Décisions | Chambre civile
ACJC/288/2025 du 25.02.2025 sur JTPI/7049/2024 ( OO ) , CONFIRME
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/9504/2021 ACJC/288/2025 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 25 FEVRIER 2025 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [GE], appelant d'un jugement rendu par la 6ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 6 juin 2024, représenté par Me Guy ZWAHLEN, avocat, rue Monnier 1, case postale 205, 1211 Genève 12,
et
Monsieur B______ et Madame C______, domiciliés ______ [GE], intimés, représentés par Me Yama SANGIN, avocat, Lexpro, rue Rodolphe-Töpffer 8, 1206 Genève.
A. Par jugement JTPI/7049/2024 du 6 juin 2024, reçu par A______ le lendemain, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté le précité de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 2'640 fr., compensés avec les avances fournies par les parties et mis à la charge de A______, condamné le précité à verser le montant de 400 fr. à C______ qui en avait fait l'avance (ch. 2), condamné A______ à verser la somme de 2'000 fr. à B______ et à la précitée, solidairement entre eux, à titre de dépens (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 8 juillet 2024, A______ a conclu à l'annulation de ce jugement, sous suite de dépens de première instance et d'appel. Cela fait, il a persisté dans les conclusions de sa demande du 8 mars 2022 (cf. infra let. C.h) qu'il a intégralement reprises dans son acte d'appel.
b. Dans leur réponse du 7 octobre 2024, B______ et C______ ont conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement attaqué, sous suite de frais et dépens.
c. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.
d. La cause a été gardée à juger le 17 janvier 2025, ce dont les parties ont été avisées le jour même.
C. Les faits pertinents suivant résultent de la procédure :
a. De janvier 2016 à mars 2018, A______ a été le directeur de D______ SARL, société genevoise active dans l'exploitation de cafés, restaurants et kiosques. Depuis mars 2018, il en est l'associé-gérant.
E______ a été l'associé-gérant (de novembre 2011 à mars 2018), puis le gérant (de juillet 2021 à novembre 2022) de D______ SARL. Il est par ailleurs l'administrateur de F______ SA.
b. Par contrat de vente du 16 janvier 2020, B______ et C______ (ci-après : les époux B______/C______) ont acquis le fonds de commerce d'un établissement de la chaîne de restauration G______ au prix de 50'000 fr., montant dont B______ s'est acquitté au cours du même mois.
Cet établissement était exploité dans une arcade commerciale située au rez-de chaussée du Centre commercial H______, sis rue 1______ no. ______, [code postal] I______ (ci-après : l'arcade H______).
c. Le 30 janvier 2020, J______, en qualité de bailleresse, représentée par K______ (ci-après : K______ ou la régie), et les époux B______/C______ et A______, en qualité de locataires, ont conclu un contrat de bail à loyer commercial portant sur la location de l'arcade H______. Le loyer mensuel a été fixé à 3'900 fr., charges comprises, dès le 1er mars 2020, date d'entrée en vigueur du bail.
Le 17 février 2020, B______ a versé 9'400 fr. à L______ SA à titre de garantie de loyer pour l'arcade H______.
Entendue comme témoin par le Tribunal, M______, employée de K______, a déclaré que le bail commercial avait pu être conclu grâce à A______. En effet, celui-ci était solvable, contrairement aux époux B______/C______ qui faisaient l'objet de poursuites. Le dossier de la régie avait été ouvert au nom de B______, qui avait déposé sa candidature en tant que titulaire du bail. A______ était mentionné en tant que co-titulaire du bail. C'était avec ce dernier qu'elle avait eu des contacts et non avec les époux B______/C______, étant précisé que "tout s'était fait durant [la pandémie] de Covid-19".
d. Par courrier du 20 juillet 2020 adressé à K______, A______ a annoncé son "retrait définitif" du contrat de bail susvisé, avec effet au 1er août 2020, ajoutant que ce retrait intervenait avec le "parfait accord" des époux B______/C______.
e. Par courrier du même jour adressé à L______ SA, A______ a annoncé son "retrait définitif" du "contrat de caution, n° de police 2______", avec effet au 1er août 2020, ajoutant que la caution de 9'400 fr. versée le 17 février 2020 "appart[enait]" aux époux B______/C______.
f. Le 28 juillet 2020, la régie a informé A______ et les époux B______/C______ que la bailleresse n'était pas disposée à retirer le premier nommé du bail relatif à l'arcade H______.
M______ a déclaré que A______ l'avait contactée à plusieurs reprises, par téléphone et par écrit, car il souhaitait se départir du bail. Elle n'avait pas eu l'impression que B______ et A______ étaient associés, mais plutôt que "chacun gérait de son côté". Elle avait "cru comprendre" que le premier "gérait son business de son côté" et que le second "était mis de côté".
g. Par contrat signé le 4 août 2020, B______ a mandaté N______ SA, représentée par O______, pour procéder à des travaux d'aménagement dans l'arcade H______ (travaux sanitaires et électriques, pose de carrelages et d'un plafond suspendu, etc.) en vue d'y exploiter un restaurant de la chaîne P______. Le coût des travaux a été fixé à 230'000 fr. HT.
Le 5 octobre 2020, avec l'accord de la bailleresse, B______ a déposé une demande d'autorisation de construire auprès du département compétent, portant sur la "transformation d'un restaurant" sis rue 1______ no. ______. L'autorisation requise a été délivrée le ______ 2020 (APA 3______).
Entendu comme témoin, O______ a confirmé au Tribunal que son entreprise avait effectué des travaux d'aménagement dans l'arcade H______ à la demande de B______. La facture de l'entreprise, de 200'000 fr. ou 250'000 fr., avait été entièrement payée. Il n'avait jamais vu ou eu de contact avec A______ qui n'était pas intervenu dans le cadre des travaux. Un incident avait toutefois eu lieu sur le chantier en janvier 2021. A______ s'était introduit dans l'arcade et avait essayé d'interrompre les travaux. Il s'était montré très désagréable avec les ouvriers, mais avait fini par quitter les lieux. Du fait de cet incident, l'entreprise avait perdu une demi-journée de travail.
h. Par demande du 7 mai 2021, déclarée non conciliée le 8 décembre 2021 et introduite devant le Tribunal le 8 mars 2022, A______ a formé une "action en reddition de compte et en interdiction de gestion d'une société simple" à l'encontre des époux B______/C______. Il a conclu à ce que le Tribunal (i) ordonne aux précités de cesser avec effet immédiat toute activité de gestion et d'administration relative à l'arcade et au commerce H______ sans son accord préalable, (ii) fasse interdiction aux époux B______/C______ de faire tout acte de gestion, d'administration ou de prendre toute décision quelle qu'elle soit concernant l'arcade et le commerce H______ sans son accord préalable, (iii) ordonne aux époux B______/C______ de lui rendre des comptes complets et précis concernant l'administration de l'arcade et du commerce H______, pièces probantes à l'appui, et (v) assortisse ces injonctions des peines de droit prévues à l'art. 292 CP.
Il a allégué avoir acquis la moitié du fonds de commerce appartenant aux époux B______/C______ pour la somme de 32'092 fr. Selon la coutume afghane, cette vente avait été conclue oralement, sur la base de la confiance. Par la suite, F______ SA avait établi un contrat de vente écrit, mais les parties ne l'avaient pas signé. Pour financer la vente, A______ avait emprunté de l'argent à deux compatriotes afghans, Q______ et R______. En parallèle, il avait conclu un contrat de bail portant sur l'arcade H______ avec les époux B______/C______. Les parties s'étaient entendues pour gérer conjointement le fonds de commerce et l'arcade H______. Elles étaient donc liées par un contrat de société simple. En dépit de cet accord, les époux B______/C______ l'avaient très vite écarté de la gestion du commerce; ils avaient notamment entrepris d'importants travaux dans l'arcade sans le consulter. Il s'en était plaint auprès d'eux et de la régie dès janvier 2021, par l'intermédiaire de son conseil, sans succès.
Il a produit, notamment, les pièces suivantes :
- un contrat non signé, daté du 6 juin 2020 et rédigé par F______ SA, lequel prévoit que les époux B______/C______ s'engagent à vendre 50% de leur fonds de commerce à A______, pour un prix de 25'000 fr. payable à la signature du contrat (pièce 1 dem.);
- un contrat de prêt du 23 janvier 2020 signé par Q______ et A______, lequel stipule que le premier s'engage à prêter la somme de 11'300 fr. au second, ce à la signature du contrat; il est précisé à l'article 1 du contrat que ce prêt est "destiné au financement de l'achat d'un établissement (G______) à I______/Genève" (pièce 2 dem.);
- une attestation du 15 février 2020 signée par R______ et A______, dont il ressort que le premier a prêté "ce jour" au second la somme de 5'000 fr. (pièce 3 dem.).
i. Dans leur réponse du 10 mars 2023, les époux B______/C______ ont conclu à ce que le Tribunal constate qu'aucun contrat de société simple ne liait les parties et déboute A______ de toutes ses conclusions.
Ils ont allégué que le précité n'avait aucun droit sur leur fonds de commerce dont ils étaient les uniques propriétaires. A______ figurait sur le bail de l'arcade H______ en qualité de garant uniquement. En effet, vu qu'ils faisaient l'objet de poursuites en janvier 2020, les époux B______/C______ n'avaient eu d'autre choix que de trouver un garant pour pouvoir conclure ce bail. A cette époque, leurs rapports avec A______ étaient excellents et celui-ci avait accepté de signer le bail pour les aider. En juillet 2020, les époux B______/C______ ne faisaient plus l'objet de poursuites, raison pour laquelle les parties étaient convenues de "retirer" A______ du bail, ce que la régie avait toutefois refusé.
j. Interrogé par le Tribunal à l'audience du 15 mai 2023, A______ a déclaré que le "pas de porte était de 50'000 fr." et qu'il avait "avancé 25'000 fr.". Il avait versé l'argent à B______ en espèces, soit 9'000 fr. et des montants de 2'000 fr. à 3'000 fr. Ce dernier ne lui avait signé aucune quittance et personne n'était présent lorsqu'il lui avait remis l'argent de la main à la main. Il avait également payé le loyer de l'arcade pour les mois de septembre et octobre 2020, ce qu'il pouvait prouver par pièces. Dans un premier temps, il avait souhaité se départir du bail et se faire rembourser l'argent qu'il avait versé aux époux B______/C______.
B______ a affirmé ne pas avoir reçu d'argent de la part de A______. En tant qu'exploitant de plusieurs commerces, il avait "l'habitude des affaires"; lorsqu'il encaissait de l'argent ou qu'il en versait à quelqu'un, il signait toujours un document écrit pour en attester. En juillet 2020, il avait soldé toutes ses poursuites et était donc d'accord pour que A______ soit libéré du bail, celui-ci l'ayant signé comme garant uniquement. Au surplus, c'était toujours lui - et non A______ - qui s'était acquitté du loyer de l'arcade en mains de la régie. Il n'avait pris connaissance du projet de contrat rédigé par F______ SA (pièce 1 dem.) que dans le cadre du présent procès.
k. Les 26 septembre et 7 novembre 2023, le Tribunal a entendu plusieurs témoins.
Q______ a déclaré avoir prêté 11'300 fr. en espèces à A______, un ami, pour l'achat d'un restaurant G______. Peu de temps après, ils avaient signé un contrat de prêt écrit, soit la pièce 2 dem. Le témoin ignorait à qui A______ avait remis cet argent. Le prêt ne lui avait pas encore été remboursé.
R______ a déclaré avoir prêté 5'000 fr. en espèces à A______ qui était un ami. Quelques jours plus tard, celui-ci lui avait demandé de confirmer ce prêt par écrit, ce qu'ils avaient fait en signant la pièce 3 dem. A______ lui avait expliqué avoir besoin de cet argent pour "acheter un magasin". Le témoin n'en savait pas plus, étant précisé que A______ ne l'avait pas encore remboursé.
E______ a déclaré avoir rédigé un projet de contrat de vente, à savoir la pièce 1 dem., en tant que fiduciaire de A______. Celui-ci lui avait expliqué avoir acheté le fonds de commerce G______ avec les époux B______/C______. Tous trois figuraient sur le bail de l'arcade H______. Le témoin n'avait jamais discuté de ce projet de contrat avec les époux B______/C______. Il avait souvent conclu des accords oralement avec A______, ce qui était usuel "dans la coutume de sud". Il ignorait si A______ avait versé de l'argent à B______.
l. Dans leurs plaidoiries finales écrites des 25 janvier et 15 février 2024, les parties ont persisté dans leurs conclusions, après quoi le Tribunal a gardé la cause à juger.
D. Dans le jugement attaqué, le Tribunal a retenu que A______ avait échoué à démontrer l'existence d'un contrat de société simple entre les parties, faute d'apports égaux et faute d'animus societatis. Les époux B______/C______ avaient acquis le fonds de commerce H______ pour 50'000 fr. Or, A______, qui alléguait en avoir acquis "la moitié" pour 32'092 fr., ne démontrait pas avoir payé une telle somme aux précités. Les témoignages des amis de A______, qui affirmaient lui avoir prêté de l'argent pour qu'il puisse acquérir une part du fonds de commerce, n'emportaient pas la conviction à cet égard. S'agissant du bail relatif à l'arcade H______, l'inscription de A______ comme co-titulaire du bail correspondait plus à un engagement solidaire (art. 143 ss CO) qu'à un apport dans le cadre d'une société simple. Comme l'avait relevé le témoin M______, le bail en question avait été conclu "grâce" à A______, car celui-ci était un locataire solvable, contrairement aux époux B______/C______ qui faisaient l'objet de poursuites. Le rôle joué par A______ dans le cadre de la conclusion du bail s'apparentait à celui d'un garant. Le précité n'avait au demeurant pas démontré s'être acquitté d'un quelconque loyer en mains de la régie, malgré ses affirmations en ce sens. Il n'avait pas non plus prouvé une quelconque volonté réelle et commune des parties d'exploiter ensemble l'arcade H______. A______ avait du reste souhaité se départir du bail, à tout le moins dès juillet 2020, ce qu'il avait exprimé à la régie à multiples reprises. L'animus societatis nécessaire à l'existence d'une société simple faisait donc également défaut. Une interprétation de la volonté des parties selon le principe de la confiance ne permettait pas d'arriver à une autre conclusion.
1. 1.1 Le jugement entrepris ayant été communiqué aux parties avant le 1er janvier 2025, la présente procédure d'appel demeure régie par l'ancien droit de procédure (art. 404 al. 1 et 405 al. 1 CPC), sous réserve des dispositions d'application immédiate énumérées à l'art. 407f CPC.
1.2 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).
L'action en reddition de compte est un litige de nature pécuniaire, les renseignements sollicités étant susceptibles de fournir le fondement d'une contestation civile de cette nature (ATF 126 III 445 consid. 3b; arrêts du Tribunal fédéral 4A_640/2016 du 25 septembre 2017 consid. 1; 5A_695/2013 du 15 juillet 2014 consid. 7.2). Le demandeur, respectivement l'appelant, est toutefois dispensé d'en chiffrer exactement la valeur litigieuse (ATF 127 III 396 consid. 1b/cc; arrêts du Tribunal fédéral 5A_551/2009 du 26 février 2010 consid. 1; 5A_479/2008 du 11 août 2009 consid. 3.2 et les références citées).
En l'espèce, la reddition de compte formée par l'appelant - qui allègue avoir acquis la moitié du fonds de commerce des intimés pour un prix de 32'092 fr. - porte sur la gestion et l'exploitation de ce fonds de commerce, dont le chiffre d'affaires annuel est vraisemblablement supérieur à 30'000 fr. La valeur litigieuse dépassant le seuil de 10'000 fr., la voie de l'appel est donc ouverte.
Formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi (art. 130 al. 1, 131, 142 al. 1 et 3 et 311 al. 1 CPC), l'appel est recevable.
1.3 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen
(art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2014 consid. 5.3.2).
2. L'appelant fait grief au Tribunal d'avoir nié l'existence d'une société simple entre les parties portant sur l'exploitation du fonds de commerce et de l'arcade H______. Il lui reproche d'avoir constaté les faits de manière inexacte et de ne pas avoir apprécié les preuves correctement.
2.1 La société simple est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes conviennent d'unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d'atteindre un but commun (art. 530 al. 1 CO). Chaque associé doit faire un apport, qui peut consister en argent, en créances, en d'autres biens ou en industrie (art. 531 al. 1 CO).
La société simple se présente ainsi comme un contrat de durée dont les éléments caractéristiques sont, d'une part, le but commun qui rassemble les efforts des associés et, d'autre part, l'existence d'un apport, c'est-à-dire une prestation que chaque associé doit faire au profit de la société. Ce contrat ne requiert, pour sa validité, l'observation d'aucune forme spéciale; il peut donc se créer par actes concluants, voire sans que les parties en aient même conscience (ATF 124 III 363 consid. II/2a; arrêts du Tribunal fédéral 4A_377/2018 du 5 juillet 2019 consid. 4.1; 5A_881/2018 du 19 juin 2019 consid. 3.1.1.3).
L'apport de l'associé peut consister aussi bien dans une prestation patrimoniale que dans une prestation personnelle (ATF 137 III 455 consid. 3.1).
Les associés doivent avoir l'animus societatis, soit la volonté de mettre en commun des biens, ressources ou activités en vue d'atteindre un objectif déterminé, d'exercer une influence sur les décisions et de partager non seulement les risques et les profits, mais surtout la substance de l'entreprise (arrêts du Tribunal fédéral 4A_421/2020 du 26 février 2021 consid. 3.1; 4A_251/2016 du 13 décembre 2016 consid. 5.2.1; 4A_619/2011 du 20 mars 2012 consid. 3.6).
Les décisions de la société simple sont prises du consentement de tous les associés (art. 534 al. 1 CO).
Selon l'art. 535 CO, tous les associés ont le droit d'administrer à moins que le contrat ou une décision ne l'ait conféré exclusivement soit à un ou plusieurs d'entre eux, soit à des tiers (al. 1). Lorsque le droit d'administrer appartient à tous les associés ou à plusieurs d'entre eux, chacun d'eux peut agir sans le concours des autres; chacun des autres associés gérants peut néanmoins s'opposer à l'opération avant qu'elle soit consommée (al. 2). Le consentement unanime des associés est nécessaire pour procéder à des actes juridiques excédant les opérations ordinaires de la société; à moins toutefois qu'il y ait péril en la demeure (al. 3).
Tout associé, même s'il n'a pas la gestion, a le droit de se renseigner personnellement sur la marche des affaires sociales, de consulter les livres et les papiers de la société, ainsi que de dresser, pour son usage personnel, un état sommaire de la situation financière (art. 541 al. 1 CO).
2.2 Le bail à loyer est un contrat par lequel le bailleur s'oblige à céder l'usage d'une chose au locataire, moyennant un loyer (art. 253 CO).
Lorsqu'un bail est conclu entre plusieurs bailleurs et un locataire, entre un bailleur et plusieurs locataires ou entre plusieurs bailleurs et plusieurs locataires, on parle de bail commun. Ces bailleurs ou locataires conjoints sont nommés "cobailleurs" ou "colocataires". La définition du bail à loyer (art. 253 CO) n'empêche pas qu'un bail commun soit convenu avec plusieurs locataires dont l'un d'eux n'occupera pas les locaux (arrêt du Tribunal fédéral 4A_484/2019 du 29 avril 2020 consid. 4.2.3).
La colocation offre au bailleur l'avantage d'être confronté à deux ou plusieurs locataires qui répondent solidairement des obligations découlant du bail, en particulier celle de payer le loyer et les frais accessoires. En ce sens, la colocation diminue les risques du bailleur et lui offre une forme de garantie. Dès lors, avant d'octroyer un logement ou un local commercial, le bailleur demande fréquemment qu'un tiers s'engage aux côtés du futur occupant des lieux, par exemple, un père signant avec sa fille le bail d'une résidence d'étudiants, ou une femme fortunée signant le bail d'une étude d'avocats avec son mari avocat pour des motifs de solvabilité. Ces hypothèses correspondent en principe à une colocation, même si le bail commun présuppose d'ordinaire que l'usage des locaux soit cédé à l'ensemble des signataires du contrat (LACHAT, Le bail à loyer, 2019, p. 94). Selon certains auteurs, le fait que le tiers ait agi dans l'intérêt de l'occupant des lieux, afin qu'il se voie attribuer le bail, devrait suffire en règle générale à faire admettre l'hypothèse d'une véritable colocation. Selon d'autres auteurs, il n'y a de véritable colocation qu'en cas de volonté claire des parties à cet égard (LACHAT, op. cit., p. 95 et les références citées sous la note de bas de page 47).
Les rapports internes entre colocataires sont régis par les règles de la communauté qui les unit ou du rapport contractuel qui les lie. Il peut s'agir de celles de l'union conjugale (art. 159 ss CC), de la communauté héréditaire (art. 530 ss CC), du contrat de société simple (530 ss CO) ou d'un autre accord de nature obligationnelle, comme le fait de s'engager solidairement dans un bail à loyer (art. 143 ss CO). On admettra qu'il y a une société simple lorsque les colocataires ont pour but commun d'occuper un même logement (concubinage, "coloc") ou d'exercer une activité économique dans un même local (avocats ou médecins partageant une étude ou un cabinet), avec pour ce faire une contribution au paiement du loyer ou aux tâches ménagères par exemple (LACHAT, op. cit., p. 96; BOHNET/DIETSCHY, CPra Bail, 2017, n. 26 ad art. 253 CO).
2.3 En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (art. 18 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).
Dans un premier temps, le juge doit donc rechercher la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 144 III 93 consid. 5.2.2; 132 III 626 consid. 3.1). Le cas échéant, le juge devra procéder empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
Ce n'est que subsidiairement, à savoir si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre, c'est-à-dire conformément au principe de la confiance (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_498/2018 du 11 avril 2019 consid. 5.1.2).
2.4 Toute personne qui n'a pas la qualité de partie peut témoigner sur des faits dont elle a eu une perception directe (art. 169 CPC).
Celui qui ne sait quelque chose que par ouï-dire n'est pas un témoin adéquat, mais ses déclarations peuvent constituer des indices ou servir, en tant qu'élément de fait auxiliaire, à apprécier d'autres déclarations (arrêts du Tribunal fédéral 4A_259/2019 du 10 octobre 2019 consid. 1.3; 5A_51/2014 du 14 juillet 2014 consid. 5.1).
Le témoignage par ouï-dire a d'autant moins de force probante lorsque le témoin relate des déclarations de la partie en charge de la preuve (arrêt du Tribunal fédéral 4P.48/2006 du 22 mai 2006 consid. 3.1).
2.5 En l'espèce, c'est à raison que le Tribunal a retenu que les parties ne s'étaient pas liées par un contrat de société simple portant sur la gestion et l'exploitation du fonds de commerce et de l'arcade H______.
Aucun élément concret ne permet de retenir que les parties auraient décidé d'unir leurs efforts ou leurs ressources dans le but d'exercer une activité commerciale dans l'arcade H______, ni de partager aussi bien les risques que les profits liés à la gestion et à l'exploitation du fonds de commerce.
