet ou l'événement indésirable, même lorsqu'il n'a qu'un soupçon. Le moment et l'étendue de l'annonce dépend de la gravité du danger auquel est exposée la santé et de la connaissance qu'on a des effets et des évènements indésirables. Un incident doit être annoncé d'autant plus rapidement que le danger est grand ou que la connaissance de l'effet indésirable ou de l'évènement est moindre. Un système d'annonce approprié dit être mis en place par le responsable qui peut consister en une centrale d'alarme dans l'entreprise » (FF 1999 III p. 3234)

Concernant l'al. 3, le message de 1999 mentionne : désormais l'obligation d'annoncer est étendue à quiconque administre ou remet des produits thérapeutiques à titre professionnel, c'est à dire aux médecins et aux
médecins-vétérinaires ainsi qu'à toute personne ayant une formation médicale. Mais contrairement aux personnes visées aux al. 1 et 2, ils ne sont tenus d'annoncer que les effets et évènements indésirables d'une certaine gravité ou inconnus jusque-là, ainsi que les défauts de qualité. Ils ne doivent donc pas annoncer tout évènement indésirable en rapport avec l'administration ou la remise de produits thérapeutiques. Le non-respect du devoir d'annoncer est considéré comme une infraction punissable (cf. art. 87 al. 1 let. d ) » (FF 1999 III p. 3234).

e. La doctrine précisait, concernant les annonces d'effets indésirables : » Les annonces d'effets indésirables que « La LPTh exige que les sociétés pharmaceutiques et les personnes qui prescrivent ou remettent des médicaments annoncent les effets indésirables des médicaments dont elles ont connaissance. À teneur de l'art. 59 al. 1 LPTh, la société pharmaceutique doit rapporter à Swissmedic « tout effet indésirable ou incident : a. qui est ou pourrait être imputable au produit thérapeutique lui-même, à son administration ou à un étiquetage ou à un mode d'emploi incorrects; b. qui pourrait mettre en péril ou altérer la santé du consommateur, du patient, de tiers [...] ». L'obligation existe même s'il n'est pas certain que l'effet indésirable soit dû au médicament; il est également indifférent que l'effet indésirable soit survenu en Suisse ou à l'étranger. L'al. 2 est plus général encore, puisque les sociétés doivent signaler à l'autorité « tout fait ou évaluation susceptibles d'influer sur les bases de l'appréciation ». Les médecins et pharmaciens ont une obligation similaire, mais moins étendue : ils doivent annoncer « tout effet indésirable grave ou jusque-là inconnu » (art. 59 al. 3 LPTh). Enfin, tout un chacun (notamment « [l]es consommateurs, les patients et leurs organisations ») peut annoncer des effets indésirables, sans y être légalement obligé (Valérie JUNOD, La responsabilité de la société pharmaceutique pour l'information défectueuse sur son médicament, 2009, p. 99).

f. Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la modification de l'al. 3, entrée en vigueur le 1er janvier 2019, que « Actuellement, l'obligation de déclarer faite aux professionnels ne concerne que les effets indésirables graves ou jusque-là inconnus (liés à des médicaments) ainsi que les incidents (liés à des dispositifs médicaux) et les défauts. La révision prévoit d'élargir le principe et d'inclure dans l'obligation de déclarer l'observation de faits graves ou nouveaux. Cela inclut les observations faites avant l'utilisation du médicament qui pourraient occasionner un problème à un patient lors d'utilisations ultérieures, par exemple risque de confondre des médicaments ou des produits sanguins » (FF 2013 I p. 87).

8) Les HUG se plaignent d'un mauvais établissement des faits et d'une violation du droit.

Il ressort de la décision querellée que la commission s'est, à tort, fondée sur le message du Conseil fédéral relatif aux « responsables de la fabrication ou de la distribution ». En effet, s'agissant de médecins et non de fabricants ou de distributeurs, les HUG sont soumis à l'al. 3 de l'art. 59, dans sa teneur avant le 1er janvier 2019.

La notion de « soupçon » n'est dès lors pas applicable. Conformément au message de 1999, les médecins n'étaient tenus « d'annoncer que les effets et évènements indésirables d'une certaine gravité ou inconnus jusque-là, ainsi que les défauts de qualité. Ils ne doivent donc pas annoncer tout événement indésirable en rapport avec l'administration ou la remise de produits thérapeutiques. ».

Il ressort des différents documents médicaux que dès le 14 août 2012, les différents praticiens des HUG ont vérifié l'éventuelle implication du Sevoflurane pour l'écarter. Ils retenaient ainsi qu'aucun cas d'hépatite fulminante associé au Sevoflurane n'était décrit dans la littérature et que l'origine des complications devait plutôt se trouver dans l'association de plusieurs facteurs. Cette interprétation a été confirmée par l'expertise ordonnée dans le cadre de la procédure pénale qui a conclu que la cause de l'hépatite fulminante n'est toujours pas connue, l'hypothèse la plus vraisemblable étant une toxicité médicamenteuse directe du paracétamol et/ou du Sevoflurane, sans qu'il n'y ait jamais eu de surdosage de paracétamol.

Aucun document ne permet en conséquence de considérer comme établis des effets et événements indésirables d'une certaine gravité ou inconnus jusque-là du Sevoflurane. Dès lors, il n'existait pas d'obligation d'annonce au sens de l'art. 59 al. 3 aLPTh.

Il découle de ce qui précède que le recours sera admis et la décision annulée.

9) Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l'autorité intimée qui dispose d'un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1345/2020 du 22 décembre 2020 consid. 7 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 7 septembre 2020 par les Hôpitaux universitaires de Genève contre la décision de la commission de surveillance des professions de la sante et des droits des patients du 6 juillet 2020 ;

au fond :

l'admet ;

annule la décision de la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 6 juillet 2020 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt aux Hôpitaux universitaires de Genève ainsi qu'à la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients et à Madame A______.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et Tombesi, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. Cichocki

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :