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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7393/2023

AARP/169/2024 du 23.05.2024 sur JTDP/1495/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : PRÉSOMPTION D'INNOCENCE;PRINCIPE DE L'ACCUSATION
Normes : CPP.9; CPP.10; CP.51
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7393/2023 AARP/169/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 mai 2024

 

Entre

A______, actuellement détenu à la prison de B______, ______, comparant par Me C______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1495/2023 rendu le 22 novembre 2023 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 22 novembre 2023 par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d et al. 2 let. a LStup), d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d LStup) et de rupture de ban (art. 291 al. 1 du code pénal [CP]), l’a condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de la détention avant jugement (art. 40 et 51 CP). Le TP a renoncé à révoquer le sursis partiel relatif au solde de peine de 18 mois octroyé le 29 janvier 2020 par le Tribunal correctionnel de Genève, mais adressé un avertissement à A______ et prolongé le délai d'épreuve d'un an (art. 46 al. 2 CP). Il a ordonné l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 20 ans (art. 66a al. 1 let. o et 66b al. 1 CP), prononcé la confiscation du téléphone portable figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n°1______ du 29 juillet 2023 (art. 69 CP) et compensé les valeurs patrimoniales saisies avec les frais de la procédure.

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à son acquittement de l’ensemble des infractions à la LStup et de la rupture de ban s’agissant des faits de 2022, et à la restitution des biens et valeurs saisis. Il n’a pas pris de conclusion sur la peine ou l’expulsion, mais précisé, aux débats d’appel, conclure au prononcé d’une peine clémente et s’opposer au prononcé de l’expulsion.

b. Selon l'acte d'accusation du 24 octobre 2023, il est reproché ce qui suit à A______ :

Dans les alentours du parc Vieusseux, sis route des Franchises, depuis une date indéterminée, mais au plus tard le 30 mars 2022, il a participé à un trafic de stupéfiants, en remettant à D______, 27 sachets d'héroïne, d'un poids total brut d'environ 135 grammes (taux de pureté entre 17,9% et 26,1%) et, à une autre occasion, un sachet canicrotte contenant divers sachets d'héroïne, d'un poids total brut de 34,5 grammes (taux de pureté de 49,4%), étant précisé que ces quantités de drogues étaient destinées à la consommation de D______ ainsi qu'à être vendues à des toxicomanes de la place genevoise.

Le 29 juillet 2023, à proximité de l'arrêt TPG "Guye" et de la rue de Bourgogne, il a vendu à E______ quatre sachets d'héroïne, totalisant un poids brut de 19,8 grammes contre la somme de CHF 300.-.

Il a pénétré sans droit sur le territoire genevois, à deux reprises, à tout le moins à une date indéterminée au mois de mars 2022, mais au plus tard le 30 mars 2022, en se trouvant dans les alentours du parc Vieusseux, sis route des Franchises, ainsi que le 29 juillet 2023, en se trouvant à proximité de l'arrêt TPG "Guye" et de la rue de Bourgogne, alors qu'il faisait l'objet d'une décision d'expulsion judiciaire, définitive et exécutoire, rendue par le Tribunal correctionnel de Genève le 29 janvier 2020, prononçant son expulsion du territoire suisse pour une durée de cinq ans, étant rappelé que A______ a été expulsé le 5 février 2020 à destination de l'Albanie.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. Le 30 mars 2022, après avoir interpelé un individu qui avait indiqué avoir acheté deux grips d'héroïne à D______, une perquisition a été ordonnée au domicile de celui-ci, qui a conduit à la découverte de 120,3 grammes d'héroïne, conditionnés en vingt-quatre sachets "Minigrip", 34,5 grammes brut d'héroïne dans un sachet canicrotte (contenant un autre sachet du même type, cf. pièce C-215) et 167,2 grammes de marijuana. Le poids total net d'héroïne contenu dans les sachets "Minigrip" et les sachets canicrottes était de 127,6 grammes (C-221). L'héroïne contenue dans les trois sachets "Minigrip" analysés présentait des taux de pureté de 17,2%, 17,9% et 26,1%. Les 3,9 grammes de poudre contenue dans le sachet canicrotte n° 2 présentaient un taux de pureté de 49,4%, alors que les 15,3 grammes de poudre contenue dans le sachet canicrotte n° 1 ne présentaient que des traces d'héroïne (C-222 sv).

b. Un profil ADN de mélange a été mis en évidence dans le prélèvement réalisé sur les ouvertures/fermetures de dix des 22 sachets "Minigrip" ornés d'une feuille de cannabis ainsi que dans celui réalisé sur les parties entortillées des deux sachets canicrottes. Les profils ADN de D______ et de A______ étaient compatibles avec ce profil de mélange, avec un rapport de vraisemblance de l'ordre du milliard. Un rapport de vraisemblance de l'ordre du milliard a été attribué à la valeur probante du lien observé entre le profil ADN de A______ et celui mis en évidence dans les prélèvements réalisés sur les dix sachets "Minigrip" et sur les parties entortillées des deux sachets canicrottes.

c. Au moment de son interpellation, D______ a expliqué qu’il avait pris contact avec un numéro de plan ; son interlocuteur lui avait dit de venir récupérer des sachets de drogue, pour les vendre pour son compte. Il s'était rendu dans le parc Vieusseux et un albanais lui avait apporté vingt sachets. Il avait déjà reçu sept sachets une première fois et avait vendu trois sachets. Le sachet canicrotte contenait du produit de coupage. La drogue que "l'albanais" préparait n'était pas assez forte pour lui et il lui avait demandé de lui en vendre de la pure et du produit de coupage, pour qu'il puisse faire son propre mélange. Le petit caillou se trouvait chez lui. Il avait acquis les 35 grammes d'héroïne deux à trois jours avant les vingt sachets, dans le parc Vieusseux.

d. Selon le rapport d’arrestation du 29 juillet 2023, la police avait mis en place ce jour-là un dispositif de lutte contre le trafic de stupéfiants aux abords des arrêts TPG "Guye" ; le rapport d’arrestation mentionne cinq policiers comme participants à l’opération. E______ avait été observé se dirigeant vers A______, puis cheminant avec lui ; un échange de main à main avait eu lieu dans un passage à proximité de travaux. E______ avait été interpelé à 17h15 et sa fouille par palpation avait conduit à la saisie de deux pilules d'ecstasy ; ultérieurement, une fouille en deux temps avait permis la découverte de quatre sachets d'héroïne, pour un poids total brut de 19,8 grammes ainsi qu'un sachet d'héroïne entamé, d'un poids brut de 0,8 gramme.

La police avait procédé dans la foulée (à 17h20, soit à cinq minutes d’intervalle : pièces C-318, Y-8 et Y-307) à l'interpellation de A______, dont la fouille avait permis la découverte d'un téléphone portable, avec le numéro d'appel +33_2______, de CHF 784.- et EUR 338.20.

e. Le jour des faits, E______ avait pris contact avec le numéro +41_3______, pour se procurer de l'héroïne. Il s'était mis d'accord avec son interlocuteur sur quatre sachets d'héroïne, dont un était offert, pour un prix total de CHF 300.-. Le rendez-vous avait été fixé à l'arrêt TPG "Guye". Au téléphone, il avait fourni sa description, ce qui avait permis au vendeur de le reconnaître. C’était la première fois qu’il le voyait. Sur planche photographique, il a désigné, parmi huit photographies, A______ comme ce vendeur. Il détenait déjà l’ecstasy avant leur rencontre.

E______ a fait l’objet d’une ordonnance pénale notifiée le 30 juillet 2023, le reconnaissant coupable d'infraction à l'article 19 alinéa 1 lettre c et d LStup et d'infraction à l'article 115 alinéa 1 lettre b de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration (LEI) et le condamnant à une peine privative de liberté de 40 jours. Il n’y a pas formé opposition.

Il n’a pas donné suite aux convocations du MP, du TP et de la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) et n’a jamais été confronté à A______.

Selon les renseignements de police figurant à la procédure, il a fait l’objet, depuis 2010, de 17 interpellations en lien avec de la consommation de stupéfiants (Y-303).

f. A______ a contesté toute implication dans un trafic de stupéfiants, que ce soit en lien avec les faits du jour ou pour avoir remis des sachets d'héroïne à D______, au plus tard le 30 mars 2022, précisant qu'il s'était trouvé en Grèce à cette période.

Il se savait faire l'objet d'une expulsion, pensait-il jusqu’en 2024, et avait décidé de venir quand-même en Suisse, car Genève lui manquait. Il comptait ne rester que quelques jours. Il travaillait en Grèce et l'argent trouvé sur lui provenait de ses économies. Après sa sortie de prison, il s'était rendu en Albanie, puis en Grèce. Il avait rendu visite à un neveu qui vivait à F______ et était ensuite venu directement à Genève. Il n'avait aucun lien avec la Suisse. Il n'était pas venu en Suisse en mars 2022.

Il ne connaissait pas D______ et il était impossible qu'un profil ADN compatible avec le sien ait été retrouvé sur des sachets d'héroïne saisis au domicile de cette personne. Il n'avait pas non plus vendu quatre sachets d'héroïne à E______.

g. D______ a reconnu A______ en confrontation le 30 août 2023, pour l’avoir croisé dans son quartier, avant sa détention, qui avait débuté en janvier 2023 ; il était possible que cela soit en mars 2022. Il n'avait jamais discuté avec lui. Informé du fait que le profil ADN de A______ avait été mis en évidence sur l'ouverture/fermeture de dix des vingt sachets "Minigrip" et sur les parties entortillées des deux sachets canicrottes retrouvés lors de la perquisition à son domicile le 30 mars 2022, il a indiqué qu'il avait acheté la drogue à plusieurs personnes et ne savait pas si une partie avait pu être achetée à A______ : c’était possible mais il ne pouvait pas en être certain. Il n'avait pas le souvenir de la personne de son fournisseur ; il avait parlé d’un albanais à la police, sur la base du fait que la plupart des vendeurs d’héroïne à Genève étaient de cette origine. Ils communiquaient en anglais par WhatsApp, uniquement avec des chiffres.

A______ a déclaré à cette occasion que c’était la première fois qu’il voyait D______.

h. A______ a persisté tout au long de la procédure à contester toute implication dans un trafic de drogue. L'argent trouvé sur lui était le salaire qu'il avait gagné en Grèce (selon ses déclarations au MP) ou en France (au TP).

i. Le TP a auditionné un policier qui avait participé à l’arrestation de A______ le 29 juillet 2023. Il l’a formellement reconnu et a confirmé les circonstances de son interpellation et de celle de E______. Il avait assisté à un échange entre eux, de main à main, sans pouvoir préciser de quoi il s'agissait. Ils étaient plusieurs policiers dans le dispositif.

C. a. Devant la CPAR, A______ a persisté à nier toute implication dans un trafic de stupéfiants. Le policier entendu par le TP ne l’avait même pas regardé et n’avait rien vu. Il n’avait pas eu de contact avec E______.

b. Par la voix de son conseil A______ persiste dans ses conclusions. Il n’avait pas de raison de nier farouchement les faits alors que s’il les avait admis il serait déjà libre. L’ADN n’était pas une preuve décisive, étant sujet à contaminations et erreurs. D______ ne l’incriminait pas et il n’y avait donc aucun élément permettant de conclure à sa culpabilité pour les faits de mars 2022. Subsidiairement, la quantité d’héroïne trafiquée ne devait être déterminée que sur la base des dix sachets analysés, rien ne permettait de lui imputer les autres 12 sachets. Il ne s’agissait donc pas d’une infraction grave à la LStup.

L’audition de E______ à la police était inexploitable faute de confrontation, et le témoignage du gendarme entendu par le TP n’apportait aucun élément, celui-ci n’ayant rien vu.

c. Le MP a conclu à la confirmation du jugement entrepris.

D. A______ est né le ______ 1969, à G______, en Albanie, pays dont il est originaire et où vivent sa mère et sa sœur, son père étant décédé en octobre 2023. Il a effectué le gymnase et suivi des études dans l'administration commerciale durant trois ans ainsi que dans le domaine du sport. Il est marié mais séparé et père d'un enfant de 19 ans, qui vit en Grèce avec sa mère.

Il affirme avoir travaillé comme carreleur, gardien de nuit et vitrier et avoir également exercé l'activité de manager dans deux restaurants, un situé à H______ [Grèce] et l'autre à I______ [Grèce], réalisant de ce fait, dès 2019, des revenus mensuels compris entre EUR 1'600.- et EUR 1'700.-. Il indique bénéficier d'un permis d'établissement en Grèce, valable jusqu'en 2028. Il n'a ni dette ni fortune. Malgré trois demandes, il n'a pas obtenu de travail en détention. En première instance, il ne s'opposait pas à son expulsion quand bien même il en conteste, en appel, le prononcé.

Selon l'extrait de son casier judiciaire suisse, A______ a été condamné le 29 janvier 2020 par le Tribunal correctionnel de Genève, à une peine privative de liberté de 30 mois, dont 18 mois avec sursis pendant trois ans, et à une expulsion pour une durée de cinq ans, pour crime contre la LStup (art. 19 al. 2 let. a LStup), crime par métier contre la LStup (art. 19 al. 2 let. c LStup), délit contre la LStup (art. 19 al. 1 let c et d LStup) et séjour illégal.

E. Me C______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 15 heures d'activité de chef d'étude et 14 heures d’activité de stagiaire, hors débats d'appel, lesquels ont duré 2h05. Figurent notamment à cet état de frais trois heures pour la dictée d’une déclaration d’appel motivée et 20 heures de préparation des débats d’appel (dont 12 heures d’activité de chef d’étude).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 du Code de procédure pénale [CPP]).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH – RS 0.101) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.1 ; ATF
127 I 28 consid. 2a).

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. La présomption d'innocence est violée lorsque le juge rend un verdict de culpabilité au seul motif que le prévenu n'a pas prouvé son innocence (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 40) ou encore lorsque le juge condamne le prévenu au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

Il n'y a pas non plus de renversement du fardeau de la preuve lorsque l'accusé refuse sans raison plausible de fournir des explications rendues nécessaires par des preuves à charge. Son silence peut alors permettre, par un raisonnement de bon sens conduit dans le cadre de l'appréciation des preuves, de conclure qu'il n'existe pas d'explication à décharge et que l'accusé est coupable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_47/2018 du 20 septembre 2018 consid. 1.1).

Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3).

2.2. L'art. 6 par. 3 let. d de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme (CEDH) garantit à tout accusé le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins. Cette disposition exclut qu'un jugement pénal soit fondé sur les déclarations de témoins sans qu'une occasion appropriée et suffisante soit au moins une fois offerte au prévenu de mettre ces témoignages en doute et d'interroger les témoins, à quelque stade de la procédure que ce soit. Sont considérées comme des déclarations de témoins toutes celles portées à la connaissance du tribunal et utilisées par lui, y compris lorsqu'elles ont été recueillies lors de l'enquête préliminaire. En tant qu'elle concrétise le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale [Cst.]), cette exigence est également garantie par l'art. 32 al. 2 Cst. Ce droit est absolu lorsque la déposition du témoin en cause est d'une importance décisive, notamment lorsqu'il est le seul témoin, ou que sa déposition est une preuve essentielle (ATF 131 I 476 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1310/2016 du 13 décembre 2017 consid. 2.1).

Cependant, dans certains cas, la déclaration d'un témoin auquel le prévenu n'a pas été confronté peut être exploitée, pour autant que la déposition soit soumise à un examen attentif, que l'accusé puisse prendre position à son sujet et que le verdict de culpabilité ne soit pas fondé sur cette seule preuve (ATF 131 I 476 consid. 2.2 p. 480 ss et les références ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_1310/2016 du 13 décembre 2017 consid. 2.1 ; 6B_956/2016 du 19 juillet 2017 consid. 2.3.1 ; 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.5.1 et les références ; 6B_961/2016 du 10 avril 2017 consid. 3.3.1 ; 6B_839/2913 du 28 octobre 2014 consid. 1.5.1). Des démarches doivent ainsi être entreprises afin de garantir l'équité de la procédure. Sont des éléments susceptibles de rétablir l'équilibre du procès le fait que les juridictions se soient penchées avec prudence sur les déclarations non vérifiées d'un témoin absent, qu'elles aient montré avoir été conscientes de la valeur réduite de ces déclarations, ou qu'elles aient exposé en détail pourquoi elles considéraient que ces déclarations étaient fiables, tout en tenant compte des autres éléments de preuve disponibles. La défense doit se voir offrir la possibilité de donner sa propre version des faits et de mettre en doute la crédibilité du témoin absent en soulignant toute incohérence ; qu'elle connaisse l'identité du témoin constitue un élément supplémentaire susceptible d'améliorer sa situation (arrêt du Tribunal fédéral 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 10.2.2.6.4 et les références ; 6B_862/2015 du 7 novembre 2016 consid. 4.3.3).

De manière générale, il convient de rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris la présentation des moyens de preuve, a revêtu un caractère équitable. La question de savoir si le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge garanti par l'art. 6 par. 3 let. d CEDH a été respecté doit donc être examinée dans chaque cas en fonction de l'ensemble de la procédure et des circonstances concrètes (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1310/2016 du 13 décembre 2017 consid. 2.1 ; 6B_956/2016 du 19 juillet 2017 consid. 2.3.1 ; 6B_947/2015 du 29 juin 2017 consid. 5.5.1 et les références ; 6B_456/2011 du 27 décembre 2011 consid. 1.1 et les références).

2.3. À teneur de l’art. 19 al. 1 let. c et d LStup, est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, sans droit, aliène ou prescrit des stupéfiants, en procure de toute autre manière à un tiers ou en met dans le commerce et celui qui, sans droit, possède, détient ou acquiert des stupéfiants ou s’en procure de toute autre manière. L’alinéa 2 let. a de cette disposition précise que l’auteur de l’infraction est puni d’une peine privative de liberté d’un an au moins s’il sait ou ne peut ignorer que l’infraction peut directement ou indirectement mettre en danger la santé de nombreuses personnes. S'agissant de la quantité pour l'héroïne, la condition objective est remplie dès que l'infraction porte sur une quantité d'au moins 12 grammes de drogue pure (ATF 145 IV 312 consid. 2.1 ; 119 IV 180). Si l'auteur commet plusieurs actes distincts, les quantités qui en sont l'objet doivent être additionnées (ATF 112 IV 109 consid. 2b p. 113 ; arrêt du Tribunal fédéral 7B_17/2022 du 18 mars 2024 destiné à la publication).

2.4. Selon l’art. 291 CP, quiconque contrevient à une décision d'expulsion du territoire de la Confédération ou d'un canton prononcée par une autorité compétente est puni d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (al. 1). La durée de cette peine ne sera pas imputée sur celle de l'expulsion (al. 2).

La rupture de ban suppose la réunion de trois conditions : une décision d'expulsion, la transgression de celle-ci et l'intention. Cette infraction est consommée dans deux hypothèses : si l'auteur reste en Suisse après l'entrée en force de la décision d'expulsion alors qu'il a l'obligation de partir ou s'il y entre pendant la durée de validité de l'expulsion. La rupture de ban est un délit continu qui est réalisé aussi longtemps que dure le séjour illicite (ATF 147 IV 253 consid. 2.2.1 p. 256 ;
147 IV 232 consid. 1.1 p. 234).

Sur le plan subjectif, l'infraction est intentionnelle, le dol éventuel étant toutefois suffisant. Il faut non seulement que l'auteur entre ou reste en Suisse volontairement, mais encore qu'il sache qu'il est expulsé ou accepte cette éventualité (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1191/2019 du 4 décembre 2019 consid. 5.1 et références citées).

2.5. Les art. 324 ss CPP règlent la mise en accusation, en particulier le contenu strict de l'acte d'accusation. Selon l'art. 325 al. 1 CPP, l'acte d'accusation désigne notamment les actes reprochés au prévenu, le lieu, la date et l'heure de leur commission ainsi que leurs conséquences et le mode de procéder de l'auteur (let. f) de même que les infractions réalisées et les dispositions légales applicables de l'avis du ministère public (let. g). En d'autres termes, l'acte d'accusation doit contenir les faits qui, de l'avis du ministère public, correspondent à tous les éléments constitutifs de l'infraction reprochée au prévenu (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65 ; arrêt 6B_1335/2016 du 5 septembre 2017 consid. 2.1). L'acte d'accusation définit l'objet du procès et sert également à informer le prévenu (fonction de délimitation et d'information) (ATF 143 IV 63 consid. 2.2 p. 65 ; 141 IV 132 consid. 3.4.1 p. 142 s. et les références citées). Des imprécisions relatives au lieu ou à la date sont sans portée, dans la mesure où le prévenu ne peut avoir de doute sur le comportement qui lui est reproché (arrêts du Tribunal fédéral 6B_275/2016 du 9 décembre 2016 consid. 2.1 ; 6B_1141/2015 du 3 juin 2016 consid. 1.1).

La description des faits reprochés dans l'acte d'accusation doit être la plus brève possible (art. 325 al. 1 let. f CPP). Celui-ci ne poursuit pas le but de justifier ni de prouver le bien-fondé des allégations du ministère public, qui sont discutées lors des débats. Aussi le ministère public ne doit-il pas y faire mention des preuves ou des considérations tendant à corroborer les faits. Par ailleurs, le principe de l'accusation ne saurait empêcher l'autorité de jugement, au besoin, de constater des faits permettant de réfuter les contestations et allégations du prévenu, qu'il n'incombe pas au ministère public de décrire par le menu dans l'acte d'accusation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 2.1 ; 6B_666/2015 du 27 juin 2016 consid. 1.4.1).

2.6.1. En l’espèce, l’appelant conteste toute participation aux faits du mois de mars 2022. La présence de son ADN sur les sachets d’héroïne saisis démontre néanmoins qu'il a participé au trafic de cette drogue, à tout le moins en conditionnant celle-ci. Le lieu où le prélèvement analysé a été effectué exclut en effet toute contamination accidentelle ou transfert de trace ; seule une personne ayant détenu et manipulé les sachets peut avoir déposé son ADN sur les nœuds et les fermetures de ces sachets. Le fait que le profil de l’appelant se retrouve sur les deux types d’emballages confirme si besoin était la fiabilité de ce résultat. Il est donc établi que l’appelant a manipulé ces stupéfiants, vraisemblablement en participant à leur préparation et à leur conditionnement en portions individuelles, dernière étape avant la vente de rue.

L’acte d’accusation reproche toutefois spécifiquement à l’appelant d’avoir remis ces stupéfiants au toxicomane revendeur qui a été interpellé en leur possession. Ce toxicomane, confronté à l’appelant, a indiqué le reconnaître pour l’avoir croisé dans son quartier, sans être toutefois en mesure de le désigner formellement comme son vendeur. Par ailleurs, les circonstances de cette identification laissent quelque peu à désirer, puisque le toxicomane a été directement confronté à l’appelant, plus de 15 mois après les faits, sans avoir été appelé auparavant à désigner son fournisseur parmi d’autres, par exemple sur planche photographique. Dans ces circonstances, il subsiste un doute sur la question de savoir si l’appelant a lui-même remis la drogue au toxicomane, ou s’il a uniquement participé à la préparation et au conditionnement de l’héroïne. Or, faute de toute autre description du comportement reproché à l’appelant dans l’acte d’accusation, ce doute doit lui bénéficier puisqu’il n’est pas possible de retenir au-delà de tout doute raisonnable qu’il a bien eu ce seul comportement qui lui est reproché.

L’appelant devra donc être acquitté des faits en lien avec la remise de stupéfiants en mars 2022.

En revanche, dans la mesure où il est établi que l’appelant a conditionné des stupéfiants saisis à Genève en mars 2022 et destinés à la vente, l’appelant se trouvait dans le canton à cette période. Ce type de conditionnement intervient en effet peu avant la vente, dans un lien de proximité immédiate avec la remise aux toxicomanes. L’appelant a donc contrevenu, à cette période, à la mesure d’expulsion prononcée à son égard.

2.6.2. L’appelant conteste l’exploitabilité du témoignage de E______, faute de confrontation. Il est constant que cette personne n’a pas été confrontée avec lui, ayant exclusivement été entendue en qualité de prévenu juste avant la notification d’une ordonnance pénale. Les déclarations recueillies dans ces circonstances ne sont pas exploitables à la charge de l’appelant.

En revanche, les autres éléments de la procédure le sont pleinement, et notamment les circonstances de son interpellation et de celle de E______. Celui-ci a été observé à son arrivée, dans un lieu connu pour un trafic d’héroïne, ayant justifié la mise en place d’une surveillance policière. E______ a été vu scrutant les lieux puis prenant contact avec l’appelant. Un policier a observé un échange entre eux. Immédiatement après cet échange, alors qu’ils s’étaient séparés et qu'il s’éloignait de l’appelant, E______ a été interpellé en possession de stupéfiants. L’intéressé est un toxicomane notoire. Il ne fait pas de doute, au vu de l’ensemble de ces observations et de la saisie consécutive, qu’il venait d’acquérir les stupéfiants retrouvés en sa possession, au cours de l’échange observé par les policiers. Contrairement à ce que plaide l’appelant, le témoignage du policier est ainsi particulièrement pertinent, étant relevé qu’il se trouvait avec plusieurs collègues et qu’ils ont ainsi gardé les protagonistes sous surveillance et ne se sont pas trompés de personne au moment de l’interpellation de l’appelant.

Celui-ci ne fournit par ailleurs aucune explication à sa présence dans un quartier connu pour le trafic de stupéfiants. Les raisons qu’il a données de sa venue à Genève confinent à l’absurde : un touriste amoureux de Genève ne va s’y rendre pour se promener sous des échafaudages dans un quartier urbain sans intérêt particulier. Ces explications aberrantes confirment les constatations des policiers, à savoir que l’appelant s’est bien rendu en ces lieux dans le but de remettre de l’héroïne à un toxicomane.

Si la déclaration du toxicomane n’est pas exploitable à charge de l’appelant, elle l’est à décharge et les pilules d'ecstasy saisies en même temps que l’héroïne n’ont, à raison, pas été retenues à son encontre dans l’acte d’accusation.

L’appelant doit ainsi être reconnu coupable d’infraction simple à la loi fédérale sur les stupéfiants en lien avec ces faits. En effet, la quantité d’héroïne en cause (19.8 grammes bruts), qui n’a pas été analysée, doit être prise en compte au taux usuel de 10% pour le trafic de rue (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_1040/2009 du 13 avril 2010 consid. 2.2, encore confirmé dans l’arrêt 6B_1071/2020 du 11 mars 2022, consid. 5.1).

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Le juge doit d'abord déterminer le genre de la peine devant sanctionner une infraction, puis en fixer la quotité. Pour déterminer le genre de la peine, il doit tenir compte, à côté de la culpabilité de l'auteur, de l'adéquation de la peine, de ses effets sur l'auteur et sur sa situation sociale ainsi que de son efficacité du point de vue de la prévention (ATF 147 IV 241 consid. 3.2 p. 244 ss).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1). L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge (ATF 144 IV 313 consid. 1.2).

3.2. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine.

Le principe de l'aggravation selon l'art. 49 al. 1 CP ne peut pas conduire à une peine maximale plus élevée que la peine maximale qui serait possible en vertu du principe de cumul des peines (ATF 143 IV 145 consid. 8.2.3).

3.3. La rupture de ban et l’infraction simple à la LStup sont sanctionnées d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

En l'espèce, la faute de l'appelant est importante. Alors qu’il avait fait l’objet d’une première condamnation pour des infractions à la loi fédérale sur les stupéfiants et se trouvait sous le coup d’une expulsion, il n’a pas hésité à revenir en Suisse, à deux reprises. Il a vendu quatre sachets d’héroïne à un toxicomane, manifestement pour réaliser de la sorte un bénéfice rapide, sans égard pour le fléau que représente le trafic de stupéfiants.

Sa collaboration à la procédure et sa prise de conscience sont mauvaises. L'appelant a nié les faits, s’enferrant dans des explications absurdes au sujet de sa présence à Genève. Sa situation personnelle ne permet au demeurant pas de comprendre, encore moins de justifier, ses actes. Au moment des faits, il bénéficiait selon ses dires de revenus réguliers, confortables au vu de son pays de résidence. Rien ne justifiait, sinon l’appât du gain, qu’il revienne à Genève.

À raison, l’appelant ne conteste pas le genre de peine. Au vu de ses antécédents et de sa situation personnelle, seule une peine privative de liberté ferme entre en ligne de compte, les conditions d’un sursis n’étant pas remplies.

L’infraction objectivement la plus grave est la rupture de ban. La première occurrence justifie à elle seule une peine de base quatre mois. Cette peine doit être aggravée de trois mois pour la seconde rupture de ban (peine théorique de quatre mois) et de deux mois pour l’infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (peine théorique de trois mois).

C’est donc une peine privative de liberté de neuf mois qui doit être prononcée à l’égard de l’appelant. Celui-ci étant détenu depuis le 29 juillet 2023, sa libération immédiate sera ordonnée.

3.4. L’absence de révocation du sursis accordé le 29 janvier 2020 est acquis à l’appelant. Il ne conteste à raison pas la décision du premier juge de prononcer un avertissement à A______ et de prolonger le délai d'épreuve d'un an, mesures qui seront confirmées.

4. 4.1. L'art. 66a al. 1 let. o CP, qui prévoit l’expulsion obligatoire de l’étranger ayant commis une infraction grave à la LStup, ne trouve pas application. L'art. 66abis CP prévoit toutefois que le juge peut expulser un étranger du territoire suisse pour une durée de trois à quinze ans si, pour un crime ou un délit non visé à l'art. 66a, celui-ci a été condamné à une peine ou a fait l'objet d'une mesure au sens des art. 59 à 61 ou 64 CP.

Cette mesure prévue par la loi qui, par essence, s'ajoute à la peine proprement dite, fait partie intégrante de la sanction à prononcer (ATF 143 IV 168 consid. 3.2 = SJ 2017 I 433). L'expulsion judiciaire pénale de l'art. 66abis CP – qui ne diffère pas fondamentalement de l'expulsion prescrite en son temps par l'art. 55 al. 1 aCP (ATF 123 IV 107 consid. 1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.1 ; 6B_770/2018 du 24 septembre 2018 consid. 1.1) – ne contredit pas l'interdiction de la double peine qui découle notamment de l'art. 6 CEDH (AARP/202/2017 du 16 juin 2017 consid. 2.5).

Il s'agit d'une Kann-Vorschrift (G. MÜNCH / F. DE WECK, Die neue Landesverweisung, in Art. 66a ff. StGB, Revue de l'avocat 2016, p. 163 ; G. FIOLKA / L. VETTERLI, Landesverweisung nach Art. 66a StGB als strafrechtliche Sanktion, cahier spécial, Plädoyer 5/16, p. 86 ; AARP/185/2017 du 2 juin 2017 consid. 2.2 ; AARP/179/2017 du 30 mai 2017 consid. 3.1.2).

Le juge est donc libre, sans autre justification, de renoncer à l'expulsion facultative (M. BUSSLINGER / P. UEBERSAX, Härtefallklausel und migrationsrechtliche Auswirkungen der Landesverweisung, cahier spécial, Plaidoyer 5/2016, p. 98).

Comme toute décision étatique, le prononcé d'une expulsion non obligatoire doit respecter le principe de la proportionnalité ancré aux art. 5 al. 2 et 36 al. 2 et 3 Cst. Il convient ainsi d'examiner si l'intérêt public à l'expulsion l'emporte sur l'intérêt privé de la personne à demeurer en Suisse. Une telle pesée des intérêts répond également aux exigences découlant de l'art. 8 par. 2 CEDH concernant les ingérences dans la vie privée et familiale (arrêt du Tribunal fédéral 6B_371/2018 du 21 août 2018 consid. 3.2). S'agissant d'un étranger arrivé en Suisse à l'âge adulte, l'examen de la proportionnalité suppose une prise en compte de la nature et de la gravité de la faute, du temps écoulé depuis la commission de l'infraction, du comportement de l'auteur durant cette période, de la durée de son séjour en Suisse, de la solidité des liens sociaux, culturels et familiaux avec le pays hôte et avec le pays de destination (ATF 139 I 145 consid. 2.4 p. 149 ; ATF 139 I 31 consid. 2.3.3 p. 34 ss ;
ATF 135 II 377 consid. 4.3 p. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_607/2018 du 10 octobre 2018 consid. 1.4.1).

4.2. En l’espèce, l’appelant conteste le prononcé de l’expulsion, sans expliquer en quoi une telle mesure lui porterait atteinte, étant relevé qu’aux débats de première instance il a expliqué ne pas s’y opposer. En l’absence de tout lien de l’appelant avec la Suisse, et au vu de la récidive que constitue la présente condamnation, il se justifie de prononcer à son encontre une expulsion facultative pour une durée de dix ans.

4.3. Il n'y a pas lieu d'étendre la mesure d'expulsion prononcée à l'ensemble de l'espace Schengen, le prévenu étant titulaire d’un titre de séjour d'un État membre.

5. 5.1. Selon l'art. 69 CP, même si aucune personne déterminée n'est punissable, le juge prononce la confiscation des objets qui ont servi ou devaient servir à commettre une infraction ou qui sont le produit d'une infraction, si ces objets compromettent la sécurité des personnes, la morale ou l'ordre public (al. 1). Le juge peut ordonner que les objets confisqués soient mis hors d'usage ou détruits (al. 2).