L'appelant n'a pas démontré avoir versé de l'argent aux intimés afin d'acquérir la moitié du fonds de commerce, étant relevé qu'il semble lui-même ignorer le montant exact du prix de vente supposément fixé par les parties (l'appelant a allégué dans sa demande que ce prix s'élevait à 32'092 fr., ce qui ne correspond ni aux montants qu'il a empruntés aux témoins Q______ et R______, ni au prix de 25'000 fr. mentionné dans le projet de contrat du 6 juin 2020). L'explication de l'appelant selon laquelle la vente aurait été conclue oralement, selon la coutume afghane, ne convainc pas. En tant qu'il assume la fonction de directeur, respectivement d'associé gérant de D______ SARL, société active à Genève dans l'exploitation d'établissements publics (cafés, restaurants et kiosques), depuis 2016 à tout le moins, l'appelant ne saurait sérieusement prétendre qu'il ne connaît rien aux affaires et aux usages locaux. Les contrats de prêt qu'il a conclus en janvier-février 2020 avec les témoins Q______ et R______, eux-mêmes ressortissants afghans, l'ont d'ailleurs été sous la forme écrite. Au surplus, aucun des témoins entendus par le Tribunal n'a pu attester d'une quelconque volonté des parties de financer, respectivement de gérer, administrer et/ou exploiter conjointement le fonds de commerce et l'arcade H______. Les témoins Q______, R______ et E______ se sont contentés de rapporter ce que l'une des parties - à savoir l'appelant - leur avait préalablement dit à ce sujet, sans avoir assisté directement à la vente alléguée de la moitié du fonds de commerce ou aux discussions qui ont précédé ou suivi cette vente. Ils n'ont pas non plus assisté à la signature du bail de l'arcade H______, ni aux discussions ayant entouré la conclusion de ce contrat par les parties. De son côté, le témoin M______ a déclaré que l'appelant et l'intimé ne donnaient pas l'impression d'être associés, mais plutôt de "gérer chacun de son côté". Enfin, il ressort des déclarations du témoin O______ que l'intimé a réalisé d'importants travaux d'aménagement dans l'arcade H______, à son initiative, à ses frais et sous sa seule supervision.
Comme l'a retenu le Tribunal, tout indique que l'accord des parties avait uniquement pour objet de permettre aux intimés - alors sujets à des poursuites - de conclure le bail de l'arcade H______ aux côtés d'un tiers solvable, en l'occurrence l'appelant. Le témoin M______ l'a confirmé, exposant que le bail avait été conclu "grâce" à ce dernier qui, contrairement aux intimés, présentait des garanties financières suffisantes. La convention des parties consistait ainsi à s'engager solidairement dans le bail de l'arcade, de façon à ce que les intimés puissent y exploiter leur fonds de commerce, le rôle de l'appelant se limitant à celui de garant. Cette appréciation est confirmée par le fait que l'appelant n'a jamais occupé personnellement l'arcade et n'a pas démontré s'être acquitté d'un quelconque loyer à ce titre (contrairement à ce qu'il a affirmé devant le Tribunal, aucun justificatif de paiement n'a été versé au dossier). Il a au contraire demandé à se départir du bail en juillet 2020, époque à laquelle l'intimé a déclaré avoir entièrement soldé ses poursuites, et insisté auprès de la régie pour être libéré de ce contrat, six mois à peine après sa conclusion.
Au vu de ce qui précède, le jugement attaqué - en tant qu'il retient que la volonté réelle et commune des parties n'était pas d'exploiter ensemble le fonds de commerce et l'arcade H______, mais uniquement de permettre la conclusion du bail de l'arcade en faveur des intimés, grâce à l'engagement solidaire de l'appelant - n'est pas critiquable et sera confirmé.
En l'absence de société simple portant sur l'exploitation - respectivement la gestion et l'administration - du fonds de commerce et de l'arcade, l'appelant ne saurait exiger des intimés qu'ils l'associent aux actes et décisions relevant de cette exploitation, ni qu'ils lui rendent des comptes à ce sujet. C'est dès lors à bon droit que le Tribunal l'a débouté des fins de sa demande.
Le jugement attaqué sera entièrement confirmé.
3. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 2'500 fr. (art. 17 et 35 RTFMC), mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 106 al. 1 CPC), et compensés avec l'avance versée par celui-ci, acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 aCPC).
L'appelant versera par ailleurs aux intimés, solidairement entre eux, 2'500 fr., débours et TVA inclus, à titre de dépens d'appel (art. 84, 85 et 90 RTFMC; art. 25 et 26 LaCC).
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PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 8 juillet 2024 par A______ contre le jugement JTPI/7049/2024 rendu le 6 juin 2024 par le Tribunal de première instance dans la cause C/9504/2021.
Au fond :
Confirme ce jugement.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 2'500 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance versée, acquise à l'Etat de Genève.
Condamne A______ à verser 2'500 fr. à B______ et C______, solidairement entre eux, à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Nathalie RAPP, présidente; Madame Sylvie DROIN, Monsieur Jean REYMOND, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.
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Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.