Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/107/2025 du 31.01.2025 ( MC ) , REJETE
REJETE par ATA/194/2025
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 31 janvier 2025
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dans la cause
Monsieur A______, représenté par Me Dina BAZARBACHI, avocate, avec élection de domicile
contre
COMMISSAIRE DE POLICE
1. Monsieur A______, également connu sous le nom d'alias B______, né le ______ 1978, est originaire du Nigéria. Son identité et sa date de naissance sont cependant incertaines.
2. A teneur du rapport d'arrestation du 10 janvier 2025, l'intéressé a été interpellé le 9 janvier 2025, vers 22h50, à l'avenue Henri-Dunant 2, 1205 Genève, après qu'il avait été préalablement observé par les services de police, aux alentours de 21h55, en train de remettre de la cocaïne à un toxicomane, au boulevard Georges-Favon 46, 1205 Genève.
Au moment de son interpellation, l'intéressé s'est légitimé à l'aide d'un passeport nigérian et d'un titre de séjour italien au nom de A______, né le ______ 1987, Nigéria.
Au poste, l'intéressé s'est prêté au test du système automatique d'identification des empreintes digitales (ci-après : AFIS), lequel a mis en évidence l'identité suivante : B______, né le ______ 1978, Nigéria. Le rapport d'arrestation a ainsi été établi avec cette identité.
Le toxicomane, interpellé peu de temps après la transaction, a confirmé qu'il venait d'acheter à l'intéressé une demi-boulette de cocaïne contre la somme de CHF 30.- qu'il avait consommée immédiatement après son achat.
La fouille des effets personnels de l'intéressé ont permis de révéler, notamment : CHF 491.80, EUR 3.12, un téléphone de marque SAMSUNG, non-signalé volé, un passeport biométrique (Nigéria), n°______, délivré par ______[ITALIE], Italie, valable du 6 mai 2024 au 5 mai 2029 au nom de A______, né le ______ 1987, Nigéria soit une identité et une date de naissance différentes de celles ressortant de l'AFIS, ainsi qu'un titre de séjour biométrique (Italie), n°______, délivré par Questura di Roma, valable du 20 mai 2024 au 19 mai 2026 également au nom de A______, né le ______ 1987, Nigéria.
Le passeport nigérian, ainsi que le titre de séjour de l'intéressé ont été saisis et portés en inventaire afin qu'ils soient examinés par la Brigade de police technique et scientifique (BPTS) au vu des divergences s'agissant du nom de famille et de la date de naissance du précité.
3. Entendu par la police dans la foulée de son interpellation, l'intéressé a contesté avoir vendu de la cocaïne. Il ne s'adonnait pas au trafic de stupéfiants. Il n'avait jamais vendu de stupéfiants et n'en consommait pas non plus. Il était venu à Genève le soir du 9 janvier 2025, depuis ______[FRANCE], en prenant le tram 17, dans le but de se procurer de la nourriture africaine à ______[GE]. Il comptait retourner à ______[FRANCE] après avoir acheté à manger. Il ne connaissait pas vraiment Genève. Sa véritable identité était A______, né le ______ 1987, au Nigéria. Interpellé quant au fait qu'il s'était, lors de sa dernière interpellation par la police, légitimé sous l'identité B______, il a admis que c'était une erreur. A l'époque, il n'avait pas de papiers sur lui et avait donc inventé cette identité. Sa vraie identité était bien A______, né le ______ 1987. Les francs suisses saisis en sa possession lui appartenaient. Il avait changé des EUROS le matin-même de son interpellation à ______[FRANCE] dans le but d'acheter de la nourriture africaine à Genève. Cette nourriture était chère. Les EUROS provenaient d'Italie.
Il résidait à ______[ITALIE]. Il ne se souvenait cependant pas de l'adresse exacte. Il n'avait aucun lien particulier avec la Suisse. Il était, sauf erreur, venu en Suisse en 2016 pour la dernière fois. Il avait quitté la Suisse pour l'Italie depuis sa dernière interpellation. Il n'avait jamais dormi en Suisse et n'y avait donc jamais vécu. Il ne possédait pas de titre de séjour ni n'avait fait de demande quelconque auprès de l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : l'OCPM).
