Décisions | Chambre civile
ACJC/366/2024 du 19.03.2024 sur JTPI/456/2023 ( OO ) , CONFIRME
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||
POUVOIR JUDICIAIRE C/15399/2020 ACJC/366/2024 ARRÊT DE LA COUR DE JUSTICE Chambre civile DU MARDI 19 MARS 2024 |
Entre
Monsieur A______, domicilié ______ [VD], appelant d'un jugement rendu par la 4ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 16 janvier 2023, représenté par Me Olivier CARRE, avocat, place Saint-François 8, case postale 5616, 1002 Lausanne,
et
Maître B______, p.a. [étude] C______, ______ [GE], intimé, représenté par
Me Alec REYMOND, avocat, @lex Avocats, rue de Contamines 6, 1206 Genève.
A. Par jugement JTPI/456/2023 du 16 janvier 2023, reçu par les parties le 19 janvier 2023, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal), statuant par voie de procédure ordinaire, a débouté A______ de toutes ses conclusions (chiffre 1 du dispositif), arrêté les frais judiciaires à 10'000 fr., qu'il a mis à la charge de A______ et compensés avec l'avance de même montant qu'il avait fourni (ch. 2), arrêté à 15'616 fr. les dépens dus par A______ à B______, libéré les sûretés de 10'000 fr. fournies en garantie des dépens par A______ en faveur de B______ et condamné A______ à verser 5'616 fr. à B______ (ch. 3) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 4).
B. a.a Par acte expédié le 20 février 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement, dont il a sollicité l'annulation.
Principalement, il a conclu au paiement par B______ de 127'479 fr. 05 plus intérêts à 5% dès le 31 mars 2013, 10'739 fr. 85 plus intérêts à 5% dès le 3 juin 2016, 11'500 fr. plus intérêts à 5% dès le 13 juin 2014, 1'675 fr. plus intérêts à 5% dès le 16 février 2016 et 1'417 fr. 30 plus intérêts à 5% dès le 30 août 2017.
a.b Préalablement, il a conclu à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la procédure d'appel.
Il a produit des pièces non soumises au premier juge, en lien avec sa demande d'assistance judiciaire (pièces 4 à 9).
b. Par réponse du 17 avril 2023, B______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
Il a également pris une conclusion préalable, sollicitant qu'il soit ordonné à A______ de fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens à hauteur de 15'000 fr., conclusion qu'il a retirée après que A______ ait été admis au bénéfice de l'assistance juridique et exonéré de l'obligation de fournir des sûretés en garantie des dépens par décisions de l'assistance juridique du 7 mars et du 24 août 2023. La Cour a pris acte de ce retrait par arrêt ACJC/696/2023 du 30 mai 2023.
c. Par réplique et duplique sur l'appel formé par A______, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.
A______ a produit une pièce non soumise au premier juge à l'appui de sa réplique, soit un extrait du registre des poursuites le concernant daté du 29 octobre 2013 (pièce 11).
B______ a conclu à l'irrecevabilité de cette pièce.
d. Les parties ont été informées le 15 janvier 2024 de ce que la cause était gardée à juger.
C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :
a. D______ SA, société désormais liquidée et radiée suite à sa faillite, était active dans la commercialisation et le montage de bâtiments industriels et d'isolations industrielles.
b. A______, ressortissant macédonien, exploitait l'entreprise E______ - A______ en raison individuelle, dont le but était l'exploitation d'une entreprise de montage de constructions métallique et serrurerie jusqu'en 2015, date à laquelle la société a été radiée par suite de cessation d'activité.
c. Par contrat d'entreprise conclu par oral au printemps 2011, D______ SA,
(sous-)maître d'ouvrage, a commandé à A______, entrepreneur sous-traitant, des travaux de pose d'éléments métalliques sur un bâtiment industriel en construction sur une parcelle sise à F______ [GE].
Dans le cadre de la présente procédure, A______ a produit un devis daté du 17 avril 2011, établi par son entreprise individuelle (E______-A______) à l'intention de D______ SA, faisant état d'un prix proposé de 177'895 fr. 45 pour des travaux (montage des sous-constructions acier et panneaux sandwich de façade) sur la "G______ – F______", non signé par les parties. Il a déclaré au Tribunal que la version signée avait été conservée par D______ SA.
d. En cours de chantier, soit le 5 octobre 2011, D______ SA a reproché à A______ de n'avoir réalisé que la moitié des travaux alors qu'ils devaient être terminés à mi-septembre, et que ceux réalisés étaient si défectueux que la moitié devait être refaite. Elle lui a signifié la résiliation du contrat d'entreprise avec effet immédiat, l'a sommé de quitter le chantier dans les douze heures et a réservé toutes prétentions en indemnisation à son encontre.
Le 6 octobre 2011, D______ SA a adressé à E______ - A______ un avis de défaut formel concernant les travaux réalisés à la G______ à F______, en lui indiquant que le dommage y relatif s'élevait à 108'600 fr. et l'a invité à annoncer le sinistre à son assurance responsabilité-civile.
e. Le 16 décembre 2011, A______, soit pour lui son assureur en protection mis en œuvre à cette fin par sa fiduciaire, a contesté les manquements reprochés par D______ SA et l'a sommée de payer 120'895 fr. 45, montant "équivalant au travaux effectués à ce jour pour solde de tout compte".
A______ n'a produit aucun décompte de travaux ou facture finale par hypothèse adressés à D______ SA pour un tel montant et n'explique pas comment lui et/ou son assureur sont parvenus à cette somme, qu'il chiffre, dans le cadre de la présente procédure, à 127'479 fr. 05.
f. Le vendredi après-midi 30 décembre 2011, A______, soit pour lui son assureur précité, a mandaté B______, avocat à Genève, pour faire inscrire en sa faveur, en urgence, une hypothèque légale d'entrepreneur sur l'immeuble dans lequel il avait œuvré.
B______ a déclaré au Tribunal que son rôle dans la gestion de ce dossier s'était alors limité à superviser le travail de sa collaboratrice, H______. Il n'avait jamais eu de contacts personnels avec A______. Il a également allégué que sa stagiaire était intervenue ponctuellement sur ce dossier.
Le même jour, l'assureur précité a transmis par courriel le dossier de A______ à H______. B______ a allégué que seuls les documents suivants lui avaient alors été communiqués : le courrier du 16 décembre 2011 (cf. supra let. e), le courrier de résiliation du 5 octobre 2011 (cf. supra let. d), un courrier du fiduciaire I______ à l'assureur du 11 novembre 2011, le devis de E______ - A______ du 17 avril 2011 (cf. supra let. c), deux courriers adressés par D______ SA à E______ - A______ les 9 et 28 septembre 2011 relevant un retard important dans l'avancement des travaux ainsi que divers dégâts, et l'avis de défaut du 6 octobre 2011 (cf. supra let. d). A______ a déclaré ignorer si d'autres pièces avaient été transmises à cette occasion.
g. L'article 839 al. 2 CC, concernant l'hypothèque des artisans et des entrepreneurs, a été révisé en 2012.
Selon sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 2011, l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs devait être (provisoirement) inscrite avant l'expiration d'un délai légal de trois mois suivant l'achèvement des travaux.
Dans sa nouvelle teneur, entrée en vigueur le 1er janvier 2012, le délai légal précité a été porté à quatre mois.
Il est admis que la question de savoir si ce nouveau délai s'appliquait à des travaux achevés avant le 1er janvier 2012 était alors très controversé en doctrine.
h. Le dossier du litige contre D______ SA remis par l'assureur de A______ à B______ était très lacunaire et n'indiquait pas sur quelle parcelle, sise à quelle adresse et appartenant à quel propriétaire ses travaux sur la "G______ – F______" avaient été effectués.
Le 3 janvier 2012 en matinée, B______, soit sa collaboratrice, a interrogé A______, en vacances à l'étranger, à ces sujets. Celui-ci lui a indiqué que l'immeuble en cause était la propriété de J______ SA.
Sur la base de cette indication, le site internet du Registre foncier, consulté à cette fin par B______ (soit sa collaboratrice), a ciblé la parcelle 1______, sise rue 2______ 11 - 13 à F______, supportant un hangar et des bureaux, propriété de J______ SA.
Entendue en qualité de témoin par le Tribunal, l'ancienne collaboratrice de B______, H______, anciennement H______, a déclaré que lorsqu'elle avait réussi à contacter A______ par téléphone, elle lui avait indiqué que les éléments du dossier ne lui permettaient pas d'être sûre de l'endroit où les travaux avaient été effectués. Elle lui avait alors fourni les résultats de ses recherches et lui avait demandé si la désignation "G______" était exacte et si la propriétaire de la parcelle était bien J______ SA, ce que A______ lui avait confirmé.
i. Sur quoi, B______, soit sa collaboratrice, a établi pour A______ un projet de requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles en inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et des entrepreneurs visant la parcelle 1______ sise rue 2______ 11 à F______, propriété de J______ SA, à hauteur de 120'895 fr. 45.
j. Par courriel du 3 janvier 2012 à 14h37, B______, soit sa collaboratrice, a adressé le projet de requête en inscription d'hypothèque légale à A______ pour acceptation et, en particulier, confirmation de "l'adresse de J______ SA" indiquée dans le projet.
A 15h37, A______ lui a répondu que, "suite à [leur] entretien et après consultation de [sa] fiduciaire, [il lui] laiss[ait] le soin de bien vouloir défendre [s]es intérêts et [la] remer[çiait]".
A 16h, B______, soit sa collaboratrice, a demandé à A______ si son message signifiait qu'il acceptait le projet.
Par courriel du même jour, adressé à 16h42 à B______, soit à sa collaboratrice, et à A______ en copie, la fiduciaire du précité a confirmé à l'avocat leur acceptation de la requête et l'a requis de la déposer au Tribunal.
k. Le 3 janvier 2012, en fin de journée, B______ a déposé au nom et pour le compte de A______ la requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles en inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs sur la parcelle 1______, propriété de J______ SA, à hauteur de 120'895 fr. 45.
l. Par ordonnance du 4 janvier 2012, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a ordonné l'inscription préprovisoire de l'hypothèque requise.
m. Le même jour, B______ a requis du Registre foncier l'inscription préprovisoire de l'hypothèque ordonnée sur la parcelle 1______ de J______ SA.
n. Les 26 et 27 janvier 2012, le Registre foncier a informé B______ que l'hypothèque légale ordonnée contre J______ SA sur la parcelle 1______ ne pouvait pas être inscrite car ladite parcelle appartenait à K______ SA.
n.a Il résulte du Registre du commerce qu'au cours du second semestre 2011, J______ SA a changé sa raison sociale en K______ SA et, simultanément, transféré par scission-séparation de sociétés une partie de son patrimoine à une nouvelle société J______ SA, inscrite en même temps au Registre du commerce.
K______ SA (ex-J______ SA) et (la nouvelle) J______ SA ont toutes deux conservé jusqu'en été 2012 leurs sièges sociaux respectifs à la même adresse sise rue 2______ 11 - 13 à F______, soit sur la parcelle 1______ demeurée propriété de K______ SA.
La parcelle sur laquelle était requise l'inscription d'une hypothèque légale avait ainsi été, par erreur, requise, puis ordonnée contre (la nouvelle) J______ SA sur la parcelle 1______, alors qu'elle n'en était pas la propriétaire.
n.b Compte tenu de ce qui précède, le Registre foncier a suggéré à B______ de requérir du Tribunal une ordonnance, nouvelle ou rectificative de la première, à diriger contre K______ SA, en inscription d'une hypothèque légale sur la parcelle 1______ avant le 5 février 2012, date correspondant à l'échéance du délai de quatre mois depuis la fin des travaux (cf. supra let. g).
o. B______ a alors échangé avec L______, avocat et conseil d'un des actionnaires de la société K______ SA (active dans la détention, la gestion, l'achat et la vente de biens immobiliers), lequel lui a confirmé, par courrier du 27 janvier 2012, que l'immeuble sis rue 2______ 11, parcelle n. 1______, n'était pas propriété de J______ SA (active dans l'achat et la vente d'instruments pour laboratoires analytiques, l'installation et l'équipement de laboratoires analytiques) mais de la société K______ SA et a ajouté que "les travaux litigieux, selon les informations en [sa] possession, [avaient] été effectués le 6 octobre 2011 pour le compte de J______ SA".
p. Le 26 janvier 2012, M______ a adressé un courrier au Tribunal l'informant que J______ SA lui avait confié la défense de ses intérêts et que l'adresse de sa mandante était désormais située au chemin 3______ no. ______, à N______ [GE], précisant que le directeur chargé de faire procéder à la modification d'adresse ne l'avait pas fait.
q. La témoin H______ a déclaré au Tribunal que B______ avait eu des contacts avec les conseils de K______ SA et de J______ SA et qu'aucun n'avait remis en cause le fait que A______ avait réalisé des travaux sur la parcelle dont était désormais propriétaire K______ SA, cette dernière "pensant que lesdits travaux lui avaient été cachés par J______ SA". Il n'y avait donc aucune raison de douter du fait que la requête visait la parcelle sur laquelle les travaux avaient été effectués.
r. Le 31 janvier 2012, B______ a déposé au nom et pour le compte de A______ une nouvelle requête de mesures superprovisionnelles et provisionnelles en inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs dirigée contre K______ SA, sur la parcelle 1______, à hauteur de 120'895 fr. 45.
s. Par ordonnance du même jour, le Tribunal, statuant sur mesures superprovisionnelles, a ordonné l'inscription préprovisoire de l'hypothèque requise.
t. Le 1er février 2012, B______ a requis et obtenu du Registre foncier l'inscription préprovisoire de l'hypothèque ordonnée contre K______ SA.
u. Le 20 février 2012, K______ SA a déposé son mémoire réponse à la requête de mesures provisionnelles en inscription provisoire de l'hypothèque formée par A______.
Dans ce cadre, elle a fait valoir que les travaux effectués par A______ n'avaient pas été réalisés sur sa parcelle 1______ mais sur une parcelle voisine, soit la parcelle 4______ dont elle n'était pas la propriétaire.
v. Le 21 février 2012, B______ a informé A______ que K______ SA contestait que les travaux avaient été effectués sur sa parcelle 1______ et lui a, sans succès, demandé, derechef les 6 et 13 mars 2012, de se positionner sur cette objection.
w. Le 15 mars 2012, A______ s'est pour la première fois présenté à l'Etude de B______ pour lui réaffirmer que la parcelle sur laquelle il avait œuvré appartenait à J______ SA.
Par courriel adressé plus tard le même jour à B______ (lui-même), il lui a toutefois indiqué, pour la première fois, que ses travaux avaient été réalisés rue 2______ 9 à F______, sur une parcelle propriété de "O______".
Entendue en qualité de témoin par le Tribunal, H______ a déclaré que c'était à ce moment-là qu'elle avait réalisé, pour la première fois, que A______ "n'était pas sûr quant à la parcelle sur laquelle il avait effectué les travaux". Avant cela, le client n'avait jamais remis cet élément en question. A______ n'était pas francophone mais ils parvenaient parfaitement à communiquer. À aucun moment, il lui avait indiqué ne pas la comprendre.
A______ a déclaré au Tribunal qu'il "pein[ait] à [se] souvenir" du moment où il avait informé l'avocat que la société directrice du chantier était P______ SA. Il a ensuite déclaré avoir donné cette information lorsqu'il avait rencontré H______ à l'Etude.
B______ a quant à lui déclaré que des contacts avaient eu lieu entre la société P______ SA et le bureau d'architectes Q______ SA et sa collaboratrice.
x. Des recherches ont été effectuées sur cette base par B______, sans succès. Aucune société "O______" ne figurait au Registre du commerce et aucun bâtiment ni adresse n'étaient (encore) cadastrés au 9, rue 2______ au Registre foncier.
Il résultait toutefois du Registre foncier que la parcelle 4______, voisine de la parcelle 1______ sise rue 2______ 11 - 13 appartenant à K______ SA, n'était pas cadastrée et était propriété de R______ SA, sise à S______, Genève.
y. Il n'est pas contesté que B______ et A______ sont finalement parvenus dans les jours qui ont suivi à la conclusion que les travaux en question avaient été réalisés sur la parcelle 4______, propriété de R______ SA.
z. Le 23 mars 2012, B______, avec l'accord de A______, a retiré la requête en inscription d'une hypothèque légale dirigée contre K______ SA sur la parcelle 1______, ce qu'il a confirmé lors de l''audience du 26 mars 2012.
Par ordonnance du 16 avril 2012, le Tribunal, donnant acte à A______ de son désistement d'action, l'a condamné à payer 3'000 fr. de dépens à K______ SA.
L'assureur en protection juridique de A______ a couvert et payé la totalité de ses frais judiciaires, dépens et (éventuels) honoraires d'avocat de B______ liés aux procédures d'inscription en hypothèque légale formées pour l'intéressé.
aa. Le 2 mai 2012, D______ SA, en sa qualité de maître d'ouvrage, a saisi en conciliation les tribunaux vaudois d'une demande en paiement de 204'914 fr. de dommages-intérêts dirigée contre A______.
Dans ce cadre, D______ SA a fait valoir que A______ avait engagé sa responsabilité d'entrepreneur en ne réalisant, avec retard et de manière défectueuse, que la moitié des travaux commandés avant qu'elle ne résilie le contrat d'entreprise avec effet immédiat le 5 octobre 2011.
A______ ne s'est pas présenté à l'audience de conciliation tenue le 12 juin 2012.
D______ SA a renoncé à introduire au fond sa demande en paiement contre A______. Le Tribunal a retenu, dans la partie en fait de son jugement, que D______ SA y avait renoncé car elle "éprouva[it] des doutes, fondés, sur la solvabilité de A______", en se basant notamment sur les allégués 53 et suivants présentés par le précité dans sa demande du 6 août 2021 (cf. infra let. D.a.) ainsi que sur la réponse de D______ SA du 22 octobre 2014 (cf. infra let. bb.).
bb. Le 30 décembre 2013, A______, alors représenté par son conseil actuel, a saisi à son tour les tribunaux vaudois d'une demande en paiement de 127'479 fr. dirigée contre D______ SA, dit montant correspondant, selon lui, au prix des travaux litigieux. Dans sa demande, il a offert de prouver certaines de ses allégations – ayant trait notamment aux difficultés rencontrées sur le chantier et la nature de certains défauts entachant ses travaux (panneaux "légèrement griffés et/ou cabossés") – par la mise en œuvre d'une expertise judiciaire.
Par réponse et demande reconventionnelle du 22 octobre 2014, D______ SA a conclu au déboutement de sa partie adverse et, sur demande reconventionnelle, lui a réclamé le paiement de 204'914 fr. de dommages-intérêts. Elle a notamment expliqué avoir décidé de ne pas poursuivre plus avant le procès qu'elle avait initiée à l'encontre de A______ car il lui était apparu que le risque d'impécuniosité de sa partie adverse était avéré.
cc. En cours de procédure, soit le 7 juin 2016, D______ SA a été déclarée en faillite, de sorte que le procès a été suspendu. La cause n'ayant été reprise ni par la masse en faillite de D______ SA ni par ses tiers créanciers, la cause a été ultérieurement rayée du rôle.
dd. Le 15 juillet 2016, A______ a produit dans la faillite de D______ SA des créances totalisant 175'252 fr. 55, soit 127'479 fr. correspondant au prix de ses travaux, et le solde à titre de frais judiciaires et honoraires d'avocat liés à son procès contre la faillie.
Si les frais judiciaires et honoraires d'avocat précités de A______ ont été payés par son assureur en protection juridique, qui lui a confirmé le 18 juillet 2016 qu'il les couvrait jusqu'à cette date, il en était allé différemment de la procédure de faillite. L'assureur en protection juridique lui a en effet précisé, dans un courrier du 8 août 2017 (figurant au dossier) que la couverture des frais était assurée jusqu'à la commination de faillite de D______ SA.
ee. Le procès n'ayant pas été continué par la masse en faillite ou les tiers créanciers de la faillie, les créances produites par A______ ont été définitivement inscrites en 3ème classe de l'état de collocation de D______ SA.
Le dividende prévisible dans la liquidation de la faillite de D______ SA pour les créanciers en 3ème classe est nul.
Il résulte de l'acte de défaut de biens après faillite transmis à A______ le 3 novembre 2021 que la faillie a contesté la créance dans son intégralité.
Par courriel du 3 décembre 2021, l'Office des faillites de l'arrondissement de T______ et du U______ a confirmé à A______ qu'aucune créance n'avait été inventoriée à son nom dans la faillite de D______ SA.
D. a. Par demande du 6 août 2020, A______ a assigné B______ en paiement, en dernier lieu, des montants de 127'479 fr. 05 avec intérêts à 5% dès le 31 mars 2013 correspondant, selon lui, au prix des travaux qu'il aurait réalisés pour D______ SA, de 10'739 fr. 85 avec intérêts à 5% dès le 3 juin 2016 correspondant, selon lui, aux honoraires de son avocat actuel en lien avec la procédure contre D______ SA, de 11'500 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 juin 2014 correspondant, selon lui, à l'avance de frais qu'il aurait fournie dans le cadre du procès contre D______ SA, de 1'675 fr. avec intérêts à 5% dès le 13 juin 2013 correspondant, selon lui, à l'avance de frais fournie pour l'audition de témoins dans le cadre de la procédure contre D______ SA et de 1'417 fr. 30 avec intérêts à 5% dès le 30 août 2017 correspondant, selon lui, aux honoraires de son avocat liés à son intervention dans la faillite de D______ SA.
Selon A______, B______ avait engagé sa responsabilité dès lors qu'il n'avait pas requis l'inscription d'une hypothèque légale sur la bonne parcelle et contre le propriétaire de celle-ci.
Dans sa demande, il a notamment allégué que "l'absence de paiement de la part de D______ SA pour ses travaux de F______ [l'avait] mis dans une situation financière particulièrement précaire" (allégué 53) et qu'il avait dû cesser l'activité de son entreprise E______ - A______ (allégué 54) notamment.
A l'appui du montant de 1'417 fr. 30 réclamé à titre de dommage, il a produit un courrier de son conseil daté du 18 juillet 2016, dans lequel celui-lui lui réclamait paiement d'un montant de 1'417 fr. 30 pour l'activité déployée "depuis que [sa] protection juridique a[vait] cessé de prendre en charge le cas", ainsi que son time-sheet.
b. Par réponse du 30 juin 2021, B______ a conclu au déboutement de A______ des fins de sa demande, contestant toute violation de son devoir de diligence.
Il a également fait valoir l'absence d'un lien de causalité entre une éventuelle faute de sa part (qu'il contestait avoir commise) et le préjudice allégué par A______, faute de dommage. En effet, selon lui, la perte de la possibilité de transiger n'était qu'une hypothèse purement théorique qui ne trouvait aucune substance dans le contexte particulier de la procédure litigieuse. De plus, l'admission de la créance de A______ dans la faillite de D______ SA ne suffisait pas à démontrer l'existence d'un dommage, dès lors que cette créance n'avait qu'une portée "intra-faillite". Quant aux honoraires et frais d'avocat et aux avances de frais effectuées, B______ a rappelé que l'assurance juridique de A______ l'avait averti, à deux reprises, qu'elle ne prendrait pas en charge les frais découlant de la procédure de faillite à l'encontre de D______ SA.
c. Par réplique du 11 janvier 2022, A______ s'est déterminé sur la réponse de sa partie adverse et a formé de nouveaux allégués au sujet de l'exécution du mandat litigieux (allégués 70 à 101), du dommage et de la contre-prétention de D______ SA (allégués 102 à 116).
Dans ses allégués 70 à 82, qui mêlent faits, droit et appréciations, il a notamment soutenu que B______ avait délégué le traitement du dossier à sa collaboratrice et à une stagiaire, et que la collaboratrice, qu'il qualifiait de "toute jeune", avait quitté le barreau pour se consacrer à l'âge de 31 ans à l'organisation de bureaux et d'espace de coworking, et mettait ce changement de carrière en lien avec "la calamiteuse gestion du dossier". Il a produit un résultat de recherche internet concernant ladite collaboratrice ainsi qu'un article intitulé "______" la concernant paru le 13 août 2015 dans [le journal] V______.
Il a développé son argumentation juridique quant à la violation de l'obligation de diligence par B______ sous ses allégués 83 à 101, en mettant en évidence ce qu'il estimait que l'avocat n'avait pas fait et aurait dû faire.
Enfin, A______ a proposé de prouver ses allégués 103 à 106 (en lien avec l'avancée de ses travaux, qui étaient "quasi-terminés le 5 octobre 2011", avec les difficultés rencontrées sur le chantier et les malfaçons soulevées par D______ SA) par l'audition de témoins, sans prendre de conclusion formelle à ce sujet. Il a allégué que D______ SA aurait agi au fond, suite à l'échec de sa requête en conciliation, si elle avait cru en sa prétention (n. 107 et 108), produisant la réponse de D______ SA du 22 octobre 2014 à l'appui de ses allégations.
d. Le 24 février 2022, B______ a transmis sa duplique, dans le cadre de laquelle il a notamment fait valoir qu'il ne s'était pas engagé à gérer seul le mandat et à ne pas en confier le suivi à une collaboratrice ou une avocate-stagiaire et que tant l'une que l'autre était parfaitement apte à traiter le mandat litigieux.
Il a par ailleurs également contesté les allégués 103 à 106 introduits par sa partie adverse, ajoutant que ces allégations n'étaient pas démontrées par pièces.
e. Lors de l'audience de débats d'instruction du 26 avril 2022, A______ a notamment sollicité l'audition de plusieurs témoins à l'appui des allégués 103 à 106 de sa réplique (concernant les travaux qu'il avait effectués pour D______ SA, les raisons du retard intervenu sur le chantier et sur les malfaçons soulevées par D______ SA).
f. Par ordonnance de preuve ORTPI/504/2022 du 4 mai 2022, le Tribunal a renoncé à l'audition des témoins sollicités par A______ dans la mesure où les allégués qui devaient être couverts par ce moyen de preuve n'étaient pas pertinents pour la résolution du litige.
g. Lors des audiences des 21 juin et 6 septembre 2022, le Tribunal a procédé à l'audition des parties et de la témoin H______, dont les déclarations ont été intégrées au présent état de fait dans la mesure utile.
h. Par plaidoiries finales écrites des 14 et 17 octobre 2022, les parties ont persisté dans leurs conclusions respectives.
i. La cause a été gardée à juger par le Tribunal après réception d'une réplique de B______ le 3 novembre 2022.
E. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a considéré avérée l'erreur de l'avocat de ne pas avoir requis l'hypothèque légale d'entrepreneur sur la bonne parcelle (soit sur la parcelle 1______ au lieu de la parcelle 4______) et contre le bon propriétaire (soit contre l'ex-J______ SA au lieu de R______ SA). Cette erreur ne lui était toutefois pas imputable à faute, compte tenu des circonstances particulières, ce qui conduisait, pour ce motif déjà, au rejet des prétentions en indemnisation émises par A______.
Par surabondance de motifs, le Tribunal a également considéré que l'existence et le montant des préjudices allégués par A______ n'étaient pas démontrés, ni rendus hautement vraisemblables, et/ou que leur lien de causalité avec l'erreur commise par B______ n'était pas donné.
1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1 et 3, et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.
1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).
La Cour applique certes le droit d'office (art. 57 CPC); cependant, hormis les cas de vices manifestes, elle ne traite que les griefs qui ont fait l'objet d'une motivation suffisante et, partant, recevable (arrêts du Tribunal fédéral 4A_258/2015 du 21 octobre 2015 consid. 2.4.3; 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 3.1).
2. L'appelant a produit des pièces nouvelles en seconde instance.
2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, un moyen de preuve nouveau n'est pris en compte au stade de l'appel que s'il est produit sans retard (let. a) et qu'il ne pouvait l'être devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).
La diligence requise suppose que dans la procédure de première instance, chaque partie expose l'état de fait de manière soigneuse et complète et qu'elle amène tous les éléments propres à établir les faits jugés importants (arrêt du Tribunal fédéral 4A_334/2012 du 16 octobre 2012 consid. 3.1).
Les pseudo nova sont des faits et moyens de preuves qui étaient déjà survenus à la fin de l’audience des débats principaux de première instance. Leur recevabilité en appel est largement limitée, en ce sens qu’ils sont exclus lorsqu’en faisant preuve de la diligence requise, ils auraient pu être présentés en première instance déjà. S’il introduit des pseudo nova, l’appelant doit notamment exposer en détails les motifs pour lesquels il n’a pas pu présenter le fait ou le moyen de preuve en première instance déjà (ATF 143 III 42 consid. 4.1).
Dans le cas d'un pseudo nova, les conditions de l'art. 317 let. a et b CPC peuvent être considérées comme réunies lorsque seul le jugement attaqué donne lieu à cet allégué (arrêt du Tribunal fédéral 4A_540/2014 du 18 mars 2015 consid. 3.1). Cela étant, le fait qu'une partie ne comprenne qu'au vu du jugement de première instance quels faits et moyens de preuve sont décisifs pour l'issue du procès ne lui permet pas de produire des nova en procédure de recours (arrêt du Tribunal fédéral 4D_45/2014 du 5 décembre 2014 consid. 2.3.3). Des faux nova sont par ailleurs excusables lorsque le comportement de la partie adverse en première instance a permis de croire qu'il n'était pas nécessaire de les présenter (arrêt du Tribunal fédéral 5A_697/2020 du 22 mars 2021 consid. 3).
En règle générale, les nova doivent être introduits en appel dans le cadre du premier échange d'écritures (arrêt du Tribunal fédéral 5A_456/2016 du 28 octobre 2016 consid. 4.1.2).
2.2 En l'espèce, les pièces 4 à 10 ont été produites par l'appelant à l'appui de sa demande d'assistance judiciaire, respectivement en réponse à la demande de sûretés formée par l'intimé et ne sont pas invoquées par celui-ci à l'appui de son appel. Il n'y a dès lors pas lieu de statuer sur leur recevabilité, étant précisé que la Cour n'en tiendra pas compte lors de l'examen des griefs formulés par l'appelant.
Reste la question de la recevabilité de la pièce 11, produite par l'appelant à l'appui de sa réplique. Celui-ci soutient qu'il aurait produit cette pièce devant le premier juge si celui-ci avait interpellé les parties "avant de se convaincre et surtout de retenir dans son jugement que D______ SA aurait vraiment pu avoir renoncé à ouvrir action en 2012 pour cause de prétendue insolvabilité à cette époque-là".
Or, dans le cadre de sa réplique du 11 janvier 2022, l'appelant alléguait déjà que si la requête de conciliation formée par D______ SA n'avait été suivie d'aucune demande au fond, c'était parce que celle-ci ne croyait pas en sa prétention (allégués 107 et 108), ce qui ne correspondait pas à la position de l'intéressée retranscrite dans sa réponse (puisqu'elle y alléguait avoir décidé de ne pas poursuivre plus avant le procès car il lui était apparu que le risque d'impécuniosité de l'appelant était avéré), soit la pièce que l'appelant produisait pourtant à l'appui de ses allégations.
En tout état, l'appelant n'explique pas pourquoi il n'a pas produit ce document à l'appui de son appel, alors qu'il contestait déjà ce point du jugement dans sa première écriture. Dans la mesure où les pièces nouvelles, en particulier, lorsqu'il s'agit de faux nova, doivent être produites sans retard (soit au cours du premier échange d'écritures) en seconde instance, il doit être considéré que celle-ci a été déposée tardivement. La pièce 11 et les faits qui s'y rapportent seront donc déclarés irrecevables.
3. Il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur la conclusion préalable de l'appelant, celui-ci ayant été admis au bénéfice de l'assistance judiciaire par décision du 7 mars 2023.
4. L'appelant a formulé un certain nombre de griefs à l'égard de l'état de fait du jugement. Les éléments de faits pertinents ont été intégrés ci-dessus dans la mesure utile pour la solution du litige. Il sera toutefois rappelé à l'appelant que seuls les faits de nature à influer sur le litige doivent être pris en considération par le juge. C'est donc à juste titre que le Tribunal n'a fait figurer, dans son jugement, que les faits "pertinents pour l'issue du litige".
Quant aux critiques formulées par l'appelant qui portent en réalité sur l'appréciation des preuves et l'appréciation juridique des faits, elles seront examinées ci-dessous, de même que les raisonnements juridiques qu'il a pu intégrer à sa partie en fait (comme c'était le cas pour ses allégués 83 à 101 présentés dans le cadre de sa réplique de première instance, qu'il reproche à tort au premier juge de ne pas avoir intégré à son état de fait).
Enfin, la Cour peine à comprendre ce que sollicite l'appelant, sous un chapitre intitulé "état de fait insuffisant et rejet injustifié des offres de preuves", lorsqu'il "demande, derechef, à être admis encore, au stade de l'appel, ou éventuellement après renvoi en première instance, la preuve des allégués suivants, ignorés par le premier juge", recopiant ensuite, sur une dizaine de pages, de nombreux allégués présentés devant le premier juge, pour la plupart non établis par pièces. Si l'on comprend de son appel qu'il critique la décision du premier juge en tant qu'il a refusé l'audition de témoins qu'il avait requis, notamment pour établir son dommage, il ne sollicite aucune mesure d'instruction devant la Cour. Il ne sera dès lors pas entré en matière sur ce point, le grief étant insuffisamment motivé.
5. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir considéré que l'intimé n'avait pas fautivement violé son obligation de diligence.
5.1 En vertu de l'art. 398 al. 1 CO, qui renvoie à l'art. 321e al. 1 CO, l'avocat mandataire répond du dommage qu'il cause au mandant intentionnellement ou par négligence. Sa responsabilité est subordonnée aux quatre conditions suivantes, conformément au régime général de l'art. 97 CO : (1) une violation des obligations qui lui incombent en vertu du contrat, notamment la violation de ses obligations de diligence et de fidélité (art. 398 al. 2 CO; ATF 134 III 534 consid. 3.2.2; 127 III 357 consid. 1); (2) un dommage; (3) un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre la violation du contrat et le dommage; et (4) une faute.
Le client mandant supporte le fardeau de l'allégation objectif (objektive Behauptungslast) et le fardeau de la preuve (Beweislast) des trois premières conditions conformément à l'art. 8 CC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_175/2018 précité consid.4.1; 4A_588/2011 précité consid. 2.2.2); il incombe en revanche à l'avocat mandataire de prouver qu'aucune faute ne lui est imputable ("à moins qu'il ne prouve..."; arrêt du Tribunal fédéral 4A_350/2019 du 9 janvier 2020 consid. 3.1), étant précisé que la faute est présumée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2017 du 13 novembre 2018 consid. 4.3.2).
5.1.1 En sa qualité de mandataire, l'avocat est tenu à la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO).
En tant que mandataire, l'avocat ne répond pas d'un résultat, mais de la bonne et fidèle exécution du mandat (art. 398 al. 2 CO). L'étendue de son devoir de diligence se détermine selon des critères objectifs. Les exigences qui doivent être posées à cet égard ne peuvent pas être fixées une fois pour toutes, car la qualité des services que le mandant peut attendre de l'avocat dépend des circonstances et du degré des difficultés auxquelles celui-ci est confronté. L'exercice de sa profession deviendrait impossible si le mandant pouvait le rendre responsable après coup de tout insuccès, compte tenu, d'une part, de la complexité de la législation et des faits, des aléas des procédures et, d'autre part, de certaines imperfections humaines mineures qui se manifestent nécessairement lors de l'exercice d'une telle profession, empreinte de risques. Cependant, s'agissant d'un mandataire au bénéfice d'un diplôme de capacité professionnelle, qui s'est vu délivrer une autorisation officielle de pratiquer et qui exerce son activité contre rémunération, on doit pouvoir attendre de lui une diligence particulière en relation avec ses connaissances spécifiques et compter, notamment, qu'il conseille et oriente son client quant aux possibilités juridiques ou pratiques qui se présentent à lui dans certaines situations. En définitive, l'avocat ne méconnaît son devoir de diligence que si le manquement qui lui est reproché représente la violation de règles généralement reconnues et admises, telles que le respect de délais de péremption ou de prescription (ATF 117 II 563 consid. 2a; 115 II 62 consid. 3a; 91 II 438 consid. 6a; 87 II 364 consid. 1; arrêt non publié du 26 avril 1983, partiellement reproduit in JdT 1984 I 146). La violation, par l'avocat, de son devoir de diligence constitue, du point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise exécution de son obligation de mandataire. Sa rémunération peut être le cas échéant réduite, voire supprimée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_38/2022 du 31 octobre 2022 consid. 4.1).
Une des premières missions de l'avocat consiste à établir l'état de fait de la cause dont il se charge. Cela fait partie de son devoir de diligence. C'est en premier lieu le client qui fournit à l'avocat les informations et documents qui sont à la base de la mission qu'il lui confie. Il le fait de son propre choix et selon sa propre compréhension des besoins de sa cause. Le plus souvent, les informations ainsi transmises ne sont ni complètes ni parfaitement appropriées. Il fait alors partie du travail de base de l'avocat de réunir l'ensemble des éléments de fait dont il a besoin pour accomplir sa tâche. Dans tous les cas, dès l'instant que l'avocat acquiert des doutes sur l'exactitude des informations données par son client, il doit poursuivre ses investigations aussi loin qu'il est nécessaire pour éclaircir la situation (Chappuis/Gurtner, La profession d'avocat, 2021, p. 466-467).
L'avocat a également le devoir de prendre les conclusions adéquates dans les formes requises par la procédure applicable. Il a le devoir d'examiner que ses conclusions relèvent de la compétence de la juridiction saisie, qu'elles soient présentées de manière procéduralement recevables et que ces conditions puissent matériellement être accordées. Une erreur dans les conclusions peut engager la responsabilité de l'avocat (Barth, La maîtrise des faits par l'avocat, in Devoirs et limites durant l'investigation, l'allégation et la présentation des moyens de preuve, 2022, p. 77).
L'avocat doit ainsi désigner la bonne parcelle sur laquelle il souhaite faire inscrire une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs. Etant donné la relative brièveté du délai péremptoire dans lequel l'inscription doit être opérée, l'avocat qui est chargé de la requérir viole objectivement son devoir de diligence s'il n'effectue pas les recherches indispensables quant à l'immeuble susceptible d'être grevé d'une telle hypothèque, lorsque les circonstances ne sont pas claires. Sans doute n'est-il pas tenu, en règle générale, d'examiner si le contenu matériel des indications que son client lui a fournies à cet égard est exact, pour autant que ces indications lui permettent de déposer une requête en bonne et due forme. Dans le cas contraire, il lui incombe, en revanche, de procéder avec soin aux investigations nécessaires et de clarifier la situation si elles font apparaître des inexactitudes ou des contradictions (ATF 117 II 563 consid. 3b).
Dans les affaires où la situation juridique est peu claire ou incertaine, l'avocat doit en tout cas prendre les mesures nécessaires à la sauvegarde des intérêts de son client qui peuvent précisément être mis en péril par cette incertitude (Chappuis/Gurtner, op. cit., p. 473).
La violation par l'avocat de son devoir de diligence constitue, du point de vue juridique, une inexécution ou une mauvaise exécution de son obligation de mandataire et correspond ainsi, au plan contractuel, à la notion d'illicéité propre à la responsabilité délictuelle (ATF 117 II 563 consid. 2). Elle entraîne la perte du droit aux honoraires et au remboursement des frais consentis pour l'exécution du mandat. Si elle occasionne un dommage au mandant et qu'elle se double d'une faute de l'avocat, le client pourra obtenir des dommages-intérêts. La faute, qui est présumée (art. 97 al. 1 CO), est l'élément subjectif de la responsabilité. Elle n'existe que si la violation du devoir de diligence peut être imputée à l'avocat, ce qui suppose que le mandataire, à considérer les circonstances du cas particulier, aurait pu adopter un comportement adéquat mais ne l'a pas fait, soit intentionnellement, soit, en règle générale, par négligence. Sous ce dernier aspect, l'avocat pourra se disculper en démontrant que tout avocat ayant des connaissances et une capacité professionnelles conformes à la moyenne n'aurait pas agi différemment s'il avait été placé dans la même situation que lui (ATF 117 II 563 consid. 2a).
5.1.2 L'avocat répond du dommage causé à son client si et dans la mesure où l'on peut admettre que, s'il n'avait pas mal exécuté son activité, le second aurait gagné le procès pour lequel il l'a mandaté. Le client demandeur doit alors prouver l'existence et le montant du préjudice dont il réclame l'indemnisation à son avocat. Il ne peut à cet égard simplement se référer au montant qu'il réclamait dans la procédure qui a échoué, mais doit se livrer au même exercice probatoire que dans la précédente action manquée au fond. Il doit ainsi établir (art. 42 al. 1 CO, applicable par renvoi de l'art. 99 al. 3 CO), au moins rendre hautement vraisemblable selon les circonstances (art. 42 al. 2 CO), que sans les manquements de son avocat, la créance aurait été poursuivie, ou le procès intenté, avec succès (arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2018 du 19 novembre 2018 consid. 4.1.1 et 4.3; Lombardini, La responsabilité civile de l'avocat, in Jeanneret/Hari, Défis de l'avocat au XXIème siècle, 2008, p. 533 ss).
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral et la doctrine majoritaire, le dommage se détermine et s'apprécie selon la théorie de la différence : le juge doit déterminer quel serait le patrimoine actuel du lésé si le fait générateur de responsabilité n'était pas survenu. Il faut donc fixer un patrimoine hypothétique qui va servir à la comparaison nécessaire pour calculer le dommage (Chappuis/Gurtner, op. cit., p. 497-498).
L'erreur de l'avocat peut faire perdre au client un droit, un avantage ou une prétention qui était fondée (Chappuis/Gurtner, op. cit., p. 498, n. 2073 et les références citées).
L'art. 42 al. 2 CO instaure une preuve facilitée en faveur du demandeur lorsque le dommage est d'une nature telle qu'une preuve certaine est objectivement impossible à rapporter ou ne peut pas être raisonnablement exigée, au point que le demandeur se trouve dans un état de nécessité quant à la preuve. Lorsque tel est le cas, l'existence (ou la survenance) du dommage doit être établie avec une vraisemblance prépondérante. Quand l'art. 42 al. 2 CO est applicable (état de nécessité quant à la preuve; Beweisnot), il ne libère toutefois pas le demandeur de la charge de fournir au juge, dans la mesure où cela est possible et où l'on peut l'attendre de lui, tous les éléments de fait qui constituent des indices de l'existence du dommage et qui permettent ou facilitent son estimation; il n'accorde pas au lésé la faculté de formuler sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts de n'importe quelle ampleur. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l'estimation, l'une des conditions dont dépend l'application de l'art. 42 al. 2 CO n'est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l'existence d'un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition; la preuve du dommage n'est pas rapportée et, en conséquence, conformément au principe de l'art. 8 CC, le juge doit refuser la réparation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2018 du 19 novembre 2018 consid. 4.1.1 et les références citées).
5.1.3 En ce qui concerne le rapport de causalité, la causalité naturelle entre deux évènements est réalisée lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit. L'existence d'un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon le degré de la vraisemblance prépondérante lorsqu'en raison de la nature même de l'affaire, une preuve certaine (ou stricte) n'est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigé de celui qui en supporte le fardeau (état de nécessité en matière de preuve; arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2018 précité consid. 4.1.2)
Il faut distinguer les dommages causés par une action de l'avocat de ceux qui résultent d'une omission de celui-ci. Pour ce qui est des dommages qui résultent d'une action erronée de l'avocat, les principes généraux de la responsabilité s'appliquent sans restrictions ou particularités, encore qu'il faille, sur le plan de la causalité, procéder à la distinction entre deux types de conséquences dommageables de l'action erronée de l'avocat. L'action erronée peut soit provoquer elle-même un dommage, soit conduire à un acte procédural inefficace, de sorte que le résultat dommageable se manifeste sous la même forme que celui qui résulterait d'une abstention ou d'une omission. Dans cette deuxième hypothèse, l'activité défectueuse de l'avocat conduit au même résultat procédural que s'il n'avait pas agi. L'analyse du lien de causalité doit alors se faire selon le même processus que celui qui est adopté pour les dommages résultant d'une omission : il faut se demander ce qui se serait hypothétiquement passé si l'avocat avait agi correctement (Chappuis/Gurtner, op. cit., p. 505, n. 2105).
L'existence d'un lien de causalité hypothétique doit être admise lorsqu'il est hautement vraisemblable que le dommage ne serait pas survenu si le débiteur avait agi correctement. C'est ainsi que, pour juger de la responsabilité de l'avocat ayant omis d'agir, il faut déterminer ce qui serait advenu de la demande du client s'il avait valablement introduit l'acte judiciaire pour lequel il avait été mandaté. Il s'institue alors un véritable procès – celui qui n'a pas été correctement mené – dans le procès en responsabilité de l'avocat. En application de cette règle, l'avocat n'est pas responsable des conséquences patrimoniales de la perte du procès suite à l'inobservation d'un délai s'il est établi que la demande aurait de toute manière été rejetée, même si elle avait été déposée à temps (arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2018 précité consid. 4.1.2; Chappuis/Gurtner, op. cit., p. 506 et 507).
Il suffit que le juge se convainque que le processus causal est établi avec une vraisemblance prépondérante. En règle générale, lorsque le lien de causalité hypothétique entre l'omission et le dommage est établi, il ne se justifie pas de soumettre cette constatation à un nouvel examen sur la nature adéquate de la causalité. Ainsi, lorsqu'il s'agit de rechercher l'existence d'un lien de causalité entre une ou des omissions et un dommage, il, convient de s'interroger sur le cours hypothétique des évènements (arrêt du Tribunal fédéral 4A_175/2018 précité consid. 4.1.2).
5.1.4 L'art. 398 al. 3 CO dispose que le mandataire est en principe tenu d'exécuter personnellement le contrat. Le mandataire est toutefois, en principe, autorisé à recourir aux services de tiers dans l'accomplissement de sa mission; il s'agit d'auxiliaires dont l'avocat répond des actes comme des siens propres (art. 101 CO).
Ainsi, l'avocat ne viole pas fautivement son devoir de diligence du seul fait qu'il ne procède pas lui-même à la recherche des renseignements nécessaires à l'établissement des faits pertinents, mais en a confié le soin à son stagiaire. Il doit, toutefois, se laisser opposer le comportement de ce dernier en vertu de l'art. 101 al. 1 CO (ATF 117 II 563 précité consid. 3a).
5.2.1 Aux termes de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2012, les artisans et entrepreneurs (ou les sous-traitants : arrêt du Tribunal fédéral 5A_420/2014 du 27 novembre 2014 consid 3.1) employés à la construction ou à la destruction de bâtiments ou d'autres ouvrages, au montage d'échafaudages, à la sécurisation d'une excavation ou à d'autres travaux semblables, peuvent requérir l'inscription d'une hypothèque légale sur l'immeuble pour lequel ils ont fourni des matériaux et du travail ou du travail seulement, que leur débiteur soit le propriétaire foncier, un artisan ou un entrepreneur, un locataire, un fermier ou une autre personne ayant un droit sur l'immeuble.
L'inscription de l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs doit être obtenue au plus tard dans les quatre mois qui suivent l'achèvement des travaux (art. 839 al. 2 CC), à savoir qu'elle doit être opérée dans ce délai au journal du Registre foncier (ATF 119 II 429 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_426/2015 du 8 octobre 2015 consid. 3.1; 5P.344/2005 du 23 décembre 2005 consid. 3.1). Lorsque, avant l'achèvement des travaux, ceux-ci sont retirés à l'entrepreneur, c'est la date de ce retrait, et non celle du dernier travail exécuté, qui constitue le point de départ du délai de l'art. 839 al. 2 CC (ATF 120 II 389 consid. 1a).
S’agissant des conditions du droit à l’inscription de l’hypothèque, l’art. 837 CC ne fait pas de différence selon que celle-ci sera provisoire ou définitive.
Dans l'hypothèse – la plus fréquente en pratique – où il n'est pas possible d'opérer l'inscription définitive dans le délai de quatre mois de l'art. 839 al. 2 CC, l'ayant droit peut requérir du juge une inscription provisoire, conformément à l'art. 961 al. 1 ch. 1 CC. Lorsque le délai d'inscription est presque écoulé, l'entrepreneur ou l'artisan a la faculté de requérir l'inscription de l'hypothèque légale par voie de mesures superprovisionnelles. Cette inscription doit ensuite être confirmée par une ordonnance (principale) de mesures provisionnelles, après que le juge ait entendu les parties. Pour obtenir une telle inscription, il suffit au requérant de rendre plausibles sa qualité d'artisan ou d'entrepreneur, la fourniture de travail ou de matériaux, l'existence et le montant de la créance à garantir ainsi que le respect du délai légal de quatre mois. Hormis l'hypothèse où le droit à la constitution de l'hypothèque n'existe clairement pas, le juge qui en est requis doit ordonner l'inscription provisoire, laissant au juge du fond le soin de trancher les questions délicates ou discutables (Bovey, Commentaire romand, Code civil II, 2016, n. 104-110 ad art. 839 CC).
S'agissant du montant du gage, l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs ne peut être inscrite que si le montant du gage est rendu vraisemblable par la reconnaissance du propriétaire ou par la décision du juge. La quotité du gage est limitée par le montant de la créance demeuré impayé, qui se détermine d'après les règles du contrat d'entreprise. Selon la jurisprudence, l'hypothèque légale couvre le montant de la facture litigieuse de l'entrepreneur y compris la TVA, ainsi que les frais de poursuite et les intérêts moratoires (que lorsque le débiteur est en demeure), à l'exclusion des frais avancés en vue de l'inscription au Registre foncier et des frais judiciaires. En l'absence de reconnaissance par le propriétaire, l'ayant droit doit demander au juge d'établir le montant du droit de gage
dans le cadre de l'action en inscription définitive de l'hypothèque (Bovey, op. cit., n. 42-49 ad art. 839 CC).
Une fois que la garantie du paiement est sauvegardée par l'inscription provisoire, l'ayant droit doit encore faire reconnaître le montant de sa créance et, le cas échéant, en exiger le paiement dans le cadre d'une procédure au fond en inscription définitive de l'hypothèque légale. En règle générale, le demandeur agira à la fois en paiement de la dette et en inscription définitive de l'hypothèque (Bovey, op. cit., n. 117 ad art. 839 CC).
Le juge saisi de l'action en inscription définitive d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs n'a pas à reconnaître, respectivement à fixer la créance en paiement des prestations de l'artisan et de l'entrepreneur (Schuldsumme). Il fixe uniquement le montant à concurrence duquel l'immeuble devra répondre. Cette action n'a pas pour but de déterminer la créance en tant que telle, mais le montant du gage ou, en d'autres termes, l'étendue de la garantie hypothécaire. Le juge examine certes la créance personnelle de l'artisan ou de l'entrepreneur, mais uniquement à titre préjudiciel et à seule fin de déterminer la somme garantie par gage (ATF 138 III 132 consid. 4.2.2 et les références citées).
A cet égard, est décisive la rémunération prévue contractuellement entre l'entrepreneur général et le sous-traitant et non la valeur objective des travaux. Comme le dispose l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC, le droit à l'inscription découle en effet de la fourniture de travail et de matériaux. Autrement dit, si l'entrepreneur démontre avoir exécuté ses obligations, il peut prétendre à ce que la rémunération convenue soit garantie par gage, indépendamment du sort définitif de sa créance contre l'entrepreneur général. Même si celle-là n'est, en tant que telle, pas définitivement établie, elle l'est, en tant que montant de la garantie (Pfandsumme), à l'égard du propriétaire (ATF 126 III 467 consid. 4d). D'éventuelles causes de réduction de la créance de l'entrepreneur dont l'origine ne réside pas dans les travaux exécutés par ce dernier ne doivent donc pas être prises en considération (arrêt du Tribunal fédéral 5A_77/2018 du 16 mars 2018 consid. 1.2.2).
5.2.2 Le traitement dans la liquidation de la faillite des créances invoquées à l'encontre du failli et faisant l'objet d'une procédure judiciaire lors de l'ouverture de la faillite est réglé par l'art. 63 OAOF. Selon l'al. 1 de cette disposition, la créance litigieuse sera dans un premier temps simplement mentionnée pour mémoire à l'état de collocation. L'administration de la faillite doit ensuite décider si elle entend ou non poursuivre la procédure. Dans la négative, elle doit, par voie de circulaire lorsque la faillite est liquidée en la forme sommaire, offrir aux créanciers la possibilité de poursuivre eux-mêmes cette procédure en leur nom au sens de l'art. 260 LP (art. 63 al. 2 OAOF; ATF 134 III 75 consid. 2.3). Si ni l'administration de la faillite ni aucun créancier pris individuellement ne souhaite continuer le procès, la créance litigieuse est considérée comme reconnue et les créanciers n'ont plus le droit d'attaquer son admission à l'état de collocation (art. 63 al. 2 OAOF; ATF 134 III 75 consid. 2.1).
5.3.1 En l'espèce, l'appelant reproche au Tribunal de ne pas avoir retenu que l'intimé avait engagé sa responsabilité alors que ce dernier n'avait pas requis l'inscription de l'hypothèque légale pour laquelle il l'avait mandaté, puisqu'il avait désigné le mauvais propriétaire (première requête) et la mauvaise parcelle (première et deuxième requête) dans ses requêtes.
Selon lui, la situation d'espèce serait comparable à celle ayant abouti à l'ATF 117 II 563, dans le cadre duquel le Tribunal fédéral a considéré que la responsabilité de l'avocat était engagée du fait qu'il avait violé fautivement son devoir de diligence en ne désignant pas la bonne parcelle sur laquelle il souhaitait faire inscrire une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs.
Or, à la différence du cas traité dans la décision précitée (situation dans laquelle l'avocat avait été mandaté en juillet pour obtenir l'inscription d'une hypothèque légale dans un délai échéant au 21 septembre), l'intimé disposait, au moment de déposer sa première requête, d'un délai extrêmement court pour requérir l'inscription de l'hypothèque légale. En effet, il n'est pas contesté qu'il a été mandaté l'après-midi du 30 décembre 2011, qui était un vendredi – suivi de surcroît par la Saint-Sylvestre -, que la prudence commandait d'agir dans le délai le plus court, compte tenu de l'incertitude quant à l'application de l'ancien ou du nouveau droit et qu'afin d'obtenir l'inscription dans le délai (soit jusqu'au 5 janvier 2012), il fallait déposer la requête le mardi 3 janvier 2012 au plus tard. L'intimé ne disposait ainsi que d'un seul jour ouvrable (le 2 janvier étant férié puisque le 1er janvier tombait un dimanche – cf. art. 1 de la loi sur les jours fériés (LFJ) du 3 novembre 1951) pour rédiger la requête.
Le dossier qui a été remis à l'intimé ne contenant pas toutes les informations nécessaires pour ce faire, l'intimé (ou sa collaboratrice, dont il répond des actes comme des siens propres) a procédé à des recherches. Il a ainsi interrogé son client et consulté le site internet du Registre foncier. Les informations ainsi obtenues concordaient et une confirmation avait été obtenue de la part du client et de sa fiduciaire, de sorte que l'intimé n'a pas jugé utile de mener des investigations plus élargies. Or, c'est uniquement lorsque les circonstances ne sont pas claires que l'on peut reprocher à l'avocat de ne pas avoir effectué les recherches indispensables quant à l'immeuble susceptible d'être grevé d'une hypothèque légale. Lorsque les indications transmises par son client lui permettent de déposer une requête en bonne et due forme, il n'est pas tenu, en général, d'examiner si le contenu matériel des indications que son client lui a fournies à cet égard était exact.
Le fait que les recherches en question (soit l'interrogatoire du client et la consultation du site du Registre foncier) aient été effectuées par la collaboratrice de l'intimé n'y change rien, l'intimé étant autorisé à recourir aux services d'auxiliaires dans l'accomplissement de sa mission. L'appelant ne saurait par ailleurs être suivi lorsqu'il voit dans le fait que la collaboratrice en question ait quitté le barreau depuis lors une confirmation de son inexpérience.
L'appelant insiste par ailleurs sur le fait qu'il n'est pas de langue maternelle française et soutient que "la déférence et le respect que lui inspirait des avocats" avait joué un rôle puisqu'il avait alors considéré que les projets et courriers qui lui étaient présentés ne contenaient que des "réponses fiables de professionnels de droit" et n'avait pas envisagé que des "questions lui étaient soumises". Il résulte néanmoins de l'instruction du dossier, en particulier des déclarations de la témoin, que les parties sont toujours parvenues à s'entendre parfaitement. Il ne s'agit donc pas d'une circonstance dont il faudrait tenir compte dans le cas d'espèce, ce d'autant que les déclarations de celui-ci ont été confirmées par sa fiduciaire.
Enfin, l'intimé ne pouvait inférer de la seule qualité de sous-traitant de l'appelant que celui-ci n'avait aucune connaissance du chantier sur lequel il avait effectué des travaux, et en particulier de l'adresse de celui-ci ou du numéro de parcelle sur laquelle le chantier s'était déployé.
Ainsi, l'on ne saurait retenir, au vu des circonstances d'espèce, une violation du devoir de diligence de l'intimé en lien avec le dépôt de la première requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale.
Les circonstances étaient en revanche différentes lorsque l'intimé a déposé, le 31 janvier 2012, la seconde requête en inscription provisoire d'une hypothèque légale, puisque son dépôt faisait suite à la découverte, le 26 janvier 2012, du fait que l'hypothèque ordonnée contre J______ SA sur la parcelle 1______ ne pouvait être inscrite faute de désigner le propriétaire de celle-ci (soit K______ SA).
Le délai de trois mois prévu par l'ancien droit étant depuis écoulé, seule restait la possibilité d'une application du délai plus long prévu par le nouvel art. 839 al. 2 CC. L'intimé devait ainsi obtenir l'inscription de l'hypothèque légale avant le 5 février 2012. Il disposait ainsi d'une semaine pour effectuer des recherches et rédiger sa requête, étant relevé qu'il pouvait reprendre sa première version pour l'essentiel.
Compte tenu de l'incertitude provoquée par le changement de raison sociale de l'ancienne société J______ SA et la création d'une nouvelle société J______ SA, l'intimé ne pouvait se contenter d'échanger avec le conseil d'un des actionnaires de la société K______ SA, et non avec la société elle-même ou son conseil, ce d'autant que les informations transmises par celui-ci ne semblaient pas correspondre à l'état de fait transmis par l'appelant, celui-ci faisant état de travaux réalisés le 6 octobre 2011, date à laquelle le contrat d'entreprise avait déjà été résilié par D______ SA.
Bien que la témoin ait déclaré que l'intimé s'était également entretenu avec le conseil de J______ SA, il ne résulte pas du dossier que ce dernier aurait confirmé la réalisation de travaux sur la parcelle initialement visée, l'absence de contestation à ce sujet dans un courrier adressé au Tribunal pour l'informer du fait que la société en question lui avait confié la défense de ses intérêts, ne suffisant pas.
Ainsi, dans la mesure où les circonstances n'étaient pas claires, et où les informations obtenues faisaient apparaître des inexactitudes ou des contradictions, l'intimé ne pouvait requérir l'inscription sans procéder avec soin à des investigations supplémentaires pour identifier le propriétaire et l'immeuble susceptible d'être grevé d'une telle hypothèque. Il disposait de plus de suffisamment de temps pour se procurer un plan cadastral et consulter le Registre foncier et vérifier sur quelle parcelle les travaux confiés à son client (lesquels consistaient en la pose d'éléments métalliques sur un bâtiment industriel en construction) avaient été effectués, en se rendant sur place notamment.
A ce stade, l'intimé ne pouvait plus se prévaloir du fait que les indications erronées aient été données par l'appelant. En effet, l'avocat est le conseiller professionnel de son client, de sorte qu'il ne peut se reposer, sans autre formalité, sur les indications données par le client, lorsque les circonstances font apparaître, comme c'était le cas à ce moment-là, des incertitudes quant à l'objet du litige.
Il résulte par ailleurs de la rencontre du 15 mars 2012 que des informations plus précises auraient pu être obtenues de sa part et que des renseignements concernant le chantier auraient alors pu être recueillis auprès de P______ SA et du bureau d'architecte notamment.
Enfin, l'intimé ne saurait se prévaloir du fait qu'il aurait réagi immédiatement à chaque fois qu'il aurait eu connaissance d'une éventuelle erreur, puisqu'il résulte de ce qui précède que cette erreur aurait pu être décelée avant s'il avait agi avec diligence.
Il sera par conséquent retenu qu'en ne vérifiant pas de façon correcte au Registre foncier le numéro de parcelle sur laquelle il a requis, pour la deuxième fois, l'inscription provisoire d'une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, l'intimé a engagé sa responsabilité puisqu'il a violé fautivement son devoir de diligence.
5.3.2 Néanmoins, même à admettre une violation fautive du devoir de diligence par l'intimé, l'action en responsabilité intentée par l'appelant ne peut aboutir, faute pour lui d'avoir prouvé, du moins sous l'angle d'une vraisemblance prépondérante, un dommage qui serait en lien de causalité avec la faute de l'avocat.
En effet, celui-ci n'a fourni aucun élément permettant au juge de déterminer quel serait son patrimoine actuel si le fait générateur de responsabilité n'était pas survenu. Contrairement à ce qu'il prétend, le seul fait que sa créance ait été admise dans la faillite de D______ SA ne suffit pas à prouver son dommage, le procès l'opposant à la société précitée n'ayant pas été continué ni par la masse, ni par les créanciers individuellement. La réalité de la créance n'a dès lors pas été examinée.
Il appartenait à l'appelant de prouver sa créance en se livrant au même exercice probatoire que dans une action en fond, une inscription provisoire d'une hypothèque légale devant nécessairement être suivie d'une procédure au fond en inscription définitive de l'hypothèque légale.
Il résulte du dossier que D______ SA a toujours contesté le montant qui lui était réclamé pour paiement par l'appelant, même dans le cadre de sa faillite, bien qu'elle ait renoncé à agir au fond après l'échec de sa requête en conciliation, et qu'elle a mis fin au contrat d'entreprise les liant, se prévalant d'un retard et d'une mauvaise exécution (défauts) de la part de celui-ci.
L'appelant fait grand cas du fait que le Tribunal a retenu que les soupçons exprimés par D______ SA pour justifier l'absence d'introduction de sa demande au fond, après l'échec de la tentative de conciliation du 2 mai 2012, soit qu'elle éprouvait des doutes sur la solvabilité de l'appelant, étaient avérés. Le caractère réel de ses problèmes financiers a été démontré par l'appelant lui-même qui, encore au stade de l'appel, fait valoir avoir rencontré de nombreux problèmes ayant affecté sa capacité de travail et de gain depuis les faits litigieux. En tout état, le seul fait que D______ SA n'ait pas agi au fond contre l'appelant ne saurait signifier que ses prétentions étaient infondées.
L'appelant ne peut non plus rien tirer du fait qu'aucune créance n'a été inventoriée à son nom dans la faillite de D______ SA, la masse en faillite et les tiers créanciers de D______ SA n'ayant pas repris la procédure opposant l'appelant à la faillie.
On ne saurait, par ailleurs, se baser uniquement sur la demande en paiement qu'il a dirigée à l'encontre de D______ SA et qu'il a produite dans le cadre de la présente procédure, les faits qu'elle contient ne constituant que des allégations non prouvées.
L'appelant revient sur le refus du Tribunal de faire suite à sa demande d'audition de témoin. Or, comme il l'a lui-même rappelé, cette mesure d'instruction a été sollicitée pour établir les difficultés rencontrées sur le chantier et la réalité/l'ampleur des défauts invoqués par D______ SA et non pour établir son dommage.
Il ne peut donc être considéré que les éléments apportés au dossier par l'appelant suffisent à prouver son dommage en 127'479 fr. 05.
Même à admettre que le dommage serait en l'occurrence d'une nature telle qu'une preuve certaine serait objectivement impossible à rapporter, les seules informations fournies à ce sujet par l'appelant n'apparaissent pas suffisantes pour retenir, même sous l'angle d'une vraisemblance prépondérante, que l'appelant disposait bien d'une créance contre D______ SA d'un tel montant, étant relevé qu'il ne correspond pas à la somme initialement réclamée à D______ SA, objet des deux requêtes en inscription préprovisoire d'une hypothèque légale, soit 120'895 fr. 45. L'appelant n'a en particulier produit aucune facture qu'il aurait adressée à ladite société, de sorte que l'on ignore à quoi correspond ce montant, au demeurant contesté par le (sous-) maître d'ouvrage. Faute pour lui d'avoir fourni les éléments utiles à une estimation, l'appelant ne peut quoi qu'il en soit bénéficier d'une preuve facilitée.
En conclusion, l'appelant ne pouvait pas formuler sans indications plus précises des prétentions en dommages-intérêts, même si celles-ci correspondent aux créances qu'il a produites dans le cadre de la faillite de D______ SA. La preuve du dommage n'ayant pas été apportée, c'est à raison que le Tribunal a débouté l'appelant de ses conclusions.
Quant aux autres montants dont le paiement est réclamé à titre de dommage, soit les frais judiciaires et honoraires d'avocat, l'appelant ne critique pas le raisonnement du premier juge qui a relevé que ces montants avaient été couverts et payés par son assureur en protection juridique et que ceux-ci ne pouvaient donc constituer une part de son dommage.
Dans la partie en fait de son acte d'appel, il rappelle toutefois que le montant de 1'417 fr. 30, correspondant aux honoraires et frais de son avocat pour l'activité déployée dans le cadre de la faillite de D______ SA après la commination de faillite, n'a pas été remboursé par son assurance de protection juridique.
L'appelant n'a toutefois pas établi que ce dommage ne serait pas survenu si l'intimé avait agi correctement puisqu'il n'a pas établi qu'il aurait pu obtenir l'inscription définitive de l'hypothèque légale. L'on ne peut dès lors affirmer que l'appelant n'aurait pas eu à agir contre D______ SA et à produire sa créance dans la faillite de cette dernière (laquelle est sans lien avec l'activité déployée par l'intimé). Ce poste du dommage doit dès lors être écarté également, bien que son montant soit prouvé, vu l'absence de lien de causalité avec l'erreur fautive de l'avocat.
5.3.3 Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé.
6. Les frais judiciaires de la procédure d'appel seront fixés à 9'000 fr. (art. 17 et 35 RTFMC - E 1 05.10) et mis à la charge de l'appelant, qui succombe (art. 95 et 106 CPC).
Celui-ci plaidant au bénéfice de l'assistance judiciaire, ces frais seront provisoirement laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 122 CPC), qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 123 al. 1 CPC).
L'appelant sera également condamné à payer à l'intimé la somme de 6'000 fr. à titre de dépens d'appel (art. 96 CPC, art. 84, 85 et 90 RTFMC), débours et TVA compris (art. 25 et 26 LaCC).
* * * * *
La Chambre civile :
A la forme :
Déclare recevable l'appel interjeté le 20 février 2023 par A______ contre le jugement JTPI/456/2023 rendu le 16 janvier 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15399/2020.
Au fond :
Confirme le jugement entrepris.
Déboute les parties de toutes autres conclusions.
Sur les frais :
Arrête les frais judiciaires d'appel à 9'000 fr. et les met à la charge de A______.
Dit que ces frais seront provisoirement supportés par l'Etat de Genève.
Condamne A______ à verser 6'000 fr. à B______ à titre de dépens d'appel.
Siégeant :
Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.
Indication des voies de recours :
Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.
Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.
Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.