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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/6/2008

ATA/362/2010 du 01.06.2010 ( CM ) , IRRECEVABLE

Recours TF déposé le 14.07.2010, rendu le 14.07.2011, REJETE, 8C_597/2010
Descripteurs : FONCTIONNAIRE; EMPLOYÉ PUBLIC; COMMUNE; CONTRAT DE DROIT ADMINISTRATIF; CONTRAT; DROIT PRIVÉ; FONDATION(PERSONNE MORALE)
Normes : LASIEP.1 ; LASIEP.3 ; LAC.48.letr
Résumé : Irrecevabilité de la demande en paiement déposée par une ancienne directrice de crèche contre la commune. Les rapports de travail de la directrice n'ont jamais été soumis au droit public même durant la période où la commune a repris la gestion de la crèche.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/6/2008-CM ATA/362/2010

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 1er juin 2010

 

dans la cause

 

Madame X______
représentée par Me Mauro Poggia, avocat

contre

COMMUNE DE THÔNEX
représentée par Me Bénédict Fontanet, avocat

 



EN FAIT

1. a. Par délibération du 31 mars 1992, le conseil municipal de la commune de Thônex (ci-après : la commune) a ouvert un crédit de CHF 250'000.- en vue de l’aménagement d’une crèche à Thônex.

b. Le Conseil d’Etat a approuvé cette délibération par arrêté du 4 mai 1992.

2. Le 9 juin 1992, le conseil administratif de la commune (ci-après : le conseil administratif) a engagé Madame X______ en qualité de directrice de la future crèche.

L’association appelée à gérer l'institution n’était pas créée et le service de la petite enfance devait donner son accord à cet engagement. Toutefois, une prise de fonction provisoire, fixée au 10 juin 1992, était nécessaire avant l'ouverture de l'établissement, prévue pour le 24 août 1992. Dans un premier temps, le traitement horaire brut était de CHF 32,45. Dès que l’engagement deviendrait définitif, le salaire mensuel et toutes les modalités concernant les charges sociales seraient communiqués à l'intéressée.

3. La crèche "C______" a débuté son activité le 24 août 1992.

4. a. Suite à une délibération du 29 septembre 1992 du conseil municipal de la commune, la "fondation en faveur de la jeunesse de Thônex" (ci-après : la fondation) s'est constituée le 22 décembre 1992.

Cette fondation, de droit privé, avait pour but de développer toutes activités de la commune en faveur de la jeunesse, notamment par la création de crèches, jardins et garderies d’enfants, colonies de vacances et restaurants scolaires.

b. Monsieur P______, conseiller administratif de la commune, a été président de la fondation depuis la création de celle-ci jusqu’en mars-avril 2001.

5. a. L’engagement de Mme X______ a fait l’objet de différentes discussions lors des séances du conseil de fondation :

- Le 24 février 1993, la question de l’engagement définitif de la directrice de la crèche a été soulevée. Il convenait de déterminer, en particulier, si celui-ci devait être effectué par la fondation ou par le comité de gestion de la crèche ;

- Selon un état de situation établi par le bureau du conseil de fondation le 15 novembre 1995, la nomination de la directrice devait être porté à l’ordre du jour ;

- Le 18 novembre 1993, une discussion a eu lieu sur la nécessité de soumettre la directrice à un contrat d’engagement et non à un cahier des charges ;

- Le 31 octobre 1994, le cahier des charges de la directrice a été présenté. M. P______ a expliqué que la directrice travaillait depuis le début selon ce cahier des charges, établi sur la base de celui de la fédération des crèches genevoises. Il a été relevé que la fondation n'était pas mentionnée dans ce document et que depuis deux ans la directrice était en place mais n’était pas engagée ;

- Le 10 mai 1995, la question de savoir qui, de la fondation ou du bureau élargi, s'occupait du licenciement et de l'engagement du personnel a été évoquée. Une nouvelle réunion a été agendée, en particulier, pour discuter de l’engagement de la directrice ;

- Le 23 mai 1995, le président du conseil a annoncé que la directrice de la crèche avait accepté le cahier des charges qui lui avait été soumis. La question de sa nomination a été abordée. L’évaluation de celle-ci a été renvoyée à fin janvier. D’ici là, elle devait fournir à la fondation différentes pièces.

b. Le cahier des charges, établi lors des séances du conseil de fondation des 16 janvier et 13 février 1995, a été signé par Mme X______ le 30 mars 1995. Il prévoyait que la directrice était engagée par le conseil de fondation et dépendait administrativement du comité de gestion.

6. Le 12 novembre 1996, le service de protection de la jeunesse a autorisé Mme X______ à diriger la crèche.

7. Suite à cette autorisation, un contrat de travail d'une durée indéterminée a été conclu entre la crèche, représentée par le conseiller administratif M. P______, et Mme X______. Il prévoyait, à l’engagement, une rémunération selon l’échelon 2 de l’échelle des traitements de la fonction qui devait être portée à l’échelon 3 dès l’année suivante. Le salaire annuel brut à l’engagement était ainsi de CHF 83'280.-.

Ce contrat a été daté au 1er septembre 1992. M. P______ a expliqué par la suite que, l’office de la protection de la jeunesse ayant délivré l’autorisation, il avait pensé qu’il fallait régulariser la situation de Mme X______ conformément à la lettre du 9 juin 1992. Il avait donc prié celle-ci de dactylographier le contrat. Il avait indiqué la date du 1er septembre 1992, car cette date correspondait à l’engagement effectif de Mme X______.

8. a. Par décision du conseil de fondation du 6 mai 1998, la crèche a été sortie du champ d’activité de la fondation et sa gestion a été confiée à un comité de gestion mandaté par le conseil administratif.

b. Le règlement du comité de gestion de la crèche a été adopté le 2 février 1999 par le conseil administratif. Selon ce règlement, le comité de gestion avait pour mission la gestion et l’exploitation de la crèche (art. 1). Les membres du comité étaient nommés par le conseil administratif (art. 4). Le comité devait rendre régulièrement compte de son activité au conseil administratif (art. 9).

9. En 2001, le service de protection de la jeunesse a suspendu l’autorisation délivrée à Mme X______.

10. a. Après une première notification en 2001, qui a été retirée par la commune, la résiliation du contrat de travail a été signifiée à Mme X______ le 26 juin 2002 pour le 30 septembre suivant.

b. L'intéressée a recouru auprès du Tribunal administratif contre ce licenciement, le 25 juillet 2002 (procédure A/716/2002).

c. Par arrêt du 10 juin 2003, le Tribunal administratif a considéré que, compte tenu de son invalidité, reconnue dans la décision du 25 février 2003 de l'office cantonal de l'assurance-invalidité, l’intérêt actuel de Mme X______ à obtenir un jugement faisait défaut. Par ailleurs, même si l'on considérait le recours comme une action en constatation relative à la nature publique ou privée du contrat de travail, celle-ci serait subsidiaire par rapport à une action pécuniaire à l’encontre de la commune ou de son institution de prévoyance. Le recours devait dès lors être déclaré irrecevable (ATA/460/2003).

11. Le 30 juillet 2004, Mme X______ a fait notifier un commandement de payer à la commune, pour une somme de CHF 672'320.- avec intérêts à 5 % dès le 1er mai 2004 et de CHF 60'000.- avec intérêts à 5 % dès le 31 mars 2001 représentant la perte de gain et le tort moral suite à la suspension abusive ordonnée par le service de protection de la jeunesse.

La commune a fait opposition.

12. Le 2 janvier 2008, Mme X______ a déposé une demande en paiement auprès du Tribunal administratif. Elle requiert la constatation de la soumission au droit public du rapport de travail conclu entre les parties et le versement par la commune d'un montant de CHF 21'000.- avec intérêts à 5 % dès le 30 mars 2002 ainsi que des sommes suivantes :

- CHF 1'735,15 avec intérêts à 5 % dès le 31 décembre 1992
- CHF 3'299,65 avec intérêts à 5 % dès le 31 décembre 1993
- CHF 5'740,15 avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1994
- CHF 6'593,70 avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1995
- CHF 7'210.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1996
- CHF 7'725.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1997
- CHF 8'240.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1998
- CHF 8'925.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 1999
- CHF 9'450.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2000
- CHF 9'975.- avec intérêts à 5% dès le 31 décembre 2001
- CHF 10'153,80 avec intérêts à 5% dès le 30 mars 2002.

Elle requiert également son intégration avec effet rétroactif au 10 juin 1992 auprès de la caisse d’assurance du personnel de la ville de Genève (ci-après : CAP).

Il ressortait des avis de droit du Professeur Gabriel Aubert du 30 novembre 1999 et de Mes Pierre-Louis Manfrini et Nicolas Wisard du 13 février 2001 ainsi que des rapports de la société fiduciaire et de gérance du 7 novembre 2001 et de l’inspection cantonale des finances du 20 décembre 2002, qu'elle avait été engagée par la commune par contrat de droit public. Son travail avait été exécuté correctement, les heures supplémentaires étaient justifiées par son cahier des charges et son salaire correspondait à ses heures de travail.

Engagée par la commune, elle était soumise au statut du personnel communal (ci-après : le statut). Elle aurait ainsi dû recevoir, en vertu de l’art. 63 du statut deux fois son dernier traitement mensuel, soit un montant de CHF 21'000.- car elle avait dû quitter l’administration pour cause d’invalidité complète. Elle aurait également dû toucher, en vertu de l’art. 53 du statut, un treizième salaire progressif, soit une première fois un montant égal au 50 % de son traitement mensuel dès la première année de son engagement, puis 5 % de plus chaque année, pour atteindre 100 % dès la onzième année. Enfin, en vertu de l’art. 79 du statut, elle aurait dû être assurée auprès de la CAP. Elle devait donc être intégrée avec effet rétroactif à la date de son engagement auprès de cette caisse. Dans la mesure où il était impossible de savoir si une telle intégration pourrait être acceptée, il convenait de réserver la perte sur ces pensions, un calcul devant alors intervenir avec l’aide de la CAP.

13. Le 7 mars 2008, la commune s’est opposée à la demande.

La conclusion de la demanderesse tendant à son intégration avec effet rétroactif au 10 juin 1992 auprès de la CAP, n’était pas une prétention appréciable en argent. Elle était irrecevable dans le cadre d’une action pécuniaire formée par-devant le Tribunal administratif. De toute manière, elle n'était pas du ressort de cette juridiction, mais du Tribunal cantonal des assurances sociales en vertu de l’art. 73 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP - RS 831.40).

Aucune décision de nomination n’avait été prise par le conseil administratif de la commune. Pour la période de 1992 à 1993, la commune avait conclu un contrat de droit privé, engageant Mme X______ à titre provisoire. Pour la période de 1993 à 1998, Mme X______ avait été engagée par la fondation sur la base d’un contrat de droit privé. Enfin, le contrat de travail pour une durée indéterminée signé par M. P______ et Mme X______ en 1997, et antidaté, n’était pas une décision de nomination. Mme X______ étant, à l’époque de la signature effective de ce contrat, engagée par la fondation de droit privé, ce document ne signifiait pas que la commune souhaitait l'engager. Faute de décision de nomination, aucun rapport de droit public n’avait été créé entre la commune et l'intéressée entre 1993 et 1998. Seul un rapport existait entre la fondation de droit privé et Mme X______. Les prétentions pour cette période ne pouvaient qu’être déclarées irrecevables par le Tribunal administratif. Il en allait de même pour celles remontant à 1992 qui découlaient d’un contrat de droit privé. Enfin, de 1999 à 2002, lorsque la crèche avait été sortie de la fondation, la commune n’avait jamais eu l’intention d’engager Mme X______ comme employée soumise au droit public. Un tel engagement, au vu de la nationalité française de l’intéressée, aurait en tout état été contraire au statut. Le seul contrat valablement conclu entre la commune et Mme X______ était celui du 1er septembre 1992 relatif à un engagement temporaire. Aucun contrat complémentaire n’avait été formellement conclu entre la commune et Mme X______ en 1999. Dans ces circonstances, c’était le contrat de 1992 qui devait à nouveau trouver application. L’engagement de Mme X______ était ainsi soumis au seul droit privé de 1999 à 2002. En l’absence de toute contestation fondée sur des rapports de droit public, l’action pécuniaire devait être déclarée irrecevable. De 1993 à 1998, Mme X______ était employée par la seule fondation. Cette dernière n’ayant pas été assignée, l’action pécuniaire pour ces années devait en tout état être déclarée irrecevable.

