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Décisions | Chambre civile

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C/5078/2021

ACJC/808/2022 du 14.06.2022 sur JTPI/2581/2022 ( SDF ) , MODIFIE

Descripteurs : PROTECTION DE L'UNION CONJUGALE;ACTION EN MODIFICATION;OBLIGATION D'ENTRETIEN;ENFANT
Normes : CC.276; CC.285
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/5078/2021 ACJC/808/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

du MARDI 14 JUIN 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], appelant d'un jugement rendu par la 17ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 28 février 2022, comparant en personne,

et

Madame B______, domiciliée ______[GE], intimée, comparant d'abord par Me Marie Séverine COURVOISIER, avocate, puis par Me Valérie MALAGOLI-PACHE, avocate, avenue Perdtemps 3, case postale, 1260 Nyon 1, en l'Étude de laquelle elle fait élection de domicile.

 

 


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1976, et B______, née le ______ 1975, tous deux ressortissants suisses, se sont mariés le ______ 2005 à C______.

De cette union sont issues trois enfants, soit :

- D______, née le ______ 2007,

- E______, née le ______ 2012, et

- F______, née le ______ 2014.

b. La séparation des époux a été organisée, d'entente entre les parties, par des mesures protectrices de l'union conjugale prononcées le 26 juin 2020 (JTPI/8383/2020), par lesquelles le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) a, notamment, instauré une garde alternée sur les trois enfants à raison d’une semaine pour chaque parent (ch. 2 du dispositif), dit que le domicile légal des enfants demeurerait chez leur mère (ch. 7), donné acte aux parties de leur accord tendant à permettre à B______ de continuer à percevoir l'intégralité des allocations familiales et d'études (ch. 9), donné acte aux parties de ce que B______ prendrait en charge les frais fixes des enfants, à savoir la prime d'assurance-maladie, les frais de loisirs et les frais de restaurant scolaire et d'accueil parascolaire (ch. 10), donné acte à A______ de son engagement à payer à B______, dès la séparation conjugale et au plus tard le 1er novembre 2020, par mois et d'avance, la somme de 1'400 fr. à titre de contribution (globale) pour l'entretien des trois enfants D______, E______ et F______ (ch. 11) et dit que les frais extraordinaires des enfants seraient répartis par moitié entre chaque partie, moyennant prise d'une décision préalable commune des parties sur l'engagement de ces frais (ch. 12).

Le jugement n'est pas motivé, de sorte que la situation financière des parties à cette époque n'est pas connue.

B. a. Par acte déposé le 18 mars 2021 au greffe du Tribunal, A______ a formé une requête en modification des mesures protectrices de l’union conjugale.

Il a conclu, s'agissant de la conclusion litigieuse en appel, à ce qu'il soit dit qu'il ne devait aucune contribution d'entretien en faveur des enfants.

Il a fondé sa requête sur le fait que la situation financière des parties se serait considérablement modifiée depuis le jugement du 26 juin 2020.

b. Par ordonnance du 8 avril 2021, un délai a été imparti à l'épouse pour se déterminer, auquel elle n'a pas donné suite.

c. Lors de l'audience tenue le 27 mai 2021 par le Tribunal, les parties ont annoncé qu'elles avaient entamé des discussions transactionnelles et ont demandé la convocation d'une nouvelle audience.

d. Lors de l'audience suivante du 2 septembre 2021, les parties ont annoncé qu'elles n'étaient pas parvenues à un accord.

Un délai pour répondre par écrit à la requête a été fixé à B______ à l'issue de l'audience.

e. Dans sa réponse du 28 octobre 2021, B______ a conclu au déboutement de A______ de l'intégralité de ses conclusions.

f. Lors de l'audience tenue le 4 novembre 2021, les parties se sont exprimées sur leur situation financière respective et ont persisté dans leurs conclusions s'agissant de l'entretien des enfants.

La cause a été gardée à juger à l'issue de celle-ci.

g. Par courrier du 22 décembre 2021, A______ a déposé des pièces complémentaires au Tribunal et a sollicité la production de pièces de la part de son épouse.

h. Par jugement JTPI/2581/2022 rendu le 28 février 2022, notifié aux parties le 2 mars suivant, le Tribunal, statuant sur nouvelles mesures protectrices de l'union conjugale, a annulé le chiffre 11 du dispositif du jugement JTPI/8383/2020 (ch. 1 du dispositif), condamné A______ à verser à B______, par mois et d'avance, allocations familiales non comprises, un montant de 50 fr. par enfant à titre de contribution à l'entretien de D______, E______ et F______ (ch. 2), arrêté les frais judiciaires à 200 fr., compensés avec l’avance de frais fournie par A______ et mis à la charge des parties par moitié chacune, B______ étant, par conséquent, condamnée à verser à A______ le montant de 100 fr. à titre de remboursement des frais (ch. 3), dit qu'il n'était pas alloué de dépens (ch. 4) et débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 5).

Après avoir déclaré irrecevables pour cause de tardiveté (art. 229 al. 3 CPC) les pièces complémentaires produites le 22 décembre 2021 et la demande de production de pièces du même jour, le Tribunal a retenu l'existence d'un fait nouveau important et durable permettant d'entrer en matière sur la requête de nouvelles mesures protectrices, dès lors que, si tant les revenus et charges de l'appelant que les charges des enfants étaient restés stables, les revenus de la mère avaient augmenté de manière significative.

A______ bénéficiait d'un solde disponible de 2'042 fr. 50
(8'328 fr. 35 de revenus pour 6'285 fr. 85 de charges) et B______ de 1'885 fr. 30 (7'861 fr. 60 de revenus pour 5'976 fr. 30 de charges). Compte tenu de la garde partagée pratiquée et des soldes disponibles des parents similaires, les montants de base selon les normes OP des enfants devaient être répartis par moitié entre les parents. Les charges fixes des enfants, hors minimum vital et allocations familiales, qui s'élevaient à 323 fr.10 pour D______, à 363 fr. 60 pour E______ et à 408 fr. 80 pour F______, étaient presque entièrement couvertes par les allocations familiales perçues par la mère. Dans la mesure où le père disposait d'un solde légèrement supérieur à celui de la mère, il se justifiait que ce dernier verse mensuellement à son épouse, pour chaque enfant, un montant arrondi à 50 fr., permettant de combler le déficit entre les allocations familiales et les frais fixes des enfants.

C. a. Par acte expédié le 10 mars 2022 à la Cour de justice (ci-après : la Cour), A______ a appelé de ce jugement.

Il a conclu, avec suite de frais de la procédure d'appel, à ce qu'il soit dit qu'il ne devait aucune contribution à l'entretien de D______, E______ et F______.

Il a produit des pièces nouvelles, à savoir les attestations de subsides d'assurance-maladie des enfants pour l'année 2022, ainsi que le résultat d'une simulation de sa charge fiscale au moyen de la calculette disponible sur le site de l'Administration fiscale de Genève.

b. Par courrier adressé le 12 avril 2022 à la Cour, B______ a - en personne - sollicité une prolongation du délai pour répondre à l'appel, requête qui, conformément à l'art. 144 al. 1 CPC, a été rejetée par réponse du 14 avril 2022.

c. B______ n'a pas fait usage de son droit de réponse.

d. Les époux ont été informés par la Cour de ce que la cause était gardée à juger par courriers du 26 avril 2022.

D. La situation financière des parties et de leurs enfants se présente de la manière suivante :

a. A______ travaille au sein G______ et perçoit un salaire mensuel net de 8'328 fr. 35.

Le Tribunal a arrêté ses charges mensuelles selon le minimum vital du droit de la famille à 6'285 fr. 85, comprenant le montant de base selon les normes OP
(1'350 fr.), le loyer (3'200 fr.), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA
(548 fr. 95), les frais médicaux non couverts (226 fr. 50), l'abonnement téléphonique (119 fr.), la prime d'assurance-ménage (17 fr. 45), les frais de caution (28 fr. 95), les impôts (estimés à 725 fr.) et les frais de transports publics (70 fr.).

A______ a déclaré devant le Tribunal que ses revenus et ses charges n'avaient pas évolué depuis le prononcé du jugement JTPI/8383/2020.

Il allègue en appel que sa charge fiscale a été mal évaluée par le premier juge et qu'elle se monte en réalité à au moins 1'500 fr. par mois.

b. B______ a travaillé en qualité d'infirmière conseil dans l'administration de H______ au taux de 80% pour un revenu mensuel net de
6'157 fr. (13ème salaire compris) de 2017 à septembre 2020. Depuis cette date et jusqu'à avril 2021, elle a travaillé en qualité d'infirmière qualifiée au sein du I______ pour un salaire net d'environ 6'900 fr. (13ème salaire compris) au taux de 80% jusqu’à janvier 2021, puis de 8'700 fr. (13ème salaire compris) au taux de 100%. Depuis mai 2021, elle est conseillère scientifique à 80% au sein de la Direction générale de la santé et perçoit un revenu mensuel net de 7'861 fr.

Ses charges selon le minimum du droit de la famille ont été arrêtées par le Tribunal à 5'976 fr. 30 (recte : 5'899 fr. 25) par mois, comprenant le montant de base selon les normes OP (1'350 fr.), le loyer (3'456 fr.), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (604 fr. 15), les frais médicaux non couverts (60 fr. 65), les frais de téléphone (100 fr.), la prime d'assurance-ménage (17 fr. 45), les impôts (estimés à 241 fr.) et les frais de transports publics (70 fr.).

B______ a déclaré au Tribunal que ses charges étaient restées stables depuis le prononcé du jugement JTPI/8383/2020.

c. Quant aux enfants, le premier juge a retenu à leur égard les charges selon le minimum vital du droit de la famille suivantes :

- pour D______, environ 625 fr., comprenant le montant de base (600 fr.), la prime d'assurance-maladie (168 fr. 85), les frais médicaux non remboursés (30 fr. 50), les frais dentaires (33 fr.), les frais d'activités extrascolaires (football; 27 fr. 50), l'abonnement téléphonique (29 fr. 90) et les frais de transports publics (33 fr. 35), sous déduction des allocations familiales (300 fr.),

- pour E______, environ 365 fr. (recte : 465 fr.), soit le montant de base (400 fr.), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (168 fr. 85), les frais médicaux non remboursés (5 fr. 40), les frais dentaires (19 fr.), les frais d'activités extrascolaires (poney; 25 fr.), les frais de parascolaires (112 fr.) et les frais de transports publics (33 fr. 35), sous déduction des allocations familiales (300 fr.), et

- pour F______, environ 410 fr., comprenant le montant de base (400 fr.), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (168 fr. 85), les frais médicaux non remboursés (3 fr. 10), les frais dentaires (19 fr.), les frais d'activités extrascolaires (poney et gym; 72 fr. 50), les frais de parascolaires (112 fr.) et les frais de transports publics (33 fr. 35), sous déduction des allocations familiales (400 fr.).

Il ne ressort ni des pièces produites ni des déclarations des parties que les charges des enfants se seraient particulièrement modifiées depuis le prononcé du jugement JTPI/8383/2020.

A______ allègue en appel qu'il convient de retrancher des primes d'assurance-maladie des enfants le subside de 100 fr. auquel elles ont droit depuis janvier 2022 tel que cela ressort des attestations y relatives pour l'année 2022.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les jugements de mesures protectrices de l'union conjugale, qui doivent être considérés comme des décisions provisionnelles au sens de l'art. 308 al. 1 let. b CPC, dans les causes dont la valeur litigieuse au dernier état des conclusions devant l'autorité inférieure est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Dès lors qu'en l'espèce, le litige porte sur le montant des contributions à l'entretien des enfants des parties, il est de nature pécuniaire (ATF 133 III 393 consid. 2).

En vertu de l'art. 92 al. 2 CPC, la capitalisation du montant des contributions d'entretien restées litigieuses au vu des dernières conclusions des parties devant le premier juge excède 10'000 fr.

Les jugements de mesures protectrices étant régis par la procédure sommaire selon l'art. 271 CPC, le délai d'introduction de l'appel est de 10 jours à compter de la notification de la décision motivée ou de la notification postérieure de la motivation (art. 239, 311 al. 1 et 314 al. 1 CPC).

L'appel ayant été formé en temps utile et selon la forme prescrite par la loi et devant l'autorité compétente (art. 130 al. 1 et 314 al. 1 CPC), il est recevable.

1.2 La Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC).

La présente cause est soumise aux maximes d'office et inquisitoire illimitée dès lors qu'elle concerne les enfants mineures des parties (art. 296 al. 1 et al. 3 CPC), de sorte que la Cour n'est liée ni par les conclusions des parties sur ce point (art. 296 al. 3 CPC) ni par l'interdiction de la reformatio in pejus (ATF 129 III 417 consid. 2.1.1; arrêt du Tribunal fédéral 5A_843/2018 du 12 février 2020
consid. 5.2).

1.3 Les mesures protectrices de l'union conjugale étant soumises à la procédure sommaire (art. 271 let. a et d CPC; arrêts du Tribunal fédéral 5A_918/2014 du 17 juin 2015 consid. 4.2.1; 5A_635/2013 du 28 juillet 2014 consid. 3.2.1), sa cognition est limitée à la simple vraisemblance des faits et à un examen sommaire du droit, l'exigence de célérité étant privilégiée par rapport à celle de sécurité (ATF 127 III 474 consid. 2b/bb; arrêt du Tribunal fédéral 5A_392/2014 du 20 août 2014 consid. 1.5).

Le tribunal établit les faits d'office (art. 272 CPC).

1.4 L'appelant a produit des pièces nouvelles en appel.

1.4.1 Selon l'art. 317 al. 1 CPC, les faits et les moyens de preuve nouveaux ne sont pris en considération en appel que s'ils sont invoqués ou produits sans retard (let. a) et s'ils ne pouvaient pas être invoqués ou produits devant la première instance bien que la partie qui s'en prévaut ait fait preuve de diligence (let. b).

Lorsque la procédure est soumise à la maxime inquisitoire illimitée, les parties peuvent présenter des nova en appel même si les conditions de l'art. 317 al. 1 CPC ne sont pas réunies (ATF 144 III 349 consid. 4.2.1).

1.4.2 Les pièces nouvelles produites, qui concernent la situation financière des parties et de leurs enfants, sont donc recevables.

2. 2.1 Les mesures protectrices de l'union conjugale ne peuvent être modifiées qu'aux conditions de l'art. 179 CC. Aux termes de l'art. 179 al. 1 1ère phrase CC, le juge prononce les modifications commandées par les faits nouveaux et rapporte les mesures prises lorsque les causes qui les ont déterminées n'existent plus. La modification des mesures ne peut être obtenue que si, depuis leur prononcé, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable, notamment en matière de revenus, à savoir si un changement significatif et non temporaire est survenu postérieurement à la date à laquelle la décision a été rendue, si les faits qui ont fondé le choix des mesures dont la modification est sollicitée se sont révélés faux ou ne se sont par la suite pas réalisés comme prévus, ou encore si la décision prise s'est avérée plus tard injustifiée parce que le juge appelé à statuer n'a pas eu connaissance de faits importants. La survenance d'une modification essentielle et durable dans la situation familiale s'apprécie à la date du dépôt de la demande de modification (arrêt du Tribunal fédéral 5A_22/2014 du 13 mai 2014 consid. 3.1).

2.2 Il n'est, in casu, pas contesté que l'évolution professionnelle de l'intimée constitue une modification essentielle, notable et durable de sa situation financière, laquelle justifie un nouvel examen de la répartition entre les parties de leurs obligations financières à l'égard de leurs enfants.

3. L'appelant remet en cause le principe du versement d'une contribution en faveur de ses filles. Il soutient que sa situation financière et celle de ces dernières ont été mal évaluées.

Il reproche également au premier juge d'avoir renoncé - sans aucune motivation - à accorder l'effet rétroactif de la modification au 1er avril 2021, mois suivant le dépôt de sa requête.

3.1 A teneur de l'art. 276 al. 1 CC, applicable par renvoi de l'art. 176 al. 1
ch. 3 CC, l'entretien de l'enfant est assuré par les soins, l'éducation et des prestations pécuniaires. Ces trois éléments étant considérés comme équivalents (ATF 147 III 265 consid. 5.5; arrêt du Tribunal fédéral 5A_450/2020 du 4 janvier 2021 consid. 5.3).

En vertu de l'art. 276 al. 2 CC, les parents contribuent ensemble, chacun selon ses facultés, à l'entretien convenable de l'enfant et assument en particulier les frais de sa prise en charge, de son éducation, de sa formation et des mesures prises pour le protéger.

La contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'enfant (art. 285 al. 1 CC).

Les allocations familiales font toujours partie des revenus de l'enfant et viennent en sus de la contribution d'entretien lorsqu'elles sont versées à la personne tenue de pourvoir à l'entretien de l'enfant (art. 285a al. 1 CC).

3.2 Dans trois arrêts publiés (ATF 147 III 265 in SJ 2021 I 316; ATF 147 III 293 et ATF 147 III 301), le Tribunal fédéral a posé, pour toute la Suisse, une méthode de calcul uniforme des contributions d'entretien du droit de la famille - soit la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent (dite en deux étapes).

Selon cette méthode, on examine les ressources et besoins des personnes intéressées, puis les ressources sont réparties entre les membres de la famille concernés de manière à couvrir, dans un certain ordre, le minimum vital du droit des poursuites ou, si les ressources sont suffisantes, le minimum vital élargi du droit de la famille, puis l'excédent éventuel (ATF 147 III 265 consid. 7).

Le juge jouit d'un large pouvoir d'appréciation et applique les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC; ATF 140 III 337 consid. 4.2.2; 134 III 577 consid. 4; 128 III 411 consid. 3.2.2).

Les besoins sont calculés en prenant pour point de départ les lignes directrices pour le calcul du minimum vital du droit des poursuites selon l'art. 93 LP, en y dérogeant s'agissant du loyer (participation de l'enfant au logement du parent gardien). Pour les enfants, les frais médicaux spécifiques et les frais scolaires doivent être ajoutés aux besoins de base. Lorsque les moyens financiers le permettent, l'entretien convenable doit être étendu au minimum vital du droit de la famille. Pour les parents, les postes suivants entrent généralement dans l'entretien convenable (minimum vital du droit de la famille) : les impôts, les forfaits de télécommunication, les assurances, les frais de formation continue indispensable, les frais de logement correspondant à la situation (plutôt que fondés sur le minimum d'existence), les frais d'exercice du droit de visite, un montant adapté pour l'amortissement des dettes, et, en cas de circonstances favorables, les primes d'assurance-maladie complémentaires, ainsi que les dépenses de prévoyance privée des travailleurs indépendants. Chez l'enfant, le minimum vital du droit de la famille comprend une part des impôts, une part au logement du parent gardien et les primes d'assurance complémentaire. En revanche, le fait de multiplier le montant de base ou de prendre en compte des postes supplémentaires comme les voyages ou les loisirs n'est pas admissible. Ces besoins doivent être financés au moyen de la répartition de l'excédent. Toutes les autres particularités devront également être appréciées au moment de la répartition de l'excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2).

Lorsqu'il reste des ressources après la couverture du minimum vital du droit de la famille, l'entretien convenable de l'enfant peut inclure une participation à cet excédent (ATF 147 III 265 consid. 7.2). L'excédent doit en principe être réparti entre les parents et les enfants mineurs par "grandes têtes" et "petites têtes", la part d'un enfant correspondant à la moitié de celle d'un parent (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

L'enfant ne peut pas prétendre, dans le cadre de la répartition de cet excédent, à un train de vie supérieur à celui dont il bénéficiait avant la séparation. Dans des situations particulièrement favorables, la part de l'excédent de l'enfant doit ainsi être arrêtée en fonction de ses besoins concrets et en faisant abstraction du train de vie mené par les parents; ceci se justifie également d'un point de vue éducatif. La décision fixant l'entretien doit exposer pour quels motifs la règle de répartition par grandes et petites têtes a été appliquée ou non (ATF 147 III 265 consid. 7.3).

En cas de garde alternée, la répartition entre les parents de la charge financière de l'enfant intervient en proportion de leurs capacités contributives respectives (ATF 147 III 265 consid. 5.5).

3.3 Seules les charges effectives, dont le débirentier ou le crédirentier s'acquitte réellement, doivent être prises en compte (ATF 140 III 337 consid. 4.2.3,
121 III 20 consid. 3a; arrêts du Tribunal fédéral 5A_65/2013 du 4 septembre 2013 consid. 3.2.1 et 5A_860/2011 du 11 juin 2012 consid. 2.1.).

Le Tribunal fédéral admet une part au loyer de 20% pour un enfant et 15% par enfant pour deux enfants (arrêt du Tribunal fédéral 5A_952/2019 du 2 décembre 2020 consid. 5.3.3.3). La part au logement peut être fixée à 40% du loyer dès trois enfants (Entretien de l'enfant, des précisions bienvenues : une méthode (presque) complète et obligatoire pour toute la Suisse; analyse de l'arrêt du Tribunal fédéral 5A_311/2019, in Newsletter DroitMatrimonial.ch janvier 2021, p. 14 s., faisant référence à Bastons Bulletti, L'entretien après divorce: méthodes de calcul, montant, durée et limites, in SJ 2007 II, p. 84 ss, en particulier p. 102).

Lors de la détermination des besoins – élargis – de l'enfant, il s'agit de prendre en compte le revenu et la fortune de l'enfant (hors produit de l'activité lucrative) imposable à l'un des parents (art. 3 al. 3 LHID et 285 al. 2 CC) par rapport au revenu total imposable de ce parent et la part de l'obligation fiscale totale de ce dernier qui en découle. Si, par exemple, le revenu attribuable à l'enfant représente 20% du revenu du foyer fiscal, la même proportion de la dette fiscale totale du parent contribuable doit être incluse dans les besoins de l'enfant et, par conséquent, seule la différence doit être incluse dans les besoins dudit parent (ATF 147 III 457 consid. 4.2.3.5).

Le montant de la charge fiscale est une question de fait (arrêt du Tribunal fédéral 5A_57/2017 du 9 juin 2017 consid. 4.3.2).

Les allocations familiales doivent par ailleurs être retranchées du coût de l'enfant (arrêt du Tribunal fédéral 5A_743/2017 du 22 mai 2019 consid. 5.2.3).

3.4 En principe, la modification de la contribution d'entretien prend effet à la date du dépôt de la demande (ATF 117 II 368 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_230/2019 précité consid. 6.1). Lorsque le motif pour lequel la modification est demandée se trouve déjà réalisé lors du dépôt de la demande, il ne se justifie normalement pas, du point de vue de l'équité, de faire remonter l'effet de la modification à une date postérieure. Le crédirentier doit tenir compte du risque de réduction ou de suppression de la rente dès l'ouverture d'action. Le Tribunal fédéral a cependant admis qu'il était possible de retenir une date ultérieure, par exemple le jour du jugement, notamment lorsque la restitution des contributions versées et utilisées pendant la durée du procès ne peut équitablement être exigée (ATF 117 II 368 consid. 4c; arrêt du Tribunal fédéral 5A_964/2018 du 26 juin 2019 consid. 4.1 et les réf. cit.). Cette dernière situation suppose que le crédirentier, sur la base d'indices objectivement sérieux, ait pu compter pendant la durée de la procédure avec le maintien du jugement d'origine; il s'agit ainsi d'un régime d'exception (arrêts du Tribunal fédéral 5A_964/2018 du 26 juin 2019 consid.  4.1 et 5A_461/2011 du 14 octobre 2011 consid. 5.1).

3.5 En l'espèce, il n'est pas contesté que la situation financière des parties peut être arrêtée en tenant compte de leurs minimas vitaux du droit de la famille au vu de leurs revenus.

Concernant le dies a quo, il n'existe pas de motif de déroger au principe selon lequel la modification prend effet au jour du dépôt de la demande, soit en l'espèce au 1er avril 2021 par souci de simplification et conformément à la conclusion de l'appelant, dès lors que l'intimée a eu connaissance du fait que la demande était, notamment, fondée sur l'amélioration de sa situation financière et qu'elle a été en mesure d'anticiper une éventuelle réduction de la contribution d'entretien litigieuse.

3.5.1 L'appelant perçoit un salaire mensuel net de 8'328 fr. 35.

Ses charges mensuelles selon le minimum vital du droit de la famille s'élèvent au montant arrondi de 5'431 fr., comprenant le montant de base selon les normes OP (1'350 fr.), sa part du loyer (60% de 3'200 fr., soit 1'920 fr.), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (548 fr. 95), les frais médicaux non couverts (226 fr. 50), l'abonnement téléphonique (119 fr.), la prime d'assurance-ménage (17 fr. 45), les frais de caution (28 fr. 95), les impôts (estimés à 1'150 fr. au moyen de la calculette disponible sur le site de l'Administration fiscale genevoise) et les frais de transports publics (70 fr.).

Il dispose, ainsi, d'un solde d'environ 2'897 fr. par mois.

3.5.2 L'intimée a perçu un salaire mensuel net de 8'700 fr. en mars et avril 2021 (pour un taux d'activité temporaire à 100%). Depuis mai 2021, son revenu mensuel net se monte à 7'861 fr. pour un taux d'activité à 80%.

Ses charges selon le minimum vital du droit de la famille s'élèvent au montant arrondi de 4'977 fr. par mois, comprenant le montant de base (1'350 fr.), sa part du loyer (60% de 3'456 fr., soit 2'074 fr.), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (604 fr. 15), les frais médicaux non couverts (60 fr. 65), les frais de téléphone (100 fr.), la prime d'assurance-ménage (17 fr. 45), les impôts (estimés à 700 fr. au moyen de la calculette disponible sur le site de l'Administration fiscale genevoise) et les frais de transports publics (70 fr.).

Elle bénéficie dès lors d'un solde disponible d'environ 3'723 fr. par mois en mars et avril 2021, puis de 2'884 fr.

3.5.3 S'agissant des enfants, leurs charges mensuelles selon le minimum vital du droit de la famille sont les suivantes :

- pour D______, 1'440 fr., comprenant le montant de base (600 fr.), les parts des loyers (427 fr. chez le père et 460 fr. chez la mère), la prime d'assurance-maladie
(68 fr. 85, subside de 100 fr. déduit), les frais médicaux non remboursés
(30 fr. 50), les frais dentaires (33 fr.), les frais d'activités extrascolaires non contestés (football; 27 fr. 50), un abonnement téléphonique (29 fr. 90), les frais de transports publics (33 fr. 35) et les impôts (estimés à 30 fr. en tenant compte des allocations familiales et du subside dont les enfants sont les bénéficiaires), sous déduction des allocations familiales (300 fr.),

- pour E______, 1'281 fr., respectivement 1'481 fr. dès le 1er juin 2022, soit le montant de base (400 fr., puis de 600 fr. dès le 1er juin 2022), les parts des loyers (427 fr. chez le père et 460 fr. chez la mère), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (68 fr. 85, subside déduit), les frais médicaux non remboursés (5 fr. 40), les frais dentaires (19 fr.), les frais d'activités extrascolaires non contestés (poney; 25 fr.), les frais de parascolaires (112 fr.), les frais de transports publics (33 fr. 35) et les impôts (30 fr.), sous déduction des allocations familiales (300 fr.), et

- pour F______, 1'226 fr., comprenant le montant de base (400 fr.), les parts des loyers (427 fr. chez le père et 460 fr. chez la mère), la prime d'assurance-maladie LAMal et LCA (68 fr. 85, subside déduit), les frais médicaux non remboursés (3 fr. 10), les frais dentaires (19 fr.), les frais d'activités extrascolaires non contestés (poney et gym; 72 fr. 50), les frais de parascolaire (112 fr.), les frais de transports publics (33 fr. 35) et les impôts (30 fr.), sous déduction des allocations familiales
(400 fr.).

3.5.4 Au vu de ce qui précède, en particulier de la garde partagée pratiquée et des soldes similaires des parents, il se justifie de mettre à la charge des parents leur part de loyer respective et la moitié du montant de base des enfants. Cela fait, les charges fixes des enfants, hors loyers, montant de base et allocations familiales, se montent à 253 fr. pour D______ (1'440 fr. – (600 + 427 fr. + 460 fr.) + 300 fr.), à 294 fr. pour E______ (1'281 fr. ou 1'481 fr. – (600 + 427 fr. + 460 fr.) + 300 fr.) et à 339 fr. pour F______ (1'226 fr. – (400 + 427 fr. + 460 fr.) + 400 fr.).

Dès lors que ces frais fixes – dont s'acquitte la mère, chez qui les enfants sont domiciliés – sont couverts par les allocations familiales perçues par l'intimée, il n'y a pas lieu de condamner l'appelant à verser une contribution à l'entretien de ses filles.

Partant, le chiffre 2 du dispositif du jugement entrepris sera annulé et il sera dit que l'appelant n'a pas à verser de contribution à l'entretien de D______, E______ et F______ depuis le 1er avril 2021.

4. Les frais judiciaires sont mis à la charge de la partie succombante (art. 95 et 106 1ère phrase CPC). Le tribunal peut s'écarter des règles générales et répartir les frais selon sa libre appréciation, notamment lorsque le litige relève du droit de la famille (art. 107 al. 1 let. c CPC).

4.1 Si l'instance d'appel statue à nouveau, elle se prononce sur les frais de la première instance (art. 318 al. 3 CPC).

Dès lors que ni la quotité ni la répartition des frais et des dépens de première instance n'ont été remises en cause en appel et que ceux-ci ont été arrêtés par le Tribunal conformément aux règles légales (art. 95, 96, 104 al. 1, 107 al. 1
let. c CPC; art. 5 et 31 RTFMC), le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

4.2 Les frais judiciaires de la procédure d'appel sont fixés à 800 fr. (art. 31 et 35 RTFMC). Ils sont couverts par l'avance de frais opérée par l’appelant, laquelle demeure intégralement acquise à l'Etat de Genève (art. 111 al. 1 CPC).

Vu la nature du litige, ils seront répartis à parts égales entre les parties (art. 95, 104 al. 1, 105, 106 al. 1 et 107 al. 1 let. c CPC).

L'intimée sera, par conséquent, condamnée à verser 400 fr. à l'appelant à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Pour les mêmes motifs, chaque partie supportera ses propres dépens d'appel (art. 107 al. 1 let. c CPC).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable l'appel interjeté le 10 mars 2022 par A______ contre le jugement JTPI/2581/2022 rendu le 28 février 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/5078/2021-17.

Au fond :

Annule le chiffre 2 du dispositif dudit jugement et, statuant à nouveau sur ce point :

Dit que A______ n'a pas à verser de contribution à l'entretien de D______, E______ et F______ depuis le 1er avril 2021.

Confirme le jugement entrepris pour le surplus.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires d'appel à 800 fr., les met à la charge des parties par moitié chacune et les compense avec l'avance fournie par A______, laquelle demeure entièrement acquise à l'Etat de Genève.

Condamne B______ à verser 400 fr. à A______ à titre de remboursement des frais judiciaires d'appel.

Dit que chaque partie supporte ses propres dépens d'appel.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Sylvie DROIN, Madame Nathalie RAPP, juges; Madame Jessica ATHMOUNI, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile, les moyens étant limités selon l'art. 98 LTF.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 30'000 fr.