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Décisions | Chambre civile

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C/16197/2020

ACJC/1433/2022 du 01.11.2022 sur JTPI/241/2022 ( OS ) , CONFIRME

Normes : CC.394; CO.115; CO.1; CO.2; CO.18
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/16197/2020 ACJC/1433/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du mardi 1er novembre 2022

 

Entre

Madame A______, domiciliée ______[GE], appelante d'un jugement rendu par la 13ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 7 janvier 2022, comparant par Me Antoine KOHLER, avocat, Perréard de Boccard SA, rue du Mont-Blanc 3, case postale, 1211 Genève 1, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

B______ SA (anciennement C______ SA), sise ______[ZH], intimée, prise dans sa succursale de Genève, comparant par Me Andrio ORLER, avocat, rue Bovy-Lysberg 2, case postale 5067, 1211 Genève 3.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTPI/241/2022 rendu le 7 janvier 2022, notifié le 13 janvier 2022 à A______, le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, statuant par voie de procédure simplifiée, condamné A______ à payer à C______ SA un montant de 27'304 fr. 35, avec intérêts à 5 % dès le 18 mai 2019 (chiffre 1 du dispositif), condamné A______ à payer à C______ SA un montant de 200 fr. (ch. 2), mis les frais à la charge de A______ (ch. 3), arrêté les frais judiciaires à 2'100 fr., les compensant avec les avances fournies par C______ SA, les mettant à la charge de A______ et condamnant en conséquence celle-ci à payer à C______ SA un montant de 2'100 fr. (ch. 4), dit qu'il n'y avait pas lieu à l'allocation de dépens (ch. 5) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 6).

B.            a. Par acte expédié le 14 février 2022 au greffe de la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ appelle de ce jugement, dont elle sollicite l'annulation avec suite de frais judiciaires et dépens de première et deuxième instance.

Cela fait, elle conclut, principalement, au déboutement de B______ SA (anciennement C______ SA) de toutes ses conclusions et, subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal pour qu'il statue dans le sens des considérants.

b. Dans sa réponse, B______ SA conclut à la confirmation du jugement avec suite de frais judiciaires et dépens.

Elle produit une pièce nouvelle, à savoir un relevé de ses propres prestations pour l'activité déployée du 22 décembre 2021 au 28 avril 2022 en lien avec la procédure d'appel.

c. A______ a répliqué et conclut à l'irrecevabilité de la nouvelle pièce produite par B______ SA. Pour le surplus, elle a persisté dans ses conclusions.

d. B______ SA a dupliqué, persistant dans ses conclusions.

e. Les parties ont été informées par pli du greffe de la Cour du 19 septembre 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C.           Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______ SA, dont le siège est à Zurich, exploite une étude d'avocats.

b. A______ a mandaté B______ SA en fin d'année 2016 pour l'assister dans des démarches de nature fiscale.

c. B______ SA a résilié le mandat le 27 février 2019, reprochant à A______ de ne pas s'acquitter de ses demandes de provisions d'honoraires.

d. En fin de mandat, l'activité déployée par B______ SA laissait apparaître un solde de frais et honoraires en sa faveur d'un montant de 54'608 fr. 70, selon relevés détaillés des prestations des 31 décembre 2018 et 13 février 2019.

e. Par courrier du 15 mai 2019, B______ SA a mis en demeure A______ de payer, dans un délai de 5 jours à compter de la réception de la lettre, le montant total de 54'608 fr. 70.

f. Ne s'étant pas acquittée du montant réclamé, B______ SA a requis le 18 juillet 2019 de la Commission du barreau la levée de son secret professionnel à l'égard de A______ en vue de recouvrer ses honoraires en 54'608 fr. 70, levée obtenue par décision du 22 août 2019. Il ressort de la décision que, bien qu'interpellée par courrier du 22 juillet 2019 de la Commission du barreau, A______ ne s'est pas déterminée sur la demande de levée du secret professionnel.

La décision de la Commission du barreau a fait l'objet d'un émolument de 200 fr. mis à la charge de B______ SA.

g. Les parties ayant entamé des pourparlers, par courriel du 3 décembre 2019 adressé au conseil français de A______, B______ SA a proposé de régler le litige de la manière suivante:

"S'agissant des honoraires de Me D______, ils s'élèvent à CHF 36'288.- et doivent être payés intégralement.

S'agissant de nos honoraires, ils s'élèvent à :

° à CHF 39'842.85 concernant M. E______ ; le paiement de 80% de ce montant équivaudrait à un paiement de CHF 31'874.28 ; et

° à CHF 54'608.70 concernant Mme A______ ; le paiement de 50% de ce montant équivaudrait à un paiement de CHF 27'304.35.

Ainsi le montant global à recevoir s'élèvera à CHF 95'466.63, au lieu de CHF 130'739.55, soit un rabais de CHF 35'272.92 et ce à la condition qu'il soit payé immédiatement."

h. Par courriel du 5 décembre 2019 adressé à B______ SA, le conseil français de A______ a indiqué que "M. E______ nous charge de vous rappeler la proposition qu'il avait agréé lors de votre visite à F______[France] à savoir :

- 50% sur A______ pour les raisons sur lesquelles je ne reviens pas : il y a donc un accord

- 50% sur le reste [ ]. Il reste un écart sur lequel il vous demande ce dernier effort pour en terminer

- sortir la facture du Pr D______ du débat [ ]".

i. Par courriel adressé le 10 décembre 2019 au conseil français de A______, B______ SA a indiqué "les honoraires de Me D______ doivent être réglés dans leur intégralité, c'est une condition sine qua non. [ ] Je vous fais une dernière proposition [ ] : le paiement de 65% de CHF 39'842.85 en lieu et place de 80% du montant". Aucune mention des honoraires dus par A______ ne ressort de ce courriel.

j. En date du 24 décembre 2019, A______ a versé en faveur de B______ SA un montant de 27'304 fr. 35.

k. Par demande déposée en vue de conciliation le 14 août 2020, déclarée non conciliée le 16 décembre 2020 et introduite au Tribunal le 10 mars 2021, B______ SA a conclu à ce que le Tribunal condamne A______ à lui payer les montants de 27'304 fr. 35, avec intérêts à 5% dès le 18 mai 2019, correspondant au solde de ses honoraires, et 200 fr., correspondant à l'émolument de décision de la Commission du barreau.

l. Dans sa réponse, A______ a conclu au déboutement de B______ SA de toutes ses conclusions, avec suite de frais judiciaires et dépens.

En substance, elle a allégué que les parties avaient convenu d'un accord réduisant de moitié les honoraires dus. L'accord en question était intervenu dans le cadre d'un litige plus vaste opposant son père, E______, à B______ SA, liés par un mandat parallèle. Tant elle que son père avaient contesté les honoraires réclamés par B______ SA. Ainsi, le paiement de 27'304 fr. 35 le 24 décembre 2019, en exécution de l'accord, avait entièrement éteint la dette.

m. Le Tribunal a entendu les parties lors des audiences des 27 septembre et 15 novembre 2021.

B______ SA a contesté la version des faits présentée par A______. L'accord dont elle se prévalait n'avait pas été conclu. La proposition globale qu'elle avait formulée le 3 décembre 2019 valait pour solde de tous comptes et portait tant sur les honoraires dus par A______ que par son père. L'accord n'était pas complet, vu la divergence persistante relative aux honoraires dus par ce dernier.

La cause a été gardée à juger à l'issue de l'audience du 15 novembre 2021, après que les parties aient plaidé, persistant dans leurs conclusions respectives.

D.           Dans le jugement entrepris, le Tribunal a retenu que le montant de 54'608 fr. 70 correspondait au solde des honoraires convenus par les parties. Il a ensuite constaté qu'il n'était pas possible de déterminer une réelle et commune intention des parties de conclure un contrat de remise de dette sur la moitié de ce montant. Une interprétation des volontés des parties selon le principe de la confiance était dès lors nécessaire. Celle-ci aboutissait au même constat, les parties n'ayant formulé que des offres et contre-offres sans que l'une de celles-ci n'ait fait l'objet d'une acceptation. A______, ne s'étant acquittée que de la moitié du montant dû, devait ainsi à B______ SA le solde des honoraires de cette dernière, soit un montant de 27'304 fr. 35, avec intérêt à 5% l'an dès le 18 mai 2019, ainsi que l'émolument de 200 fr. dont l'étude d'avocats avait dû s'acquitter auprès de la Commission du barreau. S'agissant des dépens, le Tribunal a considéré que B______ SA s'était représentée elle-même, de sorte qu'elle ne pouvait pas prétendre à l'allocation de dépens.

EN DROIT

1. 1.1 Interjeté dans le délai utile et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131, 142 al. 1, 143 et 311 al. 1 CPC) à l'encontre d'une décision finale de première instance, qui statue sur des conclusions pécuniaires dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est supérieure à 10'000 fr. (art. 91 et 308 al. 2 CPC), l'appel est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC). Elle applique la maxime des débats et le principe de disposition (art. 55 al. 1 et 58 al. 1 CPC).

2. L'intimée produit une pièce nouvelle en appel.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération devant la Cour que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) ou s'ils ne pouvaient l'être devant la première instance, bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de la diligence requise (let. b).

2.2 En l'espèce, la pièce nouvelle produite concerne les prestations de l'intimée concernant la procédure d'appel, soit des faits postérieurs au jugement entrepris. Elle a en outre été produite sans retard. Dès lors, la pièce est recevable.

3. L'appelante reproche au Tribunal d'avoir appliqué de manière erronée les règles sur l'interprétation objective selon le principe de la confiance, soit en d'autres termes, d'avoir retenu que les parties n'avaient pas conclu un contrat de remise de dette.

3.1 Le contrat est parfait lorsque les parties ont, réciproquement et d'une manière concordante, manifesté leur volonté (art. 1 al. 1 CO). Cette manifestation peut être expresse ou tacite (art. 1 al. 2 CO). A teneur de l'art. 2 al. 1 CO, si les parties se sont mises d'accord sur tous les points essentiels, le contrat est réputé conclu, lors même que des points secondaires ont été réservés.

3.1.1 Autrement dit, le contrat n'est conclu qu'à partir du moment où les manifestations de volonté des parties sont concordantes. En outre, les parties doivent s'être mises d'accord sur tous les éléments objectivement et subjectivement essentiels du contrat, faute de quoi celui-ci n'est pas venu à chef (arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2019 du 27 septembre 2019 consid. 3.1).

L'offre de contracter est la proposition de conclure un contrat que fait une partie à l'autre. Il s'agit d'une manifestation de la volonté de se lier (cf. art. 7 CO; arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2019 du 27 septembre 2019 consid. 3.1). L'offre se définit ainsi comme une proposition ferme de conclure un contrat, de façon à ce que son destinataire puisse décider sans autres s'il l'accepte ou s'il la refuse, en partant de l'idée que la conclusion du contrat ne dépend que de son éventuel consentement (Morin, Commentaire romand, Code des obligations I, 3ème éd., 2021, n. 80 ad art. 1 CO).

L'acceptation est la manifestation de volonté de l'autre partie, par laquelle celle-ci déclare acquiescer à l'offre. Pour qu'il y ait accord, il faut en effet que l'acceptation coïncide avec l'offre. Si l'acceptation n'est pas identique par son contenu à l'offre ou en diverge sur un point qui est objectivement ou subjectivement essentiel, il ne s'agit pas d'une acceptation, mais d'une nouvelle offre, soit d'une contre-offre. Les règles de l'offre s'appliquent à la contre-offre, en ce sens que la partie destinataire doit manifester sa volonté d'accepter la contre-offre (arrêt du Tribunal fédéral 4A_69/2019 du 27 septembre 2019 consid. 3.1; Tercier/Pichonnaz, op. cit., n. 667; Gauch/Schluep/Schmid, Schweizerisches Obligationenrecht – Allgeminer Teil, 10ème éd., 2014, n. 441 s.).

3.1.2 Savoir s'il y a eu acceptation de l'offre ou de la contre-offre s'effectue selon les règles applicables à l'interprétation des manifestations de volonté. Il y a lieu de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO; ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 132 III 626 consid. 3.1; 131 III 606 consid. 4.1).

Constituent des indices en ce sens, non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales –, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes. L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait (arrêts du Tribunal fédéral 4A_508/2016 du 16 juin 2017 consid. 6.2; 4A_98/2016 du 22 août 2016 consid. 5.1).

Ce n'est que si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la volonté exprimée par l'autre à l'époque de la conclusion du contrat – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu'elle l'affirme en procédure, mais doit résulter de l'administration des preuves –, qu'il doit recourir à l'interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d'après les règles de la bonne foi, chacune d'elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l'autre. Il s'agit d'une interprétation selon le principe de la confiance. D'après ce principe, la volonté interne de s'engager du déclarant n'est pas seule déterminante; une obligation à sa charge peut découler de son comportement, dont l'autre partie pouvait, de bonne foi, déduire une volonté de s'engager. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 144 III 93 consid. 5.2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.1).

L'interprétation objective s'effectue non seulement d'après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées, à l'exclusion des événements postérieurs (ATF 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 626 consid. 3.1 in fine; arrêt du Tribunal fédéral 4A_307/2018 du 10 octobre 2018 consid. 4.2).

3.1.3 En d'autres termes, lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes; übereinstimmende Willenserklärungen), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait (tatsächlicher Konsens); si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent (offener Dissens) et le contrat n'est pas conclu (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1). Si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent (versteckter Dissens) et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1). En effet, même si une partie, en son for intérieur, n'a pas voulu le contrat, celui-ci doit être considéré comme conclu lorsque le destinataire pouvait comprendre de bonne foi, au regard de toutes les circonstances concrètes, la déclaration de cette partie comme voulant conclure le contrat (arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.2.4).

3.1.4 Selon l'art. 115 CO, il n'est besoin d'aucune forme spéciale pour annuler ou réduire conventionnellement une créance, lors même que, d'après la loi ou la volonté des parties, l'obligation n'a pu prendre naissance que sous certaines conditions de forme.

La remise conventionnelle de dette prévue par l'art. 115 CO constitue un contrat bilatéral, qui n'exige le respect d'aucune forme, par lequel le créancier et le débiteur conviennent d'éteindre une créance ou un rapport juridique (ATF 131 III 586 consid. 4.2.3.4; arrêt du Tribunal fédéral 4C.437/2006 du 13 mars 2007 consid. 2.3.2, non publié in ATF 133 III 356). Elle peut résulter d'une offre et de son acceptation par des actes concluants ou par le silence, considérés selon le principe de la confiance (art. 1 al. 2 et art. 6 CO; ATF 110 II 344 consid. 2b). Le juge ne doit toutefois admettre qu'avec la plus grande circonspection l'existence d'une volonté de remettre par actes concluants de la part du créancier (ATF 109 II 327 consid. 2b; arrêt du Tribunal fédéral 4A_125/2009 du 2 juin 2009 consid. 3.3).

3.2 En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties ont été liées par un contrat de mandat conclu à titre onéreux (cf. art. 394 al. 3 CO). Le montant total des honoraires (i.e. le nombre d'heures effectuées et le tarif horaire) n'est pas davantage contesté par l'appelante, de sorte que la Cour ne reviendra pas sur ces points.

S'agissant du contrat de remise de dette dont la conclusion est contestée, le Tribunal a retenu qu'une réelle et commune intention des parties ne ressortait pas du dossier, ce que celles-ci ne contestent à raison pas. En effet, bien que les parties se soient exprimées de manière concordante sur leur volonté de réduire de moitié les honoraires dus par l'appelante, elles ne se sont pas comprises sur le fait qu'une transaction globale incluant également les honoraires dus par le père de l'appelante ainsi que ceux dus à Me D______ était une condition sine qua non pour la remise de dette en faveur de l'appelante. Cette dernière a compris, à teneur du courriel de son conseil français du 5 décembre 2019, qu'"il y a donc un accord" sur sa remise de dette indépendamment de la dette de son père à l'égard de l'intimée, alors que l'intimée a, quant à elle, maintenu dans sa perception un règlement global des honoraires comme étant une condition sine qua non à la remise de dette en faveur de l'appelante. Le silence de l'intimée sur ce point dans son courriel du 10 décembre 2019 n'a pas permis à l'appelante de comprendre la volonté interne de l'intimée de maintenir la condition précitée. Dès lors, les parties n'étaient pas conscientes du fait qu'elles ne s'étaient pas comprises. Il y a donc un désaccord latent entre les parties qui nécessite de déterminer si, selon le principe de la confiance, les parties sont liées par un contrat de remise de la dette en faveur de l'appelante.

Avec le Tribunal et l'intimée, la Cour est d'avis que le principe de la confiance ne permet pas de retenir un accord sur la remise de dette s'agissant des honoraires dus par l'appelante. En effet, d'après le courriel du 3 décembre 2019 de l'intimée, la proposition de réduction de moitié desdits honoraires s'inscrivait dans le cadre d'une offre de règlement global des honoraires dus par l'appelante et son père, la condition sine qua non étant un paiement immédiat du montant de 95'466 fr. 63. Cette offre n'avait, à teneur du courriel du 5 décembre 2019 du conseil français de l'appelante, pas été acceptée en l'état puisqu'il contenait une contre-offre. Bien qu'il mentionnait le fait qu'"il y a donc un accord" s'agissant des honoraires dus par l'appelante, les autres éléments essentiels du contrat (montant dû par le père de l'appelante, montant dû à Me D______ et paiement immédiat du total) demeuraient litigieux. Par ailleurs, ce courriel du 5 décembre 2019 ne proposait pas clairement à l'intimée de scinder les honoraires dus par l'appelante de ceux dus par le père de celle-ci, ce que l'intimée ne pouvait pas deviner. A supposer que l'intimée aurait dû déduire du courriel du 5 décembre 2019 et comprendre, de bonne foi, et ce de manière implicite, la volonté de l'appelante de scinder les honoraires dus, une telle nouvelle offre de la part de l'appelante aurait encore dû être acceptée par l'intimée, ce qui n'a pas été le cas. En effet, contrairement aux autres courriels échangés entre les parties, la réponse de l'intimée du 10 décembre 2019 est silencieuse s'agissant des honoraires dus par l'appelante. Dès lors qu'il y a lieu de se montrer restrictif s'agissant de la conclusion d'une remise de dette par le silence du créancier, il ne peut être retenu que l'appelante devait comprendre, de bonne foi, que ledit silence de l'intimée correspondait à une acceptation d'une remise de 50% de la dette de l'appelante, indépendamment de celle de son père, au vu de la condition sine qua non formulée en premier lieu par l'intimée.

Par conséquent, il ne peut être retenu, selon le principe de la confiance, qu'un accord de remise de dette ait été conclu entre les parties. L'appelante est débitrice, à l'instar de ce qu'a retenu le premier juge, d'un montant de 27'304 fr. 35, avec intérêts à 5% l'an à compter du 18 mai 2019, le taux et la date précités n'étant pas expressément contestés par les parties. Par ailleurs, l'appelante demeure également débitrice du montant de 200 fr. relatif à l'émolument dont a dû s'acquitter l'intimée auprès de la Commission du barreau, ce que les parties ne contestent pas non plus.

Le jugement entrepris sera donc confirmé dans son intégralité.

4. Les frais judiciaires d'appel seront arrêtés à 1'800 fr. et mis à la charge de l'appelante, qui succombe (art. 95, 96 et 106 al. 1 CPC; art. 17 et 35 RTFMC). Ils seront compensés avec l'avance de même montant fournie par l'appelante, qui reste acquise à l'Etat de Genève (art. 98 et 111 al. 1 CPC).

5. L'intimée réclame une indemnité équitable à titre de dépens d'appel.

5.1 Le tribunal statue sur les frais en règle générale dans la décision finale (art. 104 al. 1 CPC). Le tribunal fixe les dépens selon le tarif. Les parties peuvent produire une note de frais (art. 105 al. 2 CPC). Les frais sont mis à la charge de la partie succombante (art. 106 al. 1 1ère phrase CPC).

Les dépens comprennent, lorsqu'une partie n'a pas de représentant professionnel, une indemnité équitable pour les démarches effectuées, dans les cas où cela se justifie (art. 95 al. 3 let. c CPC).

Une partie qui agit dans sa propre cause peut exceptionnellement prétendre à des dépens pour son activité personnelle lorsque la cause est complexe, son enjeu important, que le travail effectué a entravé notablement l'activité professionnelle ou entraîné une perte de gain, et enfin, s'il est raisonnablement proportionnel au résultat obtenu (ATF 113 Ib 353 in JdT 1989 I 486; RJJ 1995 p. 261 consid. 3; ATF 125 II 518). Il faudra prendre en compte ainsi les circonstances et la situation personnelle de l'intéressé (Tappy, Commentaire romand, Code de procédure civile, 2ème éd., 2019, n. 34 ad art. 95 CPC). Ces démarches doivent dépasser celles que tout un chacun doit normalement accomplir pour s'occuper de ses affaires, dès lors qu'il s'agit uniquement de compenser équitablement les pertes particulières subies par le plaideur du fait qu'il a mené le procès seul, effectuant lui-même les démarches que d'autres confient à un représentant professionnel autorisé et dont ils peuvent obtenir l'indemnisation au titre de l'art. 95 al. 2 lit. b CPC exclusivement (arrêt du Tribunal fédéral 4A_233/2017 du 28 septembre 2017 consid. 4.5, note F. Bastons Bulletti in CPC Online (newsletter du 16 novembre 2017).

5.2 En l'espèce, l'intimée, qui comparaît en personne, allègue que, compte tenu de la longueur de la procédure, plusieurs stagiaires se sont succédés pour traiter du dossier, nécessitant une prise de connaissance approfondie à chaque occurrence. Elle a chiffré son manque à gagner relatif à la procédure d'appel à 7'000 fr. TTC produisant un relevé des prestations fournies par lesdits stagiaires duquel il ressort un total de 21,68 heures à 300 fr. de l'heure. Elle explique que le manque à gagner est conséquent, ce d'autant plus que le père de l'appelante fait également l'objet d'une procédure de recouvrement d'honoraires.

Une telle argumentation ne suffit pas à démontrer que le travail effectué par les stagiaires dans le cadre de l'appel, à savoir la rédaction d'un mémoire réponse et d'une duplique, a notablement entravé son activité professionnelle globale, ni qu'elle dépasse celle que tout un chacun doit normalement accomplir pour s'occuper de ses affaires, ni que le gain manqué découlant de cette activité risque sérieusement de porter préjudice à son bon fonctionnement, aucune pièce comptable n'ayant été produite. Par ailleurs, la cause n'est pas particulièrement complexe. De surcroit, et en tout état, compte tenu des quelques 27'000 fr. obtenus par l'intimée, une indemnité équitable à hauteur de 7'000 fr., soit plus de 25% de la dette, est un montant disproportionné. Enfin, l'intimée n'a pas contesté la décision du Tribunal de ne pas lui allouer de dépens pour la procédure de première instance en raison du fait qu'elle comparaît en personne.

Par conséquent, l'intimée n'ayant pas démontré que la situation justifie l'allocation d'une indemnité équitable en sa faveur à titre de dépens d'appel, elle sera déboutée de sa conclusion.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté par A______ le 14 février 2022 contre le jugement JTPI/241/2022 rendu le 7 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/16197/2020.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toute autre conclusion.

Sur les frais d'appel :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 1'800 fr., les met à la charge de A______ et les compense avec l'avance de frais qu'elle a fournie et qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, présidente; Madame Verena PEDRAZZINI RIZZI, Madame Nathalie LANDRY-BARTHE, juges; Madame Camille LESTEVEN, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF inférieure à 30'000 fr.