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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1941/2024

JTAPI/1114/2024 du 12.11.2024 ( OCIRT ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE TRAVAIL;REJET DE LA DEMANDE;PRIORITÉ DES TRAVAILLEURS INDIGÈNES
Normes : LEI.21
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1941/2024

JTAPI/1114/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 12 novembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jérôme DARBRE, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______ exploite un salon de coiffure et barbier au nom de « B______ ».

2.             Monsieur C______, né le ______ 1987, est ressortissant du Kosovo. Il est au bénéfice d'une carte de résident français valable jusqu'en 2034 et est domicilié à D______, en France voisine.

3.             Par formulaire F1 daté du 20 décembre 2023 et reçu le 12 janvier 2024 par l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM), B______, sous la plume de M. A______, a déposé une demande d'autorisation de travail pour frontalier (permis G) en faveur de M. C______ en qualité de coiffeur-barbier pour un salaire mensuel brut de CHF 4'420.- pour 42,5 heures de travail hebdomadaire.

Un contrat de travail avait été conclu entre B______ et M. C______ le 22 novembre 2023 pour une entrée en service prévue le 1er décembre 2023.

4.             En date du 5 février 2024, B______ a annoncé la vacance du poste à l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE).

5.             Par décision du 8 mai 2024, l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT), après examen du dossier par la commission tripartite, a refusé l'octroi de l'autorisation sollicitée, au motif que l'admission en vue de l'exercice d'une activité lucrative ne servait pas les intérêts économiques de la Suisse selon l'art. 18 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). De plus, l'ordre de priorité n'avait pas été respecté. L'employeur n'avait pas démontré qu'aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d'un pays de l'UE et de l'AELE n'avait pu être trouvé. Enfin, l'employeur n'accordait pas à l'intéressé les conditions de rémunération usuelles à Genève, dans la profession et la branche.

6.             Par acte du 7 juin 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a recouru contre la décision précitée auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), concluant à son annulation et à ce qu'il soit ordonné à l'OCIRT d'octroyer une autorisation de travail pour frontalier à M. C______, le tout sous suite de frais et dépens.

À titre préalable, il a conclu à ce qu'il soit constaté que son droit d'être entendu n'avait pas été respecté. Il sollicitait en outre son audition par le tribunal ainsi que celle de M. C______. Enfin, il a requis un délai supplémentaire pour compléter son recours.

Lorsqu'il avait initié la procédure d'autorisation de travail pour son employé, il n'avait pas apporté tous les éléments pertinents. Toutefois, l'OCIRT ne l'avait pas contacté pour l'informer du fait que sa requête était incomplète. Partant, son droit d'être entendu avait été violé.

Il avait omis de transmettre les preuves relatives à son impossibilité de trouver un autre travailleur en Suisse ou ressortissant de pays de l'UE et de l'AELE. La liste de l'OCE démontrait qu'il avait réellement cherché à trouver un employé en Suisse, laquelle aurait pu être transmise si l'autorité intimée l'avait interpellé. Par ailleurs, les annonces postées sur les réseaux sociaux n'avaient apporté aucune réponse sérieuse.

Depuis la crise liée au Covid-19, il était très difficile de trouver de la main-d'œuvre Suisse ou genevoise pour les barber-shop. Paradoxalement, la clientèle augmentait. C'était le cas de son établissement qui s'occupait d'une quarantaine de clients par jour, en semaine et de plus de 60, le week-end.

La profession en question était régie par la convention collective nationale des coiffeurs. Selon l'annexe à la convention, pour l'employé le plus qualifié, le salaire de base à respecter était de CHF 4'080.- à 100 % en 2023. En 2024, le salaire s'élevait à hauteur de CHF 4'190.-.

En l'espèce, son employé était occupé à 100 %. En 2023, celui-ci avait perçu un salaire mensuel brut de CHF 4'420.- et en 2024 de CHF 4'479.- pour 42 heures et demi de travail hebdomadaire. Les salaires perçus se situaient ainsi au-delà du salaire minimal en vigueur.

7.             En date du 12 août 2024, l'OCIRT a transmis ses observations au tribunal, accompagnées de son dossier. Il a conclu au rejet du recours.

Ayant estimé que le dossier concernant M. C______ était suffisamment complet pour rendre une décision, il n'avait pas jugé opportun de l'interpeller. Toutefois, si ce dernier considérait que certains éléments cruciaux étaient manquants, il aurait alors dû prendre contact l'office et les transmettre sans délai. Par conséquent, aucune violation du droit d'être entendu n'était à déplorer.

Il ressortait du curriculum vitae de M. C______ qu'il était coiffeur depuis 2011 avec une interruption de quatre ans entre 2014 et 2018. Il avait travaillé auprès de deux salons de coiffure à Genève entre 2018 et 2020 et auprès d'B______ entre 2023 et 2024. Toutefois, il n'avait pas démontré qu'il possédait des qualifications à ce point spécifiques qu'il ne soit impossible de recruter un travailleur titulaire d'un passeport européen et doté des compétences requises au sein de l'UE/AELE.

Le recourant avait annoncé la vacance du poste à l'OCE le 5 février 2024, soit postérieurement à la signature du contrat avec M. C______ le 22 novembre 2023 et après le dépôt de la demande pour frontalier en faveur de ce dernier, ce qui démontrait que l'employeur n'avait nullement l'intention de prendre en considération les éventuelles candidatures du service de placement et que la demande déposée en faveur de M. C______ relevait principalement de la convenance personnelle.

M. A______ n'avait retenu aucun des huit candidats proposés par l'OCE, estimant soit qu'ils manquaient d'expérience soit qu'ils n'avaient pas le bon profil. Or le recourant n'avait apporté aucune information supplémentaire sur les éventuels entretiens avec ces candidats ni sur les détails du refus. De plus, il n'établissait pas avoir fait des recherches en temps opportun sur le marché suisse ou européen, malgré le fait qu'il affirmait dans son recours avoir parlé avec son entourage en espérant que le bouche-à-oreille fonctionne et avoir posté plusieurs offres d'emploi sur les réseaux sociaux. Partant, il n'avait pas respecté le principe de priorité.

Il ne pouvait être considéré que M. C______ disposait de qualifications particulières dans un domaine souffrant en Suisse et dans les États membres de l'UE/AELE d'une pénurie de main-d'œuvre spécialisée.

D'après les fiches de salaire fournies pour les mois de janvier à mai 2024, le salaire brut de M. C______ était de CHF 4'479.-, ce qui correspondait au salaire minimal genevois pour 2024. Or, cet élément aurait dû ressortir du contrat ou d'un avenant au contrat étant donné que la demande de permis de travail avait été déposée fin décembre 2023 et qu'il était prévisible que l'employé, s'il recevait une réponse favorable à la demande de permis, commence à travailler en 2024.

Aucun élément du dossier ne démontrait que l'emploi de M. C______ pourrait avoir des retombées économiques positives pour l'économie de la Suisse, que ce soit en termes de création de places de travail, d'investissement ou de diversification de l'économie régionale, étant rappelé qu'il convenait de ne pas confondre l'intérêt économique de la Suisse avec celui de l'employeur à engager une personne particulière.

Pour le surplus, il observait qu'en l'absence d'une autorisation de séjour, M. C______ n'avait pas le droit d'exercer une activité lucrative. Or il semblait que tel avait été le cas dès novembre 2023 puisque le recourant avait fourni les fiches de salaire des mois de décembre 2023 à mai 2024, ce qui contrevenait aux art. 115 et ss LEI.

8.             Le 6 septembre 2024, le recourant a répliqué, persistant dans l'argumentation de son recours.

M. C______ exerçait le métier de coiffeur-barbier depuis 2011 ce qui lui conférait une expérience de 14 ans dans le domaine. Sa longue expérience lui avait permis de développer des compétences hors pair. Il avait également développé une pleine compréhension de la volonté des clients, rendant ses qualifications particulièrement précieuses dans un domaine où la fidélisation de la clientèle était capitale. Le salon jouissait d'une très bonne réputation précisément car il n'engageait que des coiffeurs-barbiers hautement expérimentés. Or, il n'avait pas pu trouver un autre candidat au bénéfice de la même expérience.

Contrairement à ce que retenait l'autorité intimée, il s'était fondé sur des critères objectifs pour refuser d'engager les candidats proposés par l'OCE en signalant leur manque d'expérience. En outre, le document qu'il avait à remplir pour expliquer les motifs du non-engagement ne permettait d'écrire que cinq à huit mots. Lui reprocher une absence de motivation complémentaire relevait de la mauvaise fois.

Comme l'avait relevé l'OCIRT, le salaire de CHF 4'479.- versé à M. C______ en 2024 était conforme au salaire minimum en vigueur dans la branche. L'absence d'avenant écrit au contrat ne pouvait pas valoir violation du salaire minimal.

9.             En date du 3 octobre 2024, l'OCIRT a dupliqué, persistant dans son argumentation. Le recourant n'apportait aucune preuve concernant les compétences « hors pair » de M. C______ ni sur la demande grandissante en matière de coiffeurs-barbiers.

Contrairement à ce qu'il soutenait, rien n'avait empêché le recourant de fournir un tableau Excel, un document Word ou d'indiquer dans sa lettre de motivation, les motifs pour lesquels les différents candidats proposés par l'OCE n'avaient pas été retenus. Conformément à l'obligation de collaborer, toutes les informations pertinentes au traitement du dossier devaient être présentées par l'employeur, dont notamment les informations concernant le salaire qui devaient être clairement mentionnées.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail en matière de marché du travail (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05  ; art. 3 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Le recourant reproche à l’OCIRT d’avoir violé son droit d’être entendu en ne l'invitant pas à compléter sa requête avant de prononcer la décision litigieuse.

7.             Selon l'art. 41 LPA, les parties ont le droit d'être entendues par l'autorité compétente avant que ne soit prise une décision. Elles ne peuvent cependant prétendre à une audition verbale sauf dispositions légales contraires.

8.             Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de produire des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 218 consid. 2.3 et 140 I 285 consid. 6.3.1).

Il s'agit avant tout du droit des parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment. Dans une procédure initiée sur requête d'un administré, celui-ci est censé motiver sa requête en apportant tous les éléments pertinents ; il n'a donc pas un droit à être encore entendu avant que l'autorité ne prenne sa décision, afin de pouvoir présenter des observations complémentaires (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème édition n° 1530 ss, p. 519 s ; ATA/523/2016 du 21 juin 2016 consid. 2b).

9.             En l'espèce, il ressort du dossier qu’en date du 20 décembre 2023, le recourant a déposé une demande d’autorisation de travail pour frontalier, accompagnée de diverses pièces. Il a donc eu l’occasion de faire valoir son point de vue avant que l’OCIRT ne prononce la décision contestée, étant rappelé qu'il lui appartenait à ce stade de fournir spontanément à l'autorité tous les éléments permettant à cette dernière de statuer sur sa demande, dont la liste figure d'ailleurs sur le site internet de l'État de Genève https://www.ge.ch/demander-permis-travail-frontalier/ressortissant-etat-hors-ue-ael. De plus, il apparaît que les éléments en possession de l'autorité intimée lui ont permis de former sa conviction et que cette dernière n’a pas estimé nécessaire d’interpeller l’employeur avant la prise de décision, étant rappelé que ce dernier ne pouvait prétendre à son audition verbale, conformément à l’art. 41, 2ème phrase LPA.

10.         Le tribunal se doit encore de relever le caractère formaliste du grief soulevé par le recourant, puisque durant la procédure devant le tribunal, il n'a pas non plus produit les éléments de preuve qu'il reproche à l'OCIRT de n'avoir pas sollicité.

11.         Le recourant sollicite la tenue d’une audience de comparution personnelle des parties ainsi que l’audition de M. C______ en qualité de témoin.

12.         Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., comprend également le droit pour les parties de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s’étend toutefois qu’aux éléments pertinents pour décider de l’issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

Le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (cf. not. art. 41 in fine LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6.1 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_668/2020 du 22 janvier 2021 consid. 3.3 ; 2C_339/2020 du 5 janvier 2021 consid. 4.2.2 ; ATA/1637/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3d), ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_725/2019 du 12 septembre 2019 consid. 4.1 ; 2C_1004/2018 du 11 juin 2019 consid. 5.2.1).

13.         En l'espèce, le tribunal estime que le dossier contient les éléments suffisants et nécessaires, tels qu’ils ressortent des écritures des parties, des pièces produites et du dossier de l’autorité intimée, pour statuer sur le litige sans qu’il soit utile de procéder à l’audition du recourant et à celle de M. C______. Le recourant a d’ailleurs eu la possibilité de faire valoir ses arguments dans le cadre de la procédure de recours, de répondre aux arguments de l’autorité intimée et de produire tout moyen de preuve utile en annexe de ses écritures, sans expliquer en quoi son audition et celle de son employé s'avérerait plus utile.

Partant, il n’y a pas lieu de procéder aux auditions requises, ces mesures d’instruction n’étant au demeurant pas obligatoires.

14.         Le recourant conteste le refus de l'OCIRT de délivrer une autorisation de travail pour frontalier (permis G) en faveur de M. C______, ressortissant du Kosovo, qu’il souhaite engager comme coiffeur-barbier.

15.         La LEI et ses ordonnances d’exécution, en particulier l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l’entrée, le séjour et la sortie de Suisse des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), notamment par l’Accord du 21 juin 1999 entre, d’une part, la Confédération suisse, et, d’autre part, la Communauté européenne et ses États membres sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681).

16.         En l’occurrence, M. C______ étant ressortissant kosovar, soit d’origine extra-européenne, la demande de permis frontalier déposée ne peut être examinée que sous l’angle de la LEI, même s’il réside en France voisine. En effet, dès lors qu’il n’est pas une ressortissant d’une partie contractante, il ne peut se prévaloir d’aucun droit découlant de l’ALCP (art. 2 ALCP et 7 Annexe I ALCP).

17.         Selon l'art. 11 LEI, tout étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour ; il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (al. 1). Est considérée comme activité lucrative toute activité salariée ou indépendante, qui procure normalement un gain, même si elle est exercée gratuitement (al. 2). En cas d'activité salariée, la demande d'autorisation est déposée par l'employeur (al. 3).

18.         À teneur de l’art. 18 LEI, un étranger peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative salariée aux conditions suivantes : son admission sert les intérêts économiques du pays (let. a), son employeur a déposé une demande (let. b) et les conditions fixées aux art. 20 à 25 LEI sont remplies (let. c), notamment les exigences relatives à l’ordre de priorité (art. 21 LEI), les conditions de rémunération et de travail (art. 22 LEI), ainsi que les exigences portant sur les qualifications personnelles requises (art. 23 LEI).

19.         En raison de sa formulation potestative, l’art. 18 LEI ne confère aucun droit au recourant (arrêt du Tribunal fédéral 2C_798/2018 du 17 septembre 2018 consid. 4.1) et les autorités compétentes bénéficient d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de son application (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/ 2014 du 31 mars 2016 consid. 5.1 ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3b).

20.         Ces conditions sont cumulatives (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5b et les arrêts cités).

21.         La notion d’« intérêt économique du pays », formulée de façon ouverte, concerne au premier chef le domaine du marché du travail. Il s’agit, d’une part, des intérêts de l’économie et de ceux des entreprises. D’autre part, la politique d’admission doit favoriser une immigration qui n’entraîne pas de problèmes de politique sociale, qui améliore la structure du marché du travail et qui vise à plus long terme l’équilibre de ce dernier. En particulier, les intérêts économiques de la Suisse seront servis lorsque, dans un certain domaine d’activité, il existe une demande durable à laquelle la main d’œuvre étrangère en cause est susceptible de répondre sur le long terme (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4226/207 du 8 octobre 2019 consid. 4.5.1). L’art. 3 al. 1 LEI concrétise le terme, en ce sens que les chances d’une intégration durable sur le marché du travail suisse et dans l’environnement social sont déterminantes. L’activité économique est dans l’intérêt économique du pays si l’étranger offre par là une prestation pour laquelle il existe une demande non négligeable et qui n’est pas déjà fournie en surabondance (ATA/184/2022 du 22 février 2022 consid. 8e et les références citées).

22.         S’agissant plus particulièrement d’un frontalier, l’art. 25 al. 1 LEI stipule qu’un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative en tant que frontalier que s’il possède un droit de séjour durable dans un État voisin et réside depuis six mois au moins dans la zone frontalière voisine (let. a) et qu’il exerce son activité dans la zone frontalière suisse (let. b).

23.         L’art. 25 al. 2 LEI précise que les art. 20, 23 et 24 LEI ne sont pas applicables. À contrario, les art. 21 et 22 LEI s'appliquent aux demandes de permis frontalier.

24.         Un étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative que s’il est démontré qu’aucun travailleur en Suisse ni aucun ressortissant d’un État avec lequel a été conclu un accord sur la libre circulation des personnes correspondant au profil requis n’a pu être trouvé (art. 21 al. 1 LEI).

25.         En d’autres termes, l’admission de ressortissants d’États tiers n’est possible que si, à qualifications égales, aucun travailleur en Suisse ou ressortissant d’un État membre de l’UE ou de l’AELE ne peut être recruté. Le principe de la priorité des travailleurs résidants doit être appliqué à tous les cas, quelle que soit la situation de l’économie et du marché du travail (arrêt du Tribunal fédéral 2C_434/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

Les conditions d'admission ont matériellement pour but de gérer de manière « restrictive » l'immigration ne provenant pas de la zone UE/AELE, de servir conséquemment les intérêts économiques à long terme et de tenir compte de manière accrue des objectifs généraux relatifs aux aspects politiques et sociaux du pays et en matière d'intégration (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-5184/2014 du 31 mars 2016 consid. 5.3.1).

26.         Les employeurs sont tenus d’annoncer le plus rapidement possible aux offices régionaux de placement les emplois vacants qu’ils présument ne pouvoir repourvoir qu’en faisant appel à du personnel venant de l’étranger. Les offices de placement jouent un rôle clé dans l’exploitation optimale des ressources offertes par le marché du travail sur l’ensemble du territoire suisse. L’employeur doit, de son côté, entreprendre toutes les démarches nécessaires - annonces dans les quotidiens et la presse spécialisée, recours aux médias électroniques et aux agences privées de placement - pour trouver un travailleur disponible. On attend des employeurs qu’ils déploient des efforts en vue d’offrir une formation continue spécifique aux travailleurs disponibles sur le marché suisse du travail (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c et les arrêts cités).

Il revient à l’employeur de démontrer avoir entrepris des recherches sur une grande échelle afin de repourvoir le poste en question par un travailleur indigène ou ressortissant d’un État membre de l’UE/AELE conformément à l’art. 21 al. 1 LEI et qu’il s’est trouvé dans une impossibilité absolue de trouver une personne capable d’exercer cette activité (ATA/361/2020 du 16 avril 2020 consid. 4c et les références citées).

L'employeur doit être en mesure de rendre crédibles les efforts qu'il a déployés, en temps opportun et de manière appropriée, en vue d'attribuer le poste en question à des candidats indigènes ou à des candidats ressortissants de l'UE/AELE. Des ressortissants d'États tiers ne seront contactés que dans le cas où les efforts entrepris n'ont pas abouti. Il convient dès lors de veiller à ce que ces démarches ne soient pas entreprises à la seule fin de s'acquitter d'une exigence. Elles doivent être engagées suffisamment tôt, dans un délai convenable avant l'échéance prévue pour la signature du contrat de travail. En outre, il faut éviter que les personnes ayant la priorité ne soient exclues sur la base de critères professionnels non pertinents tels que des séjours à l'étranger, des aptitudes linguistiques ou techniques qui ne sont pas indispensables pour exercer l'activité en question, etc. (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3286/2017 du 18 décembre 2017 consid. 6.2).

Même si la recherche d’un employé possédant les aptitudes attendues de la part de l’employeur peut s’avérer ardue et nécessiter de nombreuses démarches auprès des candidats potentiels, de telles difficultés ne sauraient, à elles seules, conformément à une pratique constante des autorités en ce domaine, justifier une exception au principe de la priorité de recrutement énoncée à l’art. 21 LEI (ATA/1094/2019 du 25 juin 2019 consid. 5c ; ATA/1368/2018 du 18 décembre 2018 consid. 3c).

La seule publication d'une annonce auprès de l'OCE, bien que diffusée également dans le système EURES, ne peut être considérée comme une démarche suffisante. (ATA/1147/2018 du 30 octobre 2018 consid. 11).

27.         Par ailleurs, l’étranger ne peut être admis en vue de l’exercice d’une activité lucrative qu’aux conditions de rémunération et de travail usuelles du lieu, de la profession et de la branche (art. 22 LEI). Pour déterminer les salaires et les conditions de travail en usage dans la localité et la profession, il y a lieu de tenir compte des prescriptions légales, des conventions collectives et des contrats-types de travail, ainsi que des salaires et des conditions accordés pour un travail semblable dans la même entreprise et dans la même branche. Il importe aussi de prendre en considération les résultats des relevés statistiques sur les salaires (art. 22 al. 1 OASA).

28.         Enfin, conformément à l'art. 90 LEI, l'étranger et les tiers participant à une procédure prévue par la loi doivent collaborer à la constatation des faits déterminants pour son application. Ils doivent en particulier fournir des indications exactes et complètes sur les éléments déterminants pour la réglementation du séjour (let. a) et fournir sans retard les moyens de preuves nécessaires ou s'efforcer de se les procurer dans un délai raisonnable (let. b).

29.         En l’occurrence, sous l’angle du respect du principe de la priorité, force est de constater que le recourant n'a pas déployé tous les efforts que l'on pouvait raisonnablement attendre de lui pour trouver un travailleur suisse ou ressortissant d’un État membre de l'UE/AELE afin de pourvoir le poste concerné. 

En effet, celui-ci s’est contenté d’annoncer la vacance du poste à l’OCE le 5 février 2024. Or, une telle démarche ne suffit pas, en l’état des règles en vigueur, pour considérer qu’il se serait acquitté de ses obligations légales en matière de priorité du marché suisse ou européen. On observera par ailleurs que M. C______ a signé son contrat de travail en novembre 2023, soit plus de deux mois avant l'annonce du poste à l'OCE, ce qui tend à démontrer que le recourant n'avait en réalité nullement l'intention de prendre en considération les éventuelles candidatures du service de placement et que la demande déposée en sa faveur relève principalement des besoins de la cause. Compte tenu des exigences recherchées, il aurait appartenu au recourant d’entreprendre des recherches plus poussées sur les marchés du travail tant suisse que de l’UE/AELE, par exemple en publiant des annonces sur internet. Quant aux explications données par le recourant, à savoir qu'il aurait entrepris des démarches sur les réseaux sociaux et en aurait parlé dans son entourage espérant que le bouche-à-oreille porte ses fruits, elles ne convainquent pas. Ses démarches ne sont au demeurant attestées par aucune pièce et ne correspondent en tout état pas à ce qui est attendu d’un employeur sous l’angle du respect du principe de priorité.

Au demeurant, au vu du curriculum vitae produit, on ne voit pas en quoi M. C______ présenterait des qualifications et une expérience professionnelle si particulières qu’il aurait été impossible pour l’employeur de recruter sur le marché local ou européen un autre travailleur, ressortissant de l'UE ou de l'AELE, doté de capacités équivalentes. Enfin, même en retenant que la recherche d’un candidat possédant toutes les qualités requises nécessiterait de nombreuses démarches auprès de candidats potentiels, cette difficulté ne saurait à elle seule justifier une exception au principe de la priorité dans le recrutement énoncé par la loi.

Dans ces conditions, force est de retenir, avec l’autorité intimée, que le recourant n’est pas parvenu à démontrer avoir été réellement et concrètement dans l’impossibilité de trouver un travailleur correspondant aux exigences du poste sur le marché local ou européen, en particulier parce qu’il aurait, en vain, entrepris toutes les recherches utiles et nécessaires susceptibles d’être attendues de lui, qui permettraient de retenir que la condition de l’ordre de priorité de l’art. 21 al. 1 LEI serait remplie.

30.         L'une des conditions légales cumulatives applicables (art. 18 let. c cum 21 al. 1 LEI) n'ayant pas été respectée, il n'est pas nécessaire d'examiner si les autres conditions sont réalisées.

31.         Cela étant, on relèvera qu'aucun élément du dossier ne permet de considérer que l’activité de coiffeur-barbier que M. C______, aussi compétente soit-il, serait amenée à déployer au sein de l’établissement du recourant pourrait réellement avoir des retombées économiques positives pour l’économie suisse et, ainsi, représenter un intérêt pour la Suisse au sens de l’art. 18 let. a LEI, tel que défini plus haut, que ce soit en termes de création de places de travail, d'investissements ou de diversification de l'économie régionale, étant rappelé qu'il convient de ne pas confondre l’intérêt économique de la Suisse avec celui de l'employeur à engager une personne particulière.

32.         Au vu de ce qui précède, le tribunal considère que la décision querellée ne viole pas le droit fédéral.

33.         Mal fondé, le recours sera rejeté.

34.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

35.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 7 juin 2024 par Monsieur A______ contre la décision de de l'office cantonal de l’inspection et des relations du travail du 8 mai 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant, un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière