Décisions | Assistance juridique
DAAJ/9/2025 du 27.01.2025 sur AJC/5349/2024 ( AJC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE AC/3154/2022 DAAJ/9/2025 COUR DE JUSTICE Assistance judiciaire DÉCISION DU LUNDI 27 JANVIER 2025 |
Statuant sur le recours déposé par :
Madame A______, domiciliée ______, représentée par Me B______, avocate,
contre la décision du 4 octobre 2024 de la vice-présidence du Tribunal civil.
A. a. Le 31 octobre 2022, A______ (ci-après : la recourante) a requis, par l'intermédiaire de son conseil, Me C______, l'assistance judiciaire pour introduire une action alimentaire et en fixation de l'exercice du droit de visite de ses enfants, D______ et E______.
b. Par décision du 3 novembre 2022, la vice-présidence du Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a octroyé l'assistance juridique à la recourante pour déposer l'action précitée. Ledit octroi était limité à la première instance. Me C______, avocate, a été désignée pour défendre les intérêts de la recourante.
c. Par décisions des 20 juin 2023, 12 février et 18 avril 2024, la vice-présidence du Tribunal a octroyé à la recourante l'extension du nombre d'heures sollicitées.
B. a. Par ordonnance OTPI/436/2024 du 5 juillet 2024 (C/1______/2022), le Tribunal, a ordonné le placement des enfants D______ (10 ans) et E______ (6 ans) chez leur père et fixé les relations personnelles entre les enfants et leur mère à raison d'un week-end sur deux ainsi qu'un jour dans la semaine à condition qu'elles s'exercent hors de la présence du compagnon de cette dernière, F______, et que la mère présente au Service de protection des mineurs (SPMi) chaque mois des documents attestant de tests négatifs d'alcool et autres substances, hormis la médication prescrite par son médecin. Le Tribunal a également instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles.
Le Tribunal a considéré qu'il était dans l'intérêt des enfants de les confier à leur père conformément aux recommandations du Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (SEASP) dans son rapport complémentaire du 29 avril 2024 et en raison des événements du 6 mars 2024, suite auxquels ledit rapport avait été ordonné. Ce jour-là, les enfants avaient été confrontés à une scène violente entre leur parents et le compagnon de leur mère, les perturbant au point de manquer l'école plusieurs jours. Le Tribunal a encore retenu que la mère ne parvenait pas à préserver les enfants de la violence de son compagnon et n'était pas capable de leur offrir, à ce stade, un cadre de vie serein et rassurant, étant encore relevé que les problèmes d'alcool, voire d'autres substances, auxquels elle semblait confrontée accentuaient les risques, ce d'autant plus qu'elle manifestait aussi une fragilité psychologique.
b. Par requête du 15 juillet 2024, le recourante, par le biais de son nouveau conseil, Me B______, a sollicité un changement d'avocat-e expliquant que le lien de confiance la liant à Me C______ était rompu et qu'elle avait résilié son mandat; la recourante a aussi requis l'extension de l'assistance juridique pour faire appel de l'ordonnance précitée rendue par le Tribunal.
c. Invitée à indiquer les justes motifs fondant un changement d'avocat-e, la recourante a répondu le 29 juillet 2024 au greffe de l'assistance juridique que Me C______ s'était contentée de déposer un courrier de deux pages pour contester les conclusions du père tendant au transfert de la garde des deux enfants en sa faveur, alors qu'il était nécessaire de motiver beaucoup plus ce sujet, ce que son nouveau conseil avait fait dans le cadre de l'appel; en outre, Me C______ n'avait produit que des pièces concernant l'entretien.
d. Après avoir été interpellée par le greffe de l'assistance juridique, la recourante a transmis le 9 août 2024, l'acte d'appel formé le 18 juillet 2024 contre l'ordonnance du 5 juillet 2024.
e. Invitée à se déterminer, Me C______ a, par courrier du 15 août 2024, contesté les accusations portées à l'encontre de son travail. Elle avait écrit au Tribunal dès le lendemain des événements du 6 mars 2024 pour les expliquer craignant que le père ne dépose des mesures urgentes pour réclamer la garde des enfants, ce qu'il avait fait. Ces mesures avaient toutefois été refusées par le Tribunal. Elle s'était encore déterminée par écrit – sans y avoir été invitée par le Tribunal – avant l'audience du 27 juin 2024, sachant que sa mandante ne pourrait y assister et s'était encore déterminée lors de l'audience.
f. Par décision AJC/4524/2024 du 22 août 2024, la vice-présidence du Tribunal a refusé la requête d'extension d'assistance juridique au motif que la recourante ne rendait pas vraisemblable que le père des enfants serait violent et qu'il mettrait en danger leur développement; l'ordonnance querellée ne semblait ainsi pas prêter le flanc à la critique, de sorte que les chances de succès de l'appel apparaissaient faibles.
g. Par décision AJC/3154/2022 du même jour, la vice-présidence du Tribunal a refusé le changement de conseil juridique, aucun juste motif de changement d'avocat-e n'ayant été démontré. Il a été retenu que le travail de Me C______ n'appelait pas de critique et que la précitée ne saurait être tenue pour responsable de la décision prise par le Tribunal dans son ordonnance du 5 juillet 2024. Le fait que l'avocate se soit déterminée sur deux pages concernant la demande du père visant la garde des enfants n'était pas pertinent vu les autres actes qu'elle avait effectués auprès du Tribunal.
h. Par courrier du 9 septembre 2024, la recourante a sollicité la reconsidération des deux décisions susmentionnées. S'agissant de sa requête d'extension de l'assistance judiciaire, elle a résumé les arguments invoqués dans ses écritures d'appel contre l'ordonnance du 5 juillet 2024.
En ce qui concerne le changement d'avocat, elle a expliqué n'avoir pas pu détailler les motifs ayant conduit à la rupture du lien de confiance en raison du court délai pour rédiger le recours contre l'ordonnance du Tribunal; Me C______ s'était faite remplacer par des stagiaires, ne l'avait pas défendue en audience ou ne s'était pas vraiment manifestée, elle était difficilement joignable, elle n'avait pas tenu compte de sa détresse et de sa fragilité et sa stagiaire avait réclamé un montant trop élevé à titre de pension, malgré ses remarques, ce qui avait contribué à dégrader la situation avec le père des enfants.
i. Par décision AJC/5076/2024 du 20 septembre 2024, la vice-présidence du Tribunal a déclaré la demande de reconsidération de la décision de refus de la requête d'extension juridique irrecevable, faute d'éléments nouveaux.
j. Par décision AJC/5077/2022 du même jour, la vice-présidence du Tribunal a rejeté la demande de reconsidération de la décision refusant le changement de conseil juridique au motif que les faits nouveaux allégués dans le courrier de la recourante du 9 août 2024 existaient déjà lors de sa demande de changement d'avocat-e et auraient dû être invoqués à ce moment-là, étant précisé que le court délai de recours n'empêchait pas la recourante d'indiquer brièvement ses griefs à l'encontre de son ancienne avocate, étant encore précisé que le recours avait été rédigé par sa nouvelle avocate et non par elle-même. En tout état, même à considérer recevables les nouveaux griefs, ils ne justifiaient pas un changement de conseil.
k. Par courrier du 27 septembre 2024, Me C______ a informé le Tribunal de ce qu'elle n'était plus constituée pour la défense des intérêts de la recourante, dès lors que Me B______ s'était formellement constituée en qualité d'avocat de choix.
C. Par décision AJC/5349/2024 du 4 octobre 2024, reçue le 14 du même mois par la recourante, la vice-présidence du Tribunal a retiré l'assistance judiciaire accordée à la recourante avec effet au 27 septembre 2024 (ch. 1), dit que le bénéfice de l'assistance juridique perdurerait uniquement pour les frais (ch. 2) et en a informé Me C______, l'invitant à transmettre son état de frais final.
La vice-présidence a retenu que dans la mesure où le changement d'avocat-e avait été refusé par décision du 22 août 2024 et décision sur reconsidération du 20 septembre 2024, lesquelles étaient toutes deux entrées en force, et que la recourante avait d'ores et déjà mandaté un autre conseil juridique en lieu et place de Me C______, laquelle n'était plus en mesure d'exercer son mandat, il convenait de prononcer le relief de celle-ci, étant précisé qu'aucun avocat ne serait nommé ultérieurement à la défense des intérêts de la recourante dans la cause C/1______/2022. Me C______ serait relevée de son mandat. L'assistance juridique perdurait mais était désormais limitée à la prise en charge des frais judiciaires.
D. a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 14 octobre 2024 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante a conclu à l'annulation de la décision, à l'octroi de l'assistance juridique aussi longtemps que sa situation financière le justifiera et à ce que lui soit accordé le droit de demander que soit désigné un avocat de choix dans la procédure C/1______/2022.
La recourante a produit des pièces nouvelles, soit des courriels datés de 2022 à 2024 essentiellement adressés à Me C______.
b. La vice-présidence du Tribunal civil a renoncé à formuler des observations.
1. 1.1. En tant qu'elle retire l'assistance juridique, la décision entreprise, rendue en procédure en sommaire (art. 119 al. 3 CPC), est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice (art. 121 CPC, 21 al. 3 LaCC et 1 al. 3 RAJ), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours (art. 321 al. 1 CPC) dans un délai de dix jours (art. 321 al. 2 CPC et 11 RAJ).
1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.
1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 121 CPC), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515, p. 453).
2. A teneur de l'art. 326 al. 1 CPC, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables dans le cadre d'une procédure de recours.
Par conséquent, les pièces nouvelles produites par la recourante ne seront pas prises en considération. En tout état, elles ne sont pas pertinentes pour juger de la présente cause.
3. 3.1.
3.1.1 A teneur de l'art. 118 al. 1 CPC, l’assistance judiciaire comprend l’exonération d’avances et de sûretés (let. a); l’exonération des frais judiciaires (let. b); la commission d’office d’un conseil juridique par le tribunal lorsque la défense des droits du requérant l’exige, en particulier lorsque la partie adverse est assistée d’un avocat; l’assistance d’un conseil juridique peut déjà être accordée pour la préparation du procès (let. c).
L'Etat désigne le conseil juridique d'office et est seul compétent pour le délier de cette fonction (ATF 141 III 560 consid. 3.2.2). Il n'existe pas, dans le cadre de l'assistance judiciaire, un droit au libre choix de son mandataire (ATF 139 IV 113 consid. 1.1,
135 I 261 consid. 1.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_71/2017 du 23 août 2017 consid. 7.1).
Selon l'art. 14 al. 1 RAJ, le relief d'une nomination, avec ou sans nomination d'un nouvel avocat, n'est accordé ou ordonné d'office que pour de justes motifs, tels la rupture de la relation de confiance (let. c).
Il ne saurait être toléré qu'un justiciable mis au bénéfice de l'assistance juridique et désireux de changer d'avocat place l'autorité devant le fait accompli en procédant audit changement sans autorisation, et tente de contraindre l'autorité à accéder à sa requête en empêchant, de fait, le conseil juridique nommé d'office de continuer à le défendre. En procédant de la sorte, le justiciable démuni s'expose à devoir s'acquitter seul des honoraires de son nouvel avocat, l'autorité pouvant relever le précédent conseil d'office de ses fonctions, sans en nommer de nouveau (DAAJ/82/2023 du 25 août 2023 consid. 3.1; DAAJ/50/2023 du 30 mai 2023 consid. 2.1.2; DAAJ/75/2022 du 31 août 2022 consid. 3.1.2; DAAJ/3/2022 du 13 janvier 2022 consid. 3.1, DAAJ/130/2017 du 8 décembre 2017 consid. 3.4).
3.1.2 Selon les art. 120 CPC et 9 RAJ, l'assistance juridique retire l'assistance judiciaire lorsque les conditions d'octroi ne sont plus remplies ou qu'il s'avère qu'elles ne l'ont jamais été.
En principe, ce retrait n'intervient que pour l'avenir (ATF 141 I 241 consid. 3.1). Le retrait rétroactif (ex tunc) ne s'applique qu'exceptionnellement (arrêt du Tribunal fédéral 5A_305/2013 du 19 août 2013 consid. 3.5), par exemple parce que la partie a fourni des indications fausses ou incomplètes sur sa situation financière ou s'est comportée d'une autre façon de manière téméraire, trompeuse, fallacieuse ou abusive (arrêt du Tribunal fédéral 4D_19/2016 du 11 avril 2016 consid. 4.5).
3.2 En l'espèce, la décision du 22 août 2024 refusant le changement d'avocat-e faute de justes motifs et la décision du 20 septembre 2024 rejetant la demande de reconsidération de cette décision n'ont pas été contestées par la recourante et sont entrées en force. Il en découle que les développements de cette dernière en lien avec la rupture du lien de confiance vis-à-vis de son ancienne avocate, Me C______, ne sont pas pertinents.
Or, la recourante a résilié le mandat de Me C______ et mandaté Me B______ pour la défendre dans le cadre de la cause C/1______/2022 malgré le fait que le changement de conseil lui ait été refusé par les deux décisions précitées, soit sans autorisation.
Il en découle que c'est conformément à la jurisprudence de la Cour de céans que la vice-présidence a indiqué à la recourante qu'il lui incombait de rémunérer son nouveau conseil de choix dans le cadre de la procédure précitée au moyen de ses propres deniers.
La décision de la vice-présidence de réduire l'étendue du bénéfice de l'assistance judiciaire de la recourante aux seuls frais judiciaires est ainsi justifiée.
En conséquence, le recours est infondé et sera rejeté.
4. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC).
* * * * *
PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :
A la forme :
Déclare recevable le recours formé par A______ contre la décision rendue le 4 octobre 2024 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3154/2022.
Au fond :
Le rejette.
Déboute A______ de toutes autres conclusions.
Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.
Notifie une copie de la présente décision à A______ en l'Étude de Me B______ (art. 137 CPC).
Siégeant :
Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.
Indication des voies de recours :
Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de la décision attaquée. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.