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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2527/2024

JTAPI/523/2025 du 19.05.2025 ( ICCIFD ) , REJETE

REJETE par ATA/1004/2025

Descripteurs : TAXATION CONSÉCUTIVE À UNE PROCÉDURE;PRESCRIPTION;DÉCISION DE RENVOI;DÉCISION FINALE;RÉVISION(DÉCISION);REFUS DE STATUER
Normes : LIFD.152.al3; LPFisc.61.al3; LIFD.184; LHID.58; LIFD.147; LPFisc.55; Cst.29.al1; LPA.4.al4
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2527/2024 ICCIFD

JTAPI/523/2025

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 19 mai 2025

 

dans la cause

 

 

Madame A______ et Monsieur B______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

EN FAIT

1.             A______ et B______ (ci-après : les époux ou les contribuables) sont mariés et contribuables dans le canton de Genève.

2.             Par courrier du 8 mai 2017, l’Administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) les a informés de l’ouverture d’une procédure en rappel d’impôt et soustraction pour l’impôt cantonal et communal (ci-après : ICC) et l’impôt fédéral direct (ci-après : IFD) 2007 à 2013, ainsi que d’une procédure en tentative de soustraction pour l’ICC et l’IFD 2014 et 2015.

3.             Le 13 décembre 2018, l’AFC-GE leur a notifié des bordereaux de rappel d’impôt pour l’ICC et l’IFD des périodes fiscales 2007 à 2013, ainsi que des bordereaux d’amende pour soustraction fiscale pour l’ICC et l’IFD 2008 à 2013, dont la quotité était fixée à une fois le montant de l’impôt soustrait, chacun des époux étant sanctionné pour la moitié de la soustraction commise.

4.             Les reprises effectuées dans le revenu imposable des contribuables correspondaient aux liquidités versées sur leurs différents comptes bancaires non déclarés durant la période litigieuse, soit CHF 361'421.- pour 2007, CHF 289'391.- pour 2008, CHF 259'117.- pour 2009, CHF 386'082.- pour 2010, CHF 364'705.- pour 2011, CHF 438'805.- pour 2012 et CHF 277'558.- pour 2013. L’AFC-GE a également procédé à des reprises dans la fortune imposable des époux.

5.             Par décision du 21 mai 2019, l’AFC-GE a rejeté la réclamation et maintenu ses bordereaux de rappels d’impôt et d’amendes.

6.             Le 23 mai 2019, l’AFC-GE a émis des bordereaux rectificatifs pour l’ICC et l’IFD 2014. Elle leur a également fait parvenir des bordereaux d’amendes pour tentative de soustraction pour l’ICC et l’IFD 2014 d’une quotité des deux tiers des impôts soustraits, réparties par moitié entre les époux.

7.             Par jugement du 12 octobre 2020 (JTAPI/868/2020), le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) a partiellement admis le recours contre les décisions et bordereaux précités.

Les rappels d’impôt étaient confirmés dans leur principe et leur quotité, mais les reprises effectuées dans la fortune imposable entre 2009 et 2014 devaient être modifiées pour tenir compte de l’échéance, au 23 mars 2009, d’un placement à terme de EUR 50'000.-. Les reprises devant être annulées s’élevaient à CHF 62'522.50 en 2009, CHF 60'695.- en 2010, CHF 60'340.- en 2011, CHF 61'275.- en 2012, CHF 60'115.- en 2013 et CHF 54'370.- en 2014 (consid. 22).

L’AFC-GE devait également procéder aux calculs conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d’impôt et émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes qui faisaient l’objet de la procédure (consid. 25). Le Tribunal fédéral avait en effet clairement statué que, lorsqu’elle procédait à des rappels d’impôts, l’AFC-GE devait admettre en déduction les intérêts moratoires sur les dettes nouvelles pour chaque période concernée.

Le dossier était ainsi renvoyé à l’AFC-GE pour qu’elle émette de nouveaux bordereaux ICC 2009 à 2014 tenant compte de la fortune corrigée dans le sens des considérants, ainsi que des bordereaux ICC/IFD 2003 (sic) à 2014 admettant la déduction des intérêts sur les créances nouvelles issues des rappels d’impôt dans la détermination du revenu net imposable. L’AFC-GE devait également recalculer les bordereaux d’amendes en tenant compte des nouveaux montants des rappels d’impôt.

8.             Par arrêt du 22 décembre 2020 (6B_815/2020), le Tribunal fédéral a définitivement confirmé la condamnation du contribuable à une peine privative de liberté de deux ans avec sursis pour gestion déloyale, ainsi qu’au paiement de la somme de CHF 20'460'487.- avec intérêts, conjointement et solidairement avec son coaccusé, aux Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après : HUG), à titre de réparation du dommage matériel. Il a été constaté que le contribuable n'avait tiré aucun enrichissement des actes pour lesquels il avait été condamné.

9.             Le 11 février 2021, les contribuables ont sollicité auprès de l’AFC-GE la reconsidération/révision de leurs taxations pour plusieurs périodes fiscales, notamment celles de 2012 à 2014. La somme de CHF 20'460'487.-, avec intérêts à 5 % l’an dès le 1er novembre 2012, que le contribuable avait été condamné à payer aux HUG par l’arrêt pénal, était un fait nouveau. Cette dette et les intérêts y relatifs, qui n’avaient jamais été déclarés auparavant, devaient être pris en compte dès l’exercice fiscal 2012.

