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Décisions | Chambre civile

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C/13572/2021

ACJC/610/2022 du 06.05.2022 sur DTPI/118/2022 ( OO ) , CONFIRME

Normes : CPC.96; CPC.98; RTFMC.17
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/13572/2021 ACJC/610/2022

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre civile

DU MERCREDI 4 MAI 2022

 

Pour

Madame A______, domiciliée ______ (GE), recourante contre une décision rendue par le Tribunal de première instance de ce canton le 6 janvier 2022, comparant par Me Claire BOLSTERLI, avocate, SALAMIAN BOLSTERLI, rampe de la Treille 5, case postale 5753, 1211 Genève 11, en l'Etude de laquelle elle fait élection de domicile,

 


EN FAIT

A.           a.a Le 23 décembre 2021, A______ a formé devant le Tribunal de première instance (ci-après : le Tribunal) une action en nullité partielle et action en réduction dirigée contre B______, comprenant 30 pages et accompagnée d'un volumineux bordereau de pièces.

Préalablement, elle a conclu à ce que la procédure soit suspendue jusqu'à ce que l'inventaire civil définitif de la succession ait été établi par le notaire, à ce que les parties soient exhortées à entreprendre une médiation, à ce qu'il soit ordonné à B______ de produire l'acte de cession de l'entreprise agricole datant du mois de janvier 2017, à ce qu'il lui soit ordonné de produire les comptes de l'entreprise agricole pour les années 2017 à 2021 et à ce qu'une expertise judiciaire pour fixer la valeur vénale des parcelles de la commune C______ situées en zone 4B protégée et zone de développement 4B qui seront déclarées comme n'appartenant pas à l'entreprise agricole par la Commission foncière agricole soit ordonnée (conclusion n. 5). Principalement, sur action en nullité partielle, A______ a conclu au prononcé de la nullité de la clause du testament daté du ______ 2018 de feu D______, prévoyant qu'elle avait reçu une avance d'hoirie de 300'000 fr. (conclusion n. 7) et au prononcé de la nullité de la clause dudit testament prévoyant que les parcelles n. 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______ de la commune C______ appartiennent au domaine viticole et agricole et sont attribuées à B______. Sur l'action en réduction, A______ a conclu à ce que la valeur de la succession au moment du décès soit fixée après l'addition des libéralités soumises à réduction ou rapport effectuées en faveur de B______, une fois les preuves utiles administrées, à ce que la valeur de sa réserve de 3/8èmes, ainsi que la quotité disponible de la succession soient fixées sur la base du résultat ainsi obtenu, à ce que les libéralités entre vifs effectuées en faveur de B______ soient réduites d'un montant devant être précisé une fois les preuves utiles administrées et cela fait à ce que B______ soit condamné à lui payer un montant devant être précisé après l'administration des preuves utiles. Subsidiairement, A______ a conclu à ce que "la libéralité pour cause de mort liée à l'attribution des parcelles n. 1______, 2______, 3______, 4______ et 5______ de la commune C______ au domaine agricole et viticole et, partant, à B______  " soit réduite intégralement ou partiellement.

A______ a mentionné une valeur litigieuse provisoire de 300'000 fr. Sur ce point, elle a allégué que ladite valeur ne pouvait être déterminée précisément avant l'administration des preuves utiles.

En effet, la valeur des parcelles propriété de la défunte n'avait pas encore été établie, les parcelles appartenant à l'entreprise agricole devant être expertisées à leur valeur de rendement, les autres devant l'être à leur valeur vénale. Par conséquent, sur la base de "la conclusion n. 5" (recte : 7), "seule conclusion pouvant être chiffrée à ce stade", il se justifiait de retenir une valeur litigieuse provisoire minimale de 300'000 fr.

a.b Sur le fond, A______ a notamment exposé que sa mère, D______, veuve, était décédée le ______ 2020 à E______ (Genève). Par testament du ______ 2018, D______ l'avait ramenée à sa part réservataire, le solde de ses biens devant revenir à B______, fils de la défunte et frère de A______. Le testament indiquait en outre, à titre de règle de partage, que le domaine viticole et agricole sis sur la commune C______ était attribué à B______.

Le testament litigieux mentionnait en outre le fait que A______ avait bénéficié d'une avance d'hoirie de 300'000 fr., ayant pris la forme d'un rabais sur le prix de vente d'un terrain propriété de D______, sur lequel A______ avait fait construire un appartement. Cette dernière a contesté avoir bénéficié d'une avance d'hoirie et a allégué qu'un rabais de 300'000 fr. lui avait en réalité été accordé par les promoteurs immobiliers sur le prix de construction.

Le testament litigieux listait les parcelles de la commune C______ qui constituaient, selon la défunte, le domaine agricole et viticole, soit les parcelles n. 6______, 7______, 8______, 1______, 9______, 10______, 11______, 12______, 13______, 14______, 15______, 2______, 3______, 4______ et 5______. Or, trois de ces parcelles (n. 1______, 4______ et 5______) étaient en réalité situées en zone de construction 4B protégée et avaient été déclarées fiscalement par la défunte comme appartenant à sa fortune privée, de même que les parcelles n. 2______ et 3______. Les parcelles n. 4______ et 5______ avaient par ailleurs fait l'objet d'une promesse de vente et d'un pacte d'emption en juin 2012, conclus avec F______ et B______; le prix convenu pour lesdites parcelles était de 1'600'000 fr. et une demande d'autorisation de construire visant la rénovation et la transformation de deux bâtiments pour la création de quatre logements avait été accordée par le Département du territoire en 2014. Or, dans le projet d'inventaire préparé par le notaire, la valeur de ces deux parcelles avait été retenue à hauteur de 10'746 fr. seulement. A______ a par ailleurs ajouté que l'actif provisoire de la succession de feu D______ se composait de vingt-huit biens immobiliers, auxquels s'ajoutait un studio sis à H______ (France), qui n'apparaissait pas dans le projet d'inventaire.

Selon ledit projet, la valeur totale des immeubles dont la défunte était propriétaire s'élevait provisoirement à 596'508 fr., montant qui devait être fortement relativisé, dès lors que le seul bâtiment 16______ sis 17______, parcelle n. 1______, avait été estimé en 2010 à 870'000 fr. En outre, l'actif de la succession comprenait des créances chirographaires pour un montant total de 1'139'024 fr. 96, ainsi qu'une créance de 490'026 fr. se rapportant à un prêt consenti à B______. Dès lors, les actifs de la succession, tels qu'ils ressortaient du projet d'inventaire, n'avaient qu'une valeur indicative et pouvaient être récapitulés comme suit: créances chirographaires : 1'139'024 fr. 96, créance à l'encontre de B______ : 490'026 fr., bons auprès du K______ de Genève à C______ : 2'000 fr., divers : 2'504 fr. 20 et valeur fiscale des immeubles : 596'508 fr., pour un total de 2'230'063 fr. 16. Les dettes de la succession étaient provisoirement évaluées à 9'431 fr., de sorte que le bénéfice net provisoire de la succession s'élevait à 2'220'632 fr. 16.

A______ a enfin allégué que B______ avait bénéficié de nombreuses libéralités entre vifs, dans la mesure où sa mère, qui lui avait pourtant cédé en 2017 l'entreprise agricole, avait, postérieurement à cette date, procédé à divers paiements en lien avec ladite entreprise, à hauteur de montants de l'ordre de 211'000 fr. B______ avait par ailleurs procédé à des retraits sur les comptes I______ et J______ de leur mère à hauteur de plusieurs centaines de milliers de francs.

b. Par décision DTPI/118/2022 du 6 janvier 2022, le Tribunal a imparti à A______ un délai au 7 février 2022 pour fournir une avance de frais de 20'000 fr. La décision mentionne notamment les art. 2 et 17 du Règlement fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC).

B. a. Le 17 janvier 2022, A______ a recouru auprès de la Cour de justice contre la décision du 6 janvier 2022, reçue le lendemain, concluant à son annulation et à ce qu'il soit dit que l'avance de frais devait être réduite à un montant maximum de 5'000 fr. Préalablement, elle a sollicité la restitution de l'effet suspensif, requête admise par décision du 18 janvier 2022.

En substance, la recourante a soutenu être dans l'impossibilité absolue de chiffrer sa demande et de déterminer précisément la valeur litigieuse, la valeur minimale indiquée sur sa demande du 23 décembre 2021 correspondant à sa conclusion n. 7, soit la seule pouvant être chiffrée en l'état. Or, le montant de 300'000 fr. se situait dans la fourchette basse de la tranche allant de 100'001 fr. à 1'000'000 fr. prévue à l'art. 17 RTFMC, ce qui correspondait dès lors davantage à une avance de frais minimale de 5'000 fr.

La recourante a également fait valoir le fait qu'elle était favorable à une médiation, à laquelle son frère s'était opposé, de sorte qu'elle n'avait eu d'autre choix que de déposer sa demande afin de préserver ses droits avant que l'inventaire ne soit établi. Elle avait d'emblée sollicité une suspension de la procédure jusqu'à la remise de l'inventaire, de sorte que le Tribunal aurait dû, dans un premier temps, lui impartir un délai pour fournir une avance de frais basée sur les frais judiciaires présumés jusqu'à l'établissement de l'inventaire final de la succession, puis, dans un second temps, lorsqu'elle aurait chiffré ses conclusions, le premier juge aurait dû solliciter le cas échéant une avance de frais complémentaire.

Enfin, elle a allégué exercer la profession d'enseignante à l'école primaire et réaliser un salaire annuel net de 56'188 fr. 80, de sorte qu'une avance de frais de 20'000 fr. représentait une charge financière extrêmement importante, qui la privait de toute possibilité de poursuivre son action judiciaire. Sur ce point, elle a produit une pièce non soumise au Tribunal, à savoir son certificat de salaire 2020.

b. Dans ses observations du 10 février 2022, le Tribunal a exposé que selon ses directives, portées à la connaissance du public par l'intermédiaire du site internet du Pouvoir judiciaire, l'avance de frais pour une valeur litigieuse comprise entre 250'001 fr. et 500'000 fr. était fixée à 20'000 fr. En l'occurrence, la valeur litigieuse provisoire minimale annoncée par la recourante était de 300'000 fr. et le Tribunal avait fait application de son tarif interne. Quant à la situation économique de la recourante, elle n'était pas connue au moment de la fixation de l'avance de frais et n'avait pas été prise en compte, le Tribunal laissant, cas échéant, le soin à la Cour de déterminer si les éléments transmis étaient pertinents pour l'appréciation de l'avance de frais. Cela étant, il n'était pas exclu que même une avance de 20'000 fr. soit insuffisante, en particulier pour couvrir les frais d'administration des preuves et qu'en cours d'instruction des avances complémentaires soient nécessaires.

c. La recourante a répliqué le 22 février 2022. Elle a allégué que les directives internes du Tribunal en matière de fixation des émoluments de décision, respectivement des avances de frais, qu'elles soient ou pas accessibles au public, n'étaient pas opposables aux plaideurs. Or, une valeur litigieuse de 300'000 fr. se situait dans la fourchette basse de la tranche allant de 100'001 fr. à 1'000'000 fr., ce qui aurait dû conduire le Tribunal à réclamer une avance de frais n'excédant pas 5'000 fr. Pour le surplus, la recourante a rappelé les éléments déjà contenus dans son recours, qui auraient dû, selon elle, conduire le Tribunal à réduire le montant de l'avance de frais.

EN DROIT

1. 1.1 Les décisions relatives aux avances de frais et aux sûretés peuvent faire l'objet d'un recours (art. 103 CPC). La décision entreprise est une ordonnance d'instruction, soumise au délai de dix jours de l'art. 321 al. 2 CPC.

Interjeté dans le délai requis et selon la forme prévue par la loi (art. 321 CPC), le recours est recevable.

1.2 La cognition de la Cour est limitée à la constatation manifestement inexacte des faits et à la violation du droit (art. 320 CPC).

2. 2.1 Dans le cadre d'un recours, les conclusions, les allégations de faits et les preuves nouvelles sont irrecevables (art. 326 al. 1 CPC).

2.2 Devant la Cour, la recourante a produit une pièce nouvelle, non soumise au Tribunal, à savoir son certificat de salaire 2020. En principe, la production de pièces nouvelles devant la Cour n'est pas possible dans le cadre d'un recours. En l'espèce, cette question peut toutefois demeurer indécise dans la mesure où, comme cela sera exposé ci-après, la prise en considération du certificat de salaire de la recourante n'est, quoiqu'il en soit, pas susceptible d'avoir une influence sur l'issue de la procédure.

3. 3.1.1 Aux termes de l'art. 98 CPC, le tribunal peut exiger du demandeur une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.

L'avance a un double but: éviter que le demandeur puisse s'avérer insolvable ou doive être poursuivi si c'est finalement lui qui doit supporter les frais judiciaires en tout ou en partie, dans le cadre de leur répartition finale, d'une part, et assurer que l'Etat n'aura pas de peine à recouvrer les montants mis à la charge du défendeur dans cette même répartition finale, l'avance en question servant au fond dans ce cas de garantie de paiement, d'autre part (Tappy, in Commentaire romand, Code de procédure civile, 2019, n. 3 ad. art. 98 CPC).

L'art. 98 CPC n'autorise pas la partie demanderesse à exiger une réduction de l'avance alors que les conditions dont dépend l'assistance judiciaire, relatives aux ressources insuffisantes de cette partie (art. 118 let. a CPC) et aux chances de succès de la demande (art. 118 let. b CPC) ne sont pas satisfaites. En particulier, l'équité ne justifie pas qu'un plaideur - même peu fortuné - obtienne une réduction de l'avance alors que sa demande en justice n'offre peut-être aucune chance de succès. Or, il n'incombe pas au juge de l'avance de frais d'évaluer les chances de succès de la demande.

Même au regard des principes de la célérité et de l'économie de la procédure, il est raisonnablement exigible de la partie demanderesse qu'elle introduise une requête d'assistance judiciaire, avec les justificatifs à produire selon l'art. 119 al. 2 CPC, lorsqu'elle revendique une dispense ou une réduction de l'avance de frais (arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2012 du 19 juin 2012 consid. 5-7; cf. également arrêt du Tribunal fédéral 4A_660/2015 du 9 juin 2016 consid. 4.1).

Lorsqu'il n'y a pas de droit à l'assistance judiciaire, il relève du pouvoir d'appréciation du Tribunal, dans la fixation du montant de l'avance de frais, de prendre en considération la capacité financière d'une partie. A défaut, celle-ci se verrait, de fait, refuser l'accès aux tribunaux. Dans un tel cas, il est conforme à la volonté du législateur de faire un usage généreux de la possibilité de dispense (partielle) du versement de l'avance de frais (arrêt du Tribunal fédéral 4A_356/2014 du 5 janvier 2015 consid. 1.2.2).

3.1.2 Pour déterminer le montant des frais, il y a lieu de se référer au tarif des frais prévu par le droit cantonal (art. 96 CPC).

Selon l'art. 19 al. 3 LaCC, les émoluments forfaitaires sont calculés en fonction de la valeur litigieuse, s'il y a lieu, de l'ampleur et de la difficulté de la procédure et sont fixés dans un tarif établi par le Conseil d'Etat (art. 19 al. 6 LaCC), soit le RTFMC (RS GE E 1 05. 10).

La fixation de l'avance de frais doit correspondre en principe à l'entier des frais judiciaires présumables (art. 2 RTFMC), compte tenu notamment des intérêts en jeu, de la complexité de la cause, de l'ampleur de la procédure et de l'importance du travail qu'elle impliquera, par anticipation sur la décision fixant l'émolument forfaitaire arrêté en fin de procédure (art. 5 RTFMC).

L'art. 17 RTFMC prévoit un émolument forfaitaire de décision de 5’000 fr. à 30'000 fr. pour une cause pécuniaire dont la valeur litigieuse se situe entre 100'001 fr. à 1'000'000 fr.

3.1.3 Les émoluments de justice obéissent au principe de l'équivalence (ATF 133 V 402 consid. 3.1). Ainsi, leur montant doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie et rester dans des limites raisonnables. Pour que le principe de l'équivalence soit respecté, il faut que l'émolument soit raisonnablement proportionné à la prestation de l'administration, ce qui n'exclut cependant pas un certain schématisme (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).Les émoluments doivent toutefois être établis selon des critères objectifs et s'abstenir de créer des différences qui ne seraient pas justifiées par des motifs pertinents (ATF 139 III 334 consid. 3.2.4).

Le taux de l'émolument ne doit pas, en particulier, empêcher ou rendre difficile à l'excès l'accès à la justice (arrêt du Tribunal fédéral 2C_513/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1).

3.1.4 L'art. 98 CPC est une "Kann-Vorschrift", le Tribunal jouissant en la matière d'un important pouvoir d'appréciation, puisque s'il doit en principe réclamer une avance de frais correspondant à l'entier des frais judiciaires présumables, il peut également réclamer un montant inférieur, voire renoncer à toute avance de frais, étant cependant relevé que le prélèvement d'une avance de frais pleine et entière est la règle et que celle d'une avance moindre, ou la renonciation à percevoir une avance, sont l'exception (ATF 140 III 159 consid. 4.2).

L'avance de frais ne préjuge pas de la décision à rendre plus tard quant au montant des frais judiciaires (arrêt du Tribunal fédéral 4A_226/2014 du 6 août 2014 consid. 2.1).

Dès lors, la Cour examine la cause avec une certaine réserve. Ainsi, seul un abus du pouvoir d'appréciation du juge constitue une violation de la loi (ACJC/1547/2018 du 8 novembre 2018; ACJC/278/2014 du 25 février 2014; ACJC/208/2014 du 13 février 2014; Tappy, op. cit., n. 8 ad. art. 98 CPC).

3.1.5 Lorsqu'une cause est retirée, transigée, déclarée irrecevable, jointe à une autre cause ou lorsque l'équité le justifie, l'émolument minimal peut être réduit, au maximum à concurrence des ¾, mais, en principe, pas en-deçà d'un solde de 1'000 fr.

3.2 En l'espèce, la recourante fait grief au Tribunal d'avoir fixé une avance de frais trop élevée.

La recourante ne conteste pas, à juste titre, le caractère pécuniaire de la procédure formée devant le Tribunal et l'application de l'art. 17 RTFMC.

La valeur litigieuse de la demande formée par la recourante n'est pas encore connue précisément. La recourante a elle-même fixé une valeur litigieuse provisoire à hauteur de 300'000 fr., sur laquelle le Tribunal s'est fondé pour réclamer l'avance de frais contestée.

Pour une valeur litigieuse comprise entre 100'001 fr. et 1'000'000 fr., l'art. 17  RTFMC prévoit un émolument allant de 5'000 fr. à 30'000 fr. En fixant, dans le cas d'espèce, le montant de l'avance de frais à 20'000 fr., le Tribunal se situe par conséquent dans la fourchette de l'art. 17 RTFMC, lequel n'a pas été violé.

Le montant de 20'000 fr. tient par ailleurs compte de la complexité prévisible de la cause, la recourante ayant soulevé un nombre important de points (notamment appartenance ou pas de certaines parcelles au domaine agricole, valeur desdites parcelles contestée, libéralités accordées ou pas par la défunte à la recourante et à sa partie adverse, retraits bancaires et affectation de ceux-ci), qui nécessiteront d'être instruits. Dès lors, une avance de frais de 20'000 fr., même en ne tenant compte que d'une valeur litigieuse de 300'000 fr., ne paraît pas excessive au vu des spécificités de la procédure. Elle ne constitue en tous les cas pas un abus du pouvoir d’appréciation du Tribunal.

Par ailleurs et selon les explications fournies par la recourante elle-même, la valeur litigieuse de 300'000 fr. n'est que provisoire, les conclusions prises devant être complétées au moment où elle sera en mesure de les chiffrer. Or, il ressort de la demande formée devant le Tribunal que la recourante conteste notamment la valeur fiscale attribuée à certaines parcelles, laquelle serait, selon elle, jusqu'à cent fois plus élevée; elle allègue en outre que son frère aurait reçu des libéralités du vivant de leur mère, pour plusieurs centaines de milliers de francs. Il découle par conséquent de ce qui précède que les conclusions finales de la recourante seront plus élevées que celles, provisoires et pour l'essentiel non chiffrées, qu'elle a prises. Pour cette raison également le montant de l'avance de frais, en 20'000 fr., n'a rien d'excessif.

La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle fait grief au Tribunal d'avoir réclamé l'entier de l'avance de frais sans tenir compte du fait qu'elle avait préalablement conclu à la suspension de la procédure jusqu'à ce que l'inventaire civil définitif de la succession ait été établi par le notaire. Le Tribunal aurait par conséquent dû, selon elle, demander une première avance de frais limitée, puis, le cas échéant, solliciter le versement d'un complément après l'établissement de l'inventaire et la prise de conclusions complètes chiffrées. Le Tribunal aurait, certes, pu procéder de la sorte, mais il ne saurait lui être fait grief de ne pas l'avoir fait, aucune base légale n'imposant de telles modalités. La recourante n'a par ailleurs pas exposé en quoi une telle manière de procéder lui serait plus favorable. Elle ne saurait en effet sérieusement contester que la valeur litigieuse de la cause, une fois ses conclusions intégralement chiffrées, sera plus importante que les 300'000 fr. provisoirement admis. Dès lors et même si deux avances successives étaient sollicitées, leur montant total ne pourrait être inférieur aux 20'000 fr. contestés. Enfin, la recourante semble perdre de vue le fait qu'elle a elle-même admis, au vu du libellé de ses conclusions, qu'elle ne sera vraisemblablement pas en mesure de chiffrer totalement ses conclusions avant qu'une instruction complète de la cause ait été menée. Or, rien ne justifie que le Tribunal procède à des actes d'instruction sans avoir l'assurance que les frais judiciaires seront couverts.

Pour le surplus, le fait que la recourante soit favorable à un processus de médiation ne saurait justifier une réduction du montant de l'avance de frais. Un tel processus, même s'il devait être mis en œuvre, ce qui nécessite l'accord de l'autre partie, n'aboutira pas nécessairement à une solution transactionnelle. Or, ce n'est qu'en cas de retrait de la demande ou de transaction que le Tribunal pourrait, conformément à l'art. 7 RTFMC, réduire l'émolument de décision.

La recourante a enfin allégué que le montant de l'avance de frais la priverait de la possibilité de faire valoir ses droits en justice. Or, pour seule information concernant sa situation financière, elle a fourni (en admettant qu'il soit recevable devant la Cour) son certificat de salaire 2020. Ce seul élément ne saurait toutefois suffire pour admettre que la situation financière de la recourante rendrait impossible le versement de l'avance de frais litigieuse. Le salaire est en effet un élément à prendre en considération, mais il ne s'agit pas du seul. Or, la recourante n'a fourni aucune information utile sur sa fortune, sa situation familiale et ses charges, l'ensemble de ces éléments étant indispensable pour appréhender sa capacité financière. Il appartient enfin à la recourante, si elle s'estime fondée à le faire, de solliciter le bénéfice de l'assistance judiciaire.

Au vu de ce qui précède, le recours est infondé et doit être rejeté.

4. Compte tenu de l'issue de la procédure, la recourante, qui succombe, sera condamnée à prendre en charge les frais judiciaires du recours, arrêtés à 400 fr. (art. 106 al. 1 CPC et 23 et 41  RTFMC). Ces frais seront compensés avec l'avance fournie, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre civile :

A la forme :

Déclare recevable le recours interjeté par A______ contre la décision DTPI/118/2022 du 6 janvier 2022 rendue par le Tribunal de première instance dans la cause C/13572/2021.

Au fond :

Rejette le recours.

Sur les frais :

Arrête les frais judiciaires du recours à 400 fr., les met à la charge de A______ et dit qu'ils sont compensés avec l'avance de frais versée, qui reste acquise à l'Etat de Genève.

Siégeant :

Monsieur Cédric-Laurent MICHEL, président; Mesdames Pauline ERARD et Paola CAMPOMAGNANI, juges; Madame Gladys REICHENBACH, greffière.

 

Le président :

Cédric-Laurent MICHEL

 

La greffière :

Gladys REICHENBACH

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière civile; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 72 à 77 et 90 ss de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110). Il connaît également des recours constitutionnels subsidiaires; la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 113 à 119 et 90 ss LTF. Dans les deux cas, le recours motivé doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué. L'art. 119 al. 1 LTF prévoit que si une partie forme un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.