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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2262/2015

ATA/390/2018 du 24.04.2018 sur JTAPI/107/2017 ( LCR ) , REJETE

Descripteurs : OBJET DU LITIGE ; RECOURS JOINT ; CONDUITE MALGRÉ UNE INCAPACITÉ; IVRESSE ; PERMIS DE CONDUIRE ; RETRAIT DU PERMIS À TITRE PRÉVENTIF
Normes : LCR.14; LCR.15d.al1; OAC.30
Résumé : Recours du SCV contre l'annulation par le TAPI de l'interdiction faite au conducteur d'utiliser son permis de conduire français sur le territoire suisse à titre préventif après qu'il avait été arrêté alors qu'il conduisait avec un taux d'alcool dans le sang d'au minimum 1,74 g %. Vu l'écoulement du temps depuis le prononcé de la mesure et les éléments au dossier confirmant la bonne réputation du conducteur, annulation justifiée. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2262/2015-LCR ATA/390/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 avril 2018

1ère section

 

dans la cause

 

SERVICE CANTONAL DES VÉHICULES

contre

M. A______
représenté par Me Fanny Cantin, avocate

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2017 (JTAPI/107/2017)


EN FAIT

1.1) a. Le 7 mai 2015 à 20h52, M. A______, né en 1956, domicilié à Machilly, en France, et titulaire d'un permis de conduire français délivré le 27 novembre 1974, a été arrêté par la police au ______, rue B______, à Genève, après qu'une personne avait signalé à cette dernière un automobiliste roulant avec un pneu crevé.

b. Selon le rapport d'arrestation du lendemain, M. A______ avait roulé environ 2 m sous les yeux de la police puis était sorti de la voiture et avait posé son cric sous la voiture. Selon les tests d'éthylomètre, il présentait une alcoolémie de 1,62 et 1,38 mg/l d'air expiré entre 21h00 et 21h15.

c. Un échantillon de sang a été prélevé à 23h05, dont l'analyse a conclu à une concentration d'éthanol située entre 1,74 et 2,47 g % au moment critique, conformément au rapport du Centre universitaire romand de médecine légale
(ci-après : CURML) du 11 mai 2015.

d. Entendu mais ayant refusé de signer le procès-verbal d'audition, l'intéressé a contesté avoir pris le volant. C'était sa compagne, entre-temps partie en taxi, qui conduisait le véhicule. Il s'était simplement mis au volant pour déplacer légèrement la voiture afin de changer la roue. Il n'avait pas d'antécédents judiciaire, ni en Suisse, ni à l'étranger.

e. Entendus comme témoins, la compagne de M. A______ a indiqué ne pas avoir conduit le véhicule de ce dernier le soir précédent, tandis que le dénonciateur a expliqué avoir vu ce dernier, seul, rouler le pneu crevé puis vouloir changer la roue. Il avait compris à son attitude qu'il était en état d'ébriété.

f. Une interdiction de circuler lui a immédiatement été notifiée.

2.2) Le 18 mai 2015, le service cantonal des véhicules (ci-après : SCV) a imparti un délai de quinze jours à l'intéressé pour formuler des observations, les constations de la police pouvant aboutir à une mesure administrative.

3.3) Le 30 mai 2015, M. A______ a admis son état d'ivresse le 7 mai 2015 au soir, mais contesté avoir conduit, le témoin ayant mal vu. Les policiers lui avaient imposé leur version des faits basée sur le témoignage. Il ne prenait jamais le volant s'il avait le moindre doute sur son taux d'alcoolémie. Sa compagne était simplement la personne qu'il aurait appelée s'il n'avait trouvé personne pour le reconduire. Il avait demandé l'assistance de plusieurs personnes pour rentrer chez lui, comme en attestait le courrier du même jour annexé. Il n'avait jamais eu d'accident de la circulation. Il avait besoin de pouvoir reconduire en Suisse afin d'assurer le fonctionnement de sa nouvelle entreprise.