S'agissant de sa situation personnelle, il a déclaré ne jamais être allé à l'école et avoir quitté le Nigéria en 2014 pour se rendre en Italie. Il était célibataire et n'avait pas d'enfant. Sa famille vivait au Nigéria.
4. Prévenu d’infractions aux art, 19 de loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (trafic de stupéfiants) (LStup − RS 812.121) et 115 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (entrée illégale) (LEI - RS 142.20), l'intéressé a été, sur ordre du commissaire de police, mis à disposition du Ministère public.
5. Le 10 janvier 2025, l'intéressé a été entendu par le Ministère public. Il a contesté les faits lui étant reprochés. Par ordonnance pénale du même jour, dans la procédure P______, il a été condamné pour trafic de stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c LStup) et entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), à une peine privative de liberté de 40 jours, sous déduction d'un jour de détention avant jugement, sursis à l'exécution de la peine et délai d'épreuve de trois ans. Le Ministère public a retenu comme identité A______, né le ______ 1978, Nigéria.
6. La procédure en cours P______ a été inscrite au casier judiciaire de l'intéressé dont il ressort que les données d'identification sont B______, né le ______ 1978, Nigéria.
7. Le même jour, à 15h25, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de M. B______, né le ______ 1978, Nigéria, alias A______, né le ______ 1987, Nigéria, une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (ensemble du territoire genevois) pour une durée de douze mois.
8. Par courrier du 20 janvier 2025, M. A______ a, sous la plume de son conseil, formé opposition contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
9. Le contraint a été dûment convoqué à l'audience du 30 janvier 2025 devant le tribunal.
10. Lors de cette audience, l'intéressé a confirmé s'appeler A______ et être né le ______ 1987. A l'appui de ses déclarations il a produit copies des documents suivants : sa carte d'identité italienne, sa carte de santé, ainsi que son passeport nigérian, tous trois établis au nom de A______, né le ______ 1987. Ces documents lui avaient été rendus par la police, qui avait néanmoins conservé son permis de séjour italien. Il en avait cependant une photographie qu'il avait transmise à son conseil, laquelle en avait fait une photocopie à l'attention du tribunal.
Il maintenait son opposition. Il ne comprenait pas la raison de sa présence devant le tribunal.
Il n'avait jamais été condamné en Suisse. Après que le tribunal lui a fait remarquer qu'il avait déjà été interpellé en Suisse, ce qu'il avait admis à teneur du rapport d'arrestation, il a indiqué que, sauf erreur, il était venu en Suisse en 2016 afin de déposer une demande d'asile.
Il n'avait jamais vendu de drogue. Il ne savait rien à propos de la drogue. Après que le tribunal a attiré son attention sur le fait qu'il était mis en cause par le toxicomane, il a déclaré que le jour où il était venu à Genève, il voulait boire un café. Il s'était ensuite rendu dans le magasin où il avait été arrêté. Les policiers l'avaient menotté et conduit au poste où ils lui avaient dit qu'il avait fait quelque chose, mais il n'avait pas compris. Il était confus. Après lui avoir rappelé la teneur de l'ordonnance pénale rendue à son encontre le 10 janvier 2025, il a indiqué ne pas connaître la personne le mettant en cause. Il était dans un magasin en train d'acheter quelque chose. Le propriétaire de ce magasin était présent lorsque les policiers l'avaient arrêté dans son commerce.
Il était venu en Suisse seulement pour un jour afin d'y trouver un emploi. Après que le tribunal lui a fait remarquer que ce n'était pas ce qu'il avait déclaré à la police – dès lors qu'il avait expliqué être venu à Genève pour acheter de la nourriture africaine −, il a précisé qu'il était venu en Suisse pour chercher du travail et qu'il était exact qu'il était allé acheter de la nourriture. Il avait fait opposition à l'ordonnance pénale rendue à son encontre.
S'agissant de sa situation personnelle, il a déclaré être en Italie depuis le mois de juillet 2022. Après lui avoir fait remarquer qu'il avait déclaré à la police être arrivé en Italie en 2014, il a rectifié ses déclarations et expliqué être arrivé en Italie le 22 juillet 2015. Il avait effectivement quitté le Nigéria en 2014, mais il n'était arrivé en Italie qu'en 2015, en passant d'abord par la Lybie. Il avait travaillé en Italie. Il n'avait pas vraiment fini de travailler, mais son travail s'était arrêté l'année dernière. Il était maçon. Il faisait des travaux au noir et il était venu voir un ami à ______[FRANCE]. Il avait été transféré de ______[ITALIE] à un autre endroit et on lui avait versé EUROS 250.- par mois. C'était « le projet du gouvernement » qui lui avait versé cet argent.
Il n'avait aucune famille en Italie. Il n'avait ni famille ni ami en Suisse. Il n'avait aucun lien avec la Suisse. Il avait essayé de trouver un emploi à Genève. Sur question du tribunal qui lui a demandé ce qu'il avait concrètement fait à Genève dans le but de trouver un emploi le 9 janvier 2025, il a répondu qu'il n'avait rien fait. Il allait chercher un emploi quand il avait été arrêté. Sur questions du tribunal, il a ajouté avoir quitté « le projet du gouvernement » en septembre 2024 et avoir ainsi cessé de percevoir EUROS 250.- par mois. Il n'avait effectivement à ce jour aucun moyen de subsistance. Il vivait avec son ami à ______[FRANCE].
Sur question de la représentante du commissaire de police qui lui a demandé s'il confirmait qu'il n'avait, aujourd'hui, aucune raison d'être à Genève, il a répondu que la police lui avait pris son permis de séjour italien et qu'il en avait besoin.
Sur question du tribunal, la représentante du commissaire de police a indiqué que le passeport nigérian du contraint, ainsi que son permis de séjour biométrique italien n'étaient pas à leur disposition. Généralement, ces documents ne leur étaient pas transmis. Elle interpellerait le commissaire à l'issue de l'audience sur l'identité du contraint afin que celle-ci soit modifiée dans le système d'information central sur la migration (ci-après : SYMIC) et que l'identité B______ soit inscrite comme identité secondaire ou nom d'alias. Elle vérifierait également si le contrait avait ou non déposé une demande d'asile en Suisse en 2016.
Le contraint, par l'intermédiaire de son conseil, a plaidé et conclu, principalement, à l’annulation immédiate de la mesure d'interdiction territoriale prise à son encontre, subsidiairement, à ce que sa durée soit réduite.
La représentante du commissaire de police a plaidé et conclu au rejet de l'opposition formée par M. A______ à l'encontre de la mesure prononcée à son encontre le 10 janvier 2025 et à la confirmation de celle-ci tant dans sa durée que dans son étendue géographique.
11. Par courriel du 30 janvier 2025, à 11h16, la représentante du commissaire de police a transmis au tribunal copie d'un extrait du SYMIC. A teneur de ce document, une demande d'asile avait effectivement été déposée en Suisse le 12 juin 2016 par le dénommé B______, né le ______ 1978, Nigéria. Le renvoi de Suisse de l'intéressé avait été prononcé le 29 juillet 2016, date correspondant également au début du processus d'entrée en force.
1. Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner sur opposition la légalité et l’adéquation de l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prononcée par le commissaire de police à l'encontre d'un ressortissant étranger (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. a de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).
2. L'opposition ayant été formée dans le délai de dix jours courant dès la notification de la mesure querellée, elle est recevable sous l'angle de l'art. 8 al. 1 LaLEtr.
3. Statuant ce jour, le tribunal respecte en outre le délai de vingt jours que lui impose l'art. 9 al. 1 let. b LaLEtr.
4. Le contraint conclut, principalement, à l'annulation de la mesure d'interdiction, subsidiairement, à ce que sa durée soit réduite.
5. Aux termes de l'art. 74 al. 1 LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée notamment lorsque l'étranger est frappé d'une décision de renvoi ou d'expulsion entrée en force et que des éléments concrets font redouter qu'il ne quittera pas la Suisse dans le délai prescrit ou qu'il n'a pas respecté le délai qui lui était imparti pour quitter le territoire (let. b). L’assignation à un territoire ou l’interdiction de pénétrer un territoire peut également être prononcée lorsque l’étranger n’est pas titulaire d’une autorisation de courte durée, d’une autorisation de séjour ou d’une autorisation d’établissement et trouble ou menace la sécurité et l’ordre publics ; cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants (let. a).
6. Si le législateur a expressément fait référence aux infractions en lien avec le trafic de stupéfiants (art. 74 al. 1 let. a LEI), cela n'exclut toutefois pas d'autres troubles ou menaces à la sécurité et l'ordre publics (ATF 142 II 1 consid. 2.2 et les références), telle par exemple la violation des dispositions de police des étrangers (arrêts du Tribunal fédéral 2C_123/2021 du 5 mars 2021 consid. 3.1 ; 2C_884/2021 du 5 août 2021 consid. 3.1.). Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, «le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.
7. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).
8. Ainsi, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_762/2021 du 13 avril 2022 consid. 5.2) ; de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_123/2021 précité consid. 3.1 et l'arrêt cité). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contacts répétés avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).
9. Une mesure basée sur l’art. 74 al. 1 let. a LEI ne présuppose pas une condamnation pénale de l’intéressé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_884/2020 précité consid. 3.3 ; 2C_123/2021 du 5 mars 2021).
10. En l'espèce, le tribunal relèvera que les différences, voire contradictions, ressortant du dossier s'agissant de l'identité du contraint, sont sans pertinence dans la mesure où ce dernier est la personne visée par la mesure d'interdiction et qu'il a valablement formé opposition contre dite mesure.
S'agissant de la première condition de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, M. A______, ressortissant nigérian, ne bénéficie d'aucune autorisation de courte durée (art. 32 LEI), de séjour (art. 33 LEI) ou d'établissement en Suisse (art. 34 LEI), ce qu'il ne conteste au demeurant pas. Il est simplement titulaire d'une carte d'identité et d'un permis de séjour italien – dont l'authenticité est en cours d'examen – lui permettant de résider en Italie et de voyager notamment en Suisse. S'il est certes autorisé à pénétrer librement en Suisse, il ne dispose néanmoins pas d'une autorisation au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI.
S'agissant de la seconde condition, l'intéressé a été condamné pour trafic de stupéfiants par ordonnance pénale du 10 janvier 2025.
Il conteste la mesure d'interdiction prise à son encontre au motif qu'il ne s'adonne pas au trafic de stupéfiants et conteste ainsi les faits qui lui sont reprochés. Il a par ailleurs formé opposition à l'encontre de l'ordonnance pénale précitée.
Contrairement à ce que soutient le contraint, le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une interdiction de pénétrer. Or, il ressort du rapport d'arrestation du 10 janvier 2025 que M. A______ est mis en cause par les observations policières et les déclarations du toxicomane qui a expliqué lui avoir acheté une demi-boulette de cocaïne contre CHF 30.-. Par ailleurs, au moment de son interpellation, l'intéressé était en possession de CHF 491.80, montant non négligeable dont il n'a pas su expliquer la provenance dès lors qu'il est dépourvu de tout moyen de subsistance depuis, à tout le moins, le mois d'octobre 2024. Aussi, les dénégations du contraint ne peuvent être prises qu'avec circonspection. A cela s'ajoute que de l'aveux même de l'intéressé, ce dernier, sans travail ni revenu, n’a aucun moyen de subsistance ni domicile fixe.
Partant, au vu des éléments rappelés ci-dessus, le tribunal retiendra qu'il existe un soupçon concret que M. A______ puisse à l'avenir commettre des infractions du type de celles pour lesquelles il est mis en cause et qu'il peut ainsi être perçu comme présentant une menace pour l'ordre et la sécurité publics.
Les conditions pour le prononcé d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 LEI sont donc réunies.
11. Reste à examiner si cette mesure respecte le principe de proportionnalité.
12. L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure.
13. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3).
14. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).
15. La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b). L'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, 2010, p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.
