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Décisions | Chambre civile

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C/15537/2021

ACJC/1321/2022 du 23.09.2022 sur JTPI/6722/2022 ( SDF ) , CONFIRME

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15537/2021 ACJC/1321/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du VENDREDI 23 SEPTEMBRE 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 1ère Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 1er juin 2022, comparant par Me Liza SANT'ANA LIMA, avocate, SANT'ANA LIMA AVOCATS SA, rue de Lausanne 69, 1202 Genève, en l'Etude de laquelle il fait élection de domicile,

et

Madame B______, domiciliée ______[GE], intimée, comparant par Me Viviane SCHENKER, avocate, AAA Avocats SA, rue du Rhône 118, 1204 Genève, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. Par jugement JTPI/6722/2022 du 1er juin 2022, reçu par A______ le 8 juin 2022, le Tribunal de première instance, statuant sur mesures protectrices de l'union conjugale, a autorisé les époux B______ et A______ à vivre séparés (chiffre 1 du dispositif), attribué à l'épouse la jouissance exclusive du logement familial sis 1______[GE] (ch. 2) et ordonné à l'époux de quitter le logement familial dans les trente jours suivant la réception du jugement (ch. 3).

Il a attribué à la mère la garde sur l'enfant C______ dès que le père quitterait le logement familial (ch. 4) et réservé à celui-ci un droit de visite devant s'exercer, sauf accord contraire des parties, de la manière suivante tant qu'il ne bénéficierait pas d'un logement approprié pour recevoir l'enfant la nuit : les journées de mardi et jeudi de chaque semaine ainsi que les journées de samedi et dimanche un week-end sur deux tant que C______ serait à la crèche, et la journée de mercredi de chaque semaine ainsi que les journées de samedi et dimanche un week-end sur deux lorsque C______ serait scolarisée, mais également, en tout temps, la moitié des journées des vacances scolaires. Lorsque A______ disposerait d'un logement approprié pour recevoir l'enfant la nuit, son droit de visite devrait alors s'exercer, sauf accord contraire des parents, de la manière suivante : chaque semaine du mercredi en fin de journée au vendredi matin et, un week-end sur deux, du vendredi en fin de journée au lundi matin tant que C______ serait à la crèche, et du mardi en fin de journée au jeudi matin chaque semaine et ainsi que, un week-end sur deux, du vendredi en fin de journée au lundi matin lorsque C______ commencerait l'école. Le père profiterait en sus de la moitié des vacances scolaires (ch. 5).

Le Tribunal a instauré une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles, transmis une copie du jugement au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant pour désignation d'un curateur et invité ce dernier à envisager rapidement avec les parties la mise en place d'une garde alternée, sauf contre-indication qui résulterait d'un changement de circonstances (ch. 6), exhorté les époux à effectuer un travail sur la qualité du lien parents-enfant à la Clinique D______ et à poursuivre le suivi auprès de la Guidance infantile (ch. 7), constaté que A______ n'aurait pas la capacité de contribuer à l'entretien convenable de l'enfant C______ dès qu'il quitterait le logement familial, ceci sous réserve d'un changement de circonstances intervenant dans l'intervalle (ch. 8) et prononcé la séparation de biens des parties avec effet au 11 août 2021 (ch. 9).

Il a arrêté les frais judiciaires à 1'500 fr., compensés avec l'avance de frais d'un montant de 200 fr. versée par B______, répartis à raison de la moitié à charge de chacune des parties, condamné la précitée et A______ à verser, respectivement, 550 fr. et 750 fr. à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, ceci sous réserve du bénéfice de l'assistance judiciaire (ch. 10), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 11) et débouté les parties de toutes autres conclusions.

B. a.a Par acte expédié le 20 juin 2022 au greffe de la Cour de justice, A______ a formé appel contre ce jugement.

Principalement, il a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à l'annulation des chiffres 2, 3, 4 et 5 du dispositif du jugement entrepris et, cela fait, à ce que la jouissance exclusive du logement familial et la garde de l'enfant C______ lui soient attribuées, à ce qu'il soit ordonné à B______ de quitter le logement familial au plus tard le 31 décembre 2022, et à ce qu'un droit de visite similaire à celui qui lui a été réservé par le premier juge soit fixé en faveur de son épouse.

Subsidiairement, il a conclu à l'annulation du chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris et, cela fait, à ce qu'un délai au 31 décembre 2022 lui soit accordé pour quitter le logement familial.

Il a fait valoir des faits nouveaux et produit des pièces non soumises au Tribunal.

a.b A______ a requis que le caractère exécutoire du jugement entrepris soit suspendu s'agissant des questions touchant l'attribution du logement familial, ce à quoi s'est opposée B______, laquelle a produit des pièces non soumises au premier juge avec ses déterminations du 27 juin 2022.

Par arrêt ACJC/895/2022 du 29 juin 2022, la Cour a rejeté la requête formée par A______ et dit qu'il serait statué sur les frais dans l'arrêt au fond.

b. Par réponse du 4 juillet 2022, B______ a conclu, sous suite de frais judiciaires et dépens, à la confirmation du jugement entrepris.

Elle a produit des pièces non soumises au premier juge.

c. Le 26 juillet 2022, les parties ont été informées de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits pertinents suivants résultent du dossier :

a. B______, née ______[nom de jeune fille] le ______ 1978 à E______ (Serbie), de nationalité serbe, et A______, né le ______ 1978 à Genève, de nationalité suisse, ont contracté mariage le ______ 2017 à Genève.

b. Une enfant est issue de cette union : C______, née le ______ 2017.

c. Les époux ont connu d'importantes difficultés conjugales, lesquelles ont conduit au dépôt de plaintes pénales.

Par ordonnance pénale du 20 juin 2022, le Ministère public, faisant suite à une plainte déposée par l'épouse le 24 décembre 2021, a déclaré A______ coupable de menaces; les autres plaintes ont fait l'objet d'une ordonnance de non-entrée en matière prononcée le 20 juin 2022.

d. Malgré ces tensions conjugales, les époux vivent toujours sous le même toit. Ils occupent chacun une chambre du logement familial et C______ dort en alternance avec l'un ou l'autre des parents.

e. A______ a été attrait dans une procédure en évacuation par l'Hospice général en sa qualité de bailleur et s'est engagé, le 19 août 2020, devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, à libérer de sa personne et de toute personne faisant ménage avec lui l'appartement de 4 pièces situé 1______ d'ici au 31 mars 2021 au plus tard. Le procès-verbal de cette audience (C/2______/2020 et C/3______/2020) indique qu'il vaut jugement d'évacuation dès le 1er avril 2021.

Par courriel du 5 mai 2022, la régie a confirmé son intention de mettre à exécution la décision d'évacuation.

Le 25 mai 2022, F______, huissière, a adressé un avis judiciaire aux époux A/B______, les informant qu'elle avait été mandatée par l'Hospice général (lui-même représenté par le G______) pour procéder à l'exécution forcée de l'évacuation de l'appartement.

Après avoir échangé avec l'avocate de A______, elle a indiqué à celle-ci, par courriel du 11 juin 2022, que son intervention était suspendue en raison de "nouveaux éléments survenus dans ce dossier". Deux jours plus tard, elle a confirmé que la procédure en évacuation "à l'encontre de Monsieur A______" était suspendue.

En appel, B______ a allégué avoir été informée, le 10 juin 2022, de l'avis susmentionné. Elle aurait alors signalé à l'huissière compétente qu'il avait été statué sur la séparation des époux le 1er juin 2022 et qu'elle n'avait jamais été personnellement citée dans la procédure pour occupation illicite en cause. Des échanges auraient depuis eu lieu entre son conseil et F______ ainsi qu'avec le G______. A ces occasions, il lui aurait été assuré que tout serait mis en œuvre pour procéder à l'évacuation des époux.

f. Par acte expédié au greffe du Tribunal le 11 août 2021, B______, agissant en personne, a sollicité du Tribunal le prononcé de mesures protectrices de l'union conjugale, notamment qu'il lui attribue la jouissance du domicile familial et la garde de leur fille C______, et qu'il fixe un court délai à A______ pour quitter le logement et réserve à celui-ci un droit de visite sur l'enfant.

g. Lors de l'audience du Tribunal du 15 octobre 2021, A______ a conclu à l'attribution en sa faveur de la jouissance du logement familial et au prononcé d'une garde alternée sur l'enfant.

h. Le 24 décembre 2021, B______ a requis le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles.

Sur mesures provisionnelles, elle a persisté dans ses conclusions prises dans le cadre de sa requête en mesures protectrices et a pris de nouvelles conclusions, concluant notamment à ce que le Tribunal ordonne à A______ de quitter sans délai le domicile conjugal.

Par ordonnance du 24 décembre 2021, le Tribunal a rejeté les conclusions prises à titre superprovisionnel.

i. Le 14 avril 2022, le Service d'évaluation et d'accompagnement de la séparation parentale (ci-après : SEASP) a rendu un rapport d'évaluation sociale, dans lequel il a recommandé que la garde de l'enfant C______ soit attribuée à B______, qu'un travail sur la qualité du lien parents-enfant soit débuté au sein de la Clinique D______, qu'un droit de visite tenant compte des conditions d'accueil dont le père disposait (vu son déménagement) soit réservé à celui-ci et qu'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles soit mise en place.

Il a constaté que les époux évoluaient dans un climat relationnel délétère, empreint de griefs et de méfiance réciproques et disposaient d'une capacité limitée à protéger leur fille de leur conflit conjugal. En l'état, la situation demeurait fragile et désécurisante pour C______, l'enfant étant contrainte de s'adapter à une prise en charge inadaptée (devant notamment dormir alternativement dans la chambre de l'un, puis de l'autre de ses parents).

Concernant les compétences parentales, le SEASP a relevé que les propos tenus par l'une et l'autre des parties étaient contradictoires et pouvaient difficilement être "objectivés". L'épouse dénonçait une consommation excessive et régulière d'alcool par l'époux, ce que ce dernier contestait. Un bilan sanguin effectué en mars 2022 attestait qu'il ne présentait aucun signe d'alcoolisme et, à l'issue de l'évaluation, aucun élément ne permettait de retenir que le père avait pu maltraiter sa fille, étant relevé que la procédure pénale n'avait pas abouti. Le SPMi avait par ailleurs classé à deux reprises ses interventions et la pédiatre de l'enfant avait constaté que l'enfant était à l'aise avec ses deux parents. Le fonctionnement parental était toutefois très inquiétant, dans la mesure où chacun se montrait très envahi par le conflit conjugal et peu capable de prendre du recul vis-à-vis de la situation. Au vu de la défiance et des critiques réciproques des parents, l'instauration d'une garde alternée n'était pas une solution adéquate. En effet, ce projet risquerait, d'une part, de se construire sur un mode de rivalité et non de complémentarité et, d'autre part, le conflit de loyauté dans lequel C______ se trouvait pourrait perdurer et avoir des conséquences négatives sur son évolution. Si les professionnels interrogés avaient indiqué que les deux parents suivaient l'évolution de C______ à la crèche, l'accompagnaient chez le pédiatre et participaient au suivi de la Guidance infantile, la mère avait néanmoins, dans les faits, assuré une prise en charge prépondérante de l'enfant depuis sa naissance, le père ayant travaillé, durant certaines périodes, à plein temps. Il convenait par conséquent d'attribuer la garde à B______.

Concernant l'exercice des relations personnelles, il était indispensable que la mère permette à et encourage C______ à maintenir un lien régulier avec son père. Il était également primordial que les parents fassent la différence entre les difficultés liées à leur couple et leur rôle parental. Devant l'absence de confiance et de dialogue constructif entre les parents, l'instauration d'une curatelle d'organisation et de surveillance des relations personnelles apparaissait indispensable pour protéger C______.

j. La situation personnelle des parties est la suivante :

j.a Après avoir perçu des indemnités chômage, A______ est au bénéfice de l'aide sociale versée par l'Hospice général depuis le 1er avril 2022.

A______ est associé gérant de la société H______ SARL. Il a allégué avoir exercé une activité d'architecte en qualité d'indépendant par le passé à son domicile, en sus de son activité en tant que salarié. Il a produit des photographies du domicile conjugal, lesquelles montrent un espace salle à manger (que A______ a qualifié d'espace de réunion), un coin bureau avec un ordinateur et deux écrans (qu'il a qualifié d'espace de travail) et un coin salon avec un ordinateur (qu'il a qualifié d'espace de rencontre).

Lors de l'audience du 20 mai 2022, il a déclaré au Tribunal avoir été "architecte directeur des travaux" pendant une année, soit jusqu'à la fin du chantier dont il était chargé. Il aurait perdu son emploi en novembre 2020 dans le contexte de la crise sanitaire.

Il a également allégué qu'il n'avait plus non plus exercé son activité en tant qu'indépendant en raison des tensions familiales existant au sein du foyer.

A______ est administrateur président de la Société Coopérative d'habitation I______.

Il allègue être également membre fondateur de l'équipe qui aurait créé l'application mobile J______.

Il a produit un courriel transmis par K______, architecte au sein de L______ SA le 17 mars 2020 à plusieurs personnes, dont A______, dans lequel il félicite ces derniers d'avoir relevé le défi du télétravail.

j.b Depuis son arrivée à Genève en 2017, B______ n'exerce pas d'activité lucrative, hormis une courte expérience au sein de l'ambassade de Serbie, pour laquelle elle aurait effectué quelques heures de travail hebdomadaires durant six mois. Elle est également aidée par l'Hospice général.

Elle est titulaire d'un diplôme de professeure d'allemand obtenu en Serbie. Lors de l'audience du 20 mai 2022, elle a déclaré au Tribunal qu'elle avait entamé des démarches en Serbie pour compléter sa formation par une licence afin de pouvoir exercer à Genève. Elle suivait par ailleurs des cours de français en vue de réussir l'examen C2, étant précisé qu'elle avait récemment échoué "de peu". Elle espérait trouver un emploi en septembre.

Dans le cadre de la procédure d'appel, B______ a indiqué être toujours sans emploi.

D. Dans le jugement entrepris, le Tribunal a relevé, dans le cadre de son examen concernant l'attribution de la jouissance du logement familial, que les capacités parentales des parties étaient suffisantes pour leur confier la garde de leur fille, que A______ n'avait pas rendu vraisemblable qu'il utilisait le logement pour des besoins professionnels et qu'aucun des époux ne se trouvait dans une situation personnelle qui justifiait que l'appartement lui soit attribué. Toutefois, dans la mesure où A______ s'était engagé, devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers, à libérer le logement de sa personne, il se justifiait d'attribuer la jouissance du domicile familial à l'épouse, qui n'avait pas été assignée dans la procédure d'évacuation.

S'agissant de la question de la garde de l'enfant, le Tribunal a relevé qu'il n'avait pas été rendu vraisemblable que l'un des parents ne disposerait pas de compétences éducatives adéquates, n'entretiendrait pas une bonne relation avec sa fille et ne serait pas soucieux du bien-être de celle-ci. Au contraire, les parties avaient mis en place une garde alternée de facto depuis des mois au sein de leur logement. Les réserves émises par le SEASP concernaient les deux parents et justifiaient la mise en place du suivi préconisé, sans pour autant avoir une influence sur la question de la garde. Le seul élément qui avait amené le SEASP à exclure une garde partagée était l'absence de collaboration parentale, dont l'importance était moindre lorsqu'il s'agissait d'une enfant qui allait commencer sa scolarité et qui ne rencontrait pas de problèmes médicaux majeurs nécessitant une prise en charge suivie et quotidienne. Cette absence de collaboration n'avait d'ailleurs pas empêché la mise en place au quotidien d'une garde partagée mais il était vraisemblable que les parents ne parviendraient pas immédiatement et sans aide à communiquer sereinement les informations importantes relatives à leur fille. Surtout, A______ allait devoir trouver un nouveau logement, dont les conditions d'accueil étaient inconnues à ce stade, ce qui empêchait la mise en place d'une garde alternée. Une telle solution restait toutefois possible dans un avenir proche, aussitôt que le curateur considérerait les conditions favorables. Dans l'intervalle, les parties poursuivraient leur travail de coparentalité de manière à pouvoir exercer leurs droits parentaux dans les meilleures conditions.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable pour avoir été interjeté auprès de l'autorité compétente (art. 120 al. 1 let. a LOJ), selon la forme prescrite par la loi (art. 130, 131 et 311 CPC) et dans le délai utile de 10 jours (art. 271 et 314 al. 1 CPC), à l'encontre d'un jugement de mesures protectrices de l'union conjugale, considéré comme une décision sur mesures provisionnelles (art. 308 al. 1 let. b CPC; ATF 137 III 475 consid. 4.1) rendue dans une affaire non pécuniaire dans son ensemble puisque portant notamment sur la prise en charge d'une enfant mineur (cf. notamment arrêt du Tribunal fédéral 5A_192/2021 du 18 novembre 2021 consid. 1 et les références citées).

1.2 La Chambre de céans revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen
(art. 310 CPC). Les mesures protectrices de l'union conjugale étant ordonnées à la suite d'une procédure sommaire (art. 271 let. a CPC), sa cognition est toutefois limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 138 III 636 consid. 4.3.2; arrêts du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2016 consid. 5.2; 5A_937/2014 du 26 mai 2015 consid. 6.2.2).

1.3 La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée en tant qu'elle concerne l'enfant mineure des époux (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_841/2018, 5A_843/2018 du 12 février 2020 consid. 5.2).

Lorsque l'attribution du logement conjugal concerne également les enfants mineurs des parties, les maximes d'office et inquisitoire illimitée s'appliquent également à cette question (arrêt du Tribunal fédéral 5A_930/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.3.3. et 3.3.4).

2. En appel, les parties ont produit des pièces nouvelles et allégué de nouveaux faits.

2.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

2.2 En l'espèce, les pièces nouvelles sont susceptibles d'avoir une influence sur les questions relatives à l'enfant mineure, de sorte qu'elles sont recevables, de même que les faits qui s'y rapportent.

3. L'appelant reproche au Tribunal d'avoir attribué le logement familial à son épouse.

3.1.1 Selon l'art. 176 al. 1 ch. 2 CC, à la requête de l'un des conjoints et si la suspension de la vie commune est fondée, le juge prend les mesures en ce qui concerne le logement et le mobilier de ménage.

Le juge des mesures protectrices de l'union conjugale attribue provisoirement le logement conjugal à l'une des parties en faisant usage de son pouvoir d'appréciation. Il doit procéder à une pesée des intérêts en présence, de façon à prononcer la mesure la plus adéquate au vu des circonstances concrètes (arrêts du Tribunal fédéral 5A_951/2013 du 27 mars 2014 consid. 4.1 et 5A_291/2013 du 27 janvier 2014 consid. 5.3).

En premier lieu, le juge doit examiner à quel époux le domicile conjugal est le plus utile. Ce critère conduit à attribuer le logement à celui des époux qui en tirera objectivement le plus grand bénéfice, au vu de ses besoins concrets. A cet égard, entrent notamment en considération l'intérêt de l'enfant, confié au parent qui réclame l'attribution du logement, à pouvoir demeurer dans l'environnement qui lui est familier, l'intérêt professionnel d'un époux, qui, par exemple, exerce sa profession dans l'immeuble, ou encore l'intérêt d'un époux à pouvoir rester dans l'immeuble qui a été aménagé spécialement en fonction de son état de santé (arrêts du Tribunal fédéral 5A_386/2014 du 1er décembre 2014 consid. 3.1; 5A_557/2013 du 23 décembre 2013 consid. 4.1; 5A_930/2012 du 16 mai 2013 consid. 3.3.2).

Si ce premier critère de l'utilité ne donne pas de résultat clair, le juge doit, en second lieu, examiner à quel époux on peut le plus raisonnablement imposer de déménager, compte tenu de toutes les circonstances. A cet égard, entrent notamment en considération l'état de santé ou l'âge avancé de l'un des époux qui, bien que l'immeuble n'ait pas été aménagé en fonction de ses besoins, supportera plus difficilement un changement de domicile, ou encore le lien étroit qu'entretient l'un d'eux avec le domicile conjugal, par exemple un lien de nature affective. Des motifs d'ordre économique ne sont en principe pas pertinents, à moins que les ressources financières des époux ne leur permettent pas de conserver ce logement. Si ce second critère ne donne pas non plus de résultat clair, le juge doit alors tenir compte du statut juridique de l'immeuble et l'attribuer à celui des époux qui en est le propriétaire ou qui bénéficie d'autres droits d'usage sur celui-ci (ATF 120 II 1 consid. 2c; arrêts du Tribunal fédéral 5A_289/2016 du 15 février 2017 consid. 3.1; 5A_298/2014 du 24 juillet 2014 consid. 3.3.2; 5A_291/2013 du 27 janvier 2014 consid. 5.3.3; 5A_710/2009 du 22 février 2010 consid. 3.1 non publié aux ATF 136 III 257).

La décision du juge doit être assortie d'un bref délai, d'une à quatre semaines en principe, pour permettre à l'époux concerné de déménager (Chaix, Commentaire romand, Code civil I, 2010, n. 13 ad art. 176 CC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 5A_951/2013 précité consid. 6; 5A_320/2013 du 27 janvier 2014 consid. 7). Ce délai peut toutefois être d'une durée supérieure si les circonstances le justifient (arrêts du Tribunal fédéral 5A_823/2014 du 3 février 2015 consid. 4.5; 5A_825/2013 du 28 mars 2014 consid. 5; 5P.336/2004 du 10 mars 2005 consid. 2.3).

3.1.2 Le congé donné par le bailleur doit être communiqué séparément au locataire et à son conjoint (art. 266n CO), sous peine de nullité (art. 266o CO).

L'art. 266n CO est conçu pour protéger le conjoint ou partenaire (non titulaire du bail) en cas de résiliation par le bailleur et lui permettre de faire valoir, le cas échéant, les droits qui appartiennent à un locataire (ATF 139 III 7 consid. 2.3.2). On entend par logement de la famille l'appartement ou la maison qui sert de domicile aux époux, le foyer où se déroule la vie familiale commune (ATF 118 II 489 consid. 2).

La nullité (ou l'inefficacité) du congé peut être invoquée en tout temps, même à l'occasion de la procédure d'expulsion, sauf abus de droit manifeste (Lachat/Bohnet, Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 3 ad art. 266o CO).

Le conjoint conserve ses droits même si le locataire viole son obligation d'informer le bailleur des faits susceptibles de modifier le caractère familial, ou non, du logement (Lachat, Le bail à loyer, 2019, p. 836).

3.2 En l'espèce, contrairement à ce que fait valoir l'appelant, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que celui-ci n'avait pas rendu vraisemblable qu'il utilisait le logement de la famille pour des besoins professionnels.

En effet, les pièces produites ne permettent pas d'établir une quelconque activité professionnelle, que ce soit en qualité d'indépendant ou de salarié, exercée à son domicile. Aucun élément pertinent ne peut être déduit des photographies produites, celles-ci se limitant à montrer la présence de deux ordinateurs dans des pièces qui ne sont pas aménagées de façon spécifique pour l'exercice d'une activité professionnelle, aucune séparation n'ayant été mise en place pour délimiter un espace professionnel de l'espace privé. Certes, l'appelant a reçu un courriel de L______ SA en mars 2020, soit, vraisemblablement, son ancien employeur, duquel il ressort qu'il aurait travaillé à domicile au moment du confinement (crise sanitaire). Cela étant, il est sans emploi depuis près de deux ans, de sorte qu'il ne saurait en déduire un intérêt professionnel actuel à demeurer dans le domicile familial.

Quant aux pièces produites en lien avec sa prétendue activité indépendante (extrait du Registre du commerce de la société H______ SARL, courriel en lien avec la création de I______ ou capture d'écran de l'application J______), celles-ci ne permettent pas d'établir, même sous l'angle de la vraisemblance, une activité lucrative, en particulier, en l'absence de pièces comptables (déclaration fiscale, bilans comptables) qui rendraient vraisemblable que celle-ci, pour autant qu'elle soit réelle, lui aurait permis ou lui permettrait à nouveau de réaliser un revenu. Enfin, même à retenir que l'appelant pourrait exercer une activité professionnelle en qualité d'indépendant cheHz lui, rien n'indique qu'il ne pourrait pas aisément exercer ladite activité dans un autre logement.

Au vu de ce qui précède, l'appelant n'est pas fondé à se prévaloir d'un intérêt professionnel à demeurer dans le domicile familial.

Il n'est pas contesté par les parties que l'intérêt de l'enfant n'est pas déterminant in casu, puisque les époux disposent tous deux de capacités parentales suffisantes pour leur confier la garde de leur fille. Les deux époux sont par ailleurs en bonne santé et il n'apparaît pas que l'appartement présenterait un quelconque avantage pour l'un ou l'autre d'entre eux de ce point de vue, ce qu'ils n'allèguent d'ailleurs pas. Le critère de l'utilité ne donne donc pas de résultat clair.

En revanche, il est établi que l'appelant s'est engagé à quitter le domicile conjugal d'ici le 31 mars 2021 dans le cadre d'une procédure d'évacuation dirigée à son encontre, de sorte qu'il ne semble pas particulièrement attaché au logement. Quant à l'intimée, il n'est pas impossible qu'elle puisse demeurer dans le logement, dans la mesure où elle pourrait encore se prévaloir de la nullité du congé, qui ne lui a vraisemblablement pas été notifié, celle-ci n'ayant pas été attraite devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers. C'est donc à juste titre que le Tribunal a attribué à l'intimée la jouissance du domicile familial.

Contrairement à ce que soutient l'appelant, les échanges survenus depuis lors entre les parties et le représentant du bailleur n'y changent rien puisqu'il appartient au juge civil d'attribuer le logement familial, sous réserve des procédures en congé et évacuation initiées par le bailleur.

Le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera par conséquent confirmé.

Dans une argumentation subsidiaire, l'appelant sollicite qu'un délai supplémentaire au 31 décembre 2022 lui soit octroyé pour quitter le domicile familial.

Certes, la situation financière de l'appelant est précaire, celui-ci émargeant à l'aide sociale. Toutefois, l'appelant savait depuis août 2020 qu'il allait devoir déménager. Il a donc bénéficié de suffisamment de temps pour effectuer des recherches de logement. Il ne se justifie ainsi pas d'octroyer un délai supplémentaire à l'appelant pour quitter le domicile, étant souligné qu'il est urgent que l'enfant, qui vit toujours avec ses deux parents, puisse être protégée dans les meilleurs délais du conflit conjugal.

Le chiffre 3 du dispositif du jugement entrepris sera par conséquent confirmé également.

4. L'appelant fait encore grief au Tribunal de ne pas lui avoir attribué la garde de l'enfant alors qu'il est, selon lui, le parent qui doit demeurer dans le domicile familial.

Il affirme que les parents devront se partager la garde de leur fille C______, ne remettant ainsi pas en cause les compétences parentales de la mère, et soutenant que, dans la mesure où le domicile conjugal doit lui être attribué, il convient de lui octroyer la garde exclusive provisoire de l'enfant jusqu'à ce que l'intimée trouve un logement disposant de conditions d'accueil suffisantes. L'argumentation de l'appelant relative à sa conclusion en attribution de la garde sur sa fille C______ est ainsi liée à l'hypothèse où la jouissance du domicile familial lui aurait été attribuée par la Cour, ce qui n'est pas le cas au vu de ce qui précède.

Les seules critiques en lien avec la question des droits parentaux sont liées à la question du logement; l'appelant ne soulève aucun grief à l'encontre des chiffres 4 et 5 du dispositif du jugement entrepris.

Il ne critique pas non plus les modalités du droit de visite que lui a octroyé le premier juge.

Dans la mesure où ces questions ont été traitées en tenant compte des principes applicables en la matière et en particulier de l'intérêt de l'enfant, ce que l'appelant ne conteste au demeurant pas, le jugement entrepris sera confirmé sur ces points.

5. Les frais judiciaires d'appel, qui comprennent les frais découlant de l'arrêt sur effet suspensif, seront arrêtés à 1'000 fr. (art. 31 et 37 RTFMC) et mis à la charge des parties pour moitié chacune, compte tenu de l'issue et de la nature du litige (art. 106 al. 2 et 107 al. 1 let. c CPC).

Les parties plaidant au bénéfice de l'assistance juridique, leur part des frais judiciaires sera provisoirement supportée par l'Etat de Genève, qui pourra en réclamer le remboursement ultérieurement (art. 122 al. 1 let. b et 123 CPC; art. 19 du Règlement sur l'assistance juridique et l'indemnisation des conseils juridiques et défenseurs d'office en matière civile, administrative et pénale [RAJ - RS/GE E 2 05.04]).

Vu la nature familiale du litige, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 20 juin 2022 par A______ contre le jugement JTPI/6722/2022 rendu le 1er juin 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/15537/2021.

Au fond :

Confirme le jugement entrepris.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr. et les met à la charge des parties pour moitié chacune.

Dit que les frais judiciaires à la charge des parties sont provisoirement supportés par l'Etat de Genève.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, présidente; Madame Sylvie DROIN, Madame Jocelyne DEVILLE-CHAVANNE, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

La présidente :

Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF indéterminée.