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Décisions | Chambre civile

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C/25928/2020

ACJC/1467/2022 du 03.11.2022 sur JTPI/13660/2021 ( OO ) , RENVOYE

Normes : CPC.310.leth; CPC.318.al1; CC.122.al1; CC.123.al1; CC.124b.al2.ch1+2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/25928/2020 ACJC/1467/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU JEUDI 3 NOVEMBRE 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], appelante d'un jugement rendu par la 19eme Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er novembre 2021 et intimée sur appel joint, comparant par Me Dalmat PIRA, avocat, PBM AVOCATS SA, avenue de Champel 29, case postale, 1211 Genève 12, en l'Étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur B______, domicilié ______[GE], intimé et appelant sur appel joint, comparant par Me Guillaume DE CANDOLLE, avocat, DE CANDOLLE AVOCATS, place des Eaux-Vives 3, 1207 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. a. Par jugement JTPI/13660/2021 du 1er novembre 2021, reçu par les parties le 2 novembre 2021, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a dissous par le divorce le mariage contracté le ______ 2007 à Genève par A______ et B______ (chiffre 1 du dispositif), attribué à A______ les droits et obligations résultant du contrat de bail du domicile conjugal sis ______[GE] (ch. 2) et donné acte aux parties de ce qu’elles avaient valablement renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage (ch. 3).

Le Tribunal a par ailleurs donné acte aux parties de ce qu’elles avaient réciproquement renoncé à se réclamer une contribution à leur propre entretien (ch. 4) et dit qu’elles avaient liquidé leur régime matrimonial et qu’elles n’avaient plus aucune prétention à faire valoir l’une envers l’autre de ce chef (ch. 5). Le Tribunal a également statué sur les frais et dépens (ch. 6-7) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 8).

S’agissant des avoirs de prévoyance professionnelle, seul point litigieux devant la Cour, le Tribunal a retenu, sous considérant 9 de la partie EN FAIT de son jugement, que les parties avaient conclu, lors de l’audience du 16 juin 2021, à la renonciation au partage desdits avoirs, en raison du fait que l’épouse n’avait jamais cotisé auprès d’une institution de deuxième pilier, puisqu’elle était indépendante. Quant à l’époux, il avait précisé ne pas avoir travaillé avant le mariage et être atteint d’une maladie rare ; il avait déposé une demande de rente invalidité et était en train de suivre une formation.

Dans les considérants EN DROIT de son jugement et s’agissant de ce même point, le Tribunal a indiqué ce qui suit : « Il sera donné acte aux parties de ce qu’elles ont valablement renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle, compte tenu des circonstances ».

B. a. Par acte expédié à la Cour de justice le 1er décembre 2021, A______ a appelé de ce jugement dont elle a sollicité l’annulation du chiffre 3 du dispositif.

Cela fait, elle a conclu à ce que la Cour ordonne le partage par moitié des avoirs cotisés à titre de prévoyance professionnelle pendant le mariage par B______, ordonne à la Fondation C______ de verser 11'063 fr. 71 sur son compte de libre passage ouvert auprès de la Fondation de libre passage de la D______, et confirme le jugement entrepris pour le surplus, avec suite de frais judiciaires et dépens à la charge de B______.

Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation du chiffre 3 du jugement entrepris et, cela fait, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, avec suite de frais judiciaires et dépens à la charge de sa partie adverse.

Elle a fait grief au Tribunal d’avoir retenu à tort qu’un accord concernant la renonciation au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par B______ avait été conclu par les parties lors de l’audience du 16 juin 2021, alors que tel n’était pas le cas. Seul B______ avait en effet conclu à la renonciation au partage. Au vu de l’échec de la conciliation sur ce point, le Tribunal avait gardé la cause à juger à l’issue de l’audience.

b. Dans sa réponse expédiée à la Cour le 21 février 2022, B______ a conclu, principalement, à l’annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et, cela fait, à ce qu’il soit renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage, le jugement attaqué devant être confirmé pour le surplus, avec suite de frais judiciaires et dépens à la charge de A______.

Subsidiairement, il a conclu à l’annulation du chiffre 3 du jugement entrepris et cela fait, au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants, avec suite de frais judiciaires et dépens à la charge de A______.

Il a soutenu que même si le Tribunal avait « vraisemblablement commis une erreur de plume quant à l’existence d’un accord entre les parties sur la renonciation au partage de la prévoyance professionnelle, il a reconnu qu’un tel accord aurait été valable compte tenu des circonstances ». Il y avait par conséquent lieu de retenir que le Tribunal, après avoir instruit d’office la question du partage, avait apprécié les conditions du cas d’espèce comme étant conformes à l’art. 280 CPC, en particulier à son alinéa 3, qui lui imposait de vérifier qu’une prévoyance adéquate était assurée malgré la renonciation au partage.

B______ a produit des pièces nouvelles (pièces 3 à 8) et a allégué des faits nouveaux (allégués ad 7, ad 10, 11, 12, 14 et 15) relatifs à son état de santé et au fait que A______ avait pu se constituer une fortune.

c. Par réplique sur appel principal et réponse sur appel joint expédiée le 20 mai 2022, A______ a persisté dans les conclusions de son appel et a conclu, sur appel joint, à l’irrecevabilité des allégués n° 7, 10, 11, 12, 14 et 15 de B______ ainsi que de ses pièces 3, 4, 5 et 7. Principalement, elle a conclu au rejet de l’appel joint formé par B______ et au déboutement de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

d. Dans un courrier du 1er juin 2022 expédié à la Cour, B______ a persisté dans ses conclusions et renoncé à faire usage de son droit de dupliquer sur appel principal, respectivement de répliquer sur appel joint.

e. Les parties ont été informées par avis du 7 juin 2022 du greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. A______, née le ______ 1963 à E______ (F______/Espagne), originaire de Genève et B______, né le ______ 1981 à G______ (H______/Tunisie), de nationalité tunisienne, se sont mariés le ______ 2007 à Genève en adoptant le régime de la séparation de biens par acte notarié du ______ 2007.

Aucun enfant n’est issu de cette union.

b. Par jugement JTPI/14911/2012 du 18 octobre 2021 rendu sur mesures protectrices de l’union conjugale, le Tribunal a autorisé les époux à vivre séparés, leur a donné acte de ce qu’ils renonçaient à toute contribution à leur entretien et a attribué à A______ la jouissance du domicile conjugal.

c. Par acte expédié au greffe du Tribunal le 10 décembre 2020, A______ a formé une demande unilatérale en divorce. Elle a conclu à l’attribution en sa faveur de tous les droits et obligations relatifs à l’ancien domicile conjugal, à ce qu’il soit dit qu’aucune contribution d’entretien ne serait allouée entre les parties, à ce qu’il soit dit que le régime matrimonial était liquidé et à ce que les avoirs de prévoyance professionnelle cotisés pendant la durée du mariage soient partagés par moitié entre les parties.

A______ a précisé exploiter un salon de coiffure à I______ (Genève) et ne pas avoir accumulé d’avoirs de prévoyance professionnelle. Elle ignorait le montant des avoirs accumulés par B______, lequel avait travaillé au sein d’une société de sécurité privée avant d’être à la charge de l’Hospice général.

d. Le 3 février 2021, les parties ont été convoquées à une audience de conciliation, lors de laquelle seule A______ était présente ; elle a persisté dans ses conclusions. B______ pour sa part avait informé le Tribunal de ce qu’il était malade et a produit un certificat médical.

Au terme de l’audience, le Tribunal a indiqué qu’il s’adresserait à la Centrale du 2ème pilier et a convoqué les parties à une nouvelle audience de conciliation et éventuelles plaidoiries finales pour le 24 mars 2021.

e. Par courrier du 15 février 2021, le Tribunal a requis de la FONDATION C______ qu’elle lui communique, s’agissant de B______, le montant des avoirs de prévoyance professionnelle devant faire l’objet du partage et qu’elle atteste du caractère réalisable de celui-ci.

f. Le 23 février 2021, la FONDATION C______ a transmis au Tribunal un extrait du compte de prévoyance de B______. Il en ressort que le montant total de la prestation de libre passage s’élevait, à la date de l’introduction de la procédure de divorce, à 22'127 fr. 30.

g. Une nouvelle audience de conciliation s’est tenue devant le Tribunal le 14 avril 2021. B______ n’était ni présent, ni représenté ; il a produit un certificat médical.

h. Les parties ont été convoquées à une nouvelle audience de conciliation le 16 juin 2021.

A______ a persisté dans les termes de sa demande.

B______ a déclaré pour sa part être d’accord de divorcer. Il a acquiescé aux conclusions de A______ s’agissant du domicile conjugal, de l’absence de contribution d’entretien et de la liquidation du régime matrimonial. Il a précisé ne pas avoir travaillé avant le mariage.

Le Tribunal a par ailleurs consigné ce qui suit, dans la bouche du conseil de B______ : "Nous concluons à la renonciation du partage des avoirs de prévoyance en raison du fait que Madame n’a jamais cotisé au 2ème pilier puisqu’elle est indépendante et que Monsieur a une capacité de gain extrêmement limitée".

Au terme de l’audience, le Tribunal a constaté l’échec de la conciliation et, d’entente entre les parties, a gardé la cause à juger.

D. La situation personnelle et financière des parties – telle qu’elle ressort de leurs allégations et des pièces produites – est la suivante :

a. A______ exploite un salon de coiffure en tant qu’indépendante. Elle a précisé l’avoir acquis il y a trente ans, au moyen d’un crédit hypothécaire de 500'000 fr. ; elle s’acquittait des intérêts, mais ne procédait pas au remboursement de la dette. Elle a allégué avoir réalisé un bénéfice net de 5'632 fr. par mois en moyenne en 2019 ; elle a évalué son revenu moyen pour 2020 à 3'500 fr. compte tenu des restrictions sanitaires. Elle a fait état de charges mensuelles à hauteur de 4'345 fr. 60.

Elle a indiqué ne pas avoir accumulé d’avoirs de prévoyance professionnelle durant le mariage.

b. B______ a déclaré être atteint d’une maladie rare et avoir déposé une demande de prestations auprès de l’assurance invalidité. Au moment de son audition par le Tribunal, il était au bénéfice de prestations de l’Hospice général. En 2019, il a suivi deux formations subventionnées par l’Office cantonal des assurances sociales (OCAS).

 

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile de trente jours et suivant la forme prescrite par la loi (art. 130, 131, 142 et 311 al. 1 CPC), à l'encontre d'une décision finale au sens de l'art. 308 al. 1 let. a CPC, statuant dans une affaire patrimoniale dont la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., l'appel est recevable.

La réponse et l'appel joint sont également recevables (art. 142 al. 3, 312 al. 2 et 313 al. 1 CPC).

Les deux appels seront traités dans le même arrêt. Par souci de simplification, l'ex-épouse sera désignée en qualité d'appelante et l'ex-époux en qualité d'intimé.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

Le juge établit les faits d'office pour toutes les questions qui touchent à la prévoyance professionnelle (art. 277 al. 3 CPC), sur lesquelles il statue même en l'absence de conclusions des parties, étant précisé que la maxime d'office et la maxime inquisitoire ne s'imposent cependant que devant le premier juge (arrêts du Tribunal fédéral 5A_18/2018 du 16 mars 2018 consid. 6; 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2 et 5.3.3 et les références citées).

1.3 La cause présente un élément d’extranéité compte tenu de la nationalité tunisienne de l’intimé.

A raison, les parties ne remettent pas en cause la compétence des juridictions genevoises pour connaître du litige (art. 59 et 63 al. 1 et 1bis LDIP), ni l'application du droit suisse (art. 61 et 63 al. 2 LDIP).

2. La Cour examine d'office la recevabilité des faits et moyens de preuve nouveaux ainsi que des conclusions nouvelles en appel (Reetz/Hilber, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, 3ème éd. 2016, n. 26 ad art. 317 CPC).

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b), ces conditions étant cumulatives (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

Les pièces ne sont pas recevables en appel pour la seule raison qu'elles ont été émises postérieurement à l'audience de première instance. La question à laquelle il faut répondre pour déterminer si la condition de l'art. 317 al. 1 CPC est remplie est celle de savoir si le moyen de preuve n'aurait pas pu être obtenu avant la clôture des débats principaux de première instance (arrêt du Tribunal fédéral 5A_266/2015 du 24 juin 2015 consid. 3.2.2).

Comme relevé ci-avant, en matière de prévoyance professionnelle liée au divorce, la maxime d'office et la maxime inquisitoire s'imposent uniquement devant le premier juge. Dans la procédure d'appel, l'admissibilité des faits et moyens de preuve nouveaux est donc régie par l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 5A_631/2018 du 15 février 2019 consid. 3.2.2; 5A_407/2018 du 11 janvier 2019 consid. 5.3; 5A_862/2012 du 30 mai 2013 consid. 5.3.2, SJ 2014 I 76).

2.2 La recevabilité des pièces 3, 4, 5 et 7 produites par l’intimé devant la Cour est contestée à juste titre par l’appelante. En effet, ces dernières ont été établies avant que le Tribunal ne garde la cause à juger le 16 juin 2021. Or, l’intimé n’a pas expliqué les raisons qui l’auraient empêché de produire lesdites pièces devant le premier juge en faisant preuve de toute la diligence requise. Ces pièces sont en conséquence irrecevables, ainsi que les allégués de fait qui s'y rapportent. Les pièces 6 et 8, soit une attestation fiscale de l’Hospice général concernant l’année 2021, établie au 31 décembre 2021, ainsi qu’un certificat médical du 31 janvier 2022, sont en revanche recevables, car nouvelles.

3. 3.1 L’appel peut être formé pour constatation inexacte des faits (art. 310 let. b CPC).

La « constatation inexacte des faits » mentionnée à l’art. 310 let. b habilite l’instance supérieure à revoir les faits sans restriction, ce qui découle de la nature ordinaire de la voie de l’appel, en vertu de laquelle le litige se continue pour ainsi dire devant l’instance supérieure (Jeandin, CR, CPC 2ème éd., ad art. 310 n. 6).

3.2 En l’espèce et contrairement à ce qu’a retenu manifestement par erreur le Tribunal, les parties n’ont pas, d’accord entre elles, renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle. L’intimé lui-même ne le soutient d’ailleurs pas.

La demande unilatérale en divorce du 10 décembre 2020 déposée par l’appelante contient une conclusion en partage des avoirs de prévoyance professionnelle. Entendue à trois reprises par le Tribunal, l’appelante a toujours persisté dans les termes de sa demande, ce qui ressort expressément des procès-verbaux et en particulier de celui du 16 juin 2021.

Lors de ladite audience, le Tribunal a indiqué, dans la bouche du seul conseil de l’intimé, que ce dernier concluait à la renonciation au partage en raison du fait que l’appelante n’avait jamais cotisé, puisqu’exerçant une profession indépendante et que lui-même avait une capacité de gain extrêmement limitée.

La teneur dudit procès-verbal ne prête ainsi pas à confusion et ne nécessite pas d’être interprétée, dans la mesure où elle est parfaitement claire et sans équivoque.

Dans un premier temps, le Tribunal ne s’y est d’ailleurs pas trompé, puisqu’au terme de l’audience il a constaté l’échec de la conciliation et a gardé la cause à juger. Cette mention ne pouvait concerner que la question du partage des avoirs de prévoyance professionnelle, l’époux ayant, pour le surplus, acquiescé à toutes les autres conclusions prises par sa partie adverse.

C’est dès lors par inadvertance et en raison d’une mauvaise relecture du procès-verbal de l’audience du 16 juin 2022 que le Tribunal a, dans le jugement attaqué, donné acte aux parties de ce qu’elles avaient valablement renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés pendant le mariage.

Au vu de ce qui précède, le chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué sera annulé.

4. 4.1.1 Conformément à l’art. 318 al. 1 CPC, l’instance d’appel peut : statuer à nouveau (let. b) ; renvoyer la cause à la première instance dans les cas suivants : un élément essentiel de la demande n’a pas été jugé (let. c ch. 1), l’état de fait doit être complété sur des points essentiels (let. c ch. 2).

4.1.2 Selon l’art. 22 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (ci-après : LFLP; RS 831.42), les prestations de sortie et les parts de rente sont partagées, en cas de divorce, conformément aux art. 122 à 124e CC et 280 et 281 CPC; les art. 3 à 5 s’appliquent par analogie au montant à transférer.

Les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux (art. 122 al. 1 CC).

Les prestations de sortie acquises, y compris les avoirs de libre passage et les versements anticipés pour la propriété du logement, sont partagées par moitié (art. 123 al. 1 CC).

4.1.3 Le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n’en attribue aucune pour de justes motifs. C’est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s’avère inéquitable en raison : de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce; des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d’âge (art. 124b al. 2 ch. 1 et 2 CC).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 5A_804/2016 du 26 janvier 2017 consid. 3.1.3 et les références citées), mais il convient de veiller à ce que l'application de l'art. 124b al. 2 CC ne vide pas de sa substance le principe du partage par moitié, celui-ci devant, dans l'idéal, permettre aux deux conjoints de disposer d'un avoir de prévoyance de qualité égale (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2 et les références citées; Message du Conseil fédéral, op.cit., p. 4371).

Le texte de l'art. 124b al. 2 CC prévoit ainsi la possibilité pour le juge de s'écarter du principe du partage par moitié pour de justes motifs et mentionne deux catégories d'exemples à ses chiffres 1 et 2, sans toutefois préciser plus avant cette notion (ATF 145 III 56 consid. 5.3.2; arrêt du Tribunal fédéral 5A_106/2021 du 17 mai 2021 consid. 3.1 résumé in DroitMatrimonial.ch) et sans que cette liste de justes motifs ne soit exhaustive (arrêt du Tribunal fédéral 5A_194/2020 du 5 novembre 2020 consid. 4.1.1; Message du Conseil fédéral, op. cit., p. 4371).

4.2 Dans le cadre de la présente procédure, les parties ont pris des conclusions divergentes concernant le partage des avoirs de prévoyance professionnelle accumulés par le seul intimé pendant la durée du mariage, ce dernier concluant à la renonciation au partage, l’appelante concluant pour sa part au partage par moitié.

Il résulte des dispositions légales mentionnées sous considérant 4.1.2 ci-dessus, que le principe voulu par le législateur est celui du partage par moitié. Le juge a toutefois la possibilité, limitée, de déroger à ce principe, pour de justes motifs, étant précisé qu’il dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

En l’espèce, croyant à tort être en présence d’un accord des parties portant sur ce point, le Tribunal s’est contenté de leur donner acte de ce qu’elles avaient valablement renoncé au partage des avoirs de prévoyance professionnelle, « compte tenu des circonstances ».

Le premier juge ne s’est par conséquent livré à aucune analyse détaillée de la situation des parties en termes de prévoyance professionnelle, ni n’a exposé les « circonstances », au sens de l’art. 124b al. 2 CC, l’ayant amené à considérer que la prétendue renonciation au partage était valable, étant relevé que le fait que l’appelante n’ait pas cotisé à une institution de prévoyance durant le mariage plaiderait plutôt en défaveur de la renonciation au partage.

Pour déterminer s’il se justifie, dans le cas d’espèce, de déroger au principe du partage par moitié, il est nécessaire de faire porter l’instruction de la cause (étant rappelé que le Tribunal doit instruire ce point d’office) notamment sur les éventuelles perspectives professionnelles de l’intimé compte tenu de son état de santé et de la formation qu’il a indiqué avoir entreprise, sur la situation de l’appelante une fois l’âge de la retraite atteint, sur leurs éventuels éléments de fortune, ainsi que sur les incidences de leur importante différence d’âge.

Ces points, essentiels pour la résolution du litige, n’ayant pas été instruits par le Tribunal, il se justifie de lui retourner la cause pour suite d’instruction et nouvelle décision et ce dans le respect du principe du double degré de juridiction.

5. 5.1 Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 CPC). Le tribunal peut néanmoins s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

5.2 Les frais judiciaires d’appel et d’appel joint seront arrêtés à 2'000 fr. (art. 30 et 35 RTFMC).

Les deux appels ayant été motivés par une erreur commise par le Tribunal, lesdits frais seront laissés à la charge de l’Etat (art. 107 al. 2 CPC).

Compte tenu de la nature familiale du litige, chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens d’appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevables l'appel interjeté par A______, ainsi que l’appel joint formé par B______ contre le jugement JTPI/13660/2021 rendu le 1er novembre 2021 par le Tribunal de première instance dans la cause C/25928/2020.

Au fond :

Annule le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et cela fait :

Retourne la cause au Tribunal de première instance pour suite d’instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.

Confirme pour le surplus le jugement attaqué.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires de l’appel et de l’appel joint à 2'000 fr. et les laisse à la charge de l’Etat.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d’appel.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Madame Pauline ERARD, Madame Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Camille LESTEVEN

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 113 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours constitutionnel subsidiaire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.