Décisions | Tribunal administratif de première instance
JTAPI/99/2025 du 30.01.2025 ( LCI ) , REJETE
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
POUVOIR JUDICIAIRE
JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PREMIÈRE INSTANCE du 30 janvier 2025
|
dans la cause
A______ SA
contre
DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC
Le jugement du Tribunal administratif de première instance du ______ 2025 (JTAPI 1______)
1. Par décision du ______ 2024 adressée à A______ SA, le département du territoire (ci-après : le département) lui a infligé une amende administrative de CHF 5'000.- pour défaut d'annonce d'ouverture de chantier préalable (diverses infractions à l'art. 33 RCI) - chantier situé au chemin de ______[GE].
2. Par acte du 2 décembre 2024, A______ SA (ci-après : la recourante) a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).
3. Par lettre recommandée du 4 décembre 2024, le tribunal a imparti à la recourante un délai échéant le 3 janvier 2025 pour procéder au paiement d’une avance de frais de CHF 900.-, sous peine d’irrecevabilité.
4. Selon le système du suivi des envois (« Track & Trace ») mis en place par la Poste, cette lettre recommandée a été distribuée à la recourante le 5 décembre 2024.
5. Par jugement du ______ 2025 (JTAPI 1______), reçu par la recourante le 22 janvier 2025, le tribunal a déclaré le recours irrecevable, la recourante n'ayant pas payé l'avance de frais dans le délai imparti. Un émolument de CHF 250.- était mis à la charge de la recourante.
6. Par acte du 24 janvier 2025 adressé au tribunal, la recourante a indiqué faire recours contre le jugement précité, concluant à son annulation.
À réception dudit jugement, elle s'était aperçue d'une erreur administrative au sein de son service de comptabilité. Elle avait alors immédiatement procédé au paiement de l'avance de frais le jour même.
Son erreur bien que regrettable constituait un motif excusable au sens de la jurisprudence. Le paiement avait eu lieu aussitôt après qu'elle avait eu connaissance de l'erreur. Partant, le déroulement de la procédure n'avait pas été entravé. La décision querellée constituait une atteinte disproportionnée au droit d'accès à la justice eu égard à l'importance, pour elle, de son recours contre la décision du département.
7. Le même jour, la recourante a déposé un nouveau recours contre la décision du département du territoire du ______ 2024.
1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) c'est en principe à l'autorité compétente sur le fond de se prononcer sur une demande de restitution de délai et non pas à l'instance de recours. La demande de restitution peut toutefois encore intervenir alors que le procès ait pris fin et que le jugement cantonal soit entré en force ou qu'un arrêt définitif ait été rendu par le Tribunal fédéral (arrêt du Tribunal fédéral 2C_301/2013 du 17 décembre 2013 consid. 7.1 ; ATA/1375/2023 du 20 décembre 2023).
En effet, la restitution du délai entraîne l'annulation de la décision entrée entre-temps en force. Il s'agit là d'une exception à la force de chose jugée, comparable à la révision et nécessaire pour corriger les conséquences de l'omission et éviter le formalisme excessif. Il en découle qu'une juridiction administrative peut – et doit – entrer en matière sur une demande de restitution de délai quand bien même elle a déjà prononcé l'irrecevabilité du recours (ibid.).
2. En l'occurrence, le "recours" déposé auprès du tribunal le 24 janvier 2025 contre le jugement du ______ 2025 sera interprété comme une requête de restitution du délai pour le paiement de l'avance de frais litigieuse dès lors que les conditions d'une demande de reconsidération (art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA-GE - E 5 10) ou de révision (art. 80 LPA) ne sont à l'évidence pas réunies et que le tribunal ne saurait être saisi d'un recours contre son propre jugement (art. 132 al. 2 loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ ‑ E 2 05).
3. En vertu de l'art. 86, la juridiction invite le recourant à faire une avance ou à fournir des sûretés destinées à couvrir les frais de procédure et les émoluments présumables ; elle fixe à cet effet un délai suffisant (al. 1). Si l'avance n'est pas faite dans le délai imparti, la juridiction déclare le recours irrecevable (al. 2).
4. À rigueur de texte, l'art. 86 LPA ne laisse aucune place à des circonstances extraordinaires qui justifieraient que l'avance de frais n'intervienne pas dans le délai imparti. La référence au « délai suffisant » de l'al. 1 de cette disposition laisse une certaine marge d'appréciation à l'autorité judiciaire saisie (ATA/1043/2021 du 5 octobre 2021 consid. 3b).
Il n'y a pas de rigueur excessive à ne pas entrer en matière sur un recours lorsque, conformément au droit de procédure applicable, la recevabilité de celui-ci est subordonnée au versement d'une avance de frais dans un délai déterminé. Il faut cependant que son auteur ait été averti de façon appropriée du montant à verser, du délai imparti pour le paiement et des conséquences de l'inobservation de ce délai (arrêt du Tribunal fédéral 2C_54/2020 du 4 février 2020 consid. 8.2). La gravité des conséquences d'un retard dans le paiement de l'avance sur la situation du recourant n'est pas pertinente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_734/2012 du 25 mars 2013 consid. 3.1).
5. Selon la jurisprudence constante, il convient d'appliquer par analogie la notion de cas de force majeure de l'art. 16 al. 1 LPA afin d'examiner si l'intéressé a été empêché sans sa faute de verser l'avance de frais dans le délai fixé (ATA/158/2020 du 11 février 2020). Tombent sous la notion de force majeure les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de façon irrésistible (ATA/160/2019 du 19 février 2019 consid. 2b). Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à faute à l'administré (ATA/1028/2016 du 6 décembre 2016), partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé ((ATA/452/2020 du 7 mai 2020 consid. 5 et les références citées).).
6. Les délais impartis par le juge peuvent être prolongés pour des motifs fondés si la partie en fait la demande avant son expiration (art. 16 al. 2 LPA). La restitution pour inobservation d’un délai imparti par l’autorité peut être accordée si le requérant ou son mandataire a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé. La demande motivée doit être présentée dans les dix jours à compter de celui où l’empêchement a cessé (art. 16 al. 3 LPA).
7. Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. Ce dernier doit être imprévisible et sa survenance ne doit pas être imputable à une faute de l'administré, partant de son représentant. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme d'affaires avisé (ATA/452/2020 du 7 mai 2020 consid. 5 et les références citées).
8. Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à celui qui s'en prévaut (ATA/544/2013 du 27 août 2013 et les références citées).
9. A été considéré comme un cas de force majeure donnant lieu à restitution de délai le fait qu'un détenu, qui disposait d'un délai de recours de trois jours, n'ait pu expédier son recours dans ce délai, du fait qu'il ne pouvait le poster lui-même et qu'en outre ce pli avait été soumis à la censure de l'autorité (ATA/515/2009 du 13 octobre 2009 consid. 6). Il en allait de même du recourant qui se voyait impartir, par pli recommandé, un délai de quinze jours pour s'acquitter d'une avance de frais alors que le délai de garde pour retirer le pli en question était de sept jours, de sorte qu'il ne restait qu'une semaine au justiciable pour s'exécuter (ATA/477/2009 du 20 septembre 2009 consid. 5).
10. En revanche, n'ont pas été considérés comme des cas de force majeure l'hospitalisation d’un recourant jusqu’à sept jours avant l’échéance du délai de paiement ainsi qu'un manquement de son assistant social, qui devait agir à sa place (ATA/184/2019 du 26 février 2019, consid. 5), le fait qu'un recourant se soit trouvé à l'étranger et n'ait ainsi pu effectuer le paiement dans le délai imparti, ceci par défaut d'organisation (ATA/262/2016 du 22 mars 2016 consid. 5), le fait qu'un recourant domicilié à l'étranger n'ait pu utiliser sans autre le bulletin de versement que son mandataire, qui l'avait reçu, lui avait transmis et n'ait pu payer ladite avance de frais dans le délai imparti en raison d'une organisation trop lourde de sa fiduciaire (ATA/262/2016 du 22 mars 2016 consid. 5), le fait qu'un avocat ait transmis à son client la demande d'avance de frais par pli simple en prenant le risque que celui-ci ne reçoive pas ce courrier (ATA/596/2009 du 17 novembre 2009 consid. 6), pas plus que la maladie, celle-ci n'étant admise comme motif d'excuse que si elle empêche le recourant d'agir par lui-même ou de donner à un tiers les instructions nécessaires pour agir à sa place (ATA/50/2009 du 27 janvier 2009 consid. 3c).
11. En l’espèce, la demande de paiement de l’avance de frais a été correctement acheminée, par courrier recommandé du 4 décembre 2024, à l’adresse de la recourante, qui correspondait par ailleurs à celle indiquée dans l’acte de recours, et elle a été distribuée le 5 décembre 2024 à cette dernière, ainsi que cela ressort du relevé « Track & Trace ».
12. La recourante a sollicité la restitution du délai en invoquant une erreur de son service de comptabilité.
À l'évidence, cette erreur ne saurait être considérée comme un cas de force majeur au sens de la jurisprudence précitée.
Il s’ensuit que la demande de restitution de délai doit être rejetée.
Par ailleurs, le "nouveau" recours déposé le 24 janvier 2025 contre la décision du département du ______ 2024, sera tout bonnement déclaré irrecevable dès lors que d'une part le tribunal a d'ores et déjà statué et que d'autre part, il est en tout état tardif.
Compte tenu de la nature du litige, il ne sera pas perçu d’émolument et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PREMIÈRE INSTANCE
1. déclare recevable la demande de restitution du délai déposée le 24 janvier 2025 par A______ SA contre le jugement JTAPI 1______ rendu par le tribunal le ______ 2025 ;
2. la rejette ;
3. déclare irrecevable le recours déposé le 24 janvier 2025 par A______ SA contre la décision du département du territoire du ______ 2024 ;
4. renonce à percevoir un émolument ;
5. dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;
6. dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.
Au nom du Tribunal :
La présidente
Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST
Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.
Genève, le |
| La greffière |