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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/2018/2024

JTAPI/969/2024 du 30.09.2024 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : RECONSIDÉRATION;AUTORISATION DE SÉJOUR;DÉCISION DE RENVOI
Normes : LPA.48
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2018/2024

JTAPI/969/2024

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 septembre 2024

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Léonard MICHELI-JEANNET, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1982, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le ______ 2010, il a épousé Madame B______, ressortissante française née le ______ 1971. Les époux se sont séparés en 2016 et ont divorcé en 2020.

3.             Le 19 décembre 2016, Madame C______, ressortissante kosovare née le ______ 1988, a donné naissance à D______, fille de M. A______, qui l’a reconnue.

4.             Le précité a occupé divers emplois à Genève.

5.             Le 15 août 2017, M. A______ a déposé une demande d'autorisation de séjour pour cas de rigueur auprès de l’office cantonal de la population et des migrations
(ci-après : OCPM). Il résidait à Genève de manière ininterrompue depuis 2007, était bien intégré, en particulier professionnellement, et n'envisageait pas de retourner au Kosovo où sa réintégration serait fortement compromise.

6.             Par ordonnance pénale du 14 juin 2018, M. A______ a été condamné à une amende de CHF 300.- pour incitation à l'entrée, à la sortie et au séjour illégal.

7.             Le 6 novembre 2018, M. A______ a sollicité de l’OCPM un visa de retour en vue de se rendre au Kosovo pendant un mois pour visite familiale.

8.             Le 21 décembre 2018, M. A______ a formé auprès de l'OCPM une demande d'autorisation de séjour en application de l’opération « Papyrus ».

9.             Début 2021, à une date indéterminée, Mme C______ a déposé auprès de la Ville de ______ (GE) une demande d'ouverture de dossier de mariage avec M. A______.

10.         Les 25 avril et 6 juin 2021, M. A______ a sollicité des visas de retour en vue de se rendre au Kosovo avec Mme C______ et leur fille.

11.         Par courrier du 3 août 2021, l'OCPM a fait part à M. A______ de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande d'autorisation de séjour. Un délai lui a été accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

12.         L’intéressé s’est déterminé par lettre du 14 septembre 2021, indiquant notamment que son renvoi l’exposerait à un rejet social et économique et des représailles familiales, comme ce serait le cas pour Mme C______ et leur fille D______, laquelle avait débuté sa scolarité obligatoire.

13.         Par décision du 3 janvier 2022, l'OCPM a rejeté la demande de régularisation déposée par M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

14.         Par décision distincte du même jour, l'OCPM a refusé de délivrer une autorisation de séjour en vue de mariage à Mme C______ et a également prononcé son renvoi de Suisse ainsi que celui de sa fille D______.

15.         Par acte du 2 février 2022, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre la décision du 3 janvier précédent, concluant principalement à son annulation et à la délivrance d'un permis de séjour (cause A/441/2022).

Début 2017, Mme C______ et leur fille étaient venues le rejoindre à Genève. Toute la famille était parfaitement intégrée. Son ascension professionnelle, de même que celle de sa compagne, étaient remarquables. Un retour au Kosovo aurait des conséquences délétères pour toute la famille. Formant un couple de parents non mariés avec sa compagne, il y serait, comme celle-ci, exposé à l'opprobre et à l'exclusion socio-économique. Son seul frère vivait également en Suisse avec son épouse. Un retour au Kosovo n'était pas non plus envisageable au vu des pathologies dont souffrait D______, soit un autisme infantile et un trouble du langage, qui nécessitaient un suivi et un accompagnement au long cours, inexistant au Kosovo.

16.         Le 3 février 2022, Mme C______ a interjeté recours devant le tribunal à l’encontre la décision du 3 janvier précédent rendue à son encontre et sa fille, en concluant à son annulation et à l’octroi d’un titre de séjour (cause A/439/2022).

17.         Par jugement du 17 août 2022 (JTAPI/836/2022), le tribunal a rejeté le recours de M. A______.

Il ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance de cas de rigueur, en particulier sous l'angle de l'opération « Papyrus ». Il avait été condamné en 2018. Son intégration socio-professionnelle n’était pas remarquable. Sa réintégration ne paraissait pas gravement compromise. Enfin, puisque sa fille ne disposait pas d’un droit de séjour en Suisse, il ne pouvait se prévaloir de sa relation avec elle pour y demeurer.

18.         Par jugement rendu le même jour (JTAPI/837/2022), le tribunal a rejeté le recours de Mme C______.

Il a confirmé le refus de l’OCPM de lui délivrer une autorisation de séjour en vue de préparation au mariage. Elle n’avait pas démontré que les troubles autistiques et psychomoteurs dont souffrait D______, dont le placement en école spécialisée était à prévoir, ne pourraient être pris en charge au Kosovo. De plus, les séances de logopédie dont elle avait besoin pourraient également y être poursuivies.

19.         Le ______ 2022 est né F______, le deuxième enfant de Mme C______ et de M. A______.

20.         Saisie par M. A______, la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), par arrêt du 18 avril 2023 (ATA/392/2023), a rejeté son recours.

Il ne remplissait pas les conditions pour se voir délivrer une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Il ne démontrait pas qu’il résidait en Suisse depuis 2007. La durée de son séjour devait quoi qu’il en fût être relativisée, du fait qu’elle avait été intégralement effectuée dans l’illégalité. Il ne pouvait se prévaloir d’une intégration sociale remarquable, même s’il ne faisait pas l’objet de poursuites pour dettes et maîtrisait le français (niveau A2). Il avait été condamné pour incitation à l'entrée, à la sortie et au séjour illégal en 2018. Son activité professionnelle dans le domaine du transport et du nettoyage ne présentait pas non plus un degré de réussite tel qu’il ne pourrait être exigé de sa part de la poursuivre dans son pays d’origine. En outre, il s’était régulièrement rendu dans son pays d’origine avec lequel il avait conservé des attaches. S’il était possible que le statut non marié du couple heurtât la sensibilité de certains de ses compatriotes, il n’avait pas rendu vraisemblable qu’il exposerait sa famille à des difficultés insurmontables. Il était encore relativement jeune et en bonne santé. Il avait passé son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte au Kosovo.

Enfin, il ne pouvait pas prétendre à une autorisation de séjour sous l’angle de l’opération « Papyrus », dès lors que celle-ci se contentait de concrétiser les critères légaux fixés par la loi pour les cas de rigueur et qu’il n’en remplissait pas les conditions.

21.         Par arrêt du même jour (ATA/391/2023), la chambre administrative a rejeté le recours interjeté par Mme C______.

Elle a écarté l’argumentation selon laquelle en cas de retour au Kosovo, D______ ne pourrait plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Le service des maladies oto-rhino-laryngologiques de l’hôpital universitaire de Pristina proposait des séances orthophoniques ambulatoires. De tels services privés existaient également à Pristina et dans d’autres villes. La psychomotricité pouvait être dispensée par des neurologues pédiatriques auprès de la clinique de neurologie de l’hôpital universitaire de Pristina. Il y existait des offres psychologiques et psychiatriques ainsi que des programmes de thérapie par l’activité, qui amélioraient les capacités motrices, communicatives et sociales.

22.         Par arrêt du 1er juin 2023 (2C_297/2023), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté par le précité à l’encontre de l’ATA/392/2023.

23.         Par arrêt rendu également le 1er juin 2023 (2C_298/2023), le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par Mme C______.

24.         Le 5 juillet 2023, l’OCPM a imparti à M. A______ un délai au 5 octobre suivant pour quitter la Suisse, au vu de l’arrêt du Tribunal fédéral rendu le 1er juin précédent.

25.         Par lettre du 4 octobre 2023, Mme C______ et M. A______ ont demandé à l’OCPM de suspendre le délai de départ échéant le lendemain, au motif qu’ils déposeraient prochainement une demande d’autorisation de séjour.

26.         Le 18 octobre 2023, M. A______ et Mme C______ ont déposé auprès de l’OCPM une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur, subsidiairement une requête de reconsidération des décisions du 3 janvier 2022 en faveur d’eux-mêmes et de leurs enfants.

Dans la mesure où il s’agissait de la première demande déposée par le couple et les enfants, elle devait être traitée comme une demande initiale et ne saurait être soumise aux conditions de l’art. 48 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA- E 5 10). Cette question pouvait demeurer ouverte, étant donné que les conditions d’un réexamen étaient également respectées.

La famille pouvait justifier d’une durée de présence sur le territoire suisse excédant cinq ans. Elle ne dépendait nullement de l’aide sociale et sa situation financière se révélait favorable, malgré des difficultés ponctuelles. Il avait réussi à créer son entreprise tout en demeurant employé et disposait de revenus ne laissant pas craindre une future dépendance à l’aide sociale. Sa condamnation pénale ne concernait que des infractions à la législation sur les étrangers et n’apparaissait (sans doute) plus au casier judiciaire.

Il convenait de tenir compte de la situation d’D______, notamment de sa scolarisation, de son suivi soutenu et nécessaire à son développement auprès de sa logopédiste et de la naissance d’un second enfant, F______.

27.         Par décision du 14 mai 2024, déclarée exécutoire nonobstant recours, l’OCPM a refusé d’entrer en matière sur la demande de reconsidération déposée par M. A______, pour le motif que les arguments invoqués, à savoir la naissance de son second enfant et les problèmes de santé d’D______ avaient déjà été examinés. Sa situation ne s’était, dès lors, pas modifiée de manière notable depuis l’entrée en force de la décision du 3 janvier 2022.

28.         Par lettre du même jour, l’OCPM a fait part à Mme C______ de son intention de refuser de lui délivrer, ainsi qu’à ses enfants, une autorisation de séjour pour cas de rigueur, lui rappelant que son renvoi de Suisse avait déjà été prononcé.

Elle n’émargeait pas à l’aide sociale et son casier judiciaire ne comportait aucune inscription. Toutefois, la durée de son séjour en Suisse ne saurait constituer un élément déterminant susceptible de justifier une suite favorable à sa requête. Elle n’avait jamais bénéficié d’une quelconque autorisation de séjour en Suisse. Elle ne pouvait se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement remarquable, au point d’admettre qu’elle ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confrontée à des obstacles insurmontables. Elle jouissait d’une bonne santé. Ses enfants étaient encore en bas âge, F______ n’étant pas encore scolarisé. Les problèmes de santé dont souffrait D______ pouvaient être traités au Kosovo.

Un délai a été accordé à l’intéressée pour se déterminer.

29.         Par acte du 14 juin 2024, M. A______, sous la plume de son conseil, a interjeté recours devant le tribunal à l’encontre de la décision du 14 mai précédent le concernant en concluant, à titre provisionnel, à la suspension de son renvoi et à ce qu’il soit autorisé à demeurer en Suisse durant l’examen du recours. Principalement, il a conclu à l’annulation de cette décision et au renvoi de la cause à l’OCPM pour qu’il traite le dossier de la famille dans le respect du principe de l’unité familiale. Subsidiairement, il a sollicité le renvoi de la cause à l’OCPM pour qu’il entre en matière sur sa demande du 18 octobre 2023, le tout sous suite de frais et dépens.

Si aucune mesure provisionnelle n’était accordée par le tribunal, il devrait quitter la Suisse, alors que la demande concernant sa compagne et ses enfants étaient encore en cours d’examen. Son départ entraînerait assurément des répercussions considérables sur l’ensemble de la famille. C’était lui qui subvenait aux besoins de celle-ci. Ainsi, en cas de départ, soit toute la famille devrait quitter la Suisse, soit bénéficier de l’aide sociale, Mme C______ ne pouvant, à la fois, occuper un emploi à plein temps et s’occuper de ses deux jeunes enfants. Par ailleurs, un départ de Suisse aurait des conséquences sur le développement d’D______, soit du fait de la séparation, soit en raison du départ précipité de l’enfant dans un environnement inconnu. Il s’agissait d’un dommage difficilement réparable.

Quant au fond, une seule demande d’autorisation de séjour avait été déposée par M. A______ et Mme C______ pour la famille et, sans rendre de décision, l’OCPM avait procédé à la disjonction de la procédure et ainsi saucissonner artificiellement le dossier d’une famille, laquelle remplissait les critères idoines pour l’obtention d’une autorisation de séjour sous l’angle du cas de rigueur, pour autant que le groupe familial soit analysé dans son ensemble. Dès lors, le dossier devait être renvoyé à l’OCPM pour qu’il rende une seule décision.

A l’appui de son recours, il a notamment produit une attestation de suivi de l’Office médico-pédagogique concernant D______, daté du 31 mai 2024.

30.         Dans ses observations du 29 juin 2024, l’OCPM s’est opposé à la suspension de la procédure, ainsi qu’à l’octroi de mesures provisionnelles.

Quant au fond, ainsi qu’il résultait de la décision attaquée, le recourant ne satisfaisait pas aux conditions présidant à une entrée en matière sur sa demande de reconsidération.

31.         Par réplique du 8 juillet 2024 sur mesures provisionnelles, M. A______ a persisté dans les conclusions de son recours.

32.         Par décision du 17 juillet 2024, le tribunal a rejeté la demande d'effet suspensif et de mesures provisionnelles au recours formée par M. A______ (DITAI/397/2024).

33.         Le 12 août 2024, M. A______ a répliqué sur le fond, relevant que l’OCPM ne s’était pas déterminé sur la disjonction du dossier et maintenait ses conclusions.

34.         L’OCPM a dupliqué le 3 septembre 2024. Le recourant avait déjà fait l’objet d’une décision de refus d’autorisation de séjour pour cas de rigueur et de renvoi de Suisse définitive et exécutoire suite à l’arrêt de la chambre administrative ; la seule voie pour examiner sa demande du 18 octobre 2023 était celle de la reconsidération.

Quant à Mme C______, son dossier et celui de ses enfants n’avaient jamais été examinés sous l’angle du cas de rigueur ; il était ainsi entré en matière sur le fond de la demande, faute de quoi il aurait commis un déni de justice. Par courrier du 14 mai 2024, il avait fait part à Mme C______ de son intention de refuser de préaviser favorablement l’octroi du permis demandé.

Enfin, les intéressés ne pouvaient se prévaloir de l’art. 8 CEDH dans la mesure où aucun des membres de la famille ne disposait d’une autorisation de séjour en Suisse.

35.         Le contenu des pièces sera repris dans la partie « En droit » dans la mesure utile.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. L’objet du litige correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/902/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3b). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/1145/2015 du 27 octobre 2015 consid. 4b et les arrêts cités).

6.             En l’occurrence, l’OCPM ayant déjà rendu une décision de refus d’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur à l’encontre de M. A______ le 3 janvier 2022, laquelle est définitive et exécutoire, la requête de ce dernier du 18 octobre 2023 ne pouvait qu’être considérée comme une demande de reconsidération de la décision du 3 janvier 2022, comme l’a à juste titre retenu l’OCPM.

Par ailleurs, c’est également à juste titre que l’OCPM a traité le cas du recourant de manière distincte de celle de Mme C______ et de leurs deux enfants communs. En effet, aucune décision concernant ces derniers sur leur requête en autorisation de séjour pour cas de rigueur formée le 18 octobre 2023 n’a été rendue par l’OCPM, la décision du 3 janvier 2022 les concernant ayant trait à la demande de Mme C______ de se voir délivrer une autorisation en vue de mariage. Du reste, l’OCPM a précisé, dans ses dernières écritures avoir informé Mme C______, le 14 mai 2024, de son intention de refuser de préaviser favorablement l’octroi du permis sollicité, alors que le même jour elle a rendu à l’encontre du recourant un refus d’entrer en matière sur une demande de reconsidération. Il sied par ailleurs de relever que, dans le cadre des précédentes procédures concernant tant le recourant que Mme C______ et leurs enfants, l’OCPM a pris en compte la situation de chaque membre de la famille.

Dès lors, la décision querellée ayant pour seul objet le refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération du recourant du 18 octobre 2023 l’examen du tribunal ne portera que sur cette question et non sur celle de l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur.

7.             Selon l'art. 48 al. 1 LPA, les demandes en reconsidération de décisions prises par les autorités administratives sont recevables lorsqu'un motif de révision au sens de l'art. 80 let. a et b LPA existe (let. a) ou lorsque les circonstances se sont modifiées dans une mesure notable depuis la première décision (let. b).

8.             Aux termes de l'art. 80 LPA, auquel renvoie l’art. 48 al. 1 let. a LPA, il y a lieu à révision d'une décision judiciaire lorsqu’il apparaît, dans une affaire réglée par une décision définitive, que la décision a été influencée par un crime ou un délit établi par une procédure pénale ou d'une autre manière (let. a), ou qu’il existe des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (let. b).

9.             L'art. 80 let. b LPA, vise uniquement les faits et moyens de preuve qui existaient au moment de la première procédure, mais n’avaient alors pas été soumis au juge (faits nouveaux « anciens » ; ATA/774/2012 du 13 novembre 2012 consid. 4). Sont nouveaux au sens de cette disposition légale les faits qui, survenus à un moment où ils pouvaient encore être allégués dans la procédure principale, n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2). Ces faits nouveaux doivent en outre être importants, c’est-à-dire de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 ; 134 IV 48 consid. 1.2 ; 118 II 199 consid. 5). Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit des faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit l’autorité administrative ou judiciaire à statuer autrement, si elle en avait eu connaissance, dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers (ATF 134 IV 48 consid. 1.2 ; ATA/1335/2015 du 15 décembre 2015 consid. 3c ; ATA/866/2015 du 25 août 2015 consid. 6b ; ATA/294/2015 du 24 mars 2015 consid. 3c).

10.         Quant à l’art. 48 al. 1 let. b LPA, il faut que la situation du destinataire de la décision se soit notablement modifiée depuis la première décision. Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » (vrais nova), c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3b ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a).

11.         L'existence d'une modification notable des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA doit être suffisamment motivée, en ce sens que l'intéressé ne peut pas se contenter d'alléguer l'existence d'un changement notable de circonstances, mais doit expliquer en quoi les faits dont il se prévaut représenteraient un changement notable des circonstances depuis la décision entrée en force ; à défaut, l'autorité de première instance n'entre pas en matière et déclare la demande irrecevable (ATA/573/2013 du 28 août 2013 consid. 4). De plus, la charge de la preuve relative à l'existence d'une situation de réexamen obligatoire d'une décision en force incombe à celui qui en fait la demande, ce qui implique qu'il produise d'emblée devant l'autorité qu'il saisit les moyens de preuve destinés à établir les faits qu'il allègue (ATA/291/2017 du 14 mars 2017 consid. 4).

12.         Saisie d'une demande de réexamen, l'autorité doit procéder en deux étapes : elle examine d'abord la pertinence du fait nouveau invoqué, sans ouvrir d'instruction sur le fond du litige, et décide ou non d'entrer en matière. Un recours contre cette décision est ouvert, le contentieux étant limité uniquement à la question de savoir si le fait nouveau allégué doit contraindre l'autorité à réexaminer la situation (ATF 117 V 8 consid. 2a ; 109 Ib 246 consid. 4a ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 5.1 ; ATA/1239/2020 du 8 décembre 2020 consid. 3d). Ainsi, dans la mesure où la décision attaquée ne porte que sur la question de la recevabilité de la demande de réexamen, le recourant ne peut que contester le refus d'entrer en matière que l'autorité intimée lui a opposé, mais non invoquer le fond, à savoir l'existence des conditions justifiant l'octroi d'une autorisation de séjour, des conclusions prises à cet égard n'étant pas recevables (cf. ATF 126 II 377 consid. 8d ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_115/2016 du 31 mars 2016 consid. 5 ; 2C_172/2013 du 21 juin 2013 consid. 1.4 ; 2C_504/2013 du 5 juin 2013 consid. 3).

13.         Si la juridiction de recours retient la survenance d'une modification des circonstances, elle doit renvoyer le dossier à l'autorité intimée, afin que celle-ci le reconsidère (cf. Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2148), ce qui n'impliquera pas nécessairement que la décision d'origine sera modifiée (cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 1429 p. 493).

14.         Les demandes en reconsidération n’entraînent ni interruption de délai ni effet suspensif (art. 48 al. 2 LPA).

15.         En l’espèce, il convient de déterminer si les circonstances dont le recourant a fait état dans sa demande du 18 octobre 2023 peuvent être considérées, d'une part, comme nouvelles depuis que la décision du 3 janvier 2022 est entrée en force, suite à l’arrêt du Tribunal fédéral du 21 juin 2023 et, d'autre part, comme importantes, une éventuelle réponse positive sur ces deux questions devant amener à l'admission du recours.

Le recourant fait valoir que sa situation a sensiblement évolué depuis la décision initiale, vu notamment la mise en place d'un suivi nécessaire au bon développement d'D______, sa scolarisation ainsi que la naissance de son second enfant F______. De plus, lui-même, Mme C______ et leurs enfants pouvaient justifier d'une durée de présence sur le territoire suisse excédant cinq ans, ne dépendaient nullement de l'aide sociale et leur situation financière se révélait favorable, malgré des difficultés ponctuelles. Il avait réussi à créer son entreprise tout en demeurant employé et disposait de revenus ne laissant pas craindre une future dépendance à l'aide sociale. Sa condamnation pénale ne concernait que des infractions à la législation sur les étrangers et n'apparaissait (sans doute) plus au casier judiciaire.

S'agissant de son intégration et de l'évolution favorable de sa situation financière, ces éléments sont uniquement dus à l'écoulement du temps et au non-respect de la décision de refus d'autorisation de séjour et de renvoi prononcée à son encontre le 3 janvier 2022, devenue exécutoire après l'avoir contestée en vain jusqu'au Tribunal fédéral. Il en va de même de la naissance de leur second enfant, né le ______ 2022, soit après la décision de refus et de renvoi.

Concernant la situation de sa fille D______, elle a été prise en compte dans le cadre de la précédente procédure ; d'une part, D______, née en 2016, a débuté sa scolarité en 2021, soit avant le prononcé de la décision du 3 janvier 2022 et, d'autre part, son autisme infantile a été détecté, selon le certificat médical du 31 mai 2024 produit par le recourant dans le cadre de la présent procédure, suite à une évaluation réalisée entre septembre et novembre 2021. La chambre administrative a par ailleurs retenu, concernant les soins dont D______ avait besoin en lien avec sa pathologie, que le service des maladies oto-rhino-laryngologiques de l'hôpital universitaire de Pristina proposait des séances orthophoniques ambulatoires. De tels services privés existaient également à Pristina et dans d'autres villes. La psychomotricité pouvait être dispensée par des neurologues pédiatriques auprès de la clinique de neurologie de l'hôpital universitaire de Pristina. Il y existait des offres psychologiques et psychiatriques ainsi que des programmes de thérapie par l'activité, qui amélioraient les capacités motrices, communicatives et sociales. Le recourant ne remet du reste pas en cause le fait que ces prestations soient toujours accessibles au Kosovo.

Le tribunal relèvera enfin que, toujours selon ce certificat, un suivi est toujours nécessaire mais une évaluation avait mis en évidence une progression au niveau langagier et communicationnel.

En tout état, l'évolution de la situation médicale d'D______,ne permet pas de retenir une modification notable des circonstances depuis l'entrée en vigueur de la décision du 3 janvier 2022.

Il résulte de ce qui précède que, sauf à aboutir à un résultat qu'il s'agit d'éviter, soit permettre au recourant de remettre sans cesse en cause ladite décision, l’autorité intimée était fondée à refuser d’entrer en matière sur la demande de reconsidération formée e 18 octobre 2023.

16.         Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

17.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 700.-, qui tient compte notamment de la décision incidente rendue dans la présente procédure ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

18.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 14 juin 2024 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 14 mai 2024 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les 30 jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

 

 

La greffière