Si, par impossible, le Tribunal administratif devait déclarer l’action recevable, la demanderesse devait être déboutée en application des règles sur la prescription, la répétition de l’indu et la compensation. Les prétentions de Mme X______ qui découlaient de créances ayant pris naissance de 1992 au 30 septembre 2002 étaient prescrites. Par ailleurs, si le tribunal reconnaissait l’existence d’un rapport de droit public entre la demanderesse et la défenderesse, il devrait alors appliquer l’échelle des traitements de la commune à ce rapport. Mme X______ avait ainsi perçu indûment de 1994 à 2002 une somme de CHF 261'306,50, son traitement s’écartant de l’échelle des traitements de la commune.

14. Mme X______ a répliqué le 14 avril 2008. Elle persiste intégralement dans ses conclusions et demande, à titre préalable, la production par la commune du relevé du compte par le débit duquel son salaire était versé.

Elle ne faisait pas valoir des prétentions à l’encontre d’une caisse de prévoyance, mais bien de son ancien employeur qui était la commune. Il appartenait à cette dernière d’inviter la CAP à l’intégrer avec effet au 10 juin 1992. Par ailleurs, la relation de droit public qui s’était nouée entre les parties en 1992 n’avait pris fin qu’en 2002. Quant à la prescription, celle-ci avait été interrompue par la notification d’un commandement de payer à la commune le 30 juillet 2004. De plus, elle s'était trouvée dans une situation psychologique telle qui lui avait été impossible de réunir les forces nécessaires pour une procédure. Enfin, elle n’avait jamais reçu une somme quelconque à laquelle elle n’aurait pas eu droit. Les salaires qui lui avaient été versés tenaient compte de l’important cahier des charges qu’elle devait assumer et correspondaient à un poste et demi.

15. La commune a dupliqué le 2 mai 2008. Elle persiste intégralement dans ses observations du 7 mars 2008.

La commune et la fondation étaient deux entités et personnes juridiques distinctes. Le salaire de Mme X______ était versé sur un compte postal intitulé "crèche de Thônex C______". Mme X______ avait d’ailleurs elle-même mis en demeure la fondation de lui régler des montants relatifs à une indemnisation pour maladie. Par ailleurs, l’intéressée était assurée, au titre de l’assurance-maladie collective, auprès de la Nationale Suisse assurance, laquelle était l’assurance de la fondation. Or, les employés de la commune étaient assurés auprès de l’assurance Helsana. Enfin, Mme X______ ne figurait pas dans le logiciel de salaires Opal, mis en place dans toutes les communes genevoises et sur lequel il était possible de retrouver toutes les personnes fixes ou auxiliaires à qui des salaires avaient été versés. Ces éléments démontraient que Mme X______ n’avait jamais été liée à la commune par un rapport de travail de droit public.

Le commandement de payer avait été notifié le 30 juillet 2004, toute prétention ayant pris naissance avant le 30 juillet 1999 était donc prescrite. S’agissant de la répétition de l’indu, Mme X______ ne pouvait soutenir être au bénéfice d’un rapport de droit public, tout en refusant de se voir appliquer l’échelle des traitements y relative.

16. Le 5 mai 2008, les parties ont été informées que l’apport de la procédure A/716/2002 avait été ordonné.

17. Le 25 septembre 2008, le juge délégué a procédé à une audience de comparution personnelle.

a. Monsieur G______, secrétaire général de la commune, a expliqué que les procédures d’engagement étaient régies par des règles précises. Avant la nomination, la personne faisait l’objet d’une lettre d’engagement qu’il signait lui-même, après acceptation du dossier par le conseil administratif. Dans le cas de Mme X______, il n’y avait eu aucune procédure d’engagement correspondant aux règles appliquées par la commune. L'intéressée n’avait jamais fait l’objet d’un traitement correspondant à celui d’une collaboratrice communale soumise au statut. En particulier, aucune évaluation périodique n'avait été réalisée et il n’existait pas d’arrêté de nomination. La situation était particulière puisqu’au moment où la candidature de l'intéressée avait été retenue, la fondation n’existait pas encore et l’approbation du service pour la petite enfance n’avait pas été donnée.

La commune n’envisageait pas de gérer elle-même la crèche. Elle avait eu l’opportunité de la mettre en place rapidement, raison pour laquelle Mme X______ avait été engagée avant même la création de la fondation qui devait gérer la crèche. Le salaire de l'intéressée avait dû être versé par la commune jusqu’à la création de la fondation.

b. Mme X______ a précisé que, pour ses prétentions de salaire, il fallait se référer aux chiffres figurant dans les certificats de salaire produits dont les montants avaient été repris de manière correcte en page 13 de sa requête.

Elle avait eu comme interlocuteur, s’agissant de sa rémunération, M. G______, ou l’un des autres conseillers administratifs et plus particulièrement M. P______, puisqu’il s’agissait du dicastère de celui-ci. Elle avait également été régulièrement entendue par le conseil municipal lorsqu’il était question de finances pour la crèche. Pour elle, son employeur avait toujours été la commune comme elle l’indiquait d’ailleurs dans sa déclaration d’impôts. Elle n’avait jamais actionné la fondation en paiement de prétentions salariales et la situation invoquée par la défenderesse était particulière. Les salaires du personnel de la crèche étaient versés grâce au montant reçu par la mairie sous forme de subvention transférée sur le compte de l'institution. Le conseil municipal votait une subvention, tous les ans, pour le fonctionnement de la crèche. Les personnes qui étaient engagées l’étaient par elle-même, sur papier à entête de la crèche. Elle établissait leur certificat de salaire. C’était son écriture qui figurait sur ses propres certificats de salaire, pièces 26 à 28, à l’exception de la mention "fondation en faveur de la jeunesse de Thônex". Ces documents avaient été signés ultérieurement par M. P______.

c. M. G______ a indiqué que les certificats établis par la commune étaient informatisés et non sous forme manuscrite.

18. Le 22 janvier 2009, le juge délégué a entendu M. P______ en présence des parties.

Celui-ci avait été conseiller administratif de la commune pendant douze ans, soit de 1991 à 2003. Il avait participé à l’engagement initial de Mme X______. En 1997, après l’obtention de l’autorisation requise de l’autorité cantonale compétente pour exploiter une crèche, il lui avait semblé qu’il fallait répercuter cela sur la situation de Mme X______. Il était conscient que cette décision aurait dû être datée de 1996/1997 et non pas de 1992. Toutefois, pour lui, cela ne changeait rien au statut juridique de Mme X______. Selon lui, la directrice avait été engagée en 1992 par le conseil administratif et avait toujours eu un statut d’employée communale. La manière dont elle avait été engagée était conforme à la pratique communale. Il n’avait pas souvenir de procédures particulières ou d'arrêtés de nomination s’agissant des employés communaux. Les aspects pratiques étaient traités par l’administration.

Il avait souhaité cette régularisation et en avait pris l’initiative. Il ne se souvenait pas pourquoi Mme X______ avait finalement établi elle-même son contrat sur le papier à entête de la commune. A ce moment-là, il était également président du conseil de fondation qui gérait formellement la crèche.

Le conseil municipal votait chaque année une subvention qui était versée sur le compte de la crèche. Cette dernière présentait ses comptes à la commune à la fin de l’année. Ce régime de subvention était demeuré le même depuis la création de la crèche jusqu’à la fin de son mandat de conseiller administratif. Chaque année, la demande de subvention devait être présentée et justifiée devant le conseil municipal. Il avait signé la plupart des certificats de salaire. Il ne se souvenait pas de quelle manière était choisi le tampon apposé sur sa signature qui était parfois celui de la commune et parfois celui de la fondation. Pour sa part, il avait toujours agi en tant que conseiller administratif pour ce qui avait trait à la crèche. A son souvenir, la question du statut des employés de la crèche n’avait jamais été évoquée devant le conseil municipal, ni devant le conseil administratif. S’agissant de la pièce 14 du chargé défenderesse, il était question du licenciement de Mme X______. Cela ne s’était toutefois jamais fait car la fondation ne pouvait pas la licencier puisqu’elle ne l’avait pas engagée. Par ailleurs, la commune n’avait jamais licencié Mme X______ pour qu’elle puisse être engagée par la fondation. L’art. 2 du cahier des charges de la directrice de la crèche, signé par lui-même et Mme X______, mentionnait que la directrice était engagée par le conseil de fondation. Toutefois, cela n’avait jamais été fait. Le statut de Mme X______ était calqué sur le modèle utilisé à la ville de Genève. Il ne savait pas pour quelle raison le conseil administratif n’avait jamais signé un arrêté de nomination pour Mme X______, ni pourquoi celle-ci n’avait pas été soumise au statut. Il n’était pas le responsable de la gestion du personnel communal. Il ne se souvenait pas s’il avait soumis à ses collègues du conseil administratif la lettre de régularisation de 1997. Il avait dû leur en parler, vraisemblablement peu après son établissement.

19. Le 27 février 2009, la commune a produit les procès-verbaux du conseil administratif du 1er novembre 1996 au 30 juin 1997, conformément à ce qui avait été décidé lors de l’audience d’enquêtes. Etant donné les nombreuses informations étrangères à la procédure qui n’avaient pas à être portées à la connaissance de Mme X______, elle sollicitait que seuls certains extraits soient mis à disposition.

Par ailleurs, elle requérait l’audition de Messieurs Z______ et S______, conseillers administratifs de la commune à l’époque des faits.

20. Le 8 décembre 2009, la juge déléguée a informé Mme X______ qu’après examen des procès-verbaux précités, seuls les extraits mentionnant la crèche étaient versés au dossier. Cette décision était susceptible de recours.

21. Le 22 janvier 2010, Mme X______ a déposé ses observations après enquêtes. Elle persiste intégralement dans les termes et conclusions de sa demande.

Les auditions de MM. S______ et Z______, le 23 septembre 2002 dans le cadre de la procédure A/716/2002 et de M. P______, le 22 janvier 2009, confirmaient qu'elle avait été engagée dans le cadre d’une relation de droit public par la commune. Les divers extraits de procès-verbaux du conseil administratif ne permettaient pas de conclure que le personnel était engagé par la fondation. M. P______ avait établi un contrat de travail de bonne foi antidaté au 1er septembre 1992. Son intention n’était pas de tromper qui que ce soit, mais uniquement d’établir qu’il s’agissait bien de la situation qui prévalait depuis le 1er septembre 1992. Les propos de M. P______ engageaient pleinement la commune. Enfin, l’ensemble des charges de fonctionnement de la crèche était assumé par la commune, au moyen des fonds communaux, dans une rubrique du grand livre intitulé "C______ subventions".

22. Le même jour, la commune a déposé ses observations. Elle persistait intégralement dans ses précédentes écritures.

M. P______ avait affirmé qu’il n’existait pas de procédure particulière ou d’arrêté de nomination s’agissant des employés communaux. Toutefois, diverses pièces démontraient le contraire. Il apparaissait ainsi que, pour chaque engagement de fonctionnaire communal, une décision formelle du conseil administratif était prise lors d'une séance in corpore du conseil et notifiée à l’intéressé. De tels documents n’existaient pas pour Mme X______. En outre, les comptes de subventions démontraient que la directrice n’avait jamais été directement rémunérée par la commune. Enfin, les différents procès-verbaux des séances du conseil administratif confirmaient que la question de l’engagement de Mme X______ n’avait jamais été abordée par l’exécutif communal. Afin de compléter l’instruction du dossier et au vu de la contradiction existant entre la déclaration de M. P______ et les pièces produites, l’audition de MM. Z______ et S______ était indispensable.

23. Le 27 janvier 2010, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

24. Il ressort encore des pièces du dossier les faits suivants :

a. Le 7 novembre 2001, la société fiduciaire et de gérance S.A. a procédé à un audit financier de la crèche. Les contrats d’engagement du personnel avaient été conclus sous des formes diverses. Certains avaient été signés par Mme X______ et M. P______ au nom de la crèche, principalement entre 1992 et 1994, d'autres avaient été signés par la directrice de la crèche au nom de la fondation, d'autres encore avaient été signés par la directrice de la crèche et M. P______ au nom de la crèche et sous la mention "commune de Thônex", enfin, certains contrats indiquaient que la crèche était représentée par le conseil administratif ou encore par le conseiller administratif délégué, les signataires restant M. P______ et la directrice de la crèche.

Le salaire de base de Mme X______ était comparable à celui prévu par les barèmes de la ville de Genève jusqu’à fin mai 1996 (CHF 6'691.- par mois). En sus de ce salaire, des heures supplémentaires avaient été payées à la directrice de janvier à mai 1996. Selon Mme X______, son salaire avait été ajusté à partir de juin 1996, sur les conseils de la fiduciaire, afin de prendre en compte les heures supplémentaires devenues permanentes et récurrentes, compte tenu de la charge de travail. Le nouveau salaire était de CHF 10'300.-. Depuis ce réajustement, plus aucune heure supplémentaire n’avait été payée à Mme X______.

Pour la prévoyance professionnelle, la crèche était affiliée à une fondation collective LPP de la Rentenanstalt. Les contrats d’affiliation et le règlement de la commission de gestion de la fondation collective avaient été signés par la crèche et étaient établis au nom de la "fondation en faveur de la jeunesse de Thônex, crèche de Thônex, C______", y compris celui établi en décembre 1999, c’est-à-dire après la sortie de la crèche de la fondation en 1998. Mme X______ avait expliqué que toutes les décisions concernant la prévoyance professionnelle étaient prises par le comité de gestion de la crèche. Le contrat ainsi que le règlement avaient été adaptés en fin d’année 1999, avec effet rétroactif au 1er avril 1999. Les modifications du règlement portaient essentiellement sur une augmentation du salaire assuré et sur une modification des prestations invalidité assurées.

La société a également examiné les conséquences financières sur les comptes de la commune d’une municipalisation de la crèche. L'incidence significative d'une municipalisation concernait les coûts du personnel car il s'agissait de la plus importante charge de fonctionnement. Pour pouvoir la déterminer, il serait nécessaire de savoir dans quelle classification du statut entrerait chaque collaboratrice de la crèche. Pour la prévoyance professionnelle, le personnel de la commune étant affilié à la CAP, une municipalisation de la crèche entraînerait une augmentation sensible des coûts compte tenu du niveau des prestations offertes par cette institution.

b. Dans un avis de droit du 30 novembre 1999, le professeur Aubert a examiné la légalité d’un statut du personnel communal prévoyant l’engagement de tout le personnel communal sous contrat de droit privé. A la lumière des critères classiques (en particulier les activités de l’employeur et le contenu des obligations inhérentes aux rapports de service), le personnel de la commune relevait du droit public. Selon le Tribunal fédéral, les rapports entre une corporation ou un établissement de droit public et ses salariés ressortissaient en principe au droit public, que ces rapports relèvent d’un régime statutaire ou de contrat de droit public. Il était douteux que les cantons puissent d’une manière générale les soumettre au droit privé. Toutefois, même si elle était admissible, une telle solution devait reposer sur une norme cantonale claire. En l’occurrence, il n’apparaissait pas que la loi ait clairement habilité les communes à soumettre tout leur personnel au droit privé, même si des exceptions n’étaient pas d’emblée exclues.

c. Mes Manfrini et Wisard ont, dans un avis de droit du 14 février 2001, examiné le statut des crèches et garderies sises sur le territoire de la commune de Thônex et les perspectives de restructuration recommandables dans le cadre d'une réflexion souhaitée par la délibération du conseil municipal du 14 novembre 2000.

Le statut juridique de la crèche "C______" avait connu plusieurs revirements. A l’origine, la délibération du conseil municipal du 31 mai 1992 révélait une volonté de créer une crèche communale, soit une institution rattachée directement à la commune. Toutefois, apparemment dès sa création et nonobstant l’absence de décision claire en ce sens, la crèche avait été gérée et s'était développée sous l’égide de la fondation. Même si le libellé des contrats de travail avec le personnel de la crèche n'était pas systématique, on pouvait en inférer que les éducatrices avaient été engagées par la fondation.

La décision de la fondation du 6 mai 1998 de se séparer de la gestion de la crèche et de la remettre au conseil administratif pouvait être comprise de deux manières, soit la fondation entendait déléguer la gestion concrète de la crèche en conservant la responsabilité juridique de cette institution, soit la "sortie" de la crèche était complète et définitive, impliquant la cession de tous les rapports juridiques liés à la gestion de la crèche. Les éléments factuels plaidaient en faveur de la seconde hypothèse. En particulier, la comptabilité de la crèche ne figurait plus dans celle de la fondation depuis la date de la "sortie". Aucune nouvelle institution n’avait été créée pour reprendre la gestion de la crèche. L’intervention directe du conseil administratif dans la gestion de la crèche, concrétisée non seulement par la surveillance du comité de gestion, mais également par l’adoption du règlement relatif à ce comité, montrait que la commune avait en fait repris la crèche à son compte. En édictant le règlement du comité de gestion, le conseil administratif avait agi dans le cadre de ses attributions générales de droit public. Il en avait fait de même en adoptant le règlement de placement des enfants. En se réservant des compétences décisionnelles dans ces textes normatifs, le conseil administratif avait montré qu’il prétendait à des pouvoirs de gestion et d’autorité qui n’étaient pas concevables hors d’une structure rattachée à l’administration communale. Enfin, postérieurement au 6 mai 1998, le personnel de la crèche avait été engagé par des contrats libellés au nom de la commune, sous la signature de M. P______.

La crèche était ainsi en réalité rattachée directement à la commune, faute de tout autre support juridique. La décision prise par la fondation en date du 6 mai 1998 et la reprise de l’administration de la crèche par le conseil administratif avaient eu pour effet de municipaliser l’institution. La commune n’était apparemment pas entièrement consciente de ce rattachement. Le maintien de l’intégralité du personnel sous contrat de droit privé ne pouvait se justifier à long terme. La commune devait étudier les perspectives de restructuration du secteur de la petite enfance en déterminant le degré de contrôle qu'elle souhaitait conserver dans la gestion des institutions et en examinant les impératifs de gestion efficace et adaptée de ces institutions, notamment du point de vue du statut du personnel.

d. Le 20 décembre 2002, l’inspection cantonale des finances a rendu un rapport au Conseil d’Etat relatif à la crèche "C______".

L’engagement de la directrice était à l’époque de la compétence du conseil administratif de la commune. L’engagement fixe de la directrice n’avait pas été formalisé correctement. Le contrat était à l’en-tête de la commune alors qu’il aurait dû l'être à celle de la fondation dans la mesure où cette dernière était l’employeur de la directrice. Le contrat n’avait pas été établi par écrit dans des délais raisonnables après la création de la fondation.

En 1998, la fondation avait décidé à l’unanimité de transférer la gestion de la crèche au conseil administratif. Ce transfert avait créé un flou juridique quant au statut de la crèche, flou qui allait perdurer plusieurs années. En effet, la crèche n’avait plus de statut relevant du droit privé depuis qu’elle avait quitté la fondation mais elle n’avait pas non plus celui de droit public car la commune refusait de la municipaliser. En raison du transfert, la fiduciaire qui contrôlait les comptes de la fondation avait été déliée de cette charge. Cependant, le conseil administratif n’avait mandaté aucune autre fiduciaire pour effectuer le travail. Lors de l’établissement du budget 2001, le conseil administratif, qui avait accepté de reprendre la responsabilité de la crèche, avait proposé au conseil municipal d’inclure les comptes de la crèche dans ceux de la commune, ce qui avait été refusé.

Entre 1993 et 1998, la crèche se trouvait dans le giron de la fondation. Le conseil de fondation déléguait alors la supervision de la crèche à un comité de gestion. Suite à certains dysfonctionnements, ce dernier avait donné sa démission à la fin de l’année 1993. Le conseil de fondation avait alors réagi en décidant de créer un comité de soutien pour remplacer le comité de gestion. Le conseil de fondation avait établi et adopté en 1995 le cahier des charges définitif de la directrice. Après avoir longuement débattu des heures supplémentaires de celle-ci et refusé une première fois les comptes 1996, le conseil de fondation, dans sa séance du 18 mars 1998, avait accepté les comptes et validé les heures supplémentaires de la directrice. Il semblait que le comité de soutien avait, courant 1996, décidé au vu du caractère répétitif des heures supplémentaires et sur proposition de la fiduciaire, de mensualiser leur paiement en augmentant d’autant le salaire de la directrice.

e. Entendus le 23 septembre 2002 dans le cadre de la procédure A/716/2002, MM. Z______ et S______, alors respectivement maire et conseiller communal, ont déclaré admettre que les rapports entre la commune et Mme X______ étaient régis par le droit public et non par le droit privé. Le congé notifié par la commune le 26 juin 2002 était conforme au statut. Le 31 octobre 2002, M. S______ a indiqué qu'il s'occupait des salaires pour le personnel communal. La commune n'avait jamais rémunéré le personnel de la crèche. Elle versait une subvention.

Dans le cadre de cette procédure, M. P______ a, de son côté, expliqué que Mme X______ n'avait pas été engagée comme fonctionnaire car la commune n'avait pas vraiment réalisé que le personnel de la crèche devait être municipalisé. Le fonctionnement de l'institution était quelque chose "d'à part". A partir de 1993, l'activité de la crèche avait été confiée à une fondation jusqu'en 1998, date à laquelle le conseil administratif en avait repris l'activité. Aux termes d'une convention en bonne et due forme établie en août 2002, elle était revenue à la fondation.

f. Entre 1992 et 2002, les certificats de salaire de Mme X______ avaient été établis sous des formes diverses. En 1992, 1993 et 2000, figure la signature de M. P______ accompagnée du tampon de la commune alors que, pour les années 1995, 1996 et 2002, celle-ci est accompagnée du tampon de la fondation ou en 1994, d'une annotation manuscrite "fondation en faveur de la jeunesse de Thônex". Enfin, en 1997 et 1999 les certificats ont été établis par la crèche.

g. Suite à une décision du conseil administratif de la commune, la gestion de la crèche a, à nouveau, été confiée à la fondation dès août 2002.

h. Par décision du 15 janvier 2003, le Conseil d'Etat a prononcé un avertissement à l'encontre de MM. P______ et S______.

Selon le communiqué de presse émis à cette occasion, la crèche "C______" était gérée, à l'origine, par une fondation de droit privé créée par la commune, à laquelle cette dernière versait une subvention annuelle. En 1998, la fondation avait décidé de sortir la crèche de son activité pour la remettre au conseil administratif. Ce transfert avait créé un flou quant au statut juridique de la crèche. En effet, celle-ci ne bénéficiait plus d'un statut de droit privé, ni formellement d'un statut de droit public.

M. S______, en sa qualité de conseiller administratif délégué aux finances, avait, contrairement à ses devoirs, attendu la fin de l'année 2000, lors de la présentation du budget 2001, pour exposer au conseil municipal l'intégration des comptes de la crèche dans ceux de la commune. Faite plus tôt, une telle démarche aurait permis de mettre fin à l'incertitude entourant le statut de la crèche. Le conseil municipal avait ensuite contribué à maintenir cette situation indéterminée en refusant l'intégration des comptes de la crèche, préférant continuer à lui verser une subvention, situation dont le conseiller administratif en charge des finances s'était accommodé alors qu'il lui incombait de passer outre.

Quant à M. P______, il avait manqué à ses obligations en régularisant l'engagement de la directrice de la crèche par la conclusion d'un contrat anti-daté au nom de la commune et sans en avoir référé aux autres membres du conseil administratif.

EN DROIT

1. Le 18 septembre 2008, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a modifié la loi d’organisation judiciaire du 22 novembre 1941 (LOJ -E 2 05). Cette novelle, entrée en vigueur le 1er janvier 2009, répond à l'art. 29a de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui garantit l'accès au juge, et à l'art. 86 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110) qui oblige les cantons à instituer des tribunaux supérieurs statuant en dernière instance comme autorités précédant immédiatement le Tribunal fédéral. Elle a notamment entraîné l'abrogation de l'art. 56B al. 4 LOJ et la modification de l'art. 56G LOJ. Ainsi, le Tribunal administratif est désormais compétent pour connaître des recours contre les décisions concernant le statut et les rapports de service des fonctionnaires et autres membres du personnel de l’Etat et l'action pécuniaire est devenue une action contractuelle réservée aux prétentions fondées sur le droit public qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision et qui découlent d'un contrat de droit public (ATA/396/2009 du 25 août 2009 ; ATA/178/2009 du 7 avril 2009).

Dans le cas d'espèce, les faits de la cause étant antérieurs au 1er janvier 2009 et l'action pécuniaire ayant été déposée avant l'entrée en vigueur de la loi modifiant la LOJ, il convient d'appliquer les règles de la LOJ dans leur ancienne teneur (ci-après : aLOJ).

2. Aux termes de l'article 56G aLOJ, une action pécuniaire devant le Tribunal administratif est ouverte pour les actions relatives à des prétentions de nature pécuniaire fondées sur le droit public cantonal qui ne peuvent pas faire l'objet d'une décision au sens de l'article 56A alinéa 2 LOJ et qui découlent des rapports entre l'Etat, les communes, les autres corporations et établissements de droit public et leurs agents publics (al. 1 let. a).

3. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 132 II 485 consid. 3.2 p. 494 ; 127 I 54 consid. 2b p. 56 ; 127 III 576 consid. 2c p. 578 ; Arrêt du Tribunal fédéral 2C.573/2007 du 23 janvier 2008 consid. 2.3). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 158 ; 130 I 425 consid. 2.1 p. 428 ; Arrêts du Tribunal fédéral 2C.402/2008 du 27 juin 2008 consid. 3.2 ; 2P.205/2006 du 19 décembre 2006 consid. 2.1 et les arrêts cités ; ATA/432/2008 du 27 août 2008). Le droit d’être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 133 II 235 consid 5.2 p. 248 ; 129 I 232 consid. 3.2 p. 236 ; 126 I 97 consid. 2b p. 103).

En l'espèce, le tribunal de céans dispose des éléments nécessaires pour statuer en connaissance de cause. Il n'est ainsi pas utile de procéder à d'autres auditions, en particulier, à celles de MM. S______ et Z______, ceux-ci ayant déjà été entendus dans le cadre de la procédure A/716/2002.

4. Dans le présent litige, l'examen de la recevabilité implique de déterminer si les parties sont liées par contrat et, dans l'affirmative, si leur relation relève du droit public.

5. Aux termes de la loi concernant l'attribution de subventions aux institutions recevant des enfants d'âge préscolaire du 17 décembre 1971 (LASIEP - J 6 30), en vue de favoriser la création, le développement et l'exploitation des institutions recevant des enfants d'âge préscolaire (ci-après : les institutions), les communes subventionnent lesdites institutions quand elles en ont reconnu l'utilité (art. 1 LASIEP).

Les institutions ont une administration autonome ou municipale (art. 3 LASIEP).

6. La loi sur l’administration des communes du 13 avril 1984 (LAC - B 6 05) prévoit que le conseil municipal délibère notamment sur la création de fondations d'intérêt public communal, de fondations de droit privé ou de sociétés au capital desquelles la commune veut participer (art. 30 al. 1 let. t LAC) et sur le statut du personnel communal et l'échelle des traitements et des salaires (art. 30 al. 1 let. w LAC).

Dans les limites de la constitution et des lois, le conseil administratif, le maire, après consultation de ses adjoints ou un adjoint dans le cadre de ses fonctions déléguées sont chargés, en particulier, d'engager et de nommer le personnel de l'administration municipale, de fixer son salaire, de le contrôler et de le révoquer conformément au statut du personnel (art. 48 let. r LAC). Ils édictent les règlements municipaux, à l’exclusion des domaines où les lois donnent cette compétence au conseil municipal (art. 48 let. v LAC).

7. a. Les fonctionnaires et les autres agents soumis au droit public sont nommés par décision. La nomination est un acte unilatéral soumis à l'accord de l'intéressé. L'acte d'engagement ne contient pas les clauses qui fixeraient un régime individuel, mais soumet le fonctionnaire nommé aux normes générales régissant la fonction publique. Il ne renferme de spécifique que ce qui est nécessaire à l'individualisation de la charge à remplir ou de certaines prestations particulières (P. MOOR, Droit administratif, vol. 3, 2ème éd., 1992, ch. 5.1.2.1 et 5.1.3.1).

b. Le Tribunal fédéral admet le principe de l’application du droit privé dans la relation de travail entre un agent public et une collectivité publique pour autant qu’une base légale expresse le prévoie (ATF 118 II 213, JT 1993 I 634, consid. 3 ; G. AUBERT/F. BELLANGER/ T. TANQUEREL, Fonction publique : vers une privatisation ? Journées de droit administratif 4 et 5 mars 1999, Zurich, Schulthess, 2000, p. 51-52). En principe, les rapports entre l'Etat et ses agents doivent être soumis au droit public, des rapports de droit privé étant seulement admissibles dans des circonstances exceptionnelles, par exemple s'il s'agit de tâches de trop courte durée pour être confiées à des fonctionnaires et même à des employés ou, en cas de tâches spéciales, voire s'il est nécessaire d'individualiser le rapport juridique (JAAC 2000 III 64.64 consid. 1.b.aa).

8. a. Selon le statut, dans sa version du 4 juillet 1989, est un fonctionnaire la personne nommée en cette qualité par le conseil administratif pour exercer une fonction permanente au service de la commune (art. 1 al. 2, 3 et 4 du statut).

Le conseil administratif peut engager sur la base d'un contrat de droit privé des employés en qualité d'auxiliaires fixes pour une durée indéterminée, en vue d'exercer une fonction permanente et des employés en qualité de temporaires pour une durée limitée, en vue de travaux particuliers ou saisonniers (art. 2 du statut).

b. Toute fonction que le conseil administratif décide de repourvoir ou toute fonction nouvelle doit faire l'objet d'une nomination (art. 3 du statut). La nomination des fonctionnaires est du ressort du conseil administratif (art. 4 du statut). La nomination est communiquée au fonctionnaire par acte écrit (art. 7 al. 3 du statut).

c. Peuvent seules être nommées, en qualité de fonctionnaires, les personnes de nationalité suisse qui offrent toutes les garanties de moralité et satisfont aux exigences de la fonction. (art. 4 al. 1 du statut) Exceptionnellement le conseil administratif peut conférer la qualité de fonctionnaire à une personne de nationalité étrangère, si l'intérêt de l'Etat l'exige et qu'aucun candidat genevois ou confédéré ne remplit les conditions précitées (art. 4 al. 2 du statut).

d. Le fonctionnaire est assuré contre les conséquences économiques de la vieillesse, de l'invalidité et du décès auprès de la CAP (art. 79 du statut).

9. a. En l'espèce, le 9 juin 1992, Mme X______ a été engagée par la commune en qualité de directrice de la crèche. Selon la lettre du conseil administratif, il s'agissait d'une prise de fonction à titre provisoire dans l'attente de la création de l'établissement. La situation de la directrice devait ainsi être régularisée lors de la constitution de l'association appelée à gérer l'institution et lors de la délivrance de l'approbation du service de protection de la jeunesse. Cet engagement avait dès lors un caractère limité dans le temps. La directrice n'avait pas encore acquis la nationalité suisse et ne remplissait donc ni les conditions personnelles, ni les conditions professionnelles pour pouvoir être engagée sous contrat de droit public. Son statut doit ainsi être assimilé à celui d'une employée soumise au droit privé comme prévu par le statut.

Suite à l'octroi de l'autorisation du service de protection de la jeunesse en 1996, un contrat de travail, anti-daté au 1er septembre 1992, a été signé par Mme X______ et la crèche, représentée par le conseil administratif. Lors de son audition par le tribunal de céans le 22 janvier 2009, M. P______ a expliqué que, pour lui, Mme X______ avait toujours eu un statut d'employée communale. De même, entendus dans le cadre de la procédure A/716/2002, MM. S______ et Z______ ont admis que les rapports entre la commune et la directrice étaient régis par le droit public. Ces éléments qui plaident en faveur de l'existence d'un contrat de droit public entre la directrice et la commune doivent être relativisés en raison des faits suivants :

a. La crèche s'est ouverte le 24 août 1992 et a été gérée par une fondation de droit privé jusqu'au 6 mai 1998. Durant cette période, l'engagement et le cahier des charges de la directrice ont été régulièrement évoqués par le conseil de fondation. Selon le cahier des charges signé le 30 mars 1995, la directrice était engagée par ledit conseil et dépendait administrativement du comité de gestion. Courant 1996, le salaire de la directrice a été augmenté sensiblement par le comité, sur proposition de la fiduciaire. Cette modification d'un point essentiel du contrat n'a pas été soumise à l'approbation de la commune. M. G______ a indiqué que la procédure d'engagement de Mme X______ ne correspondait pas aux règles appliquées par la commune et que l'intéressée n'avait fait l'objet d'aucune évaluation périodique. De même, il n’y a pas eu d'arrêté de nomination comme prévu par le statut. Il convient également de relever que malgré l'existence de contrats de formes diverses, les employés de la crèche étaient engagés par cette dernière.

b. S'agissant du contrat conclu entre Mme X______ et la crèche, il a été établi, selon les dires de M. P______, afin de régulariser la situation de la directrice conformément à la lettre du 9 juin 1992. La conclusion de celui-ci n'a été discutée ni au sein de la commune, ni au sein de la fondation, selon les pièces du dossier. Par ailleurs, les propos tenus par M. P______ dans le cadre de la présente procédure diffèrent de ceux précédemment émis. Ainsi, le 23 septembre 2002, M. P______ avait déclaré que Mme X______ n'avait pas été engagée comme fonctionnaire car la commune n'avait pas réalisé que le personnel de la crèche devait être municipalisé et que le fonctionnement de l'institution était quelque chose "d'à part". Le tribunal de céans relèvera encore que durant toute la période de son engagement, Mme X______ n'a jamais formellement requis sa nomination. De même, elle n'a pas demandé à être intégrée à la CAP. Or, en sa qualité de directrice, elle connaissait, en particulier, l'affiliation de la crèche à la fondation collective de la Rentenanstalt.

Il ressort de ce qui précède que M. P______ n'a pas su différencier son rôle de conseiller administratif de celui de président de la fondation, ce qui a créé une certaine confusion dans le statut de la crèche. Il n'en demeure pas moins que, durant la période où la crèche était gérée par la fondation, la directrice était soumise au droit privé et était liée à la fondation et non à la commune. Le litige est dès lors exorbitant à la compétence du Tribunal administratif pour cette période.

c. Le 6 mai 1998, la crèche a été sortie du champ d'activité de la fondation et confiée à un comité de gestion. Le règlement du comité, adopté le 2 février 1999 par le conseil administratif, prévoit que celui-ci nomme les membres du comité et exerce une surveillance sur l'activité déployée. Le rôle de la commune s'est ainsi intensifié et cette dernière s'est interrogée sur le statut des employés et sur les incidences financières d'une municipalisation de la crèche, comme l'attestent notamment l'audit financier du 7 novembre 2001 et l'avis de droit du 14 février 2001. Toutefois, aucune mesure n'a été prise en vue de modifier le statut des collaborateurs, et en particulier celui de la directrice. Le salaire de Mme X______ ne correspondait pas aux principes salariaux du personnel de la commune. Il n'existait aucune volonté de la commune de soumettre les employés de la crèche au droit public. D'ailleurs, en août 2002, la gestion de la crèche a à nouveau été confiée à la fondation. Entre mai 1998 et août 2002, la commune a donc repris la gestion de la crèche mais le statut préexistant a été maintenu. Cette situation a prévalu pendant une période temporaire jusqu'à ce que la structure adéquate soit arrêtée. Mme X______ était donc juridiquement liée à la commune durant cette période mais les rapports relevaient toujours du droit privé. Le Tribunal administratif n'est dès lors pas compétent pour connaître des prétentions de Mme X______.

10. Au vu de ce qui précède la demande en paiement doit être déclarée irrecevable. Un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de Mme X______ (art. 87 LPA).

Conformément à la jurisprudence du Tribunal administratif dont il n'y a pas lieu de s'écarter, aucune indemnité ne sera allouée à la commune, celle-ci devant être considérée comme une ville, dès lors qu’elle compte plus de 10'000 habitants. Il faut donc admettre qu’elle a les moyens de disposer de son propre service juridique sans recourir aux services d’un homme de loi (ATA/591/2007 du 20 novembre 2007 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

déclare irrecevable la demande déposée le 2 janvier 2008 par Madame X______ ;

met à la charge de Mme X______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité ;

dit que, conformément aux art. 82 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les articles 113 et suivants LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du demandeur ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du demandeur, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mauro Poggia, avocat de Mme X______, ainsi qu'à Me Bénédict Fontanet, avocat de la commune.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Thélin, Mmes Hurni et Junod, M. Dumartheray, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste :

 

 

M. Tonossi

 

la présidente :

 

 

L. Bovy

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

la greffière :