Ils sollicitaient l’accord de l’autorité fiscale à la suspension de la procédure judiciaire concernant les exercices 2007 à 2014 qui était alors pendante devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

10.         Le 22 février 2021, l’AFC-GE a répondu aux contribuables qu’elle n’entendait pas répondre favorablement à leur proposition de suspension, compte tenu du risque de prescription, et les a invités à faire valoir leurs prétentions directement devant la chambre administrative dans le cadre du recours qu’ils avaient formé à l’encontre du jugement du 12 octobre 2020.

11.         Dans leur réplique du 31 mars 2021, les contribuables ont par conséquent demandé qu’il soit tenu compte de l’arrêt pénal susmentionné, justifiant la déduction d’une dette de CHF 20'460'487.-, avec intérêts à 5 % l’an dès le 1er novembre 2012 et des intérêts passifs impayés entre le 1er novembre 2012 et le 31 décembre 2014.

12.         Par arrêt du 29 juin 2021 (ATA/685/2021), la chambre administrative a partiellement admis, dans la mesure de sa recevabilité, le recours des contribuables contre le jugement JTAPI/868/2020 du 12 octobre 2020.

L’un des comptes bancaires déclarés par le couple avait été exclusivement alimenté, entre octobre 2008 et décembre 2010, par les versements de salaire de l’employeur du contribuable, si bien que la somme de CHF 164'000.- (CHF 25'000.- en 2008, CHF 50'000.- en 2009, CHF 40'000.- en 2010 et CHF 49'000.- en 2011) qui avait été transférée de ce compte vers un autre compte non déclaré avait déjà fait l’objet d’une imposition sur le revenu. Elle ne pouvait donc pas être taxée une seconde fois à titre de revenu imposable mais devait l’être à titre de fortune. Le jugement était annulé en ce sens et le dossier renvoyé à l’AFC-GE pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

En revanche, la demande des contribuables de tenir compte d’une dette de CHF 20'467'487.- et des intérêts passifs de 5 % l’an y afférents dès le 1er novembre 2012, découlant de la procédure pénale susmentionnée, devait être déclarée irrecevable. La dette et les intérêts y relatifs n’avaient aucun lien avec la procédure en rappel d’impôt ouverte à leur encontre. Admettre la prise en compte de ces éléments reviendrait à autoriser une extension de l’objet de la contestation à de nouvelles déductions, ce qui n’était autorisé par aucune des règles applicables en l’espèce.

13.         Par arrêt du 27 avril 2022 (2C_674/2021), le Tribunal fédéral a rejeté le recours que les contribuables avaient formé à l’encontre de l’arrêt de la chambre administrative du 29 juin 2021. Il a en particulier considéré que, bien qu’il renvoyait la cause à l’AFC-GE, l’arrêt attaqué constituait une décision finale au sens de l’art. 90 LTF, dans la mesure où il ne laissait aucune latitude de jugement à ladite autorité (consid. 2).

14.         À la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral, l’AFC-GE a notifié aux contribuables, le 20 mai 2022, des bordereaux rectificatifs de rappel d’impôt et d’amende ICC/IFD pour les années 2008 à 2014 qui tenaient compte des modifications ordonnées par le tribunal et la chambre administrative.

15.         Ces bordereaux et amendes ont été contestés par les contribuables devant les juridictions précitées.

16.         Dans son jugement du 21 août 2023 (JTAPl/888/2023) rendu dans la cause A/3594/2022, le tribunal a partiellement admis le recours des contribuables et renvoyé le dossier à l’AFC-GE pour nouveaux bordereaux rectificatifs de rappel d’impôt et d’amende ICC 2012 dans le sens des considérants.

Les bordereaux rectificatifs litigieux constituaient des décisions d’exécution. Ils n’étaient dès lors susceptibles de recours que dans la mesure où ils n’exécutaient pas correctement les décisions de base sur lesquels ils se fondaient. A cet égard, les parties s’accordaient sur le fait qu’ils comportaient des rectifications divergentes de celles ordonnées par le tribunal. Le recours était dès lors recevable en tant qu’il visait ces rectifications.

La conclusion tendant à ce que le tribunal ordonne à l’AFC-GE de traiter la demande de révision du 11 février 2021 afin de procéder à la modification des taxations 2012 à 2014 qui faisaient l’objet du présent litige était en revanche irrecevable. Cette question ne pouvait être examinée dans le cadre de l’exécution de décisions de justice qui n’en tenaient pas compte.

Sur le fond, il s’avérait que la déduction de CHF 60'340.- admise par l’AFC-GE pour l’année fiscale 2012 était moins favorable aux contribuables que celle en CHF 61'275.- fixée définitivement par le jugement du 12 octobre 2020. Il incombait dès lors à l’autorité intimée de reprendre les montants entrés en force, qu’elle n’avait pas contestés devant la chambre administrative. Le dossier devait lui être renvoyé à cette fin.

Le grief des contribuables relatif aux intérêts sur rappel d’impôt devait en revanche être écarté. En effet, dans son jugement du 12 octobre 2020, le tribunal avait ordonné à l’AFC-GE « de procéder aux calculs conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d’impôt et d’émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes qui font l’objet de la présente procédure » (consid. 25). L’AFC-GE était ainsi tenue, au moment de l’émission des bordereaux rectificatifs du 20 mai 2022, d’appliquer la jurisprudence du Tribunal fédéral en la matière qui confirmait la règle suivie par le canton de Genève consistant à déduire les intérêts moratoires sur rappel d’impôt de l’année « n » dès l’année « n+1 ». C’était donc à bon droit que l’AFC-GE n’avait établi aucun bordereau rectificatif de rappel d’impôt ICC/IFD 2007 étant donné que les intérêts y relatifs n’étaient déductibles qu’en 2008.

17.         Dans son arrêt du 5 décembre 2023 (ATA/1311/2023), la chambre a partiellement admis le recours formé par les contribuables, annulé le jugement du tribunal du 21 août 2023 en tant qu’il refusait la déduction des intérêts sur les rappels d’impôts pour les périodes fiscales 2007 à 2014 et confirmé ledit jugement pour le surplus.

Elle a rappelé que dans son jugement du 12 octobre 2020, le tribunal avait ordonné à l’AFC-GE de « procéder aux calculs conformes à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d’impôt et d’émettre ainsi des bordereaux rectificatifs pour toutes les périodes qui font l’objet de la présente procédure » (consid. 25). Or, dans ce jugement, il avait fait référence à l’ATF 144 II 359, lequel préconisait une déduction des intérêts relatifs aux rappels d’impôt dans chacune des années fiscales sur lesquelles portaient les rappels d’impôt (NB : soit en année « n »). Certes, dans des arrêts ultérieurs à cette jurisprudence fédérale, la chambre avait retenu qu’au vu de la marge de manœuvre des autorités fiscales dans ce domaine, l’AFC-GE était en droit de déduire les intérêts relatifs au rappel d’impôt de l’année « n » sur l’année de taxation « n+1 ». Pour des motifs de sécurité du droit, cette nouvelle jurisprudence ne pouvait toutefois être appliquée rétroactivement à des décisions entrées en force. Ainsi, après l’arrêt du Tribunal fédéral 2C 674/2021 du 27 avril 2022 qui avait fait acquérir autorité de chose jugée au jugement du tribunal, l’AFC-GE ne disposait plus d’aucune marge de manœuvre quant à la méthode à appliquer pour les calculs des intérêts sur les rappels d’impôt (cf. consid. 4.2 et 4.5).

Le grief des contribuables devait donc être admis et le dossier renvoyé à l’AFC-GE afin qu’elle procède à la déduction des intérêts sur les rappels d’impôts dans chacune des années fiscales sur lesquelles ceux-ci portaient, à savoir les périodes 2007 à 2014 (cf. consid. 4.5).

La chambre a pour le surplus rejeté la conclusion tendant à ce que l’AFC-GE procède à la rectification des bordereaux 2012 à 2014 pour tenir compte de la demande de révision du 11 février 2021. La problématique de la déduction de la dette de CHF 20'467'487.- du contribuable et des intérêts passifs en découlant était pendante auprès du service de taxation de l’AFC-GE. Comme cela avait déjà été retenu dans l’arrêt du 29 juin 2021, les contribuables ne pouvaient dès lors pas faire valoir ce nouveau poste dans le cadre de la procédure devant la chambre, dans la mesure où cela conduirait à une extension de l’objet de la contestation à de nouvelles déductions. Par ailleurs, il ne ressortait pas du dossier que les recourants avaient mis en demeure l’AFC-GE pour qu’elle statue sur cette demande de révision. Ils ne pouvaient ainsi pas invoquer de déni de justice devant la chambre.

18.         L’arrêt susmentionné n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral.

19.         Parallèlement à la procédure de recours susmentionnée, les contribuables ont mis l’AFC-GE en demeure, par courrier du 17 mars 2023, de statuer sur leur demande de révision du 11 février 2021.

20.         L'AFC-GE leur a indiqué, par pli du 26 avril 2023, qu’une réponse leur serait apportée lorsque le litige pendant devant le tribunal sous la cause A/3594/2022 aurait été tranché de manière définitive.

21.         Les contribuables ont réitéré cette mise en demeure le 12 janvier 2024, en sommant l’AFC-GE de statuer dans un délai de 30 jours sur ladite demande.

22.         Par pli du 23 janvier 2024, le service juridique de l’AFC-GE les a informés que leur mise en demeure avait été transmise au service compétent pour y répondre.

23.         Le 19 mars 2024, l’AFC-GE a adressé aux contribuables des bordereaux rectificatifs de rappel d’impôt pour les périodes 2007 à 2014 et d’amende pour les périodes 2008 à 2014, lesquels faisaient suite à l’arrêt de la chambre administrative du 5 décembre 2023.

24.         Dans leur réclamation du 17 avril 2024, les contribuables se sont prévalus de la prescription absolue de quinze ans à l’encontre des bordereaux de rappels d’impôt et d’amende 2007 et 2008.

Ces bordereaux devant être annulés, les dettes chirographaires sur rappel d’impôt déduites de la fortune dans le cadre de l’ICC 2009 à 2014 devaient être rectifiées en conséquence. Il en allait de même des intérêts moratoires sur rappel d’impôt déduits du revenu dans le cadre de l’ICC/IFD 2009 à 2014.

Les contribuables ont également fait grief à l’AFC-GE de n’avoir toujours pas statué, malgré les mises en demeure des 17 mars 2023 et 12 janvier 2024, sur leur demande de révision du 11 février 2021 par laquelle ils sollicitaient la prise en compte des dommages-intérêts que le contribuable avait été condamné à verser aux HUG. Ils sollicitaient la rectification de leurs bordereaux de taxation ICC/IFD 2012 à 2014 conformément à ladite demande. Il en allait de même des bordereaux de taxation ICC/IFD 2015 à 2019.

