Décisions | Chambre civile
ACJC/1200/2024 du 01.10.2024 ( IUS ) , ADMIS
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/22341/2024 ACJC/1200/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 1ER OCTOBRE 2024 |
Entre
A______ S.A., sise ______, Luxembourg, requérante sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles, représentée par Me Marc HÄSLER, avocat, H&B LAW, rue des Vignerons 1B, case postale 359, 1110 Morges 1,
et
1) B______/1______ SA, sise ______ [GE], citée,
2) B______/2______ SA, sise ______ [GE], citée.
Vu la requête, réceptionnée par le greffe de la Cour de justice le 30 septembre 2024, déposée par A______ S.A. contre B______/1______ SA et B______/2______ SA;
Attendu, EN FAIT, que A______ S.A. est une société anonyme de droit luxembourgeois inscrite au Registre du commerce et des sociétés du Luxembourg, qui a pour but, en substance, la prise de participations, sous quelque forme que ce soit, dans des entreprises luxembourgeoise ou étrangères;
Qu'elle est titulaire des marques verbales et semi-figuratives "A______" nos 3______ et 4______, pour les classes relatives aux activités du secteur de l'immobilier;
Que la marque semi-figurative est exploitée avec le signe distinctif "C______" ou celui "D______", faisant référence à l'ancienneté de la marque et à son positionnement dans le domaine du luxe;
Que la société est par ailleurs détentrice des domaines internet "A______.fr", "A______.com" et "A______.ch";
Que B______/1______ SA est une société anonyme de droit suisse inscrite au Registre du commerce Genève, qui a pour but, en substance, le conseil financier et immobilier;
Que B______/2______ SA est une société anonyme de droit suisse inscrite au Registre du commerce Genève, qui a pour but, en substance, l'offre de conseils et de services en Suisse et à l'étranger dans les domaines de l'immobilier et du management;
Que A______ S.A, d'une part, et B______/1______ SA et B______/2______ SA, d'autre part, ne sont liées par aucun accord;
Que, le 6 septembre 2024, A______ S.A. a reçu une alerte Google l'informant de l'usage d'éléments de ses marques sur un site "A______" relié au domaine "A______.ch", domaine détenu par B______/1______;
Que figure sur ce site le logo "A______" et la mention "C______";
Que par ailleurs, le site internet de B______/2______ SA, mentionne et associe A______ à la citée en faisant de nombreuses références à son nom et à ses marques, reprenant par ailleurs son logo;
Que dans sa requête de mesures provisionnelles, A______ S.A. conclut à ce qu'il soit donné ordre à B______/1______ SA et B______/2______ SA, sous la menace de l'amende prévue par l'art. 292 CP, de cesser de faire usage des marques A______ déposées sous les numéros d'enregistrement 3______ et 4______, de cesser de faire usage de tout signe distinctif associé à la marque A______, ainsi qu'à ce qu'il soit fait interdiction à B______/1______ SA et B______/2______ SA, sous la menace de l'amende prévue par l'art. 292 CP, de faire usage des marques déposées sous les numéros d'enregistrement 3______ et 4______, fait interdiction à B______/1______ SA et B______/2______ SA, sous la menace de l'amende prévue par l'art. 292 CP, de faire usage de tout signe distinctif associé à la marque A______, dit que B______/1______ SA et B______/2______ SA seront redevables d'une amende d'ordre de 1'000 fr. par jour d'inexécution, dit que B______/1______ SA et B______/2______ SA seront redevables d'une astreinte de 10'000 fr. pour chaque jour d'inexécution et à ce que B______/1______ SA et B______/2______ SA soient condamnés en tous les dépens de l'instance, lesquels comprendront une indemnité équitable valant participation aux honoraires d'avocat;
Qu'elle formule ces conclusions à titre provisionnel, ainsi que superprovisionnel;
Qu'elle invoque à ce dernier propos, l'urgence à faire cesser l'utilisation illégitime de sa marque et signes distinctifs, au vu du risque de confusion créé, susceptible de lui causer un dommage difficilement réparable, financier et réputationnel, notamment;
Considérant EN DROIT que la requérante fonde son action essentiellement sur la loi fédérale sur la protection des marques (LPM), ainsi que sur la loi fédérale sur la concurrence déloyale (LCD);
Que selon les art. 5 al. 1 let. a, c et d CPC et 120 al. 1 let. a LOJ, la Chambre civile de la Cour de justice connaît en instance unique des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle;
Que cette compétence vaut également pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (art. 5 al. 2 CPC);
Qu'en application de l'art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (let. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (let. b);
Que l'art. 262 CPC prévoit que le tribunal peut ordonner toute mesure provisionnelle propre à prévenir ou à faire cesser le préjudice, notamment l'interdiction et l'ordre de cessation d'un état de fait illicite;
Que l'octroi de mesures provisionnelles suppose la vraisemblance du droit matériel invoqué et des chances de succès du procès au fond, ainsi que la vraisemblance, sur la base d'éléments objectifs, qu'un danger imminent menace le droit du requérant, enfin la vraisemblance d'un préjudice difficilement réparable, ce qui implique une urgence (arrêt du Tribunal fédéral 5A_931/2014 c. 4);
Que la condition de l'urgence doit être considérée comme remplie lorsque, sans mesures provisionnelles, le requérant risquerait de subir un dommage difficile à réparer au point que l'efficacité du jugement rendu à l'issue de la procédure ordinaire au fond en serait compromise; le dommage difficilement réparable concerne tout préjudice, patrimonial ou immatériel, et peut même résulter du seul écoulement du temps pendant le procès (arrêt du Tribunal fédéral 5A_629/2009 c. 4);
Qu'en cas d'urgence particulière, notamment s'il y a un risque d'entrave à leur exécution, le tribunal peut ordonner des mesures provisionnelles immédiatement, sans entendre la partie adverse (art. 265 al. 1 CPC);
Qu'une urgence particulière suppose que le but recherché ne pourrait pas être atteint s'il fallait attendre jusqu'à ce qu'une décision soit rendue sur mesures provisionnelles;
Que la mesure doit être proportionnée au risque d'atteinte (arrêt du Tribunal fédéral 4_611/2011 c. 4.1);
Que la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la marque ou à une indication de provenance peut demander au juge de l'interdire, si elle est imminente, de la faire cesser, si elle dure encore (…) (art. 55 LPM);
Que celui qui demande des mesures provisionnelles peut en particulier requérir du juge qu'il les ordonne dans le but (…) d'assurer à titre provisoire la prévention ou la cessation du trouble (d);
Qu'en droit des marques ou en matière de concurrence déloyale, il est admis qu'un risque de confusion est en règle générale de nature à engendrer une perturbation du marché ainsi que d'autres dommages de nature immatérielle. Que la condition de menace d'un dommage difficile à réparer est dès lors en règle générale considérée comme remplie (ACJC/1291/2017 c. 3.4; ACJC/335/2015 c. 4.1);
Qu'en l'espèce, il est rendu vraisemblable à ce stade déjà, que tant par le biais d'un domaine internet qu'elles maîtrisent, que sur leur site internet propre, les citées font usage de la marque et du logo de la requérante;
Que cette situation crée un risque d'association ou de confusion entre elles, exerçant dans le même domaine et sur le même territoire, susceptible de porter un préjudice difficilement réparable, financier et réputationnel, à la requérante, l'atteinte alléguée étant en cours;
Qu'outre la question de l'utilisation indue de la marque d'autrui, la déloyauté du comportement des citées par rapport à la requérante est rendue vraisemblable, sous l'angle de leur rapport de concurrence en Suisse, de même que la condition du préjudice;
Que de ce fait, il y a urgence à faire droit, dès le dépôt de la requête, aux conclusions de la requérante en interdiction, valant cessation, d'utilisation;
Que dès lors, il sera fait droit, ex parte, aux conclusions de la requête dans cette mesure;
Qu'il n'y a pas lieu à ce stade de prononcer lesdites interdictions sous la peine menace des dispositions idoines du code pénal, ni d'amende d'ordre ou d'astreinte, aucun élément ne laissant supposer qu'elles ne seront pas respectées et suivies d'effets;
Qu'un délai de dix jours dès la notification de la présente ordonnance sera imparti aux citées pour répondre à la requête de mesures provisionnelles (art. 265 al. 2 CPC);
Que la suite de la procédure sera réservée;
Que le sort des frais sera renvoyé à la décision finale (art. 104 al. 3 CPC)
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La Chambre civile :
Statuant sur mesures superprovisionnelles :
Fait interdiction avec effet immédiat à B______/1______ SA et B______/2______ SA de faire usage des marques appartenant à A______ S.A. déposées sous les numéros d'enregistrement 3______ et 4______.
Fait interdiction avec effet immédiat à B______/1______ SA et B______/2______ SA de faire usage de tout signe distinctif associé aux marques de A______ S.A.
Dit qu'il sera statué sur les frais liés à la présente décision dans l'ordonnance rendue sur mesures provisionnelles.
Statuant préparatoirement :
Impartit à B______/1______ SA et B______/2______ SA un délai de dix jours dès la notification de la présente ordonnance pour répondre par écrit à la requête de mesures provisionnelles formée par A______ S.A.
Réserve la suite de la procédure.
Siégeant :
Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président, Madame Camille LESTEVEN, greffière.
S'agissant de mesures superprovisionnelles, il n'y a pas de voie de recours au
Tribunal fédéral (ATF 137 III 417 consid. 1.3).