16. La mesure ne peut donc pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.
17. La chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre) a déjà plusieurs fois confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève, y compris à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellée et condamnée par le Ministère public, pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/1316/2022 du 29 décembre 2022 ; ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019).
18. La chambre a en outre confirmé une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois dans le cas d’une personne possédant un titre de séjour en Italie, qui n’avait ni attaches ni aucun titre de séjour en Suisse. Il avait certes, indiqué, avoir des amis à Vernier, mais avait refusé de donner leurs noms et leurs adresses. Son allégation relative à l'existence desdites amitiés paraissait ainsi peu crédible. Il semblait d'ailleurs davantage avoir utilisé sa présence à Genève pour trouver des moyens de subvenir illégalement à ses besoins en s'adonnant au trafic de drogues. Le recourant n'avait jamais vécu ni à Genève ni en Suisse et n'y avait aucune attache familiale. Il était sans domicile et sans ressources. Aucun élément ne nécessitait ainsi sa présence à Genève. Dans ces circonstances, son intérêt privé à pouvoir venir à Genève dans les douze mois suivants cédait le pas à l'intérêt public à le tenir éloigné du canton pendant cette durée. Par conséquent, le fait d'avoir étendu la mesure d'interdiction à l'ensemble du territoire du canton de Genève n'était pas disproportionné, ni celui d'avoir fixé à douze mois la durée de cette mesure, étant rappelé sur ce dernier point la jurisprudence stricte du Tribunal fédéral (ATA/806/2019 du 18 avril 2019).
19. En l'espèce, s'agissant de la proportionnalité de la mesure, et considérant aussi bien l'étendue géographique que la durée de celle-ci, il y a lieu de constater que le contraint ne peut se prévaloir d'aucun motif pour expliquer sa présence sur le territoire genevois. Il n'a ni famille ni ami à Genève et n'a aucune attache avec la Suisse. Son allégation quant au fait qu'il serait venu à Genève dans le but d'y chercher du travail apparaît peu crédible eu égard à ses premières déclarations à la police et le fait qu'il ait été interpellé le 10 janvier 2025 à 22h50. Il semble donc davantage avoir utilisé sa présence à Genève pour trouver des moyens de subvenir illégalement à ses besoins en s'adonnant au trafic de drogue.
Dans ces circonstances, son intérêt privé à pouvoir venir à Genève dans les douze prochains mois cède le pas à l'intérêt public à le tenir éloigné du canton pendant cette durée. Par conséquent, le fait d'avoir étendu la mesure d'interdiction à l'ensemble du territoire du canton de Genève et d'avoir fixé à douze mois la durée de cette mesure n'est pas disproportionné, étant rappelé sur ce dernier point la jurisprudence stricte du Tribunal fédéral (cf. ci-dessus). Au surplus, le tribunal relèvera que le contraint n'a invoqué aucun élément concret pour justifier d'une réduction de la durée de la mesure, sauf à expliquer avoir besoin de son permis de séjour italien, saisi par la police, ce qui ne saurait être retenu comme un argument valable, son conseil étant en mesure de lui transmettre ce document, cas échéant.
En conséquence, dès lors qu'aucune raison valable de séjourner où que ce soit dans le canton de Genève n'a été démontrée par le contraint et que des soupçons concrets laissent à craindre qu'il y commette des infractions, on ne voit pas en quoi le principe de la proportionnalité commanderait de limiter la durée de la mesure.
20. Partant, le tribunal confirmera l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée, soit l’entier du canton de Genève, prise à l'encontre de M. A______, pour une durée de douze mois.
21. Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à
M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.
22. Un éventuel recours déposé contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif (art. 10 al. 1 LaLEtr).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable l'opposition formée le 20 janvier 2025 par Monsieur A______ contre la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 10 janvier 2025 pour une durée de douze mois ;
2. la rejette ;
3. confirme la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 10 janvier 2025 à l'encontre de Monsieur A______ pour une durée de douze mois ;
4. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 10 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant ;
5. dit qu’un éventuel recours contre le présent jugement n'aura pas d'effet suspensif.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Laetitia MEIER DROZ
Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.
Genève, le |
| La greffière |