25.         L’AFC-GE a rejeté la réclamation des contribuables par décision du 1er juillet 2024. La procédure de rappel d’impôt concernant les années 2007 et 2008 s’était terminée avec l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022 et le délai de prescription de cinq ans qui courait à compter de cet arrêt n’était pas échu. La condamnation pénale prononcée à l’encontre du contribuable ne pouvait par ailleurs être prise en compte, comme l’avait spécifié la chambre administrative dans son arrêt du 29 juin 2021. Une décision sur ce point serait rendue par le service de taxation dès l’entrée en force des bordereaux.

26.         Par courrier du 12 juillet 2024, l’AFC-GE a relevé que la demande de révision du 11 février 2021 portait sur les périodes fiscales 2012 à 2019, qui se trouvaient à des stades de procédure différents. Concernant les périodes fiscales 2012 à 2014, elle ne pouvait pas statuer avant que les bordereaux rectificatifs soient entrés en force. La question du début du délai pour déposer une demande de révision avait par ailleurs été soulevée dans un dossier présentant une problématique similaire à celle des contribuables. Or, l’arrêt rendu par la chambre administrative dans cette affaire (ATA/1367/2023) faisait actuellement l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Il paraissait dès lors indiqué d’attendre les considérants de cet arrêt. Dans l’hypothèse où les contribuables refuseraient une telle suspension, elle entendait se fonder sur la jurisprudence issue de l’ATA/762/2023 du 11 juillet 2023, dont il découlait que le délai de révision avait, en l’espèce, commencé à courir le 8 décembre 2017 (NB : soit le jour de l’audience devant le Ministère public genevois à l’issue de laquelle le contribuable avait été informé de son prochain renvoi en jugement en relation avec un dommage causé aux HUG à hauteur de CHF 22'211'846.-).

27.         Par acte du 31 juillet 2024, les contribuables ont recouru au tribunal contre la décision sur réclamation du 1er juillet 2024, en sollicitant son annulation. Ils ont conclu à ce que le tribunal constate que la prescription absolue de quinze ans était atteinte pour les périodes fiscales 2007 et 2008, annule les bordereaux de taxation ICC/IFD ainsi que les bordereaux d’amende correspondants, modifie les bordereaux de taxation et d’amendes 2009 à 2014 afin que ceux-ci ne prennent plus en compte les éléments reportés des années 2007 et 2008, et réattribue les reports d’impôts trop perçus en 2007 et 2008 aux périodes 2009 et suivantes. Ils ont également conclu à la constatation d’un déni de justice de la part de l’AFC-GE du fait de l’absence de décision sur leur demande de révision du 11 février 2021.

La prescription absolue de quinze ans pour les périodes fiscales 2007 et 2008 devait être considérée comme atteinte dès lors que l’arrêt de la chambre administrative du 5 décembre 2023 n’avait pas mis un terme à la procédure de taxation. Contrairement au cas jugé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 13 novembre 2023 (9C_624/2023), les corrections à opérer selon l’arrêt de la chambre ne se résumaient pas à de simples calculs modifiant une période fiscale particulière. Elles impliquaient de redéfinir l’assiette d’imposition des périodes 2007 à 2014, plus précisément d’attribuer les éléments de revenus (en l’occurrence les intérêts passifs) et les éléments de fortune (en l’occurrence les dettes fiscales) aux bonnes périodes. Partant, l’AFC-GE n’avait pas procédé à la taxation de l’ensemble des éléments de revenus et de fortune dans les périodes concernées avant l’échéance du délai de prescription.

Concernant le grief de déni de justice, ils avaient sollicité, le 11 février 2021, la reconsidération/révision de leurs taxations pour plusieurs périodes fiscales, notamment celles de 2012 à 2014. Ils avaient formellement mis l’AFC-GE en demeure de statuer sur cette demande par courrier du 17 mars 2023 et avaient réitéré cette mise en demeure le 12 janvier 2024. Dans la décision entreprise, l’AFC-GE avait allégué qu’elle ne pouvait intégrer cette demande à la procédure en cours et qu’elle la traiterait une fois celle-ci terminée. Or, cette autorité les avait précédemment invités à faire valoir leurs prétentions relatives à la dette de CHF 20'460'487.- et aux intérêts y afférents directement devant la chambre administrative, dans le cadre de la procédure qui était alors pendante (cf. supra ch. 10). Ces revirements étaient constitutifs d’un déni de justice. L’AFC-GE mettait en outre gravement en péril leur situation financière dès lors qu’elle ne s’attachait à traiter que les éléments à charge tout en repoussant le traitement des éléments à décharge. Pareil comportement était abusif.

28.         Aux termes de ses observations du 4 novembre 2024, l’AFC-GE a conclu au rejet du recours.

L’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022 avait mis un terme à la procédure de taxation concernant les périodes fiscales 2007 à 2014 avant que le droit de procéder aux rappels d’impôt pour les périodes 2007 à 2013, ainsi que la poursuite pénale de la soustraction d’impôt consommée pour les années 2008 à 2014, ne soient prescrits. A la suite de cet arrêt, elle avait notifié aux contribuables des bordereaux rectificatifs de rappel d’impôt et d’amende pour les années 2008 à 2014 qui intégraient les modifications ordonnées par les décisions judiciaires successives. Elle ne disposait alors plus d’aucune latitude de jugement, devant procéder tout à la fois à la déduction de CHF 164'000.- sur les reprises en fortune ordonnée par le tribunal dans son premier jugement du 12 octobre 2020, à la déduction sur les reprises en revenu ordonnée par la chambre dans son arrêt du 29 juin 2021, ainsi qu’au calcul conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral des intérêts sur les rappels d’impôts.

Dans les premiers bordereaux d’exécution notifiés le 20 mai 2022, elle avait toutefois déduit les intérêts sur rappel d’impôt en année « n+l » et non en année « n » comme le préconisait l’ATF 144 II 359. La chambre avait ainsi partiellement admis le recours des contribuables dans son second arrêt du 5 décembre 2023 et lui avait renvoyé le dossier pour nouvelle décision au sens des considérants, non sans préciser qu’après l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022, elle ne disposait plus d’aucune marge de manœuvre quant à la méthode à appliquer pour les calculs des intérêts sur les rappels d’impôt.

Les bordereaux rectificatifs ICC/IFD 2007 à 2014 du 20 mars 2024 comportaient bien cette seule et unique rectification, à savoir le calcul des intérêts sur rappel d’impôt en année « n » au lieu de l’année « n+l ». Ils ne faisaient qu’exécuter une décision de base et ne pouvaient avoir pour effet de remettre en cause une décision administrative entrée en force. Les contribuables ne pouvaient plus qu’invoquer la prescription du droit de percevoir l’impôt au sens des articles 121 LIFD et 42 LPGIP. Celle-ci n’était toutefois pas atteinte, tant sous l’angle relatif qu’absolu. Leur conclusion en annulation des bordereaux 2007 et 2008 ainsi que celles portant sur les reports à opérer sur les périodes fiscales suivantes étaient donc infondées.

Il en allait de même de la conclusion tendant à la constatation d’un déni de justice. Dans son courrier du 12 juillet 2024, elle avait en effet indiqué qu’elle se prononcerait sur la demande de révision des contribuables lorsque la décision sur réclamation serait entrée en force. Elle avait également indiqué qu’un recours était pendant devant le Tribunal fédéral dans un dossier présentant une problématique similaire à celle du cas d’espèce. Il convenait dès lors d’attendre les considérants du Tribunal fédéral dans cette cause.

29.         Les contribuables ont répliqué le 28 novembre 2024 et persisté dans leurs conclusions.

Contrairement à ce que prétendait l’AFC-GE, le Tribunal fédéral n’avait pas mentionné, dans son arrêt du 27 avril 2022, que celui-ci mettait un terme à la prescription absolue de quinze ans en ce qui concernait les périodes fiscales litigieuses. Ce point n’était en effet pas soumis à son examen. Un tel effet pourrait éventuellement résulter de l’arrêt de la chambre du 5 décembre 2023. Celui-ci n’était toutefois entré en force qu’en janvier 2024, soit après l’expiration du délai de prescription absolue pour les périodes fiscales 2007 et 2008.

Les arguments de l’AFC-GE relatifs à la prétendue absence de déni de justice étaient contradictoires. Cette autorité ne pouvait refuser de traiter la demande de révision formulée le 11 février 2021 dans le cadre de la présente procédure au motif qu’il s’agissait d’un dossier indépendant et conditionner en parallèle l’examen de cette demande à la fin définitive de la présente procédure.

30.         Dans sa duplique du 20 décembre 2024, l’AFC-GE a persisté dans ses conclusions tendant au rejet du recours. La réplique des contribuables ne contenait ni pièce ni argument nouveaux susceptibles d’influer sur le sort du litige.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l’AFC-GE (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 ; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 49 LPFisc et 140 LIFD.

3.             Les recourants se prévalent en premier lieu de la prescription absolue du droit de procéder au rappel d’impôt IFD et ICC des années 2007 et 2008 et de prononcer les amendes y relatives.

4.             La prescription ou la péremption sont des questions de droit matériel devant être examinées d'office lorsqu'elles jouent en faveur du contribuable tant pour l'IFD que l’ICC, lorsque celles-ci se fondent sur le droit fédéral (ATF 138 II 169 consid. 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_74/2021 du 26 juillet 2021 consid. 4 et les références).

5.             En l’absence d’une réglementation expresse contraire, le droit applicable à la taxation est celui en vigueur pendant la période fiscale en cause. Le rappel d’impôt relevant du droit matériel, le droit applicable obéit aux mêmes règles (arrêts du Tribunal fédéral 9C_715/2022 du 19 juillet 2023 consid. 5 ; 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 4.1 et la référence). En revanche, en ce qui concerne la poursuite pénale pour soustraction fiscale (consommée ou tentée), le nouveau droit, entré en vigueur le 1er janvier 2017 (RO 2015 779; FF 2012 2649), s’applique au jugement des infractions commises au cours de périodes fiscales précédant son entrée en vigueur s’il est plus favorable que le droit en vigueur au cours de ces périodes fiscales (principe de la lex mitior ; cf. art. 205f LIFD et 78f LHID).

6.             L’art. 152 LIFD prévoit que le droit d’introduire une procédure de rappel d’impôt s’éteint dix ans après la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’a pas été effectuée, alors qu’elle aurait dû l’être, ou pour laquelle la taxation entrée en force était incomplète (al. 1). Le droit de procéder au rappel d’impôt s’éteint quinze ans après la fin de la période fiscale à laquelle il se rapporte (al. 3 ; cf. ATF 140 I 68 consid. 6.1).

L’art. 61 LPFisc a une teneur identique à l’art. 152 LIFD. La problématique peut donc être examinée conjointement pour l’IFD et les ICC.

7.             Les délais relatif et absolu de prescription du droit de taxer finissent de courir lorsque l’impôt est fixé par une décision de taxation entrée en force. Si l’entrée en force se produit avant l’échéance des délais relatif et absolu, le droit de taxer a été exercé en temps utile et est sauvegardé. En cas de recours au Tribunal fédéral, le recours en matière de droit public étant une voie de droit ordinaire qui empêche la décision cantonale de dernière instance d’entrer en force, le délai de quinze ans de l’art. 120 al. 4 LIFD n’est observé qu’à la condition que le Tribunal fédéral statue avant son échéance. En d’autres termes, le délai en question continue de courir pendant la procédure de recours devant le Tribunal fédéral (ATF 140 I 68 consid. 6 ; ATF 138 II 169, RDAF 2013 II 101 ; Lydia MASMEJEAN-FEY/Guillaume VIANIN, in Commentaire romand de la LIFD, 2ème éd., 2017, n. 6b et 21 ad art. 120 LIFD).

8.             Selon la jurisprudence, un arrêt de renvoi constitue en principe une décision incidente contre laquelle aucun recours n’est ouvert, sauf lorsque l’autorité à laquelle l’affaire est renvoyée n’a aucune marge de manœuvre, notamment lorsqu’il ne lui reste plus qu’à calculer le montant de l’impôt, en appliquant les règles définies dans la décision de renvoi ; un tel arrêt est en effet considéré comme final (ATF 144 II 359 consid. 2.2.1 ; ATF 138 I 143 consid. 1.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1085/2018 du 12 décembre 2018 consid. 4.3).

Lorsqu’une autorité motive le renvoi d’une affaire, ses considérants de droit lient l’autorité inférieure ainsi que les parties, en ce sens que ces dernières ne peuvent plus faire valoir dans un recours contre la nouvelle décision de première instance des moyens qui ont été rejetés dans l’arrêt de renvoi. En raison de l’autorité de la chose jugée, de tels moyens sont irrecevables (ATF 133 III 201 consid. 4). En revanche la nouvelle décision de l’autorité inférieure peut faire l’objet d’un recours au motif qu’elle n’est pas conforme aux considérants de l’arrêt de renvoi (arrêt du Tribunal fédéral 2C_422/2017 du 22 mai 2017 consid. 4.1).

En matière fiscale, le Tribunal fédéral a notamment jugé que son arrêt mettait fin à la prescription absolue de quinze ans lorsque le dossier était renvoyé à l’administration fiscale cantonale afin que celle-ci émette de nouveaux bordereaux tenant compte d’une déduction admise en cours de procédure ou d’une nouvelle valorisation de titres. Un tel renvoi ne portait en effet que sur le calcul, sans aucune marge de manœuvre pour l’autorité cantonale (cf. arrêts du Tribunal fédéral 9C_624/2023 du 18 décembre 2023 consid. 4.1 et 2C_700/2022 du 25 novembre 2022 consid. 16.2). À supposer que les nouveaux bordereaux émis par l’administration en application d’une taxation entrée en force soient contestés et doivent éventuellement être corrigés, cela ne remettrait pas en cause l’entrée en force de cette taxation. Le problème se limiterait au respect du délai fixé par l’art. 121 LIFD pour percevoir l’impôt (arrêt du Tribunal fédéral 2C_138/2020 du 3 décembre 2020 consid. 8).

9.             En l’espèce, il est admis qu’un avis d’ouverture de procédure de rappel d’impôt a été adressé aux recourants le 8 mai 2017 pour l’ICC et l’IFD 2007 à 2013. Le délai de prescription de dix ans des art. 152 al. 1 LIFD et 61 al. 1 LPFisc a ainsi été respecté.

S’agissant du délai de quinze ans, la péremption du droit de procéder aux rappels d’impôt pour les années 2007 et 2008 est survenue à la fin des périodes fiscales 2022 et 2023. Or, l’AFC-GE a procédé au rappel d’impôt pour les années précitées avant l’échéance de ce délai puisque ses bordereaux rectificatifs sont entrés en force avec le prononcé de l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022 qui rejetait le recours formé par les contribuables à l’encontre de l’arrêt de la chambre administrative du 29 juin 2021 (art. 61 LTF).

En effet, l’arrêt cantonal précité constituait une décision finale mettant fin à la procédure de taxation, notamment pour les périodes 2007 et 2008. Bien qu’il renvoie le dossier à l’AFC-GE pour qu’elle émette de nouveaux bordereaux, cet arrêt ne laissait aucune latitude à cette autorité. Celle-ci était simplement invitée à effectuer les modifications ordonnées par la chambre administrative, à savoir ne pas taxer le montant de CHF 164'000.- à titre de revenu mais de fortune pour les exercices concernés. Ce caractère final de l’arrêt de la chambre a du reste été expressément relevé par le Tribunal fédéral dans son arrêt du 27 avril 2022 (consid. 2). Le raisonnement qui précède s’applique également aux corrections ordonnées par le tribunal dans son jugement du 12 octobre 2020 concernant les reprises en fortune et la déduction des intérêts sur les rappels d’impôt, corrections qui n’avaient pas été contestées dans le cadre du recours interjeté par les contribuables devant la chambre administrative.

