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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/25776/2019

AARP/85/2024 du 01.03.2024 sur JTDP/828/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 02.05.2024, 6B_360/2024
Descripteurs : LÉSION CORPORELLE PAR NÉGLIGENCE;INDIVISIBILITÉ
Normes : CP.125
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/25776/2019 AARP/85/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 1er mars 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocate,

C______, domicilié ______ [GE], comparant par Mes D______ et E______, avocats,

appelants,

 

contre le jugement JTDP/828/2023 rendu le 23 juin 2023 par le Tribunal de police,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

F______, représentante légale de G______, partie plaignante, comparant par Me H______,

intimés.


EN FAIT :

A. a.a. En temps utile, A______ et C______ appellent du jugement JTDP/828/2023 du 23 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) les a reconnus coupables de lésions corporelles simples par négligence (art. 125 al. 1 du Code pénal [CP]), la première ayant été condamnée à 90 jours-amende et le second à 60 jours-amende, tous deux ayant été mis au bénéfice du sursis (délai d'épreuve : trois ans). Ils ont chacun été condamnés à payer à G______ CHF 3'804.50 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure (art. 433 al. 1 du Code de procédure pénale [CPP]) et aux frais de la procédure, par moitié, émolument complémentaire de jugement compris. Leurs conclusions en indemnisation ont été rejetées.

A______ et C______ entreprennent intégralement ce jugement, concluant à leur acquittement ainsi qu'à l'octroi d'une indemnité au sens de l'art. 429 al. 1 let. a CPP pour leurs frais d'avocat.

a.b. Le Ministère public (MP) conclut au rejet des appels et à la confirmation du jugement entrepris.

b. À l'appui de deux ordonnances pénales du 22 décembre 2022, valant acte d'accusation, il est reproché ce qui suit à A______ et C______.

b.a. La précitée, maman de jour des jumelles I______ et G______ (ci-après : I______ et G______), nées le ______ 2018, a, le 8 novembre 2019, en fin de matinée, au centre commercial J______ à Genève, laissé G______ sans surveillance pendant une vingtaine de secondes, alors qu'un chien se trouvait à proximité, laps de temps durant lequel l'animal a mordu l'enfant au visage. La jeune victime a souffert de multiples plaies faciales, lesquelles ont nécessité notamment une reconstruction des voies lacrymales gauches.

b.b. Le précité, détenteur du chien K______ né le ______ 2007, a, dans les mêmes circonstances, causé par négligence à G______ les blessures précitées, en ne prenant pas les précautions nécessaires afin d'éviter que son chien n'échappe à son contrôle et ne morde l'enfant comme décrit supra.

B. Les faits suivants, encore pertinents au stade de l'appel, ressortent de la procédure :

a.a. En juin 2019, une convention d'accueil a été passée entre les parents de G______ et I______, et le L______ [accueil familial de jour] en vue de la garde quotidienne des fillettes par une accueillante familiale employée par cet organisme.

Les parents ont rempli un formulaire intitulé "modalités d'accueil". À teneur du questionnaire "informations pour favoriser l'adaptation", G______ avait l'habitude d'être transportée en poussette lors des sorties, mais ne le souhaitait plus depuis qu'elle savait marcher, sauf en cas de fatigue (cf. questions 3 et 10, pp. 3-4).

a.b. Selon le règlement du L______, l'enfant restait sous la responsabilité de l'accueillante familiale jusqu'au moment où il était remis à ses parents ou aux personnes autorisées selon les "modalités d'accueil", soit in casu les grands-parents, et l'accueillante ne devait en aucun cas laisser l'enfant seul (cf. art. 4 let. c, p. 10).

b. A______ a gardé les jumelles G______/I______ dès fin août 2019.

c. Le 8 novembre 2019, dans les circonstances décrites ci-avant (cf. supra A.b.a et A.b.b.), tandis qu'elle était sous la responsabilité de A______, G______, alors âgée de 20 mois, a été mordue au visage par le chien appartenant à C______.

d. À teneur des images de vidéosurveillance de J______, les faits suivants peuvent être constatés :

- dès 11:35:00, le groupe composé de A______, de ses deux collègues, M______ et N______, et des cinq enfants gardés par celles-ci, apparaît en arrière-plan, les jumelles G______/I______ étant assises dans leur poussette ;

- de 11:40:34 à 11:46:44, A______ entre dans une boutique avec les jumelles, puis rejoint ses collègues qui se trouvent sur la coursive ;

- les clients, notamment avec leur caddie ou chariot à commissions, zigzaguent entre les enfants qui jouent (cf. notamment à 11:40:30 et 11:40:40) ;

- à 11:47:27, A______ sort les sœurs G______/I______ de leur poussette ;

- à 11:48:19, G______ passe une première fois derrière les caddies et échappe à la surveillance de A______ ;

- dès 11:48:34, C______ traverse avec son chien tenu en laisse la coursive où jouent les enfants et, à 11:48:38, passe à travers le groupe. Ce faisant, l'animal, de même que son maître, paraissent détendus, en dépit de l'agitation ;

- à 11:48:44, G______, qui court de manière chancelante depuis derrière les caddies vers le groupe, montre de l'attention pour le chien qui vient de passer à sa droite en tendant le bras en direction de l'animal, puis repart vers la palissade au premier plan ;

- à 11:48:48, G______ disparaît du champ de la caméra et l'on peut supposer qu'elle touche la palissade dans la mesure où celle-ci vibre quatre secondes plus tard ;

- à 11:48:56, le fils de A______ court en direction de la palissade qui vibre à nouveau à 11:49:01 ;

- à 11:48:52, C______ attache son chien à la barre métallique encerclant les caddies parqués devant le magasin O______ ;

- à 11:49:07, G______ se trouve devant le chien de C______ et n'est plus dans le champ de vision de A______ ;

- à 11:49:11, I______ rejoint sa sœur ;

- à 11:49:15, G______ et I______ sont à côté du chien, la première du côté de la tête et la seconde au niveau de son flanc ;

- à 11:49:17, G______ est mordue par le chien ;

- à 11:49:19, A______ et M______ courent en direction des jumelles et portent secours à G______.

e.a. G______ a, d'abord, été transportée à la Permanence médicale de P______ par A______, puis en ambulance aux urgences pédiatriques. Elle a été hospitalisée jusqu'au 15 novembre 2019 dans le Service de chirurgie des enfants.

La jeune blessée présentait une plaie caniculaire avec destruction des canalicules lacrymaux supérieurs, inférieurs et communs gauches, une plaie transfixiante de l'aile nasale droite et de la paupière supérieure gauche, une plaie non transfixiante de la paupière inférieure gauche et une plaie jugale gauche non transfixiante.

e.b. G______ a subi à ce jour trois interventions, le 8 novembre 2019 (d'une durée de sept heures) pour reconstruire le canal lacrymal, le 14 novembre 2019 pour le retrait des fils de la première opération, puis en avril 2020 pour ôter les drains.

Selon le rapport des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) du 16 mars 2023, G______ présentait une "imperméabilité des voies lacrymales" à la suite de sa morsure par le chien. Il avait été impossible, vu la gravité du traumatisme, de reconstruire toutes les structures anatomiques lors de la première opération. Le niveau de la sténose ne pouvait être examiné que lors d'un sondage et rinçage sous anesthésie générale. La mère souhaitait attendre quelques années pour ce faire.

f.a. Le 15 novembre 2019, F______, mère et représentante légale de G______, a déposé plainte pénale contre A______ et le L______. Lorsqu'elle était arrivée au chevet de sa fille, elle avait été choquée par ses plaies au visage, ce d'autant que le médecin de la permanence n'avait pas été en mesure de se prononcer sur leur gravité. L'accueillante familiale avait insisté qu'il n'arriverait rien aux jumelles en sa présence et lui avait écrit un message après les faits, mais elle n'avait pas souhaité y donner suite.

f.b. Devant le MP, F______ a affirmé que sa fille se portait désormais bien. G______ avait conservé comme séquelles de l'accident une cicatrice blanche sur toute la longueur de la narine gauche, qui pouvait créer une asymétrie lors de la croissance, ainsi que de petites cicatrices de couleur rouge au niveau de la pommette droite sur environ cinq millimètres. Son œil coulait plusieurs fois par jour sans que les médecins ne puissent dire si cela allait se résorber. Elle avait consulté une pédopsychiatre car, depuis l'accident, G______ était paniquée à la vue d'un chien. Le médecin avait confirmé que la petite fille allait bien, mais n'avait pas encore été en mesure de se prononcer sur le caractère traumatisant de l'accident. Ils avaient essayé de refamiliariser la fillette avec les canidés, mais elle continuait à avoir un mouvement de recul à leur vue. Après les faits, elle avait eu des problèmes de sommeil et se réveillait durant la nuit en hurlant, ce qui était rentré dans l'ordre. La mère de la victime se disait traumatisée par l'accident. Elle ne comprenait pas comment la maman de jour n'avait pas su encadrer ses enfants afin de l'éviter. Elle lui avait pourtant interdit de sortir les jumelles de la poussette hors d'un parc clos.

Lors des débats de première instance, F______ a confirmé que l'œil de G______, laquelle restait paniquée en présence d'un chien, persistait à couler mais qu'elle attendait les six ans de sa fille pour la faire opérer une quatrième fois.

g. Entendue par la police, le MP et le TP, A______ a d'abord déclaré s'être rendue avec les jumelles G______/I______ et son fils à J______ dans le but d'acheter une tenue pour la fête du personnel, avant d'affirmer y être allée car il faisait froid. Elle y avait retrouvé deux collègues, chacune responsable d'un enfant. Elles avaient joué avec les bambins dans le centre commercial, lieu que la prévenue connaissait bien et qu'elle considérait comme fermé et sécurisé. Elle faisait très attention à la sécurité des sœurs G______/I______, lesquelles étaient des enfants turbulentes et qui couraient partout. Elle ne les laissait pas courir librement à l'extérieur, mais estimait ne pas avoir l'interdiction, contrairement à l'avis de leur mère, de les sortir de leur poussette.

Alors que les enfants faisaient des allers-retours en courant et qu'elle-même cherchait dans la poussette un goûter pour une fillette gardée par sa collègue N______, elle avait entendu crier et s'était aussitôt précipité vers G______. La fillette, dont le visage était ensanglanté, se trouvait "cachée" derrière des chariots face au magasin O______ à côté d'un petit chien blanc. Elle avait paniqué, pris l'enfant dans les bras et demandé à une collègue d'appeler leur responsable. Elle s'était rendue à la permanence médicale de P______ sur les conseils de celle-ci. Elle avait réalisé que la blessée était sous sa responsabilité en s'approchant et avait perdu ses moyens.

Confrontée aux images de la vidéosurveillance et au fait que G______ s'était retrouvée seule devant le chien durant plusieurs secondes, A______ a répété que cela n'était pas possible, soulignant qu'elle ignorait quand l'enregistrement avait débuté et qu'elles étaient trois à surveiller les enfants. Elle s'est déclarée choquée par les images et a dit qu'elle était désolée de ce qu'il s'était passé. Elle a d'abord soutenu que sa collègue, M______, se tenait tout près des caddies, avant qu'on lui fasse remarquer qu'on observait sur les images qu'elles étaient toutes trois réunies au même endroit, ce qu'elle a contesté. Après avoir revu le film, elle a déclaré que M______ était du côté du magasin.

Elle n'avait ni vu passer de chien, ni remarqué l'intérêt de G______ pour celui-ci. Elle n'avait jamais vu d'animal attaché aux caddies auparavant et n'aurait jamais pu l'imaginer, d'autant moins que l'endroit était sombre. Elle ignorait qu'il existait un magasin pour animaux dans le centre et que les chiens y étaient autorisés.

Lorsque ses collègues et elle-même se réunissaient, elles partageaient la surveillance des enfants, ce dont elles étaient convenues plus tôt durant la balade. A______ a d'abord dit qu'elle n'avait pas cessé de prêter attention à la sécurité de G______ (cf. procès-verbal du MP du 12 octobre 2020, p. 5), avant d'admettre qu'elle avait perdu de vue la fillette quand elle s'était approchée des caddies et qu'elle-même cherchait le goûter pour l'autre enfant (cf. procès-verbal du MP du 23 septembre 2022, p. 5). Selon elle, la bambine était toutefois surveillée par ses collègues, cependant qu'elle a concédé ne pas être en mesure d'affirmer que les autres nourrices observaient l'enfant à ce moment-là puisqu'elle-même ne les regardait pas (cf. procès-verbal du MP du 23 septembre 2022, p. 5). Pour cette raison également, elle ne pouvait pas attraper dans les bras les enfants qui jouaient, contrairement à ses collègues. Plus tard, elle a affirmé qu'avant de donner le goûter, elle avait vérifié où étaient les jumelles puisqu'elles se trouvaient avec ses collègues et était sûre que celles-ci les surveillaient.

Après l'accident, elle n'avait plus souhaité se rendre à J______ avec des enfants car elle avait vécu l'accident comme un choc. Depuis, elle avait suivi une formation qui l'avait rendue attentive aux nombreux accident survenant chaque année avec des chiens. Elle prêtait désormais attention lorsqu'elle passait devant un chien attaché devant un commerce. Elle était profondément désolée pour G______ et sa mère. Elle avait écrit une carte et des messages à cette dernière, lesquels étaient demeurés sans réponse. Il était douloureux et insupportable d'imaginer qu'un accident soit intervenu lorsque la fillette était sous sa responsabilité. Elle n'avait jamais eu le moindre incident auparavant avec des enfants gardés.

h.a. Entendu par la police, C______ a expliqué qu'il s'était rendu avec son petit chien K______, âgé de 12 ans, à J______ pour acheter des cigarettes dans le magasin O______. Il avait attaché l'animal aux chariots devant le commerce, car les canidés n'étaient pas autorisés dans cette enseigne.

Il n'avait pas eu le temps d'arriver vers les caisses qu'il avait entendu des femmes crier. Il s'était retourné, avait vu qu'elles couraient vers son chien et était revenu sur ses pas. Une femme – laquelle était paniquée et criait qu'il y avait du sang – avait pris un enfant dans les bras et l'avait placé dans une poussette. Il lui avait conseillé de se rendre aux urgences. C'était à ce moment-là qu'elle l'avait informé de ce que K______ avait mordu l'enfant. Il lui avait dit que lorsqu'un chien était attaché, il ne fallait pas laisser des enfants jouer avec, et elle avait répondu ne pas avoir remarqué la présence de l'animal. Elle était partie aux urgences, tandis qu'il était resté pour transmettre ses coordonnées à la responsable des nourrices et à un agent de sécurité.

Il avait été interrogé par le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV) au sujet de l'accident et avait reçu un courrier du service fin novembre 2019. À teneur de cette lettre, le chien était vacciné, présentait la marque de contrôle de l'année. Ils avaient suivi ensemble les cours obligatoires. On l'enjoignait de ne plus laisser son animal attaché seul et sans surveillance sur le domaine public, en particulier devant un commerce, idem s'agissant de le laisser jouer avec des enfants.

h.b. Devant le MP, en qualité de prévenu, C______ a précisé que lorsqu'il s'était dirigé en direction des caddies, il avait remarqué un groupe composé d'adultes et d'enfants. Il les avait contournés, sans y prêter réellement attention, et avait poursuivi son chemin. C'était la première fois qu'il attachait K______ à la barre métallique longeant les caddies, étant précisé qu'il avait vu d'autres détenteurs procéder de la sorte lorsqu'il n'y avait pas d'autre point d'attache. G______ ne se trouvait pas vers le chien quand il l'avait attaché et, à son avis, elle était encore dans le couloir. Il avait accroché K______ de la main droite avec une longueur suffisante pour que l'animal puisse s'asseoir avec son harnais, soit environ un mètre, et avait bloqué la laisse de manière à retenir le chien. Face à l'animal, il n'avait pas vu d'enfant arriver par la gauche, puis il avait marché dos au chien vers le commerce. Il avait l'impression que le chien avait aboyé ou d'avoir entendu un bruit.

Il estimait avoir pris toutes les précautions pour éviter que son animal ne blesse quelqu'un. Le chien était attaché de manière à ne pas pouvoir bouger et se trouvait à un endroit sans passage. De plus, il s'était absenté quelques secondes pour acquérir des cigarettes. À son retour, l'attache était intacte, donc le chien avait bien été bloqué.

K______ était un chien joueur, curieux et très jovial. Ils avaient participé aux cours obligatoires, puis avaient continué à suivre une leçon par semaine durant une année et demi. Son chien avait l'habitude de jouer devant son immeuble avec des enfants de tout âge et cela s'était toujours bien passé, étant précisé qu'il était toujours présent.

Après les faits, il avait appelé l'hôpital pour prendre des nouvelles de G______ et s'était rendu sur place le soir même avec une peluche, puis les jours suivants avec des attentions. Il était désolé pour l'enfant ainsi que pour ses parents et proches.

i. Les deux collègues de A______ ont été entendues par la police le 24 juin 2020. Elles ont toutes deux expliqué être entrées dans le centre commercial à cause du froid, puis avoir fait jouer les enfants, dont les turbulentes jumelles G______/I______, entre deux magasins. Les bambins faisaient des allers retours en courant entre les bras de N______, à genoux, et le mur en face. A______ avait sorti une pomme pour la fillette gardée par la précitée ainsi que son porte-monnaie pour acheter de l'eau aux enfants.

Alors que c'était son tour de courir vers N______, G______ avait dévié. Aucune de ces deux témoins n'a pu estimer à combien de mètres elles se trouvaient de G______ lorsque celle-ci avait dérivé, N______ affirmant que ce n'était "pas une longue distance". M______ a dit s'être dirigée vers la fillette pour aller la chercher, car les trois accueillantes avaient l'habitude de s'entraider et toutes trois l'avaient appelée par son prénom pour qu'elle revînt, en vain. Elles l'avaient ensuite entendue crier, étant précisé que l'accident s'était passé en une fraction de seconde. N______ a en substance expliqué la même chose, à la précision qu'elle n'a pas évoqué que sa collègue était en train d'aller chercher G______ avant le drame.

D'après M______, A______ n'avait pas perdu de vue G______. Elle ne pouvait dire si sa collègue avait maintenu un contact visuel avec les jumelles lorsqu'elle cherchait son porte-monnaie. Il lui semblait néanmoins qu'elle avait entretemps pris l'objet sous le bras après avoir distribué le fruit et qu'elle regardait en direction des enfants puisqu'elle avait également appelé G______. Selon N______, tandis que A______ cherchait son porte-monnaie, elle n'avait pas perdu les jumelles de vue, car M______ et elle-même surveillaient les enfants, ce qui était habituel lorsqu'elles étaient ensemble.

M______ a d'abord dit ne pas se souvenir d'avoir vu un chien avant l'accident, puis se rappeler d'avoir vu passer l'animal et son maître, tandis que N______ a affirmé que, concentrée sur les enfants, elle ne l'avait pas vu.

j. Selon Q______, voisin de C______, K______ était un animal très gentil, bien équilibré et pas agressif, étant précisé que lui-même connaissait très bien les chiens. Ils se réunissaient dans le jardin de l'immeuble avec K______ et des enfants. Cela s'était toujours bien passé. Il avait été surpris d'apprendre que le chien avait mordu et pensait qu'il y avait eu un élément déclencheur, par exemple que l'animal avait eu peur.

Conclusions en indemnisation

k. En première instance, C______ a sollicité à titre de prétentions pour ses frais de défense : CHF 5'793.35 pour l'activité déployée par son avocat du 4 août au 17 octobre 2022, CHF 9'773.75 pour celle déployée du 27 décembre 2022 au 22 juin 2023 et CHF 321.- en remboursement de frais de copie.

l.a. Par la voix de son conseil, F______ a sollicité à titre d'indemnité pour ses frais d'avocat occasionnés par la procédure préliminaire et de première instance la somme de CHF 7'065.-, TVA en sus (cf. procès-verbal du TP, p. 14), et produit une note d'honoraires pour l'activité déployée du 1er décembre 2021 au 22 juin 2023, soit un total de 15.7 heures au tarif horaire de CHF 450.- heure.

l.b. Par courrier du 23 janvier 2024, elle a conclu à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées pour toute la procédure à la condamnation des appelants au paiement d'une somme globale de CHF 19'986.75 (ndr : incluant le montant requis par-devant la première instance). Elle a produit pour la première fois quatre notes d'honoraires pour l'activité déployée par son conseil du 10 décembre 2019 au 29 juin 2021 ainsi que du 23 juin 2023 au 19 janvier 2024.

C. a. Lors de l'audience d'appel, A______ a répété qu'elle considérait que la zone où avaient joué les enfants était sécurisée, raison pour laquelle les nourrices ne l'avaient pas "fermé[e]". Il y avait un mur au fond, aucune sortie à proximité et le fond à partir duquel on pouvait faire le tour de la coursive était éloigné. Bien qu'elle avait revu les images de la vidéosurveillance, elle ne se souvenait plus de ce qu'elle faisait au moment où le chien était passé : soit elle donnait la pomme, soit elle discutait avec ses collègues. Elle ne se sentait pas fautive car elle n'aurait jamais pu imaginer qu'un propriétaire attachât son chien à cet endroit et n'avait jamais vu de canidé dans l'enceinte du centre. Sans ses collègues, elle n'aurait pas sorti les jumelles de la poussette puisqu'il s'agissait d'un jeu collectif qui avait eu lieu parce qu'elles étaient trois à l'encadrer. Après le premier procès, elle avait été heureuse de croiser G______ avec sa grand-mère et de constater que la petite fille se portait bien. Elle regrettait de ne pas avoir pu entrer en contact avec F______, tandis que celle-ci avait accepté de parler à C______.

b. C______ a ajouté qu'il se rendait régulièrement avec son chien à J______, où il y avait un magasin pour animaux ouvert depuis de nombreuses années d'après lui. Il y avait des gamelles à disposition sur l'espace public, non loin du lieu où se trouvait A______. À défaut de "queue de cochon" devant le magasin O______, il avait attaché l'animal aux caddies. C'était le seul endroit suffisamment fixe et solide pour l'y laisser le temps d'acheter des cigarettes. Il ne pensait pas que la présence de K______, qui pesait à l'époque 13 kilogrammes, pouvait faire craindre à un client de se servir d'un caddie, l'animal ayant de surcroît été attaché au milieu de la barre, de sorte qu'il y avait de nombreux caddies à tirer avant d'y arriver. S'il avait vu des enfants à proximité de K______ au moment où il l'avait attaché, il aurait cherché à interpeller la personne en charge afin de lui dire de ne pas laisser un bambin courir tout seul dans un centre commercial à midi, étant précisé qu'il estimait qu'il y avait un peu plus de 20 mètres entre K______ et l'endroit où se trouvaient les mamans de jour. Lorsqu'il avait appris que K______ avait mordu G______, il n'y avait pas cru et avait été choqué, tout comme son chien. L'animal n'avait jamais ni montré d'agressivité ni mordu, ce qui confirmait qu'il avait été provoqué. L'accident ne se serait jamais produit si G______ avait bien été surveillée par une professionnelle. Il espérait que la petite fille ne garderait pas un mauvais souvenir et ne penserait pas que le chien est un animal méchant. Depuis les faits, il ne laissait plus K______ seul et s'il devait faire des courses, l'animal restait à la maison.

c.a. Par la voix de son conseil, C______ persiste dans ses conclusions, précisant solliciter une réduction de peine dans l'hypothèse d'un verdict de culpabilité.

Il n'avait pas de position de garant, avait pris toutes les précautions qui s'imposaient en sa qualité de détenteur de chien et n'avait pas commis de faute. La partie plaignante n'avait jamais évoqué de grief à son encontre, ni porté plainte contre lui. Son chien de 12 ans n'avait jamais mordu quiconque, était gentil et familier du centre commercial, de même que de la présence d'enfants. Les images montraient que maître et chien avaient traversé la coursive tranquillement malgré la présence des enfants. Il avait attaché l'animal convenablement puisqu'il n'avait pas bougé. À l'inverse, la maman de jour avait violé son devoir de prudence en laissant échapper à sa surveillance les jumelles pendant plus de 20 secondes, ce qui leur avait laissé le temps de toucher le chien et entraîné la morsure.

c.b. L'appelant produit la note d'honoraires de son conseil pour l'activité déployée du 1er janvier au 1er février 2024, soit 14 heures et 35 minutes au tarif de CHF 350.- par heure, TVA en sus.

d.a. Par la voix de son conseil, A______ persiste dans ses conclusions.

Elle avait emmené les jumelles jouer dans un lieu fermé, sécurisé et avec peu de passage, car il faisait froid. Elle n'avait pas l'interdiction de sortir les fillettes de la poussette. G______ avait échappé au maximum durant 17 secondes à la surveillance des nourrices, car on ne pouvait pas affirmer que la course de l'enfant en direction du mur avait été induite par son intérêt pour le chien et la paroi avait vibré à 11h49min01sec. Elle avait pris toutes les mesures utiles en terme de sécurité en s'organisant avec ses collègues pour surveiller tous les enfants, celles-ci ayant accepté cette responsabilité. Elle n'avait jamais eu de problème depuis 2011 et son employeur, organisme surveillé par l'État, l'avait gardée à son service, ce qui montrait que sa faute n'était pas évidente.

On ne pouvait pas établir un lien de causalité entre son comportement et la survenance du résultat. Il était sans pertinence qu'elle ne vit pas le chien traverser la coursive dans la mesure où l'animal n'était pas encore une source de danger. Il n'était pas notoire que les enfants soient attirés par les chiens, puisque certains en avaient peur. Elle ne pouvait pas s'attendre à ce qu'un animal soit attaché seul à un caddie devant un magasin.

Subsidiairement, elle requérait une réduction de peine, compte tenu du fait que sa prise de conscience était totale et qu'elle n'avait jamais contesté sa responsabilité. Elle avait été très marquée par l'accident. Le principe de célérité avait été violé.

d.b. Par la voix de son conseil, F______ conclut à la confirmation du jugement et persiste dans ses conclusions en indemnisation du 23 janvier 2024 (cf. supra B.l.b).

L'appelante n'avait pas pris toutes les mesures qui s'imposaient de manière à éviter que l'enfant sous sa responsabilité ne soit blessé. Elle avait violé son obligation de ne pas sortir les jumelles, bambines turbulentes nécessitant une surveillance de tout instant, de la poussette et les avait laissées jouer dans un lieu inadéquat, alors qu'il y avait sur place une zone destinée aux enfants. Des précautions élémentaires auraient suffi à éviter la lésion. Il était exact de retenir que la nourrice avait manqué d'attention durant 34 secondes. L'appelante n'avait ni aperçu le chien qui traversait le groupe, ni l'intérêt de la fillette pour l'animal. Le fait que la paroi vibrait à 11h49min01sec ne permettait pas d'établir que les nounous l'observaient. L'absence de surveillance aurait pu durer puisque seuls les cris de la blessée y avaient mis fin. On ne pouvait pas déduire du fait que l'employeur de la nourrice ne la licenciât pas qu'elle n'avait commis aucune faute, puisqu'elle avait été suspendue.

L'appelant n'avait pas pris les mesures qui s'imposaient. Il avait attaché son chien aux caddies, alors qu'il avait vu les enfants en arrivant et ignorait comment l'animal se comportait lorsqu'il était entravé et seul. Il avait marché vers le magasin sans se retourner pour observer son chien.

d.c. L'intimée produit un rapport de consultation du 24 janvier 2024 établi par les HUG. À teneur de ce document, G______ a été suivie régulièrement par le service d'ophtalmologie depuis sa grave morsure au visage et demeurait à ce jour "très dérangée par un larmoiement résiduel de l'œil gauche qui nécessiter[ait] probablement une nouvelle intervention dans les prochaines années".

D. A______, née le ______ 1984, est ressortissante suisse et haïtienne. Elle est mariée et mère de deux enfants nés en 2007 et 2016.

Elle est arrivée en Suisse en 2006 et a obtenu l'autorisation étatique d'accueillir des enfants à domicile quatre ans plus tard, laquelle a été prolongée jusqu'en 2025 selon ses explications en appel. Elle travaille depuis lors et encore à ce jour pour le L______, étant précisé qu'elle a été suspendue quelques mois après les faits et a dû être suivie psychologiquement en raison de l'accident. Elle participe chaque année aux formations continues obligatoires (cf. notamment pièce 6 produite par l'appelante le 12 octobre 2020) et, à l'époque des faits, elle avait entamé une formation supplémentaire pour approfondir ses connaissances sur les enfants et évoluer dans son métier.

À teneur d'un certificat de travail intermédiaire du 15 septembre 2023, A______ suivait les formations continues, participait à "des séances d'analyse de pratiques professionnelles" et aux cours bisannuels de premiers secours. Elle se montrait motivée ainsi que professionnelle dans l'accueil des enfants.

Selon ses dires en appel, son salaire et son loyer ont augmenté depuis le premier procès et s'élèvent désormais à CHF 5'600.- net, respectivement CHF 2'000.- par mois. Sa prime d'assurance maladie est de CHF 500.-. Elle n'a ni fortune, ni dettes.

EN DROIT :

1. Les appels sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1.1. Le droit de porter plainte se prescrit par trois mois. Le délai court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction (art. 31 CP).

2.1.2. Si un ayant droit a porté plainte contre un des participants à l'infraction, tous les participants doivent être poursuivis (art. 32 CP). On entend par "participant" au sens de l'article précité, le coauteur, le complice et l'instigateur (ATF 81 IV 90 consid. 1 ; 81 V 273 consid. 2 ; 86 IV 145 consid. 1).

Les auteurs d'infractions distinctes ne sauraient être considérés comme des participants au sens de l'art. 32 CP, même s'ils ont contribué à la lésion qui justifie la plainte. Ainsi, lorsque la victime d'un accident de la circulation, impliquant le véhicule dont elle était passagère et un scooter, a porté plainte contre le scootériste, mais non contre le conducteur de l'automobile dans laquelle elle se trouvait, ce dernier ne peut être poursuivi (ATF 81 V 273 consid. 2).

Lorsque plusieurs individus ont, indépendamment les uns des autres, contribué par leur négligence à créer un danger dont le résultat incriminé représente la concrétisation, chacun d'eux peut être considéré comme auteur de l'infraction (auteur dit juxtaposé), que son comportement représente la cause directe et immédiate du résultat ou qu'il l'ait seulement rendu possible ou favorisé (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1333/2022 et 6B_1353/2022 du 2 octobre 2023 consid. 2.2.5 ; 6B_491/2021 du 23 mai 2022 consid. 2.1.2 ; 6B_1371/2017 du 22 mai 2018 consid. 1.1).

2.2.1. Les appelants ont été condamnés en première instance à l'infraction poursuivie sur plainte de lésions corporelles simples par négligence (art. 125 al. 1 CP), qualification que la CPAR ne saurait aggraver, sauf à violer l'art. 391 al. 2 CPP.

2.2.2. La mère de la victime a expressément déposé plainte contre l'appelante ainsi que l'employeur de celle-ci (cf. procès-verbal de la police du 15 novembre 2019, p. 2). Elle n'a en revanche jamais formulé de reproches à l'égard de l'appelant, ni après les faits alors qu'elle connaissait l'identité du propriétaire du chien, ni après l'arrêt de la Chambre pénale de recours (CPR) imposant au MP d'instruire contre lui.

2.2.3. Or, les appelants, lesquels ne partageaient aucun devoir de diligence, ont agi à titre d'auteurs directs juxtaposés, et non de participants au sens de l'art. 32 CP, de sorte que la plainte déposée expressément contre l'appelante (ou son employeur) ne pouvait déployer d'effets contre l'appelant en vertu du principe de l'indivisibilité.

Partant, il existe un empêchement à l'ouverture de l'action publique contre l'appelant. Les faits qui lui sont reprochés seront ainsi classés (art. 329 al. 5 CPP).

2.2.4. À titre superfétatoire, sa culpabilité sera néanmoins examinée ci-après, étant d'ores et déjà relevé que, même à considérer la plainte comme valable à son égard, un verdict d'acquittement se serait imposé (cf. infra consid. 2.6.1 et ss.).

3. 3.1. Selon l'art. 125 al. 1 CP, quiconque, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l'intégrité corporelle ou à la santé est, sur plainte, passible des peines de droit.

3.2.1. Agit par négligence quiconque, par une imprévoyance coupable, commet un crime ou un délit sans se rendre compte des conséquences de son acte ou sans en tenir compte. L'imprévoyance est coupable quand l'auteur n'a pas usé des précautions commandées par les circonstances et par sa situation personnelle (art. 12 al. 3 CP)

3.2.2. La négligence suppose en premier lieu la violation d'un devoir de prudence. Un comportement viole le devoir de prudence lorsque l'auteur, au moment des faits, aurait pu et dû, au vu des circonstances, de ses connaissances et de ses capacités, se rendre compte qu'il mettait en danger des biens juridiquement protégés de la victime et qu'il excédait les limites du risque admissible (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 et 135 IV 56 consid. 2.1).

Pour déterminer le contenu du devoir de prudence, il faut se demander si une personne raisonnable, dans la même situation et avec les mêmes aptitudes que l'auteur, aurait pu prévoir, dans les grandes lignes, le déroulement des événements et, le cas échéant, quelles mesures elle pouvait prendre pour éviter la survenance du résultat dommageable (ATF 145 IV 154 consid. 2.1 et 134 IV 255 consid. 4.2.3). L'étendue du devoir de diligence doit s'apprécier en fonction de la situation personnelle de l'auteur, c'est-à-dire de ses connaissances et de ses capacités (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 et 122 IV 145 consid. 3b/aa). Une violation du devoir de prudence peut être retenue au regard des principes généraux (ATF 135 IV 56 consid. 2.1 et 134 IV 255 consid. 4.2.3).

3.2.3. En second lieu, pour qu'il y ait négligence, la violation du devoir de prudence doit être fautive, c'est-à-dire qu'il faut pouvoir reprocher à l'auteur une inattention ou un manque d'effort blâmable. La violation d'un devoir de prudence est fautive lorsque l'on peut reprocher à l'auteur, compte tenu de ses circonstances personnelles, de n'avoir pas déployé l'attention et les efforts qu'on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir de prudence. L'attention et la diligence requises sont d'autant plus élevées que le degré de spécialisation de l'auteur est important (ATF 138 IV 124 consid. 4.4.5 ; ATF 136 IV 76 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_466/2016 du 23 mars 2017 consid. 3.1 ; 6B_230/2016 du 8 décembre 2016 consid. 1.1).

3.2.4. Il faut en outre qu'il existe un rapport de causalité entre la violation fautive du devoir de prudence et les lésions de la victime. Le rapport de causalité est qualifié d'adéquat lorsque, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3).

3.3. Un crime ou un délit peut aussi être commis par le fait d'un comportement passif contraire à une obligation d'agir (art. 11 al. 1 CP).

Selon l'art. 11 al. 2 CP, reste passif en violation d'une obligation d'agir celui qui n'empêche pas la mise en danger ou la lésion d'un bien juridique protégé par la loi pénale bien qu'il y soit tenu à raison de sa situation juridique, notamment en vertu de la loi (let. a), d'un contrat (let.b), d'une communauté de risques librement consentie (let. c) ou de la création d'un risque (let. d).

Celui qui reste passif en violation d'une obligation d'agir n'est punissable à raison de l'infraction considérée que si, compte tenu des circonstances, il encourt le même reproche que s'il avait commis cette infraction par un comportement actif (art. 11 al. 3 CP). Le juge peut atténuer la peine (art. 11 al. 4 CP).

3.4. Il est établi que la victime a été mordue par le chien de l'appelant, alors qu'elle se trouvait sous la responsabilité de l'appelante, et a souffert des lésions détaillées supra (cf. supra B.e.a), étant rappelé qu'elle a subi à ce jour trois opérations et qu'elle devra très probablement en subir une quatrième (cf. supra C.d.b.).

A______

3.5.1. Il n'est pas contesté que l'appelante est une maman de jour expérimentée. Elle bénéficie d'une autorisation pour accueillir les enfants chez elle et travaille pour le L______ depuis 2010. Elle a suivi les formations continues obligatoires ainsi que, selon ses explications, des cours facultatifs.

Elle a signé en juin 2019 une convention d'accueil avec les parents des jumelles G______/I______ et son employeur, et a commencé à garder les fillettes trois mois plus tard.

À teneur du règlement de son employeur, l'appelante ne devait en aucun cas laisser seules les enfants qu'elle gardait et ne pouvait les remettre qu'aux personnes autorisées. Il ne ressort ni de ce document, ni de la convention d'accueil précitée qu'elle était en droit de déléguer la surveillance des enfants à des tiers, en particulier à ses collègues, d'autant moins que celles-ci devaient surveiller le ou les enfant(s) sous leur garde. Le fait qu'elles étaient convenues de s'entraider, comme elles l'expliquent, ne change rien à ce qui précède.

Il sied de préciser, sans que cela ne soit décisif pour l'issue de la procédure, qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les parents des jumelles avaient interdit à l'accueillante de les sortir de leur poussette hors d'un parc clos. Le questionnaire auquel se réfère la plaignante fait uniquement état des habitudes de l'enfant pour favoriser son adaptation. On ne saurait en inférer une telle interdiction.

3.5.2. Partant, l'appelante assumait à l'égard de la victime un devoir de garant. Il lui incombait de prendre toutes les mesures nécessaires aux fins d'assurer sa sécurité.

3.5.3. Vu sa longue expérience, on pouvait légitimement attendre de l'appelante, professionnelle de la petite enfance, qu'elle maintienne un contact visuel constant avec les jumelles de 20 mois, mais également qu'elle se tienne suffisamment près d'elles pour les éloigner à tout instant d'une source de danger. Une surveillance rapprochée s'imposait d'autant plus que les jumelles étaient, à suivre les nourrices, d'un naturel turbulent et couraient dans tous les sens. Plaide encore en ce sens le fait qu'on constate sur les images de la vidéosurveillance qu'elles se déplacent de manière chancelante, risquant à tout moment de chuter.

À défaut d'être en mesure de garder un œil sur les jumelles ainsi que de les tenir suffisamment proches d'elle au moment de servir le goûter à une fillette, dont elle n'avait pas la responsabilité, il appartenait à l'appelante de prendre des précautions pour les protéger, par exemple les faire revenir vers elle ou les remettre dans leur poussette.

3.5.4. On ne saurait reprocher à l'appelante d'être entrée dans le centre commercial avec les enfants en novembre, ce d'autant qu'il y avait parfois des activités organisées pour eux à l'intérieur de celui-ci. Cela ne la dispensait toutefois pas de s'assurer que l'espace du centre où elle les laissait jouer était adapté et exempt de toute source de danger. Or, tel n'était pas le cas de la surface où se trouvaient les accueillantes familiales. On constate sur les images que les clients, parfois avec un chariot ou un caddie à commissions, devaient zigzaguer entre les enfants en plein jeu sur une coursive publique. L'espace n'était pas fermé, contrairement à ce que soutient l'appelante, puisque les enfants pouvaient faire le tour de la coursive. En outre, ignorant que les chiens étaient autorisés au sein du centre, celle-ci n'avait pas vu K______ passer près du groupe, ni vérifié les alentours avant de lâcher les filles qu'elle savait agitées dans une zone non délimitée.

3.5.5. À teneur des images de vidéosurveillance, on observe que G______ a échappé une première fois à sa surveillance à 11h48min19sec, puis que celle-ci a marqué un intérêt pour le chien à 11h48min34sec (la bambine tend le bras en direction de l'animal, puis repart vers la palissade sans que l'on ne soit en mesure d'affirmer si elle suit le canidé ou poursuit son jeu). L'enfant disparaît du champ de la caméra à 11h48min48sec avant de réapparaître devant le chien à 11h49min07sec. Elle est rejointe par sa sœur trois secondes plus tard et mordue à 11h49min17sec. Partant, durant 29 secondes, G______ n'était plus accessible par sa nourrice (celle-ci ayant concédé ne pas être personnellement en mesure de l'attraper), dont a minima 10 secondes sans aucun contact visuel. Il s'agit d'un laps de temps important à l'âge de la victime, d'autant plus que sa sœur avait eu le temps de la rejoindre dans l'intervalle.

Contrairement à ce que plaide la défense, on ne saurait déduire de la vibration de la palissade à 11h49min1sec que la fillette était toujours sous la surveillance des mamans de jour. Au contraire, on peut inférer des images que ladite vibration est plutôt le fait du fils de l'appelante qui court et s'approche de la palissade peu après G______. Même à considérer que cette dernière était toujours dans le champ de vision des nourrices, on constate sur le film que celles-ci ne regardent pas en direction du fond de la coursive ou ne sont pas en position d'intervenir rapidement en cas de danger. À cet égard, les déclarations des collègues de l'appelante ne lui sont d'aucun secours puisque leurs allégations ne correspondent pas à ce qui ressort des images. On n'observe en particulier pas la témoin M______ se diriger vers G______ avant le drame, mais bien après.

3.5.6. Comme évoqué ci-avant, l'appelante ne saurait rejeter sa responsabilité sur ses collègues puisqu'elle n'était pas autorisée à déléguer la surveillance des jumelles.

Même à considérer que tel était le cas, force est de constater que l'appelante ne s'est pas assurée de l'efficience de cette délégation. Elle a, au contraire, concédé à plusieurs reprises ne pas être en mesure de confirmer que ses collègues observaient effectivement les jumelles, tandis qu'elle-même avait perdu tout contact visuel avec celles-ci, tout en affirmant de manière contradictoire avoir pris toutes les mesures pour assurer la sécurité des bambines. Elle n'a donc pas cherché à valider que les autres mamans de jour se chargeaient de la sécurité des jumelles avant de baisser sa garde. Il ressort de surcroît des images de vidéosurveillance qu'aucune d'elles n'était suffisamment proche des fillettes pour intervenir en cas de danger, étant observé qu'il aurait suffi qu'une adulte "ferme" par sa présence l'espace de jeu pour éviter l'accident.

3.5.7. Compte tenu de ces éléments, l'appelante a fautivement violé son devoir de prudence.

Le fait qu'elle ne perdit pas son emploi après les faits ne permet pas de retenir qu'elle n'a pas commis de faute. Elle a été suspendue et a dû suivre une formation sur les chiens, ce qui signifie que son employeur a pris l'affaire au sérieux, mais a tout de même conservé sa confiance envers l'accueillante qui avait eu un parcours parfait jusque-là et n'avait jamais démérité.

3.5.8.1. Le lien de causalité naturelle est établi dans la mesure où le défaut de surveillance de l'appelante a permis à la jeune victime de s'approcher du chien et d'être mordue, ce qui lui a causé de multiples lésions au niveau du visage.

3.5.8.2. La défense plaide encore que la présence du chien derrière les caddies était si imprévisible qu'elle était de nature à rompre le lien de causalité adéquate.

On ne saurait suivre ce raisonnement. Il n'est pas rare de voir des chiens attachés dans l'espace public, également hors des crochets qui leur sont destinés et devant des commerces, fussent-ils à l'intérieur d'un centre commercial. L'appelante, qui fréquentait ledit centre depuis longtemps et avait l'habitude d'y emmener des enfants, aurait dû s'apercevoir de ce que les canidés y étaient les bienvenus et prendre des dispositions idoines. Elle aurait également dû remarquer l'animal qui traversait le couloir proche du groupe d'enfants puisqu'il est notoire que cela peut les attirer et qu'à 20 mois, on ne sait pas reconnaître les signes de malaise d'un chien et agir en conséquence.

À cet égard, elle ne peut d'ailleurs blâmer le comportement du détenteur du chien dans la mesure où aucune faute ne saurait lui être imputée (cf. infra consid. 2.6.1. ss.)

De surcroît, le danger aurait pu provenir de n'importe quelle autre source dissimulée derrière les caddies (trou, verre, etc.), la faute de l'appelante résidant déjà dans le fait d'avoir laissé la victime, puis sa sœur, courir hors de sa portée jusqu'à disparaître de son champ de vision. Le défaut de surveillance de la prévenue était partant propre à entraîner les lésions dont a souffert l'enfant selon le cours ordinaire des choses.

3.5.9. Au vu de ce qui précède, l'appelante a violé de manière fautive son devoir de prudence. Sa condamnation du chef de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP) sera confirmée et son appel rejeté sur ce point.

C______

3.6.1. L'appelant, en tant que détenteur de chien, a un devoir de garant en vertu de l'art. 56 de la Loi fédérale complétant le Code civil suisse (CO). Il a donc une obligation juridique de surveiller son animal, éventuelle source de danger, et/ou de prendre toutes les mesures de sécurité propre à protéger les tiers.

3.6.2. Avant les faits, l'appelant avait suivi des cours d'éducation (leçons imposées, puis cours facultatifs) avec son chien. Il l'avait fait vacciner et avait acheté la marque de contrôle pour l'année en question, conformément à ses obligations.

Son chien, un coton de Tuléar – race qui ne fait pas partie des chiens dits "d'attaque ou potentiellement dangereux" au sens de l'art. 23 de la loi sur les chiens (LChien) et de l'art. 17 du règlement d'application de la LChien (RChien) – avait 12 ans au moment des faits. Il s'agissait d'un animal gentil, jovial et bien équilibré, à en croire tant l'appelant que son voisin. Il n'avait jamais mordu et avait l'habitude de jouer avec des enfants de tout âge à l'extérieur, quoique sous la surveillance de son maître.

3.6.3. Le jour des faits, on observe sur les images de vidéosurveillance que l'appelant traverse tranquillement la coursive avec son chien tenu en laisse. L'animal suit son maître et ne montre aucun signe d'agressivité ou de nervosité, quand bien même il passe à travers le groupe d'enfants agités jouant à faire des allers-retours en courant.

À suivre l'appelant, son animal a été attaché suffisamment court pour être entravé, tout en lui permettant de s'asseoir avec son harnais. Aucun élément ne permet d'en douter, puisque le chien n'a pas bougé entre le moment où il a été attaché et la morsure, étant précisé que ce sont les jumelles qui l'ont approché au niveau de sa tête et du flanc.

3.6.4. Il n'est pas déterminant que K______ n'a pas été attaché à un crochet dédié puisque l'appelant a pris toutes les mesures pour l'immobiliser, qu'il ne l'a pas laissé à un endroit où jouent habituellement des enfants et qu'il devait pouvoir compter sur le fait qu'on ne laisserait pas approcher un enfant sans surveillance de son animal et qu'on lui demanderait la permission avant de le toucher. Il est notoire qu'un chien entravé et sans son maître peut avoir une réaction imprévisible, quel que soit le caractère du canidé, et qu'il est impératif d'obtenir l'aval de son détenteur avant de le caresser.

3.6.5. Contrairement à ce qui ressort du premier jugement, on ne saurait reprocher à l'appelant de ne pas avoir averti les nourrices de ce qu'il s'apprêtait à attacher son chien à la barre des caddies puisqu'il n'y avait pas d'enfant à proximité directe du chien au moment où il s'est exécuté. Aucun motif ne permet de douter du fait qu'il aurait cherché à interpeller la personne en charge de la fillette si elle s'était trouvée autour du chien, comme il l'a expliqué en appel. Plaide en ce sens le fait qu'il surveillait systématiquement son chien lorsqu'il jouait dehors avec des enfants.

3.6.6. Partant, l'appelant n'a pas violé de manière fautive son devoir de prudence et un verdict d'acquittement aurait en tout état été rendu à son égard.

4. 4.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

4.2. La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale
(ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1).

4.3. Les art. 5 CPP et 29 al. 1 Cst. garantissent notamment à toute personne le droit à ce que sa cause soit traitée dans un délai raisonnable. Ces dispositions consacrent le principe de célérité et prohibent le retard injustifié à statuer. L'autorité viole cette garantie lorsqu'elle ne rend pas une décision qu'il lui incombe de prendre dans le délai prescrit par la loi ou dans le délai que la nature de l'affaire et les circonstances font apparaître comme raisonnable (ATF 143 IV 373 consid. 1.3.1 ; 130 I 312 consid. 5.1). Comme on ne peut pas exiger de l'autorité pénale qu'elle s'occupe constamment d'une seule et unique affaire, il est inévitable qu'une procédure comporte quelques temps morts. Lorsqu'aucun d'eux n'est d'une durée vraiment choquante, c'est l'appréciation d'ensemble qui prévaut ; des périodes d'activités intenses peuvent donc compenser le fait que le dossier a été laissé momentanément de côté en raison d'autres affaires. Le principe de célérité peut être violé même si les autorités pénales n'ont commis aucune faute ; elles ne sauraient exciper des insuffisances de l'organisation judiciaire (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3). Selon la jurisprudence, apparaissent comme des carences choquantes une inactivité de treize ou quatorze mois au stade de l'instruction ou encore un délai de dix ou onze mois pour que le dossier soit transmis à l'autorité de recours (ATF 130 IV 54 consid. 3.3.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_434/2021 du 7 avril 2022 consid. 1.2 ; 6B_845/2020 du 5 novembre 2020 consid. 2.1).

4.4.1. La culpabilité de l'appelante n'est pas légère. Elle a failli à son devoir de prudence et laissé échapper à sa surveillance la victime ainsi que sa sœur jumelle, alors qu'elle avait une obligation professionnelle d'assurer leur sécurité.

Sa collaboration a été médiocre. Elle a persisté à nier les faits nonobstant les images de vidéosurveillance, sans remise en cause, et à se retrancher derrière la prétendue surveillance opérée par ses collègues. Sa prise de conscience n'a pas réellement débuté. Certes, l'appelante s'est dite désolée de ce qui était arrivé à la victime, mais elle ne reconnaît aucunement sa responsabilité dans l'accident, rejetant même la faute sur le propriétaire du chien.

Sa situation personnelle, plutôt bonne, est sans particularité.

L'absence d'antécédent a un effet neutre sur la fixation de la peine (ATF 141 IV 61 consid. 6.3.2).

4.4.2. Contrairement à l'avis de la défense, il n'y a pas eu de temps mort au cours de la procédure qui justifierait une réduction de peine en vertu du principe de célérité, étant relevé que le temps écoulé entre les faits et le premier verdict (44 mois environ) s'explique en partie par le recours déposé par la partie plaignante.

4.5. Il apparaît justifié qu'une peine de 90 jours-amende soit prononcée à l'encontre de l'appelante pour sanctionner l'infraction de lésions corporelles simples par négligence dans les circonstances du cas d'espèce. Le montant du jour-amende sera fixé à CHF 80.- compte tenu de sa situation personnelle.

Son appel sera rejeté sur ce point également.

4.6. Le bénéfice du sursis, dont la durée du délai d'épreuve est adéquate, est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP).

5. 5.1. L'appelante, qui succombe intégralement, supportera la moitié des frais de la procédure d'appel, dont un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-. Cette répartition tient compte du fait que 25% des frais d'appel seront mis à la charge de l'intimée qui succombe partiellement, étant rappelé qu'elle concluait à la confirmation du premier jugement, alors que le solde sera laissé à charge de l'État vu le classement.

5.2. Vu la confirmation du verdict de culpabilité de l'appelante, il ne se justifie pas de revoir la répartition des frais de première instance en ce qui la concerne. En revanche, dans le prolongement de ce qui précède, le solde sera laissé à charge de l'État pour tenir compte du classement.

6. 6.1. À teneur de l'art. 429 al. 1 CPP, si le prévenu est acquitté totalement ou en partie ou s'il bénéficie d'une ordonnance de classement, il a notamment droit à une indemnité pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure (let. a) et à une indemnité pour le dommage économique subi au titre de sa participation obligatoire à la procédure pénale (let. b).

La question de l'indemnisation doit être traitée après celle des frais, la décision sur les frais préjugeant de celle à rendre sur l'indemnisation. En d'autres termes, si le prévenu supporte les frais en application de l'art. 426 al. 1 ou 2 CPP, une indemnité est en règle générale exclue, alors que le prévenu y a en principe droit si l'État supporte les frais de la procédure pénale (ATF 147 IV 47 consid. 4.1 ; 144 IV 207 consid. 1.8.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_1169/2022 du 30 juin 2023 consid. 4.1.2).

L'État doit en principe indemniser la totalité des frais de défense, ceux-ci devant toutefois demeurer raisonnables compte tenu de la complexité et de la difficulté de l'affaire (ATF 142 IV 163 consid. 3.1.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_380/2021 du 21 juin 2022 consid. 2.2.2 ; 6B_706/2021 du 20 décembre 2021 consid. 2.1.1). Le juge ne doit ainsi pas avaliser purement et simplement les notes d'honoraires qui lui sont le cas échéant soumises, mais, au contraire, examiner si l'assistance d'un conseil était nécessaire puis, dans l'affirmative, apprécier objectivement la pertinence et l'adéquation des activités facturées, par rapport à la complexité juridique et factuelle de l'affaire et, enfin, dire si le montant des honoraires réclamés, même conforme au tarif pratiqué, est proportionné à la difficulté et à l'importance de la cause (cf. ACPR/140/2013 du 12 avril 2013).

6.2. L'art. 433 al. 1 CPP permet à la partie plaignante de demander au prévenu une juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure lorsqu'elle obtient gain de cause (let. a) ou lorsque le prévenu est astreint au paiement des frais conformément à l'art. 426 al. 2 CPP (let. b). L'al. 2 prévoit que la partie plaignante adresse ses prétentions à l'autorité pénale ; elle doit les chiffrer et les justifier. Si elle ne s'acquitte pas de cette obligation, l'autorité pénale n'entre pas en matière sur la demande.

La partie plaignante obtient gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP lorsque le prévenu est condamné et/ou si les prétentions civiles sont admises (M. NIGGLI / M. HEER / H. WIPRÄCHTIGER [éds], Schweizerische Strafprozessordnung / Schweizerische Jugendstrafprozessordnung, Basler Kommentar StPO/JStPO, 2e éd., Bâle 2014, n. 10 ad art. 433 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung : Praxiskommentar, 2e éd., Zurich 2013, n. 6 ad art. 433). Dans ce dernier cas, la partie plaignante peut être indemnisée pour les frais de défense privée en relation avec la plainte pénale (ATF 139 IV 102 consid. 4.1 et 4.3). La juste indemnité, notion qui laisse un large pouvoir d'appréciation au juge, couvre les dépenses et les frais nécessaires pour faire valoir le point de vue de la partie plaignante dans la procédure pénale. Il s'agit en premier lieu des frais d'avocat de la partie plaignante (arrêts du Tribunal fédéral 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3 ; 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.1 ; A. KUHN / Y. JEANNERET [éds], Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, Bâle 2011, n. 8 ad art. 433 ; N. SCHMID, op. cit., n. 3 ad art. 433). En particulier, les démarches doivent apparaître nécessaires et adéquates pour la défense du point de vue de la partie plaignante raisonnable (arrêts du Tribunal fédéral 6B_864/2015 du 1er novembre 2016 consid. 3.2 ; 6B_495/2014 du 6 octobre 2014 consid. 2.1 ; 6B_159/2012 du 22 juin 2012 consid. 2.3).

L'art. 433 al. 2 CPP, qui impose au plaignant de chiffrer et de justifier ses prétentions, s'explique par le fait que la maxime d'instruction ne s'applique pas à l'égard de la partie plaignante : celle-ci doit demeurer active et demander elle-même une indemnisation, sous peine de péremption (arrêt du Tribunal fédéral 6B_549/2015 du 16 mars 2016 consid. 2.3). Conformément à l'art. 81 al. 4 let. b CPP, le juge doit statuer sur l'indemnité dans le jugement lui-même. Il ne saurait être question d'une procédure séparée sur cet aspect. Nonobstant l'absence de maxime d'instruction, le juge doit néanmoins rendre attentive la partie plaignante à son droit d'obtenir, le cas échéant, une indemnité, comme à son devoir de chiffrer et documenter celle-ci (arrêts du Tribunal fédéral 6B_1000/2015 du 28 septembre 2016 consid. 3 ; 6B_1007/2015 du 14 juin 2016 consid. 1.5.1 et 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.2). Le refus d'entrer en matière sur les prétentions civiles sans auparavant interpeller les parties plaignantes sur ce point, constitue une violation de l'art. 433 al. 2 CPP et un déni de justice, dans la mesure où le juge aurait pu statuer d'office (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1000/2015 du 28 septembre 2016 consid. 3).

En outre, lorsque la cause fait l'objet d'une procédure de première instance
(art. 328 ss. CPP), il résulte du régime légal que les prétentions selon l'art. 433 CPP doivent être soumises au juge avant la fin des débats de manière à ce que celui-ci puisse les traiter conformément à l'art. 81 al. 4 let. b CPP. Il n'y a, en effet, rien d'insolite ou d'illogique d'exiger que la partie plaignante invoque l'allocation d'une indemnité jusqu'à la clôture des débats quand bien même l'action pénale n'est alors pas jugée. Le sort de l'action pénale ne l'empêche, en effet, pas d'articuler ses prétentions, en particulier ses frais d'avocat, et il incombe au juge d'examiner si la partie plaignante remplit les conditions d'allocation, notamment si elle a obtenu gain de cause au sens de l'art. 433 al. 1 CPP (arrêt du Tribunal fédéral 6B_965/2013 du 3 décembre 2013 consid. 3.1.2).

6.3. La Cour de justice applique au chef d'étude un tarif horaire de CHF 450.- (arrêt du Tribunal fédéral 2C_725/2010 du 31 octobre 2011 ; ACPR/279/2014 du 27 mai 2014) ou de CHF 400.- (ACPR/282/2014 du 30 mai 2014), notamment si l'avocat concerné avait lui-même calculé sa prétention à ce taux-là (ACPR/377/2013 du 13 août 2013). Elle retient un taux horaire de CHF 350.- pour les collaborateurs (AARP/65/2017 du 23 février 2017) et de CHF 150.- pour les avocats stagiaires (ACPR/187/2017 du 22 mars 2017 consid 3.2 ; AARP/65/2017 du 23 février 2017).

6.4. Vu la confirmation du verdict de culpabilité à l'égard de l'appelante, ses conclusions en indemnisation doivent être rejetées (art. 429 al. 1 a contrario CPP).

6.5.1. La Cour relève d'emblée que le volume d'activité allégué par les avocats de l'appelant (environ 50 heures) est très important, compte tenu de la difficulté relative du dossier et du fait que ceux-ci ne représentent leur mandant que depuis août 2022.

6.5.2. Pour la procédure préliminaire, les besoins objectifs de la défense de l'appelant requéraient au maximum, pour l'unique audience d'instruction, un temps de travail à évaluer comme suit : deux heures de préparation d'audience, y compris un entretien avec l'appelant, la consultation du dossier (une heure et 15 minutes alléguées par l'avocat), le temps effectif de l'audience (déplacement inclus) (trois heures alléguées par l'avocat), auquel il convient d'ajouter le volume afférent au transport sur place (une heure alléguée par l'avocat), la prise de connaissance de l'ordonnance pénale (réduite à 30 minutes dans la mesure où la collaboratrice suivait seule le dossier), la rédaction de l'opposition (réduite à une heure dans la mesure où l'acte n'avait pas besoin d'être motivé), ainsi que la prise de connaissance de l'ordonnance sur opposition (15 minutes alléguées par l'avocat), soit un total de neuf heures maximum.

6.5.3. Devant le TP, sa défense nécessitait la consultation du dossier (déplacement inclus) (une heure et 20 minutes alléguées par l'avocate), un entretien client en amont des débats (une heure maximum), la préparation des débats (cinq heures et 30 minutes alléguées par l'avocat) et leur durée effective (déplacement inclus) (quatre heures et 30 minutes alléguées par l'avocat), soit 12 heures et 20 minutes.

6.5.4. En appel, la défense des intérêts de l'appelant demandait objectivement la rédaction de l'annonce d'appel (réduite à 15 minutes dans les mesure où l'acte n'a pas à être motivé, cf. notamment AARP/184/2016 du 28 avril 2016 consid. 5.2.3.2 et 5.3.1 ; AARP/149/2016 du 20 avril 2016 consid. 5.3 et 5.4 ; AARP/146/2013 du 4 avril 2013) et de la déclaration d'appel (15 minutes alléguées par l'avocat), un entretien avec le client avant les débats d'appel (une heure maximum), la préparation de l'audience (réduite à cinq heures dans la mesure où la collaboratrice a repris son argumentaire de première instance et connaissait bien le dossier pour l'avoir suivi depuis la mise en prévention de son client) ainsi que la durée effective des débats d'appel (déplacement inclus) (deux heures et 30 minutes), soit neuf heures au total.

6.5.5. Il sera tenu compte d'une heure de travail au tarif du chef d'étude (CHF 450.-) dans la mesure où une première entrevue entre l'associé et le mandant se justifiait avant délégation du dossier à la collaboratrice. Les autres heures seront comptabilisées au tarif horaire de celle-ci (CHF 350.-) puisqu'elle a suivi le dossier de manière indépendante et plaidé le dossier devant le TP ainsi qu'en appel. Une défense par deux avocats ne se justifiait pas, eu égard au degré de difficulté du dossier.

6.5.6. Au vu de ce qui précède, seront allouées à la charge de l'État : pour la procédure préliminaire et de première instance, une indemnité de CHF 8'721.60, soit une heure d'activité au tarif horaire de CHF 450.-, 21 heures d'activité (huit heures plus 12,33 heures arrondies) au tarif horaire de CHF 350.- (CHF 7'350.-), TVA à 7.7% en sus (CHF 600.60), et l'équivalent des frais de copies (CHF 321.-) ; pour la procédure d'appel, une indemnité de CHF 3'783.50, correspondant à dix heures de travail (neuf heures arrondies) au tarif précité (CHF 3'500.-), TVA à 8.1% en sus (CHF 283.50).

6.6.1. Le premier juge a accordé à l'intimée l'intégralité de ses prétentions fondées sur l'art. 433 CPP, soit CHF 7'609.- répartis par moitié à charge des appelants.

6.6.2. En appel, l'intimée produit pour la première fois plusieurs notes d'honoraires antérieures aux débats de première instance ainsi qu'une facture relative à l'appel. Elle conclut à l'octroi d'un montant global de CHF 19'986.75 pour les deux instances (ce qui inclut le montant accordé par le premier juge). Elle aurait cependant dû faire valoir l'intégralité de ses prétentions pour la première instance au plus tard lors des débats idoines et ne saurait profiter de l'appel des prévenus pour pallier cette omission. Elle n'invoque pas, à raison, qu'elle ignorait qu'il lui incombait de chiffrer et justifier en première instance ses prétentions puisqu'elle l'a fait spontanément devant le TP.

6.7.1. En tout état de cause, l'indemnité accordée par le premier juge était adéquate et conforme aux principes jurisprudentiels évoqués supra. Toutefois, l'intimée n'a pas remis en question l'absence de condamnation solidaire des prévenus, de sorte que le montant de CHF 3'804.50 maximum est acquis à l'appelante (art. 391 al. 2 CPP).

6.7.2. Dans le prolongement de ce qui prévaut pour les frais (cf. supra consid. 4.1.), l'intimée peut prétendre à l'indemnisation de 75% de ses frais d'avocat pour l'appel.

La note d'honoraires de 19 janvier 2024 apparaît conforme aux principes en matière d'indemnisation de la partie plaignante, à l'exception de la présence aux débats de première instance qui aurait dû être invoquée devant le premier juge (2.9 heures).

Partant, il sera fait droit aux conclusions de l'intimée à hauteur de CHF 582.40, ce qui équivaut à 75% de 1.6 heures au tarif horaire de CHF 450.- (CHF 540.-) plus la TVA à 7.7% (CHF 26.-) et à 8.1% (CHF 16.40).

6.7.3. Partant, l'appelante sera condamnée à verser à l'intimée CHF 3'804.50 pour la procédure préliminaire et de première instance ainsi que CHF 582.40 pour l'appel.

* * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par A______ et C______ contre le jugement JTDP/828/2023 rendu le 23 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/25776/2019.

Rejette l'appel formé par A______.

Admet celui formé par C______.

Annule ce jugement :

Et statuant à nouveau :

Classe la procédure à l'encontre de C______ s'agissant de l'infraction de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP cum art. 329 al. 4 CPP).

Alloue à la charge de l'État une indemnité à Mes D______ et E______ de CHF 8'721.60 pour la procédure préliminaire et de première instance, et de CHF 3'783.50 pour la procédure d'appel (art. 429 al. 1 let. a et al. 3 CPP).

Déclare A______ coupable de lésions corporelles par négligence (art. 125 al. 1 CP).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 90 jours-amende (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 80.-.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ de ce que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à la moitié des frais de la procédure préliminaire et de première instance arrêtés à CHF 3'593.-, incluant un émolument complémentaire de jugement de CHF 1'000.-, soit CHF 1'796.50, et laisse le solde à la charge de l'État.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______ (art. 429 al. 1 a contrario CPP).

Condamne A______ à verser à G______ CHF 3'804.50 à titre de juste indemnité pour les dépenses obligatoires occasionnées par la procédure préliminaire et de première instance ainsi que CHF 582.40 pour la procédure d'appel (art. 433 al. 1 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'565.-, y compris un émolument d'arrêt de CHF 1'200.-.

Met 50% de ces frais, soit CHF 782.50, à charge de A______, 25%, soit CHF 391.25, à la charge de G______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police.

 

La greffière :

Anne-Sophie RICCI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

3'593.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

180.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

110.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'565.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

5'158.00