14.4) Par décision exécutoire nonobstant recours du 18 juin 2015, le SCV a interdit à M. A______ de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre préventif et de conduire des véhicules pour lesquels un permis de conduire n'était pas nécessaire. Il lui a en outre ordonné de se soumettre à un examen approfondi d'évaluation de ses aptitudes à conduire des véhicules à moteur auprès de l'unité de médecine et psychologie du trafic du CURML.

Il avait conduit en état d'ébriété avec un taux d'alcool qualifié. Il existait des doutes quant à son aptitude à la conduite de véhicules à moteur. Une décision finale serait prononcée à réception de l'expertise et/ou de l'issue de la procédure pénale.

5.5) Le 23 juin 2015, M. A______ a contesté auprès du SCV l'infraction retenue à son encontre.

6.6) Le 25 juin 2015, le SCV a indiqué ne pas pouvoir reconsidérer sa décision. Il transmettait le courrier de l'intéressé au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), juridiction compétente pour revoir sa décision.

7.7) a. Le 8 juillet 2015, M. A______ a complété son recours auprès du TAPI, maintenant sa position, mais affirmant désormais que la conductrice s'était absentée pour aller récupérer ses affaires dans un établissement voisin au moment où il avait été interpellé par la police.

b. Il a notamment versé à la procédure une attestation du préfet de la région du Nord-Pas-de-Calais, à teneur duquel il avait satisfait le 1er juillet 2011 à l'examen médical pour la conduite de véhicules affectés à des opérations de ramassage scolaire.

8.8) Par décision du 9 septembre 2015, le TAPI a suspendu l'instruction de la cause jusqu'à droit connu dans la procédure pénale P/9110/2015.

9.9) Par jugement du 1er juin 2016 dans la cause P/9110/2015, entré en force suite à l'irrecevabilité de l'appel interjeté le 30 août 2016 auprès de la chambre d'appel et de révision de la Cour de justice, le Tribunal de police a déclaré M. A______ coupable de conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine et l'a condamné à une peine pécuniaire de septante-cinq jours-amende.

10.10) Par jugement du 30 janvier 2017, le TAPI a partiellement admis le recours, a annulé la décision dans la mesure où elle faisait interdiction à M. A______ de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre préventif et l'a confirmée pour le surplus.

L'intéressé ayant été condamné définitivement pour conduite en état d'ébriété en présentant un taux d'alcool qualifié dans le sang ou dans l'haleine, sur la base du rapport de police du 8 mai 2015, il n'était plus possible de revenir sur les faits constatés dans ce dernier.

Dans la mesure où il était établi que M. A______ avait conduit avec une alcoolémie dans le sang d'au moins 1,74 g % au moment critique, le SCV devait nécessairement mettre en oeuvre une expertise afin de lever tout doute sur l'éventualité d'une dépendance à l'alcool et sur son aptitude à la conduite.

L'intéressé, âgé de 60 ans au moment des faits et titulaire du permis de conduire depuis 1974, jouissait d'une bonne réputation en tant que conducteur, le registre fédéral des mesures administratives (ci-après : le registre ADMAS) et le dossier du SCV ne laissant apparaître aucun antécédent en matière de circulation routière. En l'absence d'autres éléments que le seul taux d'alcoolémie au moment des faits - certes grave, mais ne pouvant pas à lui seul et à ce stade fonder un doute suffisamment sérieux quant à sa capacité de conduire, et démontrer un risque particulier pour les autres usagers de la route -, le retrait préventif du permis de conduire contrevenait au principe de la proportionnalité.

11.11) a. Par acte du 24 février 2017, le SCV a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation et à la confirmation du retrait préventif.

Les mesures inscrites au registre ADMAS s'effaçaient automatiquement après dix ans et l'autorité suisse n'avait pas accès au dossier des personnes résidant à l'étranger, raison pour laquelle la décision litigieuse ne mentionnait pas les antécédents. Le taux d'alcool retenu était dans ces conditions un indice suffisant pour privilégier l'intérêt public, une preuve stricte quant à l'inaptitude de M. A______ n'étant pas nécessaire, et faire naître un doute suffisant au prononcé d'une interdiction préventive.

b. Le SCV a notamment produit un courrier du 6 octobre 2015, par lequel le CMURL l'avait informé que M. A______ n'avait pas donné suite à la demande d'avance des frais d'expertise, de sorte qu'il n'avait pas été possible de procéder aux examens requis.

12.12) Le 1er mars 2017, le TAPI a transmis son dossier à la chambre administrative, sans formuler d'observations.

13.13) Par réponse du 29 mars 2017, M. A______ a conclu au rejet du recours, à la confirmation du jugement du TAPI et à l'allocation d'une indemnité de procédure de CHF 1'250.-.

Le cas d'espèce n'était pas différent d'un cas tranché par la chambre administrative le 30 août 2016 (ATA/735/2016). Le fait qu'il n'y ait pas eu d'inscription au registre ADMAS les dix dernières années constituait en soi un indice qu'il était un bon conducteur. Le fait d'ignorer si une personne était un bon ou mauvais conducteur à l'étranger ne pouvait faire naître un doute sérieux d'inaptitude à la conduite.

14) Les 27 février et 20 mars 2018, le SCV a répondu à des demandes d'informations du juge délégué du 14 février 2018. L'intéressé ne s'était pas soumis à l'expertise auprès du CURML. Il n'y était pas tenu, compte tenu de l'effet suspensif du recours auprès de la chambre administrative. Aucune nouvelle mesure administrative n'avait été prononcée à son encontre depuis le 18 juin 2015.

15) a. Les 28 février et 28 mars 2018, M. A______ a répondu aux mêmes demandes d'informations du juge délégué. Il ne savait pas pourquoi l'expertise - dont les frais devraient être pris en charge par l'État, vu son manque de moyens financiers - n'avait pas été effectuée.

b. Il a versé à la procédure plusieurs pièces. À teneur d'un relevé du ministère de l'intérieur français du 26 mars 2018, l'intéressé avait douze points sur son capital de douze points dans le dossier de son permis de conduire français. Selon un extrait délivré le 19 mars 2018 par le ministère de la justice français, M. A______ n'avait fait l'objet d'aucune condamnation inscrite au bulletin no 3 du casier judiciaire national français, ce bulletin correspondant à l'extrait du casier judiciaire pouvant être réclamé par la personne concernée (art. 777 du code de procédure pénale français, disponible sur https://www.legifrance.gouv.fr/affich
Code.do?cidTexte=LEGITEXT000006071154&dateTexte=20081221, consulté le 24 avril 2018).

16) Le 10 avril 2018, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.2) a. L'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). L'acte de recours contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d'irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA). La juridiction administrative applique le droit d'office et ne peut aller au-delà des conclusions des parties, sans pour autant être liée par les motifs invoqués (art. 69 al. 1 LPA).

b. L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/467/2017 du 25 avril 2017 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/421/2017 du 11 avril 2017 consid. 5 et les références citées).

c. La possibilité de former un recours incident par la simple production de conclusions motivées au moment du dépôt de la réponse au recours n'est pas offerte par la LPA (ATA/119/2016 du 9 février 2016 consid. 6c et les références citées).

d. En l'espèce, l'autorité recourante a uniquement formé son recours par rapport à l'annulation par le TAPI de l'interdiction faite à l'intimé de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre préventif.

L'intimé n'ayant pas formé recours contre le jugement du TAPI, il ne peut dans le cadre de la présente procédure remettre en cause la confirmation de l'expertise ordonnée par l'autorité recourante, comme il semble le faire dans ses dernières observations, en invoquant des motifs financiers.

Dans ces circonstances, le litige porte uniquement sur la conformité au droit de l'annulation par le TAPI de l'interdiction infligée à l'intimé de faire usage de son permis de conduire étranger sur le territoire suisse à titre de préventif.

3.3) a. Tout conducteur de véhicule automobile doit posséder l'aptitude et les qualifications nécessaires à la conduite (art. 14 al. 1 de la loi fédérale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 - LCR - RS 741.01). Est apte à la conduite celui qui a atteint l'âge minimal requis (let. a), a les aptitudes physiques et psychiques requises pour conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. b), ne souffre d'aucune dépendance qui l'empêche de conduire un véhicule automobile en toute sécurité (let. c) et dont les antécédents attestent qu'il respecte les règles en vigueur ainsi que les autres usagers de la route (let. d ; art. 14 al. 2 LCR).

Si l'aptitude à la conduite soulève des doutes, la personne concernée fera l'objet d'une enquête, notamment en cas de conduite en état d'ébriété avec un taux d'alcool dans le sang de 1,6 g % ou plus ou un taux d'alcool dans l'haleine de 0,8 mg/l d'air expiré (let. a) et d'infractions aux règles de la circulation dénotant un manque d'égards envers les autres usagers de la route (let. c ; art. 15d al. 1 LCR).

Le permis de conduire peut être retiré à titre préventif en cas de doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite d'une personne (art. 30 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes et des véhicules à la circulation routière du 27 octobre 1976 - OAC - RS 741.51), jusqu'à ce que les clarifications soient exécutées (FF 2010 7725). Tel est en principe le cas en présence d'un taux d'alcool dans le sang dépassant le seuil fixé par la loi, une telle concentration étant l'indice d'un problème de consommation abusive, voire d'une addiction (arrêt du Tribunal fédéral 1C_531/2016 du 22 février 2017 consid. 2 et les références citées).

b. Les exigences liées à la mise en oeuvre d'un examen d'aptitude ne sont pas les mêmes que celles prévalant en matière de retrait préventif, même si, en pratique, les deux mesures vont, dans un premier temps du moins, souvent de pair (ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_404/2007 du 7 mars 2008 consid. 2.4). Alors que l'ouverture d'une enquête peut être ordonnée en présence d'indices suffisants pour que se pose la question de l'aptitude à conduire (art. 15d al. 1 OAC ; ATF 139 II 95 consid. 3.5), une décision de retrait préventif du permis de conduire suppose l'existence de doutes sérieux sur l'aptitude de conduire de l'intéressé (art. 30 OAC), fondés sur des indices concrets d'une dépendance à l'alcool. À l'inverse, une clarification de l'aptitude intervient généralement sans retrait préventif lorsqu'il n'existe pas de danger immédiat pour la circulation routière (ATF 125 II 396 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2012 du 28 mars 2013 consid. 3.3 ; 1C_531/2016 précité consid. 2.4.2 ; ATA/1138/2017 du 2 août 2017 consid. 5d ; ATA/1600/2017 du 12 décembre 2017 consid. 2b).

En définitive, il appartient à l'autorité cantonale d'apprécier dans chaque cas d'espèce si le principe de la proportionnalité autorise un retrait préventif, ou s'il commande d'y renoncer en considérant qu'il paraît peu vraisemblable que le conducteur présente un danger particulièrement important et menaçant pour les autres usagers de la route (ATA/1138/2017 précité consid. 5d ; arrêt du Tribunal administratif du canton de Zurich du 3 juillet 2002, RB-ZH 2002 139, résumé in JdT 2004 I 455 ; Cédric MIZEL, Droit et pratique illustrée du retrait de permis de conduire, 2015, p. 187 ; André BUSSY et al. [éd.], Code suisse de la circulation routière commenté, 2015, n. 1.2 ad art. 15d LCR).

Le fait que le conducteur ait d'excellents antécédents depuis plusieurs années est un élément à prendre en considération par l'autorité lorsqu'elle doit se prononcer sur un retrait préventif lié à un danger important pour les autres usagers de la route. Un conducteur sans antécédent ayant été contrôlé une seule fois avec un taux d'alcoolémie dans le sang de 1,99 g % ne présentait pas ce danger important et partant ne devait pas se voir retirer son permis préventivement (arrêt du Tribunal fédéral 1C_256/2011 du 22 septembre 2012 ; ATA/735/2016 du 30 août 2016 consid. 7c).

c. Selon l'art. 42 al. 1 de la convention sur la circulation routière du 8 novembre 1968 (RS 0.741.10), entrée en vigueur pour le Suisse le 11 décembre 1992 et pour la France le 21 mai 1977, les parties contractantes ou leurs subdivisions peuvent retirer à un conducteur, qui commet sur leur territoire une infraction susceptible d'entraîner le retrait du permis de conduire en vertu de leur législation, le droit de faire usage sur leur territoire du permis de conduire, national ou international, dont il est titulaire.

L'usage d'un permis étranger peut être interdit en vertu des dispositions qui s'appliquent au retrait du permis de conduire suisse (art. 45 al. 1 OAC).

4.4) En l'espèce, le taux d'alcool dans le sang présenté par l'intimé le 7 mai 2015, d'au minimum 1,74 g %, justifiait à lui seul la mise en oeuvre d'un examen d'aptitude au sens de l'art. 15d al. 1 let. a LCR, raison pour laquelle le TAPI a confirmé la décision de l'autorité recourante sur ce point. Comme le relève cette dernière, ce taux constitue également un indice d'un problème de consommation abusive d'alcool, voire d'une addiction.

Cela étant, si la mesure d'interdiction de faire usage du permis de conduire français sur le territoire suisse à titre préventif était justifiée au moment de son prononcé par l'autorité intimée, le seul dépassement du taux d'alcool ne permet pas, vu l'écoulement du temps et les éléments figurant dans un premier temps au dossier du TAPI, puis au dossier de la chambre administrative, de conclure que l'intimé présenterait une dépendance à l'alcool, serait incapable de séparer de façon suffisante sa consommation d'alcool et la conduite d'un véhicule automobile et représenterait un risque particulier pour les autres usagers de la route. En effet, non seulement aucun autre indice concret en ce sens ne figure au dossier, mais l'instruction menée par la chambre administrative confirme par ailleurs la bonne réputation de l'intimé en tant que conducteur retenue par le TAPI. En effet, outre le fait de ne faire l'objet d'aucune inscription au registre ADMAS et donc de n'avoir pas d'antécédents en Suisse, l'intimé, titulaire de son permis de conduire français depuis 1974, soit plus de quarante ans, conserve la totalité des douze points de son permis de conduire à points français et a un casier judiciaire français (bulletin n3) vierge, de sorte qu'il n'apparaît pas non plus avoir d'antécédents dans son pays de domicile.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'instance précédente était fondée à retenir qu'il n'existait pas de doutes sérieux quant à l'aptitude à la conduite de véhicules automobiles de l'intimé nécessitant l'interdiction de faire usage de son permis de conduire français sur le territoire suisse à titre préventif.

Il sera néanmoins rappelé à l'intimé que l'annulation de cette interdiction ne remet aucunement en cause son obligation de se soumettre à l'expertise ordonnée par l'autorité recourante et confirmée par le TAPI.

5.5) Dans ces circonstances, le jugement attaqué, en tant qu'il annule l'interdiction à l'intimé de faire usage de son permis de conduire français sur le territoire suisse à titre préventif, est conforme au droit. Le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

6.6) Aucun émolument ne sera perçu, eu égard à la qualité du recourant et à l'issue du litige (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'000.- sera allouée à l'intimé, à la charge de l'État de Genève (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 février 2017 par le service cantonal des véhicules contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 30 janvier 2017 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à M. A______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.-, à la charge de l'État de Genève ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt au service cantonal des véhicules, à Me Fanny Cantin, avocate de l'intimé, au Tribunal administratif de première instance, ainsi qu'à l'office fédéral des routes.

Siégeant : M. Thélin, président, Mme Junod, M. Pagan, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :