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Décisions | Assistance juridique

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AC/3033/2023

DAAJ/40/2024 du 29.04.2024 sur AJC/5918/2023 ( AJC ) , RENVOYE

En fait
En droit

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

AC/3033/2023 DAAJ/40/2024

COUR DE JUSTICE

Assistance judiciaire

DÉCISION DU LUNDI 29 AVRIL 2024

 

 

Statuant sur le recours déposé par :

 

Madame A______, domiciliée ______ [VD],

 

contre la décision du 24 novembre 2023 de la vice-présidence du Tribunal civil.

 


EN FAIT

A.           a. A______ (ci-après : la recourante) était locataire, avec feu son époux, depuis 2014, d'un appartement sis chemin 1______ no. ______ au B______ [GE].

b. La recourante a été évacuée de ce logement le 9 août 2022.

c. Par courriels des 7 octobre et 15 décembre 2022, la recourante a informé les Services industriels de Genève (ci-après : SIG) avoir été évacuée par la force publique de son logement le 9 août 2022, date à partir de laquelle il ne devait plus exister de facture, ni de consommation pour ce logement à son nom et moment dès lequel la gérance légale était entièrement responsable d'éventuelles consommations ou fuites.

d. Le 19 octobre 2022, les SIG ont facturé 2'184 fr. 20 à la recourante pour la consommation d'électricité, de gaz et d'eau du 18 août 2022 au 18 octobre 2022.

e. Le 8 décembre 2022, ils ont facturé 1'764 fr. 70 à la recourante pour la consommation d'électricité, de gaz et d'eau du 19 octobre au 7 décembre 2022.

f. Le 23 janvier 2022, ils ont facturé 4'148 fr. 55 à la recourante pour la consommation d'électricité, de gaz et d'eau du 22 septembre 2021 au 22 décembre 2022, date à laquelle le relevé des compteurs avait été effectué.

g. Par courriels des 2 février et 17 avril 2023, les SIG ont indiqué qu'il n'était pas possible de résilier le compte de la recourante au 9 août 2022, date à laquelle ils n'avaient aucun relevé des compteurs. Ils n'avaient retrouvé aucune trace d'une demande de résiliation antérieure au courriel du 7 octobre 2023. Les demandes de modification de contrat devaient leur parvenir dix jours ouvrables avant la date effective. Son compte avait été clôturé le 22 décembre 2022, date à laquelle le relevé des compteurs avait été effectué. Afin de tenir compte de la situation, ils prenaient à leur charge la consommation au prorata du nombre de jours pour la période du 7 octobre au 22 décembre 2022, soit 2'700 fr. Après suppression exceptionnelle des frais de rappel, le solde du compte était de 7'655 fr. 10, correspondant aux soldes des factures ouvertes, dont l'échéance avait été repoussée au 3 mars 2023. Si elle estimait que tout ou partie des factures ne la concernait pas, libre à elle de convenir d'un arrangement avec le successeur. Les SIG n'avaient pas qualité pour intervenir.

h. Par courrier recommandé du 5 mai 2023, la recourante a demandé une nouvelle fois l'annulation de toutes les factures émises à son nom après le 9 août 2022. C'était la gérance légale qui avait organisé son évacuation par la force publique. Elle n'était pas en mesure de connaître leurs démarches et la date de son évacuation, d'autant plus qu'elle avait introduit l'action en constatation de droit. Partant, seule la gérance légale et l'huissier mandaté pouvaient et devaient s'occuper des formalités relatives à l'évacuation, y compris la communication aux SIG. Les SIG devaient reconsidérer leur position en prenant en compte la situation exceptionnelle.

i. Par décision du 18 septembre 2023, les SIG ont confirmé leur position et rejeté la réclamation contre les factures de consommation. L'élément pertinent pour l'annonce de résiliation du rapport d'usage était bien le 7 octobre et non le 9 août 2022. L'annonce de résiliation devait être effectuée par la personne titulaire du rapport d'usage et non un tiers. La somme de 4'955 fr. 10 restait due (7'655 fr. 10 - geste commercial de 2'700 fr.), avec nouvelle échéance du 31 octobre 2023.

j. Par acte du 19 octobre 2023, la recourante a recouru auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : CJCA) contre cette décision. Elle a notamment expliqué que l'immeuble de son logement avait été placé sous gérance légale le 25 juin 2018, que dans un premier temps l'Office de poursuites avait accepté de compenser des loyers impayés avec des charges des SIG dont elle s'était acquittées mais que, depuis 2021, l'Office des poursuites avait indiqué qu'elles étaient à la charge du locataire. Elle avait ainsi dû s'acquitter des charges des SIG, lesquelles comprenaient les charges de tout l'immeuble et non pas seulement de son appartement, dès lors qu'il n'existait pas de compteurs séparés. Les frais des SIG devaient être assumés par l'Office des poursuites, voire la gérance légale, depuis son évacuation puisqu'il appartenait au propriétaire de l'immeuble de s'acquitter des charges des SIG en cas de locaux inoccupés et d'installations inutilisées. Sa situation était exceptionnelle. À partir du 9 août 2022, seule la gérance de l'immeuble avait accès aux compteurs. Enfin, elle n'avait reçu aucun décompte confirmant le montant de 4'955 fr. 10, alors que les SIG lui réclamaient un montant total de 7'655 fr. 10.

B.            Le 30 octobre 2023, la recourante a sollicité l'assistance juridique pour la prise en charge des frais judiciaires, soit l'avance de frais de 500 fr. ainsi que tout émolument que la CJCA pourrait lui demander dans la procédure de recours contre la décision sur réclamation rendue par les SIG en date du 18 septembre 2023.

C.           Par décision du 24 novembre 2023, reçue par la recourante le 30 du même mois, la vice‑présidence du Tribunal civil a rejeté la requête d'assistance juridique précitée, au motif que la cause de la recourante était dénuée de chances de succès.

Elle a considéré que c'était à la recourante de s'acquitter des factures des SIG en tant qu'usagère. La qualité d’usager était indépendante des rapports juridiques pouvant exister entre le propriétaire et l’occupant des locaux. Elle demeurait responsable, vis‑à‑vis des SIG, du paiement des charges jusqu'à la résiliation de l'abonnement. Les rapports existants entre elle-même et la gérance légale et/ou l'Office des poursuites ne concernant pas les SIG, lesquels n'avaient pas connaissance de la gérance légale, ni de l'évacuation de la recourante. Cette dernière était libre, une fois le montant payé aux SIG, de se retourner à l'encontre de la gérance légale, voire de l'Office des poursuites, afin de lui réclamer le remboursement des montants qu'elle estimait avoir payés à tort.

D.           a. Recours est formé contre cette décision, par acte expédié le 30 décembre 2023 à la Présidence de la Cour de justice. La recourante conclut à l'annulation de la décision querellée et à ce que lui soit accordé le bénéficie de l'assistance judiciaire totale à compter du 25 septembre 2023, date de réception de la décision sur réclamation. Elle fait en particulier valoir que la cause a de bonnes chances de succès et que le refus d'assistance judiciaire se heurte à la garantie d'accès équitable à la justice.

b. La vice-présidence du Tribunal de première instance a renoncé à formuler des observations.

EN DROIT

1.             1.1. La décision entreprise est sujette à recours auprès de la présidence de la Cour de justice en tant qu'elle refuse l'assistance juridique (art. 10 al. 3 LPA), compétence expressément déléguée à la vice-présidente soussignée sur la base des art. 29 al. 5 LOJ et 10 al. 1 du Règlement de la Cour de justice (RSG E 2 05.47). Le recours, écrit et motivé, est introduit auprès de l'instance de recours dans un délai de 30 jours (art. 10 al. 3 LPA, 130, 131 et 321 al. 1 CPC, applicables par renvoi des art. 10 al. 4 LPA et 8 al. 3 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 du 15 juin 2011 consid. 2.2).

1.2. En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été interjeté dans le délai utile et en la forme écrite prescrite par la loi.

1.3. Lorsque la Cour est saisie d'un recours (art. 10 al. 3 LPA), son pouvoir d'examen est limité à la violation du droit et à la constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC, applicable par renvoi de l'art. 8 al. 3 RAJ ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_171/2011 précité). Il appartient en particulier au recourant de motiver en droit son recours et de démontrer l'arbitraire des faits retenus par l'instance inférieure (Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., n. 2513-2515).

1.4. Il n'y a pas lieu d'entendre la recourante, celle-ci ne le sollicitant pas et le dossier contenant suffisamment d'éléments pour statuer (art. 10 al. 3 LPA ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_73/2015 du 30 juin 2016 consid. 4.2).

2.             2.1.1 Reprenant l'art. 29 al. 3 Cst., l'art. 117 CPC prévoit que toute personne qui ne dispose pas de ressources suffisantes a droit à l'assistance judiciaire à moins que sa cause paraisse dépourvue de toute chance de succès.

Un procès est dépourvu de chances de succès lorsque les perspectives de le gagner sont notablement plus faibles que les risques de le perdre, et qu'elles ne peuvent donc être considérées comme sérieuses, de sorte qu'une personne raisonnable et de condition aisée renoncerait à s'y engager en raison des frais qu'elle s'exposerait à devoir supporter ; en revanche, une demande ne doit pas être considérée comme dépourvue de toute chance de succès lorsque les perspectives de gain et les risques d'échec s'équilibrent à peu près ou lorsque les premières sont seulement un peu plus faibles que les seconds. Ce qui est déterminant est de savoir si une partie, qui disposerait des ressources financières nécessaires, se lancerait ou non dans le procès après une analyse raisonnable. Une partie ne doit pas pouvoir mener un procès qu'elle ne conduirait pas à ses frais, uniquement parce qu'il ne lui coûte rien (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; ATF 128 I 225 consid. 2.5.3).

Pour déterminer les chances de succès d'un recours, le juge peut prendre en considération la décision de première instance, en comparant celle-ci avec les griefs soulevés. De la sorte, l'examen sommaire des chances de succès auquel il doit procéder est simplifié. Cet examen ne doit toutefois pas conduire à ce qu'une partie voit quasiment rendu impossible le contrôle d'une décision qu'elle conteste (arrêt du Tribunal fédéral 5A_572/2015 du 8 octobre 2015 consid. 4.1).

La situation doit être appréciée à la date du dépôt de la requête et sur la base d'un examen sommaire (ATF 142 III 138 consid. 5.1 ; 133 III 614 consid. 5).

L'absence de chances de succès peut résulter des faits ou du droit. L'assistance sera refusée s'il apparaît d'emblée que les faits pertinents allégués sont invraisemblables ou ne pourront pas être prouvés (arrêt du Tribunal fédéral 4A_614/2015 du 25 avril 2016 consid. 3.2).

2.1.2 A qualité d’usager le titulaire du rapport d’usage expressément désigné comme tel par une décision arrêtée par les SIG (art. 2 al. 1 du règlement pour l’utilisation du réseau et la fourniture de l’énergie électrique du 27 août 1992 [C 1.1 ; ci-après : RE], art. 2 al. 1 du règlement pour l’utilisation du réseau et la fourniture du gaz naturel du 27 septembre 2012 [B 1.1 ; ci-après : RG] et art. 2 al. 1 du règlement pour la fourniture de l'eau du 9 septembre 2014 [A 1.1 ; ci-après : RO]). Le consommateur final ayant fait usage de son droit d’accès au réseau (accès au marché libre de la fourniture d’énergie électrique ou accès au marché libre de la fourniture du gaz) a la qualité d’usager uniquement pour ce qui concerne l’utilisation du réseau (art. 2 al. 1bis RE et art. 2 al. 1bis RG). À défaut de décision selon l’al. 1, peut également être considéré comme usager celui qui utilise de fait l’énergie électrique, le gaz ou l'eau fournis par les SIG (art. 2 al. 2 RE, art. 2 al. 2 RG et art. 2 al. 2 RO). Une fois dûment attribuée (art. 39 RE et art. 38 RG), la qualité d’usager est indépendante des rapports juridiques pouvant exister entre le propriétaire et l’occupant des locaux (art. 2 al. 3 RE, art. 2 al. 3 RG et art. 2 al. 3 RO). Le propriétaire de l’immeuble est responsable vis-à-vis des SIG du paiement de la rémunération de l’utilisation du réseau électrique et de l’énergie, du gaz et de l'eau consommés ainsi que de toutes autres redevances et taxes pour des locaux inoccupés et des installations inutilisées (art. 2 al. 5 RE, art. 2 al. 5 RG et art. 2 al. 5 RO).

2.1.3 L’usager qui souhaite renoncer à la fourniture d’énergie électrique, de gaz ou d'eau et/ou à l’utilisation du réseau de distribution doit en aviser les SIG (art. 44 al. 2 RE, art. 42 al. 2 RG et art. 40 al. 2 RO). Les avis des al. 1, 1bis et 2 doivent être parvenus aux SIG au moins dix jours ouvrables à l’avance pour l'électricité et le gaz et trois jours ouvrables à l'avance pour l'eau (art. 44 al. 3 RE, art. 42 al. 3 RG et art. 40 al. 3 RO). L’usager doit prendre toute mesure utile afin de permettre aux agents des SIG d’établir la fourniture ou de relever les index des compteurs à la date convenue (art. 44 al. 4 RE, art. 42 al. 4 RG et art. 40 al. 4 RO). L’usager qui entend renoncer à la fourniture d’énergie électrique, de gaz ou d'eau et/ou à l’utilisation des réseaux est débiteur envers les SIG du coût de la fourniture et de l’utilisation du réseau, y compris toutes les redevances et taxes, jusqu’à l’échéance du délai prévu à l’al. 3 (art. 44 al. 5 RE, art. 42 al. 5 RG et art. 40 al. 5 1re phr. RO) Si l’usager n’a pas pris les mesures énoncées à l’al. 4, il reste tenu de payer aux SIG le coût de la fourniture d’énergie électrique, de gaz et d'eau jusqu’au moment où ces derniers auront pu effectivement relever les index (art. 44 al. 6 RE, art. 42 al. 6 RG et art. 40 al. 5 2e phr. RO).

2.2 En l'espèce, la recourante, qui, avant son évacuation, habitait l'appartement concerné et réglait directement ses charges aux SIG, avait a priori la qualité d'usagère au sens des art. 2 des trois règlements.

En cette qualité, pour renoncer à la fourniture d'énergie électrique, de gaz et d'eau, elle devait à première vue en aviser les SIG, afin que ces derniers puissent effectuer un relevé leur permettant d'établir une facture finale, conformément aux art. 44 al. 2 et 4 RE, 42 al. 2 et 4 RG et 40 al. 2 et 5 RO, ce qu'elle n'a fait que le 7 octobre 2022. Si le relevé n'a ensuite pas été effectué dans les dix jours, mais uniquement le 22 décembre 2022, les SIG ont déduit du montant dû pour la consommation entre ces deux dates. Ils ont en définitive mis à sa charge la consommation de son évacuation, le 9 août 2022, et son avis, le 7 octobre 2022.

La recourante affirme cependant que son cas s'inscrirait dans des circonstances exceptionnelles, soit une évacuation, et qu'elle ne devrait pas avoir à payer de factures pour la consommation postérieure à celle-ci.

Les trois règlements applicables prévoient que l'usager qui « souhaite renoncer à la fourniture » doit en aviser les SIG. Il n'est à première vue pas évident que le cas de figure de l'évacuation ait été envisagé lors de la rédaction de cette disposition, cas dans lequel, comme le souligne la recourante, l'usager n'est a priori pas en mesure d'annoncer son départ dix ou trois jours à l'avance et ne peut pas non plus donner accès aux compteurs.

Par ailleurs, tout en prévoyant que la qualité d'usager est indépendante des rapports juridiques entre le propriétaire et l'occupant des locaux, les règlements prévoient également que le propriétaire est responsable du paiement des factures pour des locaux inoccupés, ce qui est le cas pour des locaux dont l'occupant a été évacué comme en l'espèce.

Au vu de ce qui précède, le recours ne semble pas d'emblée mal fondé et les perspectives d'une admission ne paraissent pas notablement plus faibles que les risques d'un rejet. La cause ne peut dès lors pas être considérée comme dépourvue de chances de succès et le grief de la recourante contre la décision de l'Autorité précédente sera admis.

Ainsi, la décision entreprise sera annulée et la cause retournée à l'autorité précédente, afin qu'elle examine si les autres conditions d'octroi de l'assistance judiciaire sont réunies.

3. Sauf exceptions non réalisées en l'espèce, il n'est pas perçu de frais judiciaires pour la procédure d'assistance juridique (art. 119 al. 6 CPC). La recourante ayant agi en personne, il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR :


A la forme
:

Déclare recevable le recours formé le 30 décembre 2023 par A______ contre la décision rendue le 24 novembre 2023 par la vice-présidence du Tribunal civil dans la cause AC/3033/2023.

Au fond :

Annule la décision entreprise.

Cela fait :

Renvoie la cause à la vice-présidence du Tribunal civil pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

Déboute A______ de toutes autres conclusions.

Dit qu'il n'est pas perçu de frais judiciaires pour le recours, ni alloué de dépens.

Notifie une copie de la présente décision à A______ (art. 327 al. 5 CPC et 8 al. 3 RAJ).

Siégeant :

Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, vice-présidente; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), la présente décision incidente peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.