5.2. Conformément à l'art. 70 al. 1 CP, le juge prononce la confiscation des valeurs patrimoniales qui sont le résultat d'une infraction ou qui étaient destinées à décider ou à récompenser l'auteur d'une infraction, si elles ne doivent pas être restituées au lésé en rétablissement de ses droits.

5.3. En l’espèce, l’appelant sollicite la restitution de son téléphone portable. Les téléphones sont un outil de travail essentiel dans le trafic de stupéfiants, infraction dont l’appelant est reconnu coupable ; son appareil n’a certes pas été exploité et il n’a pas formellement utilisé cet appareil dans ce contexte. Il doit dès lors lui être restitué.

5.4. L’appelant sollicite la restitution des fonds saisis. Le premier juge, qui a ordonné leur affectation au paiement des frais de la procédure, a ainsi en réalité d’ores et déjà ordonné leur restitution puisqu’ils ont été compensés avec une dette de l’appelant. Il n’y a pas lieu de statuer différemment en l’espèce, étant notamment relevé que l’appelant a lui-même déclaré gagner suffisamment sa vie et que la compensation ne porte ainsi pas atteinte à son minimum vital.

6. L'appelant, qui obtient partiellement gain de cause, supportera la moitié des frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), comprenant un émolument de décision de CHF 1'500.-.

Pour le même motif, les frais de la procédure préliminaire seront mis à sa charge à raison de la moitié, y-compris l’émolument de jugement complémentaire.

7. 6.1. L'art. 431 CPP garantit une indemnité et une réparation pour tort moral en cas de mesures de contrainte (al. 1) ou de détention illicite (al. 2). Il y a détention excessive (Überhaft) lorsque la détention provisoire et la détention pour des motifs de sûreté ont été ordonnées de manière licite dans le respect des conditions formelles et matérielles, mais que cette détention dépasse la durée de la privation de liberté prononcée dans le jugement, c'est-à-dire dure plus longtemps que la sanction finalement prononcée. En cas de détention excessive selon l'art. 431 al. 2 CPP, ce n'est pas la détention en soi, mais seulement la durée de celle-ci qui est injustifiée. La détention ne sera qualifiée d'excessive qu'après le prononcé du jugement (ATF 141 IV 236 consid. 3.2 p. 238 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_343/2015 du 2 février 2016 consid. 1.2.4).

Conformément à l'art. 51 CP, l'art. 431 al. 2 CPP pose la règle que la détention excessive est d'abord imputée sur une autre sanction et ne peut donner lieu à une indemnisation que si aucune imputation n'est possible. L'imputation de la détention a lieu, en premier lieu, sur les peines privatives de liberté et, en second lieu, sur les autres peines, comme la peine pécuniaire, le travail d'intérêt général et l'amende. La compensation sous la forme de l'indemnisation est subsidiaire. L'intéressé n'a aucun droit de choisir entre l'indemnisation ou l'imputation (ATF 141 IV 236 consid. 3.3 p. 239 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_343/2015 du 2 février 2016 consid. 1.2.4 ; 6B_558/2013 du 13 décembre 2013 consid. 1.5 ; 6B_169/2012 du 25 juin 2012 consid. 6 ; 1B_179/2011 du 17 juin 2011 consid. 4.2).

6.2. En l’espèce, l’appelant, détenu depuis le 29 juillet 2023, a subi, au jour du présent jugement, 24 jours de détention excessive. Cette peine sera portée en déduction du solde de peine de sa condamnation du 29 janvier 2020.

7. 7.1. Selon l'art. 135 al. 1 CPP, le défenseur d'office est indemnisé conformément au tarif des avocats de la Confédération ou du canton du for du procès. S'agissant d'une affaire soumise à la juridiction cantonale genevoise, l'art. 16 du règlement sur l'assistance juridique (RAJ) s'applique.

Cette dernière disposition prescrit que l'indemnité, en matière pénale, est calculée selon le tarif horaire suivant, débours de l'étude inclus : avocat stagiaire CHF 110.- (let. a) ; collaborateur CHF 150.- (let. b) ; chef d'étude CHF 200.- (let. c). En cas d'assujettissement – l'assujettissement du patron de l'avocat au statut de collaborateur n'entrant pas en considération (arrêts du Tribunal fédéral 6B_486/2013 du 16 juillet 2013 consid. 4 et 6B_638/2012 du 10 décembre 2012 consid. 3.7) – l'équivalent de la TVA est versé en sus.

Conformément à l'art. 16 al. 2 RAJ, seules les heures nécessaires sont retenues. Elles sont appréciées en fonction notamment de la nature, de l'importance et des difficultés de la cause, de la valeur litigieuse, de la qualité du travail fourni et du résultat obtenu.

On exige de l'avocat qu'il soit expéditif et efficace dans son travail et qu'il concentre son attention sur les points essentiels. Des démarches superflues ou excessives n'ont pas à être indemnisées (M. VALTICOS / C. M. REISER / B. CHAPPUIS / F. BOHNET (éds), Commentaire romand, Loi sur les avocats : commentaire de la loi fédérale sur la libre circulation des avocats (Loi sur les avocats, LLCA), 2ème éd. Bâle 2022, n. 257 ad art. 12). Dans le cadre des mandats d'office, l'État n'indemnise ainsi que les démarches nécessaires à la bonne conduite de la procédure pour la partie qui jouit d'une défense d'office ou de l'assistance judiciaire. Il ne saurait être question d'indemniser toutes les démarches souhaitables ou envisageables. Le mandataire d'office doit en effet gérer son mandat conformément au principe d'économie de procédure (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2013.22 du 31 octobre 2013 consid. 5.2.3). Par voie de conséquence, le temps consacré à la rédaction d'écritures inutiles ou reprenant une argumentation déjà développée, fût-ce devant une autorité précédente, ne saurait donner lieu à indemnisation ou à indemnisation supplémentaire (AARP/295/2015 du 12 juillet 2015 consid. 8.2.2.3, 8.2.2.6, 8.3.1.1 et 8.3.2.1).

Il n'appartient pas à l'assistance judiciaire d'indemniser le maître de stage pour la formation qu'il a l'obligation de fournir à son stagiaire (AARP/331/2015 du 27 juillet 2015 ; AARP/325/2015 du 20 juillet 2015 et AARP/300/2015 du 16 juillet 2015 ; ACPR/167/2017 du 15 mars 2017 consid. 4.3).

7.2. L'activité consacrée aux conférences, audiences et autres actes de la procédure est majorée de 20% jusqu'à 30 heures de travail, décomptées depuis l'ouverture de la procédure, et de 10% lorsque l'état de frais porte sur plus de 30 heures, pour couvrir les démarches diverses, telles la rédaction de courriers ou notes, les entretiens téléphoniques et la lecture de communications, pièces et décisions (arrêt du Tribunal fédéral 6B_838/2015 du 25 juillet 2016 consid. 3.5.2 ; voir aussi les décisions de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2016.34 du 21 octobre 2016 consid. 4.1 et 4.2 et BB.2015.85 du 12 avril 2016 consid. 3.5.2 et 3.5.3). Des exceptions demeurent possibles, charge à l'avocat de justifier l'ampleur d'opérations dont la couverture ne serait pas assurée par le forfait.

7.3. Le temps de déplacement de l'avocat est considéré comme nécessaire pour la défense d'office au sens de l'art. 135 CPP (décision de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral BB.2015.33 du 28 juillet 2015 consid. 4.3 et les références). La rémunération forfaitaire de la vacation aller/retour au et du Palais de justice ou au et du bâtiment du Ministère public est arrêtée à CHF 55.- / CHF 75.- / CHF 100.- pour les stagiaires / collaborateurs / chefs d'étude, dite rémunération étant allouée d'office par la juridiction d'appel pour les débats devant elle.

7.4. En l'occurrence, le temps consacré à la rédaction de la déclaration d’appel – qui n’a pas à être motivée – sera écarté, cette activité ressortant à l’indemnisation forfaitaire. Par ailleurs, le temps consacré à la préparation des débats d’appel est manifestement exagéré, dans un dossier relativement simple dont les pièces pertinentes tiennent en un classeur (la moitié du dossier ne concernant pas l’appelant) et de surcroît connu pour avoir été plaidé en première instance il y a quelques mois, aucun argument nouveau n’ayant été soulevé ni aucune question juridique complexe posée. Ce temps sera dès lors ramené à quatre heures d’activité de chef d’étude.

En conclusion, la rémunération sera arrêtée à CHF 2'650.65 correspondant à quatre heures d'activité au tarif de CHF 200.-/heure, huit heures et cinq minutes d’activité au tarif de CHF 110.-/heure plus la majoration forfaitaire de 20%, un forfait déplacement de CHF 55.-, l'équivalent de la TVA au taux de 8.1% en CHF 168.65 et CHF 400.- de frais d’interprète.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1495/2023 rendu le 22 novembre 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/7393/2023.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Acquitte A______ d'infraction à l'art. 19 al. 2 let. a LStup et d'infraction à l'art. 19 al. 1 let. c et d LStup s'agissant des faits reprochés sous point 1.1.1.a de l'acte d'accusation.

Déclare A______ coupable d'infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et d LStup) s'agissant des faits reprochés sous point 1.1.1.b de l'acte d'accusation et de rupture de ban (art. 291 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de neuf mois, sous déduction de neuf mois de détention avant jugement (art. 40 et 51 CP).

Renonce à révoquer le sursis partiel relatif au solde de peine de 18 mois octroyé le 29 janvier 2020 par le Tribunal correctionnel de Genève, mais adresse un avertissement à A______ et prolonge le délai d'épreuve d'un an (art. 46 al. 2 CP).

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de 10 ans (art. 66abis CP).

Dit que l'exécution de la peine prime celle de l'expulsion (art. 66c al. 2 CP).

Ordonne la mise en liberté immédiate de A______ (art. 231 al. 1 CPP).

Dit que la détention avant jugement de 24 jours subie en trop dans la présente procédure sera imputée sur la condamnation prononcée par le Tribunal correctionnel de Genève le 29 janvier 2020 (art. 51 CP).

Ordonne la restitution à A______ du téléphone portable figurant sous chiffre 1 de l'inventaire n°1______ du 29 juillet 2023.

Ordonne le séquestre des valeurs patrimoniales figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n°1______ du 29 juillet 2023 (art. 268 al. 1 let. a CPP).

Prend acte de ce que le premier juge a fixé à CHF 5'043.05 l'indemnité de procédure due à Me C______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP) et arrête à CHF 2'650.65 celle qui lui est due pour la procédure d’appel.

Condamne A______ au paiement de CHF 1'888.-, correspondant à la moitié des frais de la procédure, qui s'élèvent en tout à CHF 3'776.- y compris un émolument de jugement de CHF 300.- et un émolument complémentaire de jugement de CHF 600.- (art. 426 al. 1 CPP) et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'795.-, comprenant un émolument de jugement de CHF 1'500.-.

Met la moitié de ces frais, soit CHF 897.50 à la charge de A______ et laisse le solde de ces frais à la charge de l'État.

Compense à due concurrence la créance de l'Etat portant sur les frais de la procédure avec les valeurs patrimoniales séquestrées figurant sous chiffre 2 de l'inventaire n° 1______ du 29 juillet 2023 (art. 442 al. 4 CPP) et ordonne la restitution du solde éventuel à A______.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information au Tribunal de police, au Service de l'application des peines et mesures, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Gaëlle VAN HOVE

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'776.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

60.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'795.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'571.00