Le fait que les décisions susmentionnées ont entraîné une modification des éléments de revenus et de fortune imposables pour chacune des années fiscales litigieuses ne change rien à cette appréciation. Une fois l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022 prononcé, l’AFC-GE ne disposait en effet plus d’aucune marge de manœuvre pour déterminer ces éléments imposables. De même, il importe peu que les nouveaux bordereaux émis par l’autorité intimée en application de ces décisions aient été contestés par les recourants devant les juridictions cantonales au motif qu’ils n’étaient pas conformes aux décisions de renvoi et qu’ils aient dû être corrigés sur certains points conformément au jugement du 21 août 2023 et à l’arrêt du 5 décembre 2023 (cf. En fait, ch. 16 et 17). En vertu de la jurisprudence susmentionnée, cette circonstance ne remettait pas en cause l’entrée en force des rappels d’impôt.

Au vu de ce qui précède, le grief des recourants, selon lequel le droit de procéder à la taxation pour les périodes fiscales 2007 et 2008 serait prescrit, sera rejeté.

Le droit de percevoir l’ICC et l’IFD pour les périodes fiscales en question n’est pas non plus écoulé à ce jour (art. 121 LIFD et 47 al. 2 LHID).

10.         En ce qui concerne la soustraction d’impôt, l’autorité fiscale a établi le 13 décembre 2018 des bordereaux d’amende ICC/IFD pour l’année 2008, soit moins de dix ans avant la fin de cette année fiscale. En application du nouveau droit, qui prévoit que la prescription ne court plus si une décision a été rendue par l’autorité cantonale compétente avant l’échéance du délai de prescription de dix ans à compter de la fin de la période fiscale, la poursuite pénale n’est pas prescrite (cf. art. 184 al. 1 let. b ch. 1 et al. 2 LIFD; art. 58 al. 2 let. a et al. 3 LHID, directement applicable à Genève dès lors que la LPFisc n’est pas conforme [cf. art. 72 LHID ; cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_872/2021 du 2 août 2022 consid. 4.1, destiné à la publication]). Il en va de même en application de l’ancien droit, qui prévoyait un délai absolu de quinze ans à compter de la fin de la période fiscale pour laquelle la taxation n’avait pas été effectuée (ancien art. 184 al. 1 let. b et al. 2 LIFD [RO 1991 1184] en relation avec l’art. 333 al. 6 let. b CP et l’ATF 134 IV 328; ancien art. 58 al. 2 et 3 LHID [RO 1991 1256]). En effet, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-avant, les bordereaux d’amende ICC/IFD 2008 sont entrés en force avec le prononcé de l’arrêt du Tribunal fédéral du 27 avril 2022, soit avant le délai absolu de quinze ans.

Le grief des recourants, selon lequel le droit de procéder à la poursuite pénale pour la période fiscale 2008 serait prescrit, sera dès lors écarté.

11.         Les bordereaux rectificatifs 2007 et 2008 n’étant pas frappés de prescription, le tribunal rejettera également la conclusion des recourants tendant à la modification des bordereaux de taxation et d’amendes 2009 à 2014 afin que ceux-ci n’intègrent plus les éléments reportés des années 2007 et 2008.

Il en ira de même de la conclusion des recourants tendant à ce que les trop-perçus d’impôts déduits en 2007 et 2008 soient réattribués aux périodes 2009 et suivantes.

12.         Les recourants se plaignent encore d’un déni de justice de la part de l’AFC-GE en relation avec le traitement de leur demande de révision du 11 février 2021 portant notamment sur les années fiscales 2012 à 2014.

13.         Aux termes des art. 55 al. 1 LPFisc et 147 al. 1 LIFD, qui instituent un cas de reconsidération obligatoire, une décision ou un prononcé entré en force peut être révisé (par quoi il faut entendre reconsidéré, le terme de révision étant destiné au réexamen des décisions judiciaires, cf. ATA/920/2019 du 21 mai 2019 consid. 2d et la référence citée) en faveur du contribuable, à sa demande ou d’office notamment lorsque des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a). La révision est exclue lorsque le requérant a invoqué des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (al. 2).

La révision est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu’il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire, s’il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 55 al. 2 LPFisc et 147 al. 2 LIFD). En d’autres termes, même en présence d’un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n’est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_962/2019 du 19 février 2020 consid. 5.3).

Conformément à l’art. 148 LIFD, la demande de révision doit être déposée dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tard dans les dix ans qui suivent la notification de la décision ou du prononcé. En principe, le moment où la partie requérante aurait pu découvrir le motif de révision se détermine selon le principe de la bonne foi (ATF 143 V 105 consid. 2.4). La découverte du motif de révision implique que le contribuable a une connaissance suffisamment sûre du fait nouveau pour pouvoir l’invoquer, même s’il n’est pas en mesure d’en apporter une preuve certaine; une simple supposition ne suffit pas. Il doit être en mesure de fonder et motiver sa demande de révision de sorte qu’il puisse compter sur des chances de succès de sa requête (ATF 143 V 105 consid. 2.4 et les références; arrêt du Tribunal fédéral 9C_75/2024 précité consid. 4.2). L’irrespect du délai de l’art. 148 LIFD entraîne l’irrecevabilité de la demande de révision (arrêt du Tribunal fédéral 9C_75/2024 précité, ibidem).

14.         Toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement et jugée dans un délai raisonnable (art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101).

Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), applicable par renvoi de l’art. 2 al. 2 LPFisc). Dans un tel cas, une partie peut recourir en tout temps pour déni de justice ou retard non justifié si l’autorité concernée ne donne pas suite rapidement à la mise en demeure prévue à l’art. 4 al. 4 LPA (art. 63 al. 6 LPA). Lorsque l’autorité compétente refuse expressément de rendre une décision, les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) imposent que le recours soit interjeté dans le délai légal, sous réserve éventuelle d’une fausse indication quant audit délai (ATA/939/2021 du 14 septembre 2021 consid. 3a ; ATA/1722/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2b et les références citées).

Une autorité qui n’applique pas ou applique d’une façon incorrecte une règle de procédure, de sorte qu’elle ferme l’accès à la justice au particulier qui, normalement, y aurait droit, commet un déni de justice formel. Il en va de même pour l’autorité qui refuse expressément de statuer, alors qu’elle en a l’obligation. Un tel déni constitue une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. (ATF 135 I 6 consid. 2.1 ; 134 I 6 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_59/2013 du 4 juillet 2014 consid. 2.1).

En cas de recours contre la seule absence de décision, les conclusions ne peuvent tendre qu’à contraindre l’autorité à statuer (ATA/595/2017 du 23 mai 2017 consid. 6c). En effet, conformément à l’art. 69 al. 4 LPA, si la juridiction administrative admet le recours pour déni de justice ou retard injustifié, elle renvoie l’affaire à l’autorité inférieure en lui donnant des instructions impératives (ATA/373/2020 du 16 avril 2020 consid. 6a).

15.         L’autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 144 I 208 consid. 3.1 ; 142 III 210 consid. 2.1). Il y a identité de l’objet du litige quand, dans l’un et l’autre procès, les parties soumettent au juge la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits. L’identité de l’objet du litige s’entend au sens matériel ; il n’est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1 et les références citées).

16.         En l’espèce, les recourants font grief à l’AFC-GE de persister dans son refus de statuer sur leur demande de révision du 11 février 2021 concernant les années fiscales 2012 à 2014, en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées.

Certes, à deux reprises, dans ses arrêts du 29 juin 2021 (ATA/685/2021) et du 5 décembre 2023 (ATA/1311/2023), la chambre a écarté la demande des recourants qu’il soit statué sur la prise en compte de leur dette de CHF 20'467'487.-, la première fois en indiquant que cette question ne faisait pas l’objet du litige qui lui était soumis, et la seconde fois en précisant que cette problématique était pendante auprès du service de taxation de l’AFC-GE. Pour autant, ces arrêts n’excluaient pas qu’il faille examiner cette question, cas échéant postérieurement aux procédures judiciaires susmentionnées, ce qui ressort en particulier de la motivation du second.

On peut ainsi se demander si, suite à l’arrêt du 5 décembre 2023 (ATA/1311/2023), qui renvoyait le dossier à l’AFC-GE afin qu’elle procède à la déduction des intérêts sur les rappels d’impôts dans chacune des années fiscales 2007 à 2014, cette autorité, saisie à nouveau par les recourants par pli du 17 mars 2023 puis sommation du 12 janvier 2024, n’aurait pas été en mesure à ce moment-là, dans le cadre des nouveaux bordereaux rectificatifs, de statuer sur la prise en compte de la dette susmentionnée.

Quand bien même l’on répondrait à cette question par l’affirmative, de sorte que le grief de déni de justice dont se plaignent les recourants serait théoriquement fondé, force serait de constater, quoi qu’il en soit, que les précités ont eux-mêmes rendu cette question sans objet au moment même de leur réclamation contre les nouveaux bordereaux rectificatifs du 19 mars 2024. En effet, en invoquant à cette occasion la prescription des périodes fiscales 2007 et 2008, question également soumise au tribunal dans le cadre de la présente procédure, ils ont conclu qu’en raison d’une telle prescription, les dettes chirographaires sur rappels d’impôts déduites de la fortune dans le cadre de l’ICC 2009 à 2014 devaient être rectifiées en conséquence. Il en allait de même, selon eux, des intérêts moratoires sur rappel d’impôt déduits du revenu dans le cadre de l’ICC/IFD 2009 à 2014. Dans ces conditions, dès le moment de la réclamation, l’AFC-GE n’était plus en mesure de statuer sur leur demande de révision : en effet, par définition, cette demande de révision ne peut pas être examinée aussi longtemps que les recourants remettent en question les bordereaux fiscaux établis pour les périodes fiscales 2007 à 2014, comme ils l’ont fait tout d’abord sur le fond, puis sur la déduction des dettes relatives aux rappels d’impôts, et enfin, à présent, sur la prescription. Le fait qu’il ont obtenu partiellement gain de cause dans les précédentes procédures judiciaires n’y change rien.

Au vu de ce qui précède, la conclusion des recourants tendant à la constatation d’un déni de justice de la part de l’AFC-GE en relation avec le traitement de leur demande de révision du 11 février 2021 sera rejetée.

Compte tenu de l’issue du recours sur ce point, la question de savoir si l’AFC-GE aurait dû notifier aux recourants, à réception de leur demande de révision, une décision de suspension susceptible de recours conformément à l’art. 14 LPA, est devenue sans objet.

17.         En application des art. 144 al. 1 LIFD, 52 al. 1 LPFisc, 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), les recourants, qui succombent, seront condamnés, pris conjointement et solidairement, au paiement d’un émolument s’élevant à CHF 1'000.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 31 juillet 2024 par Madame A______ et Monsieur B______ contre la décision sur réclamation de l’administration fiscale cantonale du 1er juillet 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge des recourants, pris conjointement et solidairement, un émolument de CHF 1'000.-, lequel est partiellement couvert par l’avance de frais de CHF 700.- ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L’acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d’irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Pascal DE LUCIA et Caroline GOETTE, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière