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Décisions | Chambre civile

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C/22218/2022

ACJC/1056/2023 du 21.08.2023 sur JTPI/4426/2023 ( SDF ) , MODIFIE

Normes : CC.176; CPC.271
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/22218/2022 ACJC/1056/2023

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU LUNDI 21 AOÛT 2023

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant d'un jugement rendu par la 9ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 17 avril 2023, comparant par Me Sara PEREZ, avocate, PBM Avocats SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12, en l'Étude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______, intimée, comparant par Me David METZGER, avocat, Collectif de défense, boulevard de Saint-Georges 72, 1205 Genève, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/4426/2023 du 17 avril 2023, reçu par les parties le lendemain, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a attribué à A______ la jouissance exclusive du logement de famille sis no. ______, chemin 1______, [code postal] C______ [GE] (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à payer à B______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, 1'070 fr. dès le 1er novembre 2022 (ch. 2), mis les frais judiciaires à la charge des parties par moitié et compensé les dépens (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 200 fr. et les a compensés avec l'avance fournie (ch. 4), condamné A______ à payer à B______ 100 fr. à titre de restitution partielle de l'avance fournie (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B. a. Par acte expédié le 28 avril 2023 au greffe de la Cour de justice, A______ interjette appel contre ce jugement, dont il sollicite l'annulation du chiffre 2 du dispositif. Cela fait, il conclut, avec suite de frais et dépens, à ce qu'il soit donné acte aux parties de ce qu'elles vivent séparées depuis le 31 octobre 2022 et qu'il soit dit qu'aucune pension alimentaire n'est due entre époux.

A______ a joint à son appel la copie des décomptes finaux de l'administration fiscale cantonale du 15 mars 2023 relatifs aux impôts 2022.

b. Par arrêt du 16 mai 2023, la Cour a suspendu le caractère exécutoire attaché au chiffre 2 du dispositif de la décision attaquée, en tant qu'il portait sur la contribution d'entretien due pour la période du 1er novembre 2022 au 30 avril 2023 et rejeté la requête pour le surplus.

c. B______ a conclu au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, avec suite de frais et dépens.

d. Les parties ont répliqué et dupliqué, persistant dans leurs conclusions respectives.

e. Par avis du greffe de la Cour du 7 juin 2023, les parties ont été avisées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les éléments suivants résultent du dossier:

a. B______, ressortissante croate née en 1972, et A______, ressortissant suisse né en 1968, se sont mariés le ______ 2017 à Genève.

Aucun enfant n'est issu de cette union.

Il est admis que les parties vivent séparément depuis le 31 octobre 2022.

b. Par acte déposé le 9 novembre 2022 devant le Tribunal de première instance, B______ a requis le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, sollicitant, s'agissant des conclusions litigieuses en appel, que les époux soient autorisés à vivre séparés et que son époux soit condamné à lui verser une pension alimentaire de 1'500 fr. par mois dès le 1er septembre 2022.

c. Par ordonnance du 23 novembre 2022, le Tribunal a ordonné une instruction orale au sens de l'art. 253 CPC afin que A______ se prononce exclusivement oralement sur la requête précitée, cité les parties à comparaître à une audience fixée le 11 janvier 2023, et imparti à A______ un délai pour produire les justificatifs relatifs à sa situation financière.

d. Le 21 décembre 2022, A______ a déposé au greffe du Tribunal un chargé de vingt pièces, comprenant un budget mensuel ainsi que les documents attestant de la plupart des charges mentionnées dans celui-ci.

e. Lors de l'audience du 11 janvier 2023, A______ a notamment conclu à ce qu'il soit constaté que les parties soient autorisées à vivres séparées à compter du 31 octobre 2022 et au rejet du chef de conclusions de son épouse tendant à obtenir une contribution d'entretien.

Le Tribunal a gardé la cause à juger à l'issue de l'audience.

f. La situation personnelle et financière des parties se présente de la manière suivante :

f.a A______ est directeur de l'entreprise D______ SA et perçoit à ce titre un revenu mensuel net de 11'390 fr.

Le Tribunal a arrêté les charges mensuelles admissibles de l'époux à 8'320 fr. (recte: 8'390 fr.), comprenant 1'200 fr. d'entretien de base OP, 3'800 fr. de loyer, 670 fr. de primes LAMal et LCA, 2'650 fr. d'impôts et 70 fr. d'abonnement TPG (la nécessité d'utiliser un véhicule pour des motifs professionnels n'ayant pas été rendue vraisemblable).

Le budget figurant dans le chargé de pièces de A______ comprend, par ailleurs, des frais de véhicule pour un montant total de 470 fr. environ pour une moto et de 1'365 fr. pour une automobile (incluant 576 fr. de leasing, 250 fr. de frais liés aux plaques, 200 fr. d'essence estimés en seconde instance [le montant de 370 fr. indiqué en première instance pour ce poste comprenant également une estimation des frais d'entretien], 189 fr. d'assurance et 150 fr. de parking). Figurent également dans le budget établi par A______ une assurance cautionnement de loyer dont la prime annuelle s'élève à 431 fr. (soit environ 36 fr. par mois), l'assurance ménage (70 fr. par mois), une prime d'assurance-vie (150 fr. par mois) et une assurance de protection juridique (6 fr. par mois).

A teneur de la pièce produite, le contrat de leasing susmentionné a été conclu le 6 décembre 2018 pour une durée de 48 mois.

D'après les justificatifs produits en seconde instance, les impôts IFD et ICC de l'époux ont totalisé 32'695 fr. pour l'année 2022, ce qui revient à environ 2'725 fr. par mois.

Interrogé par le premier juge, A______ a exposé que le vol acrobatique était sa passion, qu'il pratiquait depuis 10 ans. Il a expliqué que les frais annuels (totalisant 10'723 fr.) listés dans la pièce n° 17 qu'il a produite correspondaient à ce qu'il devait payer sous peine de perdre sa licence de l'Office fédéral de l'aviation. Pour le surplus, A______ a affirmé qu'il ne disposait d'aucune épargne.

Pour sa part, B______ s'est opposée à la prise en compte des frais inclus dans le montant de base OP, des dépenses liées au hobby pratiqué par son époux ainsi que celles relatives à la moto. Elle n'a pas fait valoir que son époux ne s'acquitterait pas réellement des charges dont les factures ont été produites.

f.b B______ travaille chez E______ SA en qualité de contrôleuse de qualité en horlogerie. D'après les allégués de l'intéressée, qui renvoient à ses fiches de salaire des mois de juillet à septembre 2022, son salaire mensuel net est de 5'364 fr., versé 13 fois l'an.

Le Tribunal a retenu que le salaire mensuel net de l'épouse s'élevait à 5'800 fr. net. Ce montant est remis en cause par l'époux, qui se réfère à des pièces qu'il a lui-même produites en première instance, sans toutefois formuler un quelconque allégué à leur sujet.

Le Tribunal a, par ailleurs, arrêté les charges mensuelles admissibles de l'épouse à 4'863 fr. (recte: 4'933 fr.), soit 1'200 fr. de montant de base OP, 1'750 fr. de loyer, 470 fr. de primes LAMal et LCA, 1'443 fr. d'impôts et 70 fr. d'abonnement TPG (la nécessité d'employer un véhicule n'ayant pas été rendue vraisemblable).

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile de dix jours (art. 271 let. a et 314 al. 1 CPC) et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision rendue sur mesures protectrices de l'union conjugale - laquelle doit être considérée comme une décision provisionnelle au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC (ATF 137 III 475 consid. 4.1) - qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse est, compte tenu du montant de la contribution d'entretien en cause, supérieure à 10'000 fr. (art. 91 ss et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen en fait et en droit (art. 310 CPC).

Toutefois, les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire, la cognition de la Cour est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb = JdT 2002 I 352; arrêt du Tribunal fédéral 5A_392/2014 du 20 août 2014 consid. 1.5).

S'agissant de la contribution d'entretien due à l'épouse, les maximes de disposition et inquisitoire limitée sont applicables (art. 58 al. 1 et 272 CPC; ATF 128 III 411 consid. 3.2.2; 129 III 417).

1.3 L'appel ne portant que sur le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris, le chiffre 1 dudit dispositif est entré en force (art. 315 al. 1 CPC). Le sort des chiffres 3 à 5 dudit dispositif demeure réservé (art. 318 al. 3 CPC).

2. Les parties ne contestent, à juste titre, pas la compétence des autorités judiciaires genevoises (art. 46 LDIP) ni l'application du droit suisse (art. 48 al. 1 et 49 LDIP; art. 4 de la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 sur la loi applicable aux obligations alimentaires) au présent litige.

3. L'appelant a déposé des pièces nouvelles en appel et les parties ont toutes deux invoqué des faits nouveaux.

3.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux sont admissibles en appel pour autant qu'ils soient invoqués ou produits sans retard (let. a) et qu'ils n'aient pas pu l'être en première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

3.2 En l'espèce, les pièces produites ont été émises postérieurement à la date à laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Ayant été produites sans retard, elles sont recevables, à l'instar des faits qu'elles comportent.

Sont en revanche irrecevables les allégués de fait des parties qui ne résultent pas du dossier de première instance, soit notamment la distance séparant le domicile de l'appelant de son lieu de travail, les obligations liées à son activité professionnelle, le fait qu'il disposerait d'un véhicule de fonction ou encore les primes et gratifications reçues par l'intimée en 2020 et 2021.

4. Invoquant un déni de justice, l'appelant fait valoir que le premier juge a omis de statuer sur le chef de conclusion des parties visant à être autorisées à vivre séparées.

4.1.1 L'autorité qui ne traite pas un grief relevant de sa compétence, motivé de façon suffisante et pertinent pour l'issue du litige, commet un déni de justice formel proscrit par l'art. 29 al. 1 Cst. Elle est donc tenue de statuer sur une conclusion qui remplit les exigences de forme, pour autant toutefois qu'il existe un intérêt juridiquement protégé à ce que la question soit tranchée. De même, la jurisprudence a déduit de l'art. 29 al. 2 Cst. l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et exercer son droit de recours à bon escient. Pour satisfaire à ces exigences, il suffit que l'autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé son raisonnement. Elle ne doit pas se prononcer sur tous les moyens des parties, mais peut au contraire se limiter aux questions décisives. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 5A_441/2019 du 25 octobre 2019 consid. 3.1 et les réf. cit.).

4.1.2 Selon l'art. 175 CC un époux est fondé à refuser la vie commune aussi longtemps que sa personnalité, sa sécurité matérielle ou le bien de la famille sont gravement menacés.

Le refus de la vie commune est considéré comme fondé, eu égard à la personnalité de l'époux concerné, lorsque celui-ci manifeste clairement et irrévocablement sa volonté de vivre séparément de son conjoint (Maier/Schwander, Basler Kommentar, 2022, n. 3 ad art. 175 CC).

Les conjoints peuvent décider librement de vivre séparément sans qu'une des conditions légales ne soit remplie (Bohnet/Hirsch, Droit matrimonial, Fond et procédure, 2016, n. 21 ad art. 175 CC).

Par séparation, on entend la fin de la vie des conjoints en communauté domestique, suite à la décision d'au moins l'un d'eux. La séparation implique dès lors un élément objectif – une vie organisée de manière séparée – et un élément subjectif – la fin de la communauté domestique découlant de la volonté de l'un des conjoints au moins (Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 4 ad art. 114 CC et les réf. cit.).

Le jugement autorisant les époux à suspendre la vie commune est purement déclaratoire. Il est toutefois de nature à faciliter ultérieurement la computation du délai de deux ans de l'art. 114 CC, mais n'en est pas une condition nécessaire et le juge du divorce n'est pas lié par ce constat (Chaix, CR-CC, n. 2 ad art. 175 CC; cf. également Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 18 ad art. 114 CC et n. 26 ad art. 175 CC, avec référence à l'arrêt du Tribunal fédéral 5P_463/2005 du 20 mars 2006 consid. 3.2). L'existence d'une séparation dépend exclusivement des faits (Bohnet/Hirsch, op. cit., n. 7 ad art. 114 CC).

4.1.3 Selon l'art. 88 CPC, le demandeur intente une action en constatation de droit pour faire constater par un tribunal l'existence ou l'inexistence d'un droit ou d'un rapport de droit.

Il appartient au demandeur d'établir qu'il dispose d'un intérêt digne de protection à la constatation (art. 59 al. 2 let. a CPC; arrêts du Tribunal fédéral 4A_688/2016 du 5 avril 2017 consid. 3.3 et 4A_618/2017 du 11 janvier 2018 consid. 5.2 résumés in CPC Online, art. 88 CPC). A défaut, la demande est irrecevable (ATF
140 III 159 consid. 4.2.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_717/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.1.1.3).

4.2 En l'espèce, le premier juge a expressément reconnu, dans ses considérants, que les parties avaient rendu vraisemblable que la vie commune était devenue impossible au sens de l'art. 176 al. 2 CC. Le Tribunal a ensuite statué sur divers points de la requête de mesures protectrices (soit sur les questions de l'entretien entre époux et de l'attribution du logement conjugal), puis débouté les parties de toutes autres conclusions. Ce faisant, il a implicitement rejeté la demande conjointe des intéressés visant à être autorisés à vivre séparés. Il en résulte que le grief tiré d'un prétendu déni de justice formel doit être rejeté. L'appelant n'a par ailleurs pas invoqué une violation de son droit d'être entendu en relation avec la motivation de la décision sur ce point, de sorte que son appel n'a pas à être examiné sous cet angle.

Pour le surplus, il y a lieu de relever qu'en seconde instance, l'appelant s'est borné à demander qu'il soit constaté que les parties vivent séparées depuis le 31 octobre 2022 (ce qui n'est, en soi, pas contesté par son épouse), sans exposer les raisons pour lesquelles il aurait un intérêt à faire constater judiciairement ce point.

A supposer qu'il souhaite ainsi fixer avec certitude la date à partir de laquelle un divorce pourrait être demandé aux conditions de l'art. 114 CC, un tel intérêt ferait quoi qu'il en soit défaut. Une décision de la Cour sur cette question ne lierait en effet pas le juge du divorce, lequel demeure seul compétent pour déterminer si le délai d'attente prévu par l'art. 114 CC a été respecté (ACJC/532/2022 du 8 avril 2022).

Il en résulte que cette conclusion constatatoire de l'appelant est, de toute manière, irrecevable.

5. L'appelant conteste devoir contribuer à l'entretien de son épouse.

5.1
5.1.1
Lorsque le juge constate que la suspension de la vie commune est fondée, il fixe la contribution pécuniaire à verser par une partie à l'autre (art. 176 al. 1 ch. 1 CC).

Le point de départ de tout calcul d'entretien est ce que l'on appelle l'entretien convenable, qui se calcule, dans les relations conjugales comme dans les relations après le mariage, sur la base du dernier standard vécu en commun (en dernier lieu: ATF 147 III 293 consid. 4.4). L'entretien convenable doit donc être distingué du minimum vital. Il ne se limite pas à ce dernier lorsque les circonstances sont favorables. Au contraire, les deux époux ont droit, dans la mesure des moyens disponibles et jusqu'à concurrence de l'ancien standard commun déterminé, au maintien de celui-ci tant que le mariage existe (ATF 147 III 293 consid. 4.4; arrêts du Tribunal fédéral 5A_849/2020 du 27 juin 2022 consid. 5 destiné à la publication et 5A_112/2020 du 28 mars 2022 consid. 6.2).

5.1.2 Le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille, soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, dite en deux étapes (ATF
147 III 265, in SJ 2021 I 316; 147 III 293 et 147 III 301).

Cette méthode implique de calculer dans un premier temps les moyens financiers à disposition, en prenant en considération tous les revenus du travail, de la fortune et les prestations de prévoyance, ainsi que le revenu hypothétique éventuel. Il s'agit ensuite de déterminer les besoins, en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP. Les ressources à disposition sont réparties entre les différents membres de la famille, dans un ordre déterminé : il faut tout d'abord couvrir le minimum vital du droit des poursuites puis, si les moyens le permettent, le minimum vital du droit de la famille de chaque partie (ATF 147 III 265 consid. 7.1). L'éventuel excédent – après retranchement de la part des revenus dévolue à l'épargne, qui ne participe pas à l'entretien de la famille – est ensuite réparti en principe par "grandes et petites têtes", la part pour un parent étant le double de celle pour un enfant mineur. De multiples raisons fondées sur les particularités du cas d'espèce permettent toutefois de déroger à cette répartition, notamment la répartition de la prise en charge des enfants ou des besoins particuliers (ATF 147 III 265 consid. 7, 7.3 et 8.3.2).

5.1.3 Dans le calcul des besoins, le point de départ est le minimum vital du droit des poursuites, comprenant l'entretien de base selon les normes d'insaisissabilité (NI 2023, RS/GE E 3 60.04; l'entretien de base OP inclut, notamment, l'alimentation, les vêtements et le linge, ainsi que les soins corporels et de santé), auquel sont ajoutées les dépenses incompressibles, soit les frais de logement, la prime d'assurance-maladie de base, les frais de transports et les frais de repas pris à l'extérieur (ATF 147 III 265 précité consid. 7.2).

Dans la mesure où les ressources financières le permettent, l'entretien convenable doit être élargi au minimum vital du droit de la famille. Pour les parents, les postes suivants entrent généralement dans cette catégorie : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation financière (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), un montant adapté pour l'amortissement des dettes et les primes d'assurance-maladie complémentaire. En revanche, sont exclus les autres postes tels que les voyages, les loisirs, etc., lesquels doivent être financés au moyen de l'excédent. Toutes les autres particularités du cas d'espèce doivent également être appréciées au moment de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 précité).

La règle selon laquelle les frais de véhicule ne peuvent être pris en considération que si celui-ci est indispensable au débiteur personnellement ou nécessaire à l'exercice de la profession ne vaut que lorsqu'on s'en tient au minimum d'existence LP (arrêt du Tribunal fédéral 5A_46/2009 du 22 mai 2009 consid. 6.3). Lorsque la situation des parties est suffisamment favorable pour couvrir les charges supplémentaires liées à l'existence de deux ménages, les dépenses nécessaires correspondant au minimum vital élargi peuvent être prises en compte, de sorte qu'un poste relatif aux frais de véhicule peut être ajouté dans les charges des parties (arrêts du Tribunal fédéral 5A_100/2012 du 30 août 2012 consid. 5.1-5.2; 5A_703/2011 du 7 mars 2012 consid. 4.2).

Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquittent réellement doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 5A_405/2019 du 24 février 2020 consid. 5.2).

5.1.4 Lorsqu'il reste des ressources après la couverture du minimum vital de droit de la famille, l'excédent doit en principe être réparti par moitié entre les conjoints (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

Le principe de l'égalité de traitement des époux en cas de vie séparée ne doit pas conduire à ce que, par le biais du partage par moitié de leur revenu global, se produise un déplacement de patrimoine qui anticiperait la liquidation du régime matrimonial, le train de vie mené durant la vie commune constituant la limite supérieure du droit à l'entretien. S'il est établi que les époux n'ont pas consacré, durant la vie commune, la totalité du revenu à l'entretien de la famille - et que la quote-part d'épargne existant jusqu'alors n'est pas entièrement absorbée par des frais supplémentaires liés à l'existence de deux ménages séparés, frais qui ne peuvent être couverts par une extension raisonnable de la capacité financière des intéressés -, il y a lieu d'en tenir compte lors du partage de l'excédent (ATF
147 III 293 consid. 4.4; arrêt du Tribunal fédéral 5A_915/2021 du 9 mars 2023 consid. 4.1 et les réf. cit.).

La fixation de la contribution d'entretien relève de l'appréciation du juge, qui jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC).

Le minimum vital du débirentier doit en principe être préservé (ATF 137 III 59 consid. 4.2).

5.1.5 La maxime inquisitoire sociale, prévalant dans le cadre des mesures protectrices de l'union conjugale (art. 272 CPC; cf. arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 du 11 avril 2018 consid. 4.3.2), ne dispense pas les parties de collaborer activement à la procédure (ATF 130 III 102 consid. 2.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_855/2017 précité, ibidem). Le juge ne doit pas rechercher lui-même les faits pertinents (arrêt du Tribunal fédéral 5A_245/2019 du 1er juillet 2019 consid. 3.2.1). Elle vise à garantir l'égalité entre les parties et à accélérer la procédure et, le cas échéant, à protéger la partie la plus faible économiquement. En matière de mesures protectrices, elle a pour but la protection d'une partie faible ou inexpérimentée, en particulier le conjoint qui dispose de moins de ressources économiques (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1; Bohnet, Alléguer et conclure en procédure matrimoniale, in La procédure en droit de la famille, 2020, p. 1 s., n. 11).

Selon la volonté du législateur, le tribunal n'est soumis qu'à une obligation d'interpellation accrue. Comme sous l'empire de la maxime des débats, applicable en procédure ordinaire, les parties doivent recueillir elles-mêmes les éléments du procès. Le tribunal ne leur vient en aide que par des questions adéquates afin que les allégations nécessaires et les moyens de preuve correspondants soient précisément énumérés. Mais il ne se livre à aucune investigation de sa propre initiative. Lorsque les parties sont représentées par un avocat, le tribunal peut et doit faire preuve de retenue, comme dans un procès soumis à la procédure ordinaire (ATF 141 III 569 consid. 2.3.1).

5.2 En l'occurrence, en ce qui concerne les situations financières respectives des parties, seules les charges de l'appelant et les revenus de l'intimée sont remis en cause en appel.

5.2.1 Les revenus de l'appelant s'élèvent à 11'390 fr. nets par mois.

Celui-ci remet en cause la manière dont le premier juge a établi ses charges. Sur ce point, il convient de relever que dans la mesure où le Tribunal avait opté pour une procédure orale, l'appelant ne pouvait en principe pas se limiter à mentionner ses charges dans un budget figurant dans son chargé de pièces, mais était tenu de les alléguer lors de l'audience. Or, il ne résulte pas du procès-verbal de l'audience du 11 janvier 2023 que l'appelant aurait allégué ses charges oralement à cette occasion, ni même qu'il aurait renvoyé le Tribunal au budget produit sous pièce 20 de son chargé. Le premier juge ne semble toutefois pas y avoir vu d'inconvénient dès lors qu'il a pris en considération une partie des charges mentionnées dans ce budget.

Dans la mesure où le Tribunal a procédé de la sorte, il ne pouvait pas exclure des charges admissibles de l'appelant selon le minimum vital du droit de la famille des postes figurant dans le budget en question et qui ont été documentés. Doivent ainsi être ajoutés aux charges mensuelles de l'appelant les frais d'assurance caution (36 fr.), d'assurance-ménage (70 fr.), d'assurance-vie (150 fr.) et de protection juridique (6 fr.), lesquels ont été dûment justifiés par pièces et, en tout état, non contestés par l'intimée (alors que d'autres postes du budget de l'appelant ont été remis en cause par l'intéressée). Le grief de l'appelant est ainsi fondé sur ces points.

Il en va de même des frais de véhicule automobile figurant dans le budget de l'appelant, puisque ceux-ci n'ont pas non plus été contestés par l'intimée (qui a en revanche refusé la prise en compte des frais de moto allégués par son époux). En outre, la nécessité d'utiliser un véhicule pour des motifs privés ou professionnels n'a pas à être rendue vraisemblable lorsque l'on détermine le minimum vital élargi du droit de la famille. La quotité de 1'365 fr. ayant été rendue vraisemblable par les pièces produites (hormis en ce qui concerne l'essence, dont le montant a été estimé) et n'ayant au surplus pas été remise en cause par l'intimée, ce montant sera pris en compte dans les charges de l'appelant en lieu et place de l'abonnement TPG. Cela étant, dans la mesure où il résulte des pièces produites que le leasing a été conclu par l'appelant courant décembre 2018 pour une durée de 48 mois, les mensualités y relatives ne seront retenues que jusqu'à fin novembre 2022. Les frais de véhicule seront dès lors ramenés à 790 fr. à compter du 1er décembre 2022.

En ce qui concerne la charge fiscale de l'appelant, celle-ci sera retenue à hauteur de 2'725 fr. par mois pour l'année 2022, conformément aux pièces produites en appel, puis réduite à 2'500 fr. par mois à compter de l'année 2023 (selon estimation au moyen de la calculette disponible sur le site de l'administration fiscale cantonale), afin de tenir compte des déductions liées au versement d'une pension alimentaire en faveur de l'épouse.

C'est avec raison que les dépenses liées au vol acrobatique ont été exclues du budget de l'appelant, puisque les coûts de ce hobby doivent être financés au moyen de l'excédent, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus.

Au regard de ce qui précède, les charges admissibles de l'appelant totalisent 10'020 fr. environ en novembre 2022, respectivement 9'445 fr. en décembre 2022, puis 9'220 fr. dès janvier 2023, ce qui comprend 1'200 fr. d'entretien de base OP, 3'800 fr. de loyer, 670 fr. de primes LAMal et LCA, 2'725 fr. d'impôts jusqu'à fin 2022 (puis 2'500 fr. dès 2023), 1'365 fr. de frais de véhicule jusqu'en novembre 2022 (puis 790 fr. dès décembre 2022), 36 fr. d'assurance caution, 70 fr. d'assurance-ménage, 150 fr. d'assurance-vie et 6 fr. de protection juridique.

L'appelant a dès lors bénéficié d'un disponible mensuel de 1'370 fr. en novembre 2022, de 1'945 fr. en décembre 2022, puis dispose de 2'170 fr. par mois depuis janvier 2023.

5.2.2 En première instance, l'intimée a allégué que son salaire mensuel net s'élevait à 5'364 fr., comme cela résultait des fiches de salaire produites, et qu'il était versé 13 fois l'an, de sorte que son revenu mensualisé s'élevait à 5'800 fr.

A teneur du procès-verbal de l'audience tenue devant le Tribunal le 11 janvier 2023, l'appelant ne s'est aucunement déterminé au sujet du salaire de son épouse. Il n'a en particulier pas attiré l'attention du premier juge sur les certificats de salaire de son épouse qu'il a lui-même produits. Dans son appel, il ne prétend d'ailleurs pas qu'il aurait contesté le revenu mensuel allégué par son épouse. Or, dans la mesure où il était assisté d'un avocat, le premier juge n'avait en principe pas à rechercher lui-même si les pièces produites par l'appelant mentionnaient un salaire différent de celui allégué par l'intimée, avec justificatifs à l'appui, étant relevé que comme l'appelant le souligne lui-même, un fait non contesté est un fait prouvé. Il s'ensuit que c'est sans arbitraire que le Tribunal a retenu que le salaire mensuel net de l'intimée s'élevait à 5'800 fr.

Les charges de l'intimée, retenues à hauteur de 4'933 fr. par le premier juge, ne sont remises en cause par aucune des parties en seconde instance, de sorte qu'elles ne seront pas revues, à l'exception de la charge fiscale, qui doit être adaptée pour tenir compte de la pension alimentaire fixée aux termes du présent arrêt. La charge fiscale mensuelle de l'intimée sera maintenue à 1'443 fr. pour 2022, comme retenu en première instance, puis portée à 1'600 fr. dès 2023 (selon estimation au moyen de la calculette d'impôts, en tenant compte de la pension alimentaire fixée ci-dessous).

Ses charges mensuelles totalisent dès lors 4'933 fr. jusqu'à fin décembre 2022, puis 5'090 fr. dès 2023.

L'intimée a ainsi bénéficié d'un disponible mensuel de 870 fr. environ en 2022 et dispose de 710 fr. depuis 2023.

5.2.3 Contrairement à ce que soutient l'appelant, le principe même du droit de l'intimée à percevoir une pension alimentaire doit être admis. En effet, l'entretien convenable de l'intimée ne doit pas se limiter à la stricte couverture de ses besoins courants. L'appelant ayant lui-même exposé que les parties n'avaient pas réalisé d'économies durant le mariage, aucun élément ne permet de retenir ou de rendre vraisemblable que la répartition du bénéfice à parts égales entre les époux aurait pour conséquence de faire bénéficier l'intimée d'un train de vie supérieur à celui mené durant la vie commune. Chacun des époux étant en droit de bénéficier d'un train de vie semblable après la séparation, c'est à bon droit que le Tribunal a retenu que l'intimée pouvait prétendre à une part de l'excédent de son époux.

5.2.4 L'excédent mensuel du couple s'est élevé à 2'240 fr. (1'370 fr. + 870 fr.) en novembre 2022, puis à 2'815 fr. (1'945 fr. + 870 fr.) en décembre 2022 et à 2'880 fr. (2'170 fr. + 710 fr.) dès 2023.

L'intimée peut dès lors prétendre à une pension alimentaire correspondant à sa part à l'excédent, soit 250 fr. (2'240 fr./2 – 870 fr.) pour le mois de novembre 2022, 540 fr. (montant arrondi) en décembre 2022 et 730 fr. par mois dès janvier 2023.

Aussi, à compter du prononcé de la présente décision, soit, par simplification, à partir du mois de septembre 2023, l'appelant sera condamné à contribuer à l'entretien de son épouse, par mois et d'avance, à hauteur de 730 fr.

Pour la période du 1er novembre 2022 (dies a quo non contesté) au 31 août 2023, l'appelant sera condamné à payer à l'intimée le montant total de 6'630 fr. à titre d'arriérés de contribution d'entretien, sous déduction des montants qu'il lui a éventuellement versés depuis le mois de mai 2023 (période postérieure à l'effet suspensif accordé par décision du 16 mai 2023).

L'appel est dès lors partiellement fondé et le chiffre 2 du dispositif du jugement attaqué sera réformé conformément à ce qui précède.

6. 6.1 Lorsque l'autorité d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Les parties ne critiquent pas la quotité des frais de première instance, laquelle est conforme au règlement fixant le tarif des frais en matière civil (RTFMC; E 1 05 10). La modification du jugement entrepris ne commande par ailleurs pas de revoir la répartition effectuée par le premier juge, compte tenu de la nature du litige et du fait qu'aucune des parties n'obtient entièrement gain de cause (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC). Le montant et la répartition des frais de première instance seront par conséquent confirmés.

6.2 Les frais de seconde instance, comprenant la décision sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et compensés avec l'avance de frais du même montant fournie par l'appelant, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC). Compte tenu de l'issue du litige (art. 106 al. 2 CPC), ces frais seront répartis à parts égales entre les parties. L'intimée sera par conséquent condamnée à rembourser 500 fr. à l'appelant à titre de frais judiciaires de seconde instance.

Pour le même motif, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 28 avril 2023 par A______ contre le jugement JTPI/4426/2023 rendu le 17 avril 2023 par le Tribunal de première instance dans la cause C/22218/2022.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris et cela fait, statuant à nouveau:

Condamne A______ à payer à B______, à titre de contribution à son entretien, par mois et d'avance, le montant de 730 fr. dès le 1er septembre 2023.

Condamne A______ à payer à B______ le montant de 6'630 fr. à titre d'arriérés de contribution d'entretien pour la période du 1er novembre 2022 au 31 août 2023, sous déduction des montants d'ores et déjà versés à ce titre entre les mois de mai et août 2023.

Confirme ce jugement pour le surplus.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'000 fr., les met à la charge des parties à raison d'une moitié chacune et les compense avec l'avance de frais versée par A______, laquelle reste acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à rembourser 500 fr. à A______ à titre de frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame
Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges;
Madame Sophie MARTINEZ, greffière.

 


 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.