Skip to main content

Décisions | Chambre civile

1 resultats
C/7358/2021

ACJC/750/2022 du 10.05.2022 sur DTPI/798/2022 ( OO ) , JUGE

Normes : CPC.98; CPC.91
En fait
En droit
Par ces motifs

republique et

canton de geneve

POUVOIR JUDICIAIRE

C/7358/2021 ACJC/750/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MARDI 10 MAI 2022

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______[GE], recourant contre la décision DTPI/798/2022 rendue par la 8ème Chambre du Tribunal de première instance de ce canton le 25 janvier 2022, comparant par Me Michael ANDERS, avocat, rue du Conseil-Général 18, 1205 Genève, en l'Étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A.           a. Le 20 septembre 2021, A______ a formé devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une action en nullité de dispositions pour cause de mort, concluant principalement à ce qu'il soit constaté que le testament rédigé par Me B______, notaire à C______[VD], avait été fait et signé alors que le de cujus était incapable de discernement, à ce que la nullité de celui-ci soit prononcée et à ce qu'il soit constaté qu'il est héritier de D______.

Il a exposé, en substance, être le cousin de D______, décédé à Genève le
______ 2020. Par testament du ______ 2012 instrumenté par B______, notaire à C______[VD], D______ avait déclaré, sous réserve de certains legs de peu d'importance en faveur de E______, de F______, de la G______, de la H______ et DU CENTRE I______, instituer héritière de tous ses biens sa cousine J______, ou en cas de prédécès de celle-ci, son cousin E______. Or, selon A______, D______ ne pouvait avoir été à l'origine de ce testament et n'avait plus la capacité de discernement au moment de sa rédaction.

A______ n'a pas indiqué la valeur litigieuse de sa demande. Il a toutefois allégué que D______ était propriétaire, de son vivant, d'une villa située à L______ (Genève), sise sur une parcelle d'environ 6'000 m2.

b. Par décision du 25 juin 2020, la Justice de paix a désigné K______, avocat, aux fonctions d'administrateur d'office de la succession, B______, notaire, ainsi que ses associés ayant renoncé à accepter le mandat d'exécuteur testamentaire.

c. Le 23 septembre 2021, le Tribunal a requis de A______ le versement d'une avance de frais en 1'200 fr., dont il s'est acquitté.

d. Par courrier du 30 novembre 2021, le conseil de J______ et de E______ a informé le Tribunal de ce que le patrimoine successoral de D______ s'élevait à 4'000'000 fr., ce qui ressortait d'une décision rendue par la Justice de paix du 6 octobre 2021, dont la copie figurait en annexe.

Selon ladite décision, l'administrateur d'office de la succession avait sollicité de la Justice de paix l'autorisation de mettre en vente le bien immobilier inoccupé sis à M______ (L______) [GE], afin de payer les droits de succession s'élevant à environ
2'200'000 fr. et éviter ainsi les intérêts de retard de 3% par année, le patrimoine successoral valant environ 4'000'000 fr. et comprenant des liquidités de l'ordre
de 1'185'000 fr. La justice de paix a accordé l'autorisation sollicitée, en retenant notamment que le montant des droits à payer s'élevait à environ 54% de la valeur de la succession.

B. Par décision DTPI/798/2022 du 25 janvier 2022, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 24 février 2022 pour fournir une avance de frais complémentaire en 60'000 fr., l'informant qu'il pouvait solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire aux conditions prévues par la loi.

Le Tribunal a retenu « la valeur litigieuse estimée par la Justice de paix à hauteur de 4'000'000 fr. » et s'est fondé sur les art. 2 et 17 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC).

C.                     a. Le 7 février 2022, A______ a formé recours contre la décision d'avance de frais complémentaire du 25 janvier 2022, reçue le 28 janvier 2022, concluant à son annulation et à ce que l'avance de frais complémentaire soit fixée à 18'800 fr.

Il a allégué que la valeur litigieuse correspondait à la valeur nette de la part qu'il recevrait en cas de partage ex lege de la succession. A______ a produit l'inventaire des biens au jour du décès de D______, dont ressortent des actifs à hauteur de 4'016'833 fr. 76 et des passifs pour 215'627 fr. 25. Dès lors, les actifs successoraux nets s'élèvent à 3'801'206 fr. 51.

Selon A______, après paiement des droits de succession, la valeur nette de celle-ci ne serait plus que de 1'748'554 fr. 99. En cas de partage ex lege de la succession, la part qui lui reviendrait correspondrait à la moitié, sur laquelle des droits de 54% seraient également perçus vu son lien de parenté avec le défunt, lequel, hormis la lignée, était le même que celui de J______ et de E______. Dès lors, une avance de frais de 60'000 fr. ne se justifiait pas, l'instruction de la cause ne s'annonçant ni ample, ni complexe, ni particulièrement coûteuse, vu notamment l'absence d'expertise médicale du testateur décédé. Rien ne justifiait non plus d'ajouter 20% en raison de la pluralité des défendeurs, les intérêts pécuniaires des légataires étant très faibles par rapport à ceux de l'héritière et leurs moyens de défense étant les mêmes. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'avance de frais complémentaire devait être raisonnablement fixée à 20'000 fr., dont il convenait de déduire le montant de 1'200 fr. déjà versé.

Préalablement, le recourant a conclu à la restitution de l'effet suspensif, qui lui a été accordé par décision du 9 février 2022.

b. Dans ses observations du 3 mars 2022, le Tribunal s'en est rapporté à l'appréciation de la Cour s'agissant de la recevabilité du recours. Sur le fond, il a rappelé que selon la décision rendue par la Justice de paix le 6 octobre 2021, le patrimoine successoral de feu D______ avait une valeur de l'ordre de 4'000'000 fr. L'avance de frais complémentaire requise de A______ se fondait également sur le large pouvoir d'appréciation du Tribunal relativement à l'ampleur de la tâche future dans la conduite de la procédure. L'ordonnance attaquée apparaissait par conséquent fondée et la requête (recte : le recours) devait être rejetée.

c. Le recourant a été informé par avis du greffe de la Cour du 4 avril 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 Selon l'art. 103 CPC, les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours.

Selon la jurisprudence de la Cour, ces décisions ayant nature d'ordonnance d'instruction, le délai de recours est de 10 jours en application de l'art. 321 al. 2 CPC (cf. ACJC/1125/2020 du 12 août 2020 ou ACJC/1568/2020 du 16 octobre 2020; cf. aussi Tappy in Commentaire romand Code de procédure civile, 2ème éd. 2019, n. 4 et 11 ad art. 103 CPC; Suter/Von Holzen, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/ Hasenböhler/ Leuenberger [éd.], éd. 2016, n. 14 ad art. 99 CPC et n. 8
ad art. 103 CPC).

1.2 En l'espèce, le recours est recevable pour avoir été formé dans les délai et forme prescrits (art. 321 al. 1 CPC).

2. Le recours est recevable pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art. 320 CPC).

L'autorité de recours a un plein pouvoir d'examen en droit, mais un pouvoir limité à l'arbitraire en fait, n'examinant par ailleurs que les griefs formulés et motivés par le recourant (Hohl, Procédure civile, Tome II, 2ème éd., Berne 2010, n. 2307).

3. 3.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

L'avance a un double but : éviter que le demandeur puisse s'avérer insolvable ou doive être poursuivi si c'est finalement lui qui doit supporter les frais judiciaires en tout ou en partie, dans le cadre de leur répartition finale, d'une part, et assurer que l'Etat n'aura pas de peine à recouvrer les montants mis à la charge du défendeur dans cette même répartition finale, l'avance en question servant au fond dans ce cas de garantie de paiement, d'autre part (Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 3 ad. art. 98 CPC).

3.1.2 La valeur du litige est déterminée par les conclusions (art. 91 al. 1 CPC). Lorsque l'action ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent déterminée, le tribunal détermine la valeur litigieuse si les parties n'arrivent pas à s'entendre sur ce point ou si la valeur qu'elles avancent est manifestement erronée (art. 91
al. 2 CPC).

Selon une jurisprudence, une action en partage successoral aura une valeur litigieuse s'étendant à l'entier de la masse à partager si le principe du partage est litigieux (en ce sens qu'il s'agit de savoir si le partage est admissible ou non), à la seule part du demandeur dans le cas contraire (ATF 127 III 396, c. 1b;
ATF 86 II 451, JdT 1961 I 467).

3.1.3 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19
al. 6 LaCC), soit le RTFMC (RS GE E 1 05. 10).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

3.1.4 Les émoluments de justice obéissent au principe de l'équivalence (ATF 133 V 402 consid. 3.1). Ainsi, leur montant doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables. Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas un certain schématisme (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).

Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4). Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'accès à la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1).

L'avance de frais ne préjuge pas de la décision à rendre plus tard quant au montant des frais judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 2.1).

Dès lors, la Cour examine la cause avec une certaine réserve. Ainsi, seul un abus du pouvoir d'appréciation du juge constitue une violation de la loi (ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du 25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014; Tappy, op. cit., n. 8 ad. art. 98 CPC).

3.2.1 En l'espèce, la question litigieuse ne porte pas sur l'admissibilité du partage de la succession de feu D______, mais sur la qualité d'héritier du recourant, lequel ne figure pas dans les dispositions testamentaires, contestées, du de cujus. La valeur litigieuse de la demande correspond par conséquent à la part du demandeur dans ladite succession, lui-même considérant avoir droit à la moitié de celle-ci.

La valeur nette de la succession, telle qu'elle ressort de l'inventaire figurant au dossier, s'élève à 3'801'206 fr. 51. Il est d'ores et déjà acquis que les droits de succession s'élèveront au 54% de ce montant, soit à environ 2'052'000 fr.,
de sorte que la somme qui reviendra in fine aux héritiers ne sera plus que de l'ordre de 1'749'000 fr., dont la moitié, soit 874'603 fr. est revendiquée par le recourant.

C'est dès lors sur la base d'une valeur litigieuse de l'ordre de 875'000 fr. que doit être calculée l'avance de frais.

3.2.2 L'art. 17 RTFMC prévoit, pour une valeur litigieuse de 100'001 fr.
à 1'000'000 fr., un émolument compris dans une fourchette allant de 5'000 fr. à 30'000 fr.

La procédure portera essentiellement sur la capacité de discernement du de cujus au moment où il a fait part au notaire de ses dernières volontés, ce qui nécessitera l'audition de plusieurs témoins. Contrairement à ce qu'a soutenu le recourant, une expertise, sur la base du contenu de l'éventuel dossier médical du de cujus, ne saurait être exclue à ce stade. L'instruction de la cause sera par conséquent assez longue, la question juridique à résoudre étant d'une certaine complexité.

Au vu de ce qui précède, le montant de l'avance de frais sera fixé à 25'000 fr. Le recourant s'étant déjà acquitté de 1'200 fr., l'avance complémentaire s'élève à 23'800 fr.

La décision litigieuse sera dès lors annulée, le Tribunal ayant abusé de son pouvoir d'appréciation dans la fixation de l'avance de frais complémentaire et il sera statué conformément à ce qui précède, un délai de 30 jours dès la notification du présent arrêt étant imparti au recourant pour s'acquitter de la somme due.

4. Compte tenu de l'issue de la procédure, les frais judiciaires du recours, arrêtés à 400 fr., seront laissés à la charge de l'Etat de Genève (art. 107 al. 2 CPC). L'avance de frais versée par le recourant lui sera restituée.

Il ne sera pas alloué de dépens (art. 107 al. 2 CPC a contrario).

 

* * * * *

 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre la décision DTPI/798/2022 rendue le 25 janvier 2022 par le Tribunal de première instance dans la cause C/7358/2021.

Au fond :

Annule la décision attaquée.

Cela fait et statuant à nouveau :

Condamne A______ à verser à l'Etat de Genève, soit pour lui les Services financiers du Pouvoir judiciaire, la somme de 23'800 fr. à titre d'avance de frais complémentaire, dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 400 fr. et les laisse à la charge de l'Etat de Genève.

Invite en conséquence les Services financiers du Pouvoir judiciaire à restituer à A______ son avance de frais en 400 fr.

Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL; président; Madame Pauline ERARD;
Madame Paola CAMPOMAGNANI; juges, Madame Sandra CARRIER, greffière.

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Sandra CARRIER

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.