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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/427/2022

DITAI/131/2022 du 15.03.2022 ( LCI ) , ADMIS

Descripteurs : EFFET SUSPENSIF;MESURE PROVISIONNELLE
Normes : LPA.66.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/427/2022 LCI

DITAI/131/2022

 

DÉCISION

sur effet suspensif

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 15 mars 2022

 

dans la cause

 

Madame A______ et Monsieur B______, représentés par Me Pierre BANNA, avocat, avec élection de domicile

contre

Madame C______ et Monsieur D______, représentés par Me Milos BLAGOJEVIC, avocat, avec élection de domicile

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Madame C______ et Monsieur D______ sont propriétaires de la parcelle n° 1______, feuille 2______ de la commune de E______ à l'adresse chemin F______, 3______, sur laquelle est érigée leur maison d'habitation.

2.             Madame A______ et Monsieur B______ habitent une maison située sur la parcelle n° 4______, feuille 2______ de la même commune, à l'adresse chemin G______, 5______, dont ils sont propriétaires.

3.             Les parcelles précitées sont séparées par un alignement d'arbres.

4.             Le 6 octobre 2020, M. D______ a déposé, par l'intermédiaire de son mandataire, une demande d'autorisation de construire en procédure accélérée (APA 6______) auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), portant sur le remplacement d'une installation de chauffage à mazout, tombée en panne, par une pompe à chaleur air/eau (ci-après : PAC).

Il ressort des plans que la PAC comprenait une unité extérieure ayant une puissance acoustique de 60 dB(A), tandis que le premier local à usage sensible aux bruits se trouvait à 14 m (sur la parcelle voisine n° 7______). Le formulaire « cercle bruit » avait été complété et joint au dossier. Il y était conclu que la valeur limite de 45 dB(A) était respectée (le calcul indiquait 41.1 dB(A) et que le principe de prévention avait été pris en compte.

5.             Dans le cadre de l'instruction de la demande, les préavis usuels ont été requis. En particulier, le service de l'air du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable sous conditions du respect de l'art. 11 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (loi sur la protection de l’environnement, LPE - RS 814.01) ainsi que du respect des valeurs de planification. Il rappelait qu'un degré de sensibilité DS II avait été attribué à la parcelle, que selon les données du constructeur, l'unité extérieure de la PAC avait un niveau de puissance sonore de 60 dB(A), et que les valeurs de planification de Lr (jour) 55dB(A) et Lr (nuit) 45dB(A) devaient être respectées en tout temps pour le voisinage. Enfin, la PAC respectait les valeurs de planification au niveau du logement le plus exposé, mais par mesure de prévention, le bruit de l'installation devait également être évalué en regard de la charge sonore environnementale actuelle. Par conséquent, la PAC devait respecter l'art. 11 LPE.

6.             Par décision du 3 décembre 2020, le département a délivré l'autorisation requise, laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

7.             Le 18 janvier 2021, les époux B______ ont saisi le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) d'un recours contre la décision du 3 décembre 2020. Ils ont conclu préalablement, à ce que le tribunal prononce l'interdiction aux intimés d'utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l'installation sous la menace des sanctions prévues par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), et principalement, à l'annulation de l'autorisation de construire, le tout sous suite de frais et dépens.

L'installation contrevenait au principe de prévention des émissions au sens de l'art. 11 LPE. L'intimé n'avait pas choisi l'emplacement le moins bruyant pour placer le compresseur extérieur nécessaire au fonctionnement de la PAC. L'emplacement avait été déterminé pour des motifs de convenance personnelle des requérants, à proximité immédiate du bâtiment cadastré 8______ sur la parcelle n° 7______, augmentant la réflexion du bruit vers leurs locaux sensibles au bruit.

8.             Le 5 février 2021, les époux D______ se sont déterminés, concluant à ce que le tribunal ordonne le retrait de l'effet suspensif, dise que la décision était exécutoire nonobstant recours et les autorise à utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l'installation.

Leur chaudière à mazout ayant subi une panne irréparable, ils avaient installé la PAC en urgence dans le courant du mois de décembre 2020. L'ouverture du chantier avait été annoncée le 15 décembre 2020 pour le 16 décembre 2020, ce que l'architecte avait signalé le 21 décembre 2020 à l'OAC.

Dans la semaine du 4 au 10 janvier 2021, ils n'avaient eu d'autre choix que d'autoriser l'entreprise d'installation à mettre en marche le chauffage central, vu le froid du mois de janvier. La PAC avait été programmée pour ne pas fonctionner entre minuit et six heures du matin.

Partant, maintenir l'effet suspensif au recours porterait gravement atteinte à leurs intérêts, puisqu'ils se trouveraient privés de chauffage central en plein hiver. À l'opposé, les recourants ne faisaient pas valoir d'intérêts contraires prépondérants, étant notamment relevé que la PAC ne fonctionnait pas entre minuit et six heures du matin, et qu'une distance non négligeable séparait la maison des recourants de leur parcelle.

9.             Le 23 février 2021, les parties ont été entendues par le tribunal.

Ce dernier a pris acte de l'accord provisoire des parties, aux termes duquel, jusqu'au 4 mars 2021, les intimés pourraient utiliser leur installation à condition qu'ils la déplacent selon la proposition des intimés dans ce délai. Il ne statuerait ainsi éventuellement sur l'effet suspensif qu'à cette échéance.

Le nouvel emplacement (emplacement no 2) se situait proche de la paroi nord de la maison des intimés, à côté du local technique, à l’arrière de leur maison.

10.         Les 10 et 30 mars 2021, les intimés ont sollicité une prolongation du délai pour la transmission de leurs observations sur le recours, car ils tentaient de trouver une issue amiable.

11.         Par courrier du 13 avril 2021, les recourants ont réitéré leur conclusion préalable aux termes de laquelle ils sollicitaient qu'il soit fait interdiction aux intimés, jusqu'à droit jugé, d'utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l'installation sous la menace des sanctions prévues par l'art. 292 CP.

Compte tenu de la gêne persistante engendrée par le fonctionnement de l'unité extérieure déplacée de la PAC et des conclusions des différents rapports d'expertise, ils ne pouvaient se satisfaire de la solution provisoire.

12.         Par courrier du 22 avril 2021, le département a conclu au rejet de la conclusion préalable des recourants visant l'interdiction d'utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l'installation jusqu'à droit jugé.

13.         Le même jour les intimés ont une nouvelle fois conclu à ce que le tribunal ordonne le retrait de l'effet suspensif au recours du 18 janvier 2021 et qu'il les autorise ainsi à utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l'installation.

14.         Lors de l'audience du 5 mai 2021 devant le tribunal, les recourants ont pour l'essentiel persisté dans leur demande d'interdiction immédiate de l'utilisation de la PAC.

Le représentant du département a proposé la suspension de la procédure, dès lors que l'autorisation de construire délivrée et contestée n'était plus entièrement mise en œuvre, puisque le compresseur de l'installation avait d'ores et déjà été déplacé de manière provisoire suite à l'audience du 23 février 2021. Une demande d'autorisation complémentaire devait être déposée par M. D______ aux fins de régulariser cette situation, laquelle devrait être examinée par le SABRA.

15.         Par décision du 10 mai 2021 (DITAI/9______), le tribunal a constaté que le recours du 18 janvier 2021 contre la décision du 3 décembre 2020 avait un effet suspensif ex lege. Il a rejeté la demande de retrait de l'effet suspensif des intimés et fait interdiction à ces derniers d'utiliser le compresseur/évaporateur de la PAC jusqu'à droit jugé au fond.

16.         Le 18 mai 2021, les intimés se sont déterminés sur le recours. Ils ont conclu à son irrecevabilité, voire à son rejet.

17.         En date du 20 mai 2021, le département a conclu au rejet du recours.

18.         Les recourants ont répliqué. Malgré le déplacement de l'unité extérieure de la PAC à l’emplacement convenu en audience (emplacement no 2), ils avaient continué d’être passablement dérangés par le bruit généré par cette installation.

19.         Le 26 août 2021, les intimés et le département ont dupliqué.

20.         En date du 15 septembre 2021, le tribunal a procédé à l'audition des mandataires des parties, ainsi que du représentant du département, sans trouver d’accord.

21.         Par jugement du 12 octobre 2021 (JTAPI/10______), le tribunal a admis le recours et annulé l’autorisation de construire.

Il ressortait des explications fournies par les intimés que la solution d'installer la PAC dans le sous-sol de leur maison avait été envisagée, puis écartée au motif qu'elle aurait nécessité d'importants travaux sur la structure des murs porteurs de leur villa, dont notamment la création de saut de loups et un carottage entrainant un important coup financier. Il n'apparaissait toutefois pas que l'instance spécialisée avait procédé à des investigations sur cette question et notamment si d'autres pièces du sous-sol pouvaient accueillir l'installation moyennant un coût supportable. Ainsi, à défaut d'avoir établi que des mesures supplémentaires de protection contre le bruit à titre préventif n'entraient pas en considération, le département avait violé le principe de prévention.

Non contesté, ce jugement est entré en force.

22.         Le 23 octobre 2021, la police municipale de la commune de E______ a constaté, dans une main-courante, à la demande des recourants, que l’installation était en marche lors de son passage, bien que les agents n’aient pas « trouvé le bruit excessif ».

23.         Le 12 novembre 2021, M. D______ a déposé, par le biais de son architecte, une nouvelle demande d’autorisation de construire en procédure accélérée, enregistrée sous APA 11______, auprès du département, visant à installer une nouvelle PAC.

Selon les plans, l’emplacement envisagé était celui où la PAC avait été installée lors de son déplacement du 3 mars 2021 (emplacement no 2), durant la première procédure de recours (procédure A/12______).

Diverses pièces étaient jointes à cette requête, soit notamment une note explicative retraçant les coûts estimés d’installation, et un rapport d’implantation, précisant les coûts liés à une installation de la PAC à l’intérieur de la maison. Était également joint le formulaire d’attestation du respect des exigences de protection contre le bruit pour PAC air/eau « cercle bruit », mentionnant que la valeur de planification de 45 dB(A) était respectée pour cet emplacement et que le principe de prévention avait été pris en compte.

24.         Le 19 novembre 2021, Me Caroline TRONCHET, huissier judiciaire, a établi un procès-verbal lors de sa visite, à la demande des recourants, sur leur parcelle, attestant que la PAC litigieuse, située en bordure de la façade de la villa des intimés, était en marche lors de son passage.

25.         Dans le cadre de l’instruction de cette demande, les préavis usuels ont été requis.

26.         En particulier, le 25 novembre 2021, le SABRA a rendu un préavis favorable sous condition de la mise en place d’un caisson acoustique et du placement de l’unité extérieure de la PAC contre la façade nord-est du bâtiment des intimés, comme prévu dans la demande d’autorisation de construire du 12 novembre 2021. Il rappelait qu'un degré de sensibilité DS II avait été attribué à la parcelle, que selon les données du constructeur, l'unité extérieure de la PAC avait un niveau de puissance sonore de 60 dB(A), et que les valeurs de planification de Lr (jour) 55dB(A) et Lr (nuit) 45dB(A) devaient être respectées en tout temps pour le voisinage. Avec l’installation d’un caisson acoustique autour de la PAC, le niveau d’évaluation Lr était de 34 dB(A) à l’embrasure de la fenêtre ouverte du logement le plus proche, les valeurs de planification étaien respectées.

En outre, la PAC devait respecter l’art. 11 LPE. Sur ce point, le SABRA retenait que l’installation de l’unité extérieure de la PAC contre la façade nord-est extérieure du bâtiment du requérant et son insertion dans un caisson acoustique répondaient aux exigences précitées, car ces mesures étaient prises à la source et économiquement supportables. Enfin, avec un niveau sonore Leq de 22 dB(A) à l’embrasure de la fenêtre ouverte du logement le plus proche, une fois le caisson acoustique posé, le bruit de la PAC n’émergeait pas des bruits de fond tant diurnes que nocturnes.

27.         Le 16 décembre 2021, le département a délivré l’autorisation de construire APA 13______ aux intimés, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour.

28.         Par acte expédié le 31 janvier 2022, Mme A______ et M. B______ ont interjeté recours à l’encontre de l’autorisation de construire précitée, concluant sur mesures provisionnelles à ce qu’il soit fait interdiction aux intimés d’utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l’installation, qui était déjà réalisé, sous la menace des sanctions prévues à l’art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). Préalablement, il convenait d’ordonner plusieurs mesures d’instruction et principalement, d’annuler l’autorisation, le tout sous suite de frais et dépens.

L’installation autorisée par l’APA 11______ contrevenait au principe de prévention de l’art. 11 al. 2 LPE. Il était nécessaire de ne pas retirer l’effet suspensif au recours, dès lors que cela permettrait aux intimés de se servir d’une installation dérangeante. En outre, les intimés l’utilisaient déjà, alors même que le recours était assorti de l’effet suspensif ex lege.

L’utilisation de la PAC avait d’ailleurs déjà été interdite à la suite de l’entrée en force tant de la décision sur effet suspensif du 10 mai 2021 (DITAI/9______), que du jugement JTAPI/10______ du 12 octobre 2021. L’intérêt public au respect du droit des constructions était pourtant prépondérant face à l’intérêt privé des intimés à utiliser l’installation en cause. En outre, retirer l’effet suspensif consacrait la politique du fait accompli et récompensait celui qui contrevenait à la loi. En effet, les intimés étaient conscients des risques pris en faisant fonctionner la PAC litigieuse avant l’entrée en force de l’autorisation. Les intimés n’avaient par ailleurs jamais cessé de faire fonctionner l'installation malgré l’entrée en force du jugement JTAPI/10______, ni tenté de trouver une solution de chauffage alternative.

Il était nécessaire de faire interdiction aux intimés d’utiliser cette installation sous la menace des sanctions prévues par l’art. 292 CP, cette menace constituant l’unique moyen de pression pour qu’ils respectent les décisions et jugements du tribunal.

29.         Le 15 février 2022, le département s’en est rapporté à justice quant à la requête de mesures provisionnelles formulée par les recourants, joignant son dossier.

30.         Le 17 février 2022, les intimés se sont déterminés sur la question des mesures provisionnelles. Ils ont parallèlement requis le retrait de l’effet suspensif au recours. En effet, ils n’avaient pas démonté la PAC déjà installée, par économie de moyens. Comme la saison d’automne-hiver 2021-2022 avait été particulièrement froide, ils n’avaient pas eu d’autre choix que de mettre la PAC en fonction, de façon ponctuelle, pour chauffer leur villa. Celle-ci mesurait 300 m2, et il était impossible de la chauffer au moyen de chauffages d’appoint.

Ils étaient âgés, et le recourant souffrait de troubles cardiaques, de sorte qu’il n’était pas envisageable qu’ils subissent le froid hivernal. L’installation respectait les valeurs de planification et la main courante transmise par les recourants confirmait que le bruit engendré n’était pas excessif.

Leurs intérêts étaient ainsi, au vu de leur âge, de leur état de santé, et de l’impossibilité de chauffer leur villa par un chauffage d’appoint, gravement menacés par l’effet suspensif attaché au recours. Leur intérêt privé était largement prépondérant, de sorte que le tribunal devait prononcer le retrait de l’effet suspensif, a fortiori au vu du déplacement de la PAC à un autre emplacement.

31.         Le 1er mars 2022, les recourants ont répliqué sur la demande de mesures provisionnelles et se sont déterminés sur la demande de retrait de l’effet suspensif, soulignant que la motivation des intimés était en tous points identique à celle déjà développée dans le cadre de la procédure A/12______ et ne pouvait donc être suivie.

Reprenant l’argumentation développée dans leur recours, ils ont ajouté que si l’effet suspensif au recours venait à être levé, ils continueraient à souffrir injustement des nuisances sonores causées par l’unité extérieure de la PAC, dont l’utilisation ne faisait qu’accentuer les troubles du sommeil du recourant. Les intimés auraient par ailleurs été en mesure de réduire ces nuisances et avaient encore la possibilité d’installer, pendant la procédure, des chauffages d’appoint dans leur maison, ou de mettre en place une installation de chauffage provisoire. Plusieurs fournisseurs proposaient ce type de dépannage à Genève.

32.         Le 28 février 2022, le département s’est déterminé sur la demande de retrait de l’effet suspensif formulée par les intimés, concluant à l’admission de cette requête, mais uniquement jusqu’au 10 avril 2022, puis d’interdire l’usage de la PAC jusqu’à droit jugé.

En effet, en cette période de l’année, la plus froide, les fenêtres des recourants étaient certainement fermées la majorité du temps, empêchant toute atteinte sonore. Accorder un retrait de l’effet suspensif jusqu’au 10 avril 2022, représentait un bon compromis entre les besoins de Mme C______ et M. D______ de se chauffer dans de bonnes conditions durant la période la plus froide de l’année, puis, avec l’arrivée du printemps et des vacances de Pâques, de préserver les droits des recourants, charge aux intimés de faire usage en cas de besoin de chauffages d’appoint.

33.         Le 10 mars 2022, les intimés se sont déterminés sur les écritures du département et des recourants, persistant dans leur demande.

Le tribunal ne s’était pas prononcé sur un retrait de l’effet suspensif intervenant durant l’hiver. Il n’était pas possible de chauffer leur maison à l’aide de radiateurs électriques, au vu de sa taille et de son ancienneté. En outre, louer une chaudière provisoire comme les recourants le suggéraient imposait de procéder au préalable à des nouveaux travaux de raccordement, pour un montant évalué par des professionnels à environ CHF 14'500.-. Afin de leur permettre de chauffer leur maison durant l’hiver, il était essentiel que la décision entreprise puisse être, à tout le moins provisoirement, exécutée.

Si le tribunal refusait la levée de l’effet suspensif, il convenait à tout le moins de leur accorder un délai raisonnable pour organiser leur déménagement provisoire, dans un logement chauffé, seule alternative à leur disposition.

34.         Le même jour, les recourants ont présenté des observations spontanées, persistant dans leur conclusion sur mesure provisionnelle du 31 janvier 2022, soit qu’il soit fait interdiction aux intimés d’utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l’installation. Ils s’opposaient à nouveau au retrait de l’effet suspensif requis par les intimés.

Les nuisances sonores étaient perceptibles malgré les fenêtres fermées. Leur qualité de vie était lésée par le fonctionnement de cette installation. Ils s’opposaient fermement à la proposition du département, soit d’autoriser jusqu’au 10 avril 2022 l’utilisation de la PAC. En effet, les intimés n’avaient jamais fait preuve de bonne foi dans ce dossier. Ils n’avaient jamais respecté leurs autorisations de construire ni le dispositif du JTAPI/10______ entré en force. L’interdiction d’utiliser leur PAC sous la menace de l’art. 292 CP constituait l’unique moyen permettant la bonne application du droit de procédure. Au vu du comportement antérieur des intimés, ils n’avaient aucune garantie que ceux-ci allaient réellement cesser d’utiliser la PAC à la date précitée, ni même qu’ils allaient respecter la proposition du département d’utiliser des chauffages d’appoints à partir de ladite date. Au contraire, les intimés avaient déjà indiqué qu’il était impératif que leur maison soit décemment chauffée, ce qui permettait de conclure qu’ils n’allaient pas appliquer la mesure préconisée par le département.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             La question de la recevabilité du recours sera traitée ultérieurement.

3.             Sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (art. 66 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; 145 et 146 LCI).

Lorsqu'aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s'y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande d'une partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l'effet suspensif (art. 66 al. 3 LPA).

4.             Selon la jurisprudence constante, les mesures provisionnelles - au nombre desquelles comptent le retrait et la restitution de l'effet suspensif (arrêts du Tribunal fédéral 5A_645/2014 du 10 octobre 2014 consid. 2.1 ; 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.2) - ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

5.             Elles ne sauraient, en principe tout au moins, anticiper le jugement définitif ni équivaloir à une condamnation provisoire sur le fond, pas plus qu’aboutir abusivement à rendre d’emblée illusoire la portée du procès au fond (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 3 ; ATA/248/2011 du 13 avril 2011 consid. 4 ; ATA/197/2011 du 28 mars 2011 ; ATA/248/2009 du 19 mai 2009 consid. 3 ; ATA/213/2009 du 29 avril 2009 consid. 2).

Ainsi, dans la plupart des cas, les mesures provisionnelles consistent en un minus, soit une mesure moins importante ou incisive que celle demandée au fond, ou en un aliud, soit une mesure différente de celle demandée au fond (ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 3 et la référence citée).

6.             Lorsque la levée de l'effet suspensif est sollicitée, l'autorité de recours doit effectuer une pesée des intérêts, soit examiner si les raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise sont plus importantes que celles justifiant le report de son exécution (ATF 129 II 286 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1 ; 8C_218/2013 du 21 mai 2013 ; 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 ; 2D_80/2007 du 14 septembre 2007 ; ATA/996/2015 du 24 septembre 2015 consid. 5 ; ATA/130/2014 du 4 mars 2014).

7.             De façon générale, en matière de constructions, l'octroi ou la restitution de l'effet suspensif est considéré comme de règle, puisqu'à défaut, les travaux prévus - ou autres démolitions et abattages - seraient généralement avancés, voire achevés au moment de la prise de décision par l'autorité judiciaire, et priveraient dans de nombreux cas ladite décision de tout objet, emportant également un préjudice irréparable pour le recourant (ATA/614/2014 du 31 juillet 2014 ; ATA/192/2014 du 31 mars 2014). La préférence est donc normalement donnée au maintien de l'état de faits prévalant avant le litige (ATA/614/2014 du 31 juillet 2014 ; ATA/89/2013 du 19 février 2013 les arrêts cités).

8.             Enfin, il faut tenir compte du fait que les décisions sur effet suspensif ne sont revêtues que d'une autorité de la chose jugée limitée et qu'elles peuvent être facilement modifiées, une partie pouvant en effet demander en tout temps, en cas de changement de circonstances, que l'ordonnance de levée de l'effet suspensif soit modifiée par l'instance de recours (ATF 139 I 189 consid. 3.5 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 3.1 ; 2C_598/2012 du 21 novembre 2012 consid. 2.3).

9.             En l'espèce, les recourants font notamment valoir que l'installation autorisée contreviendrait au principe de prévention ancré à l'art. 11 al. 2 LPE, de sorte que l'autorisation querellée devrait être annulée. Ils s’opposent à la levée de l'effet suspensif à leur recours dès lors que la PAC en question engendrerait un bruit les gênant, particulièrement en raison des difficultés de sommeil rencontrées par M. B______. Ils souhaitent que son utilisation soit interdite sous la menace de l'art. 292 CP, à titre de mesures provisionnelles, durant la procédure.

De leur côté, les intimés demandent le retrait de l'effet suspensif en invoquant principalement leur intérêt à leurs yeux, prépondérant, à ce que leur habitation soit chauffée, au regard de leur âge, de leur état de santé et du froid inhérent à la période hivernale.

10.         Dans le cadre de l'examen prima facie auquel il doit se livrer, le tribunal constate, exactement comme pour l’APA 6______, que l’APA 11______ délivrée par le département est notamment subordonnée au respect des conditions figurant dans les préavis du SABRA du 25 novembre 2021. Or, si ce service spécialisé a effectivement considéré que les valeurs de planification au niveau du logement le plus exposé étaient respectées, il a également conditionné son préavis au respect du principe de prévention de l'art. 11 LPE, estimant que les mesures à prendre par les intimés (emplacement et caisson acoustique) permettaient le respect de cette disposition.

À cette période de l'année, contrairement à la situation prévalant lors de la décision DITAI/9______ du 10 mai 2021, les températures ne présentent pas encore la même clémence, au point de permettre l'extinction de tout chauffage et ne devraient s'adoucir durablement qu'autour du mois d'avril. Le confort, voire la santé des intimés, seraient prétérités de manière excessive en cas de refus de lever l’effet suspensif à cette saison, une solution d'appoint ne suffisant pas à chauffer décemment leur maison en hiver. Dans ces conditions, l'intérêt des intimés à utiliser l'installation litigieuse, quand bien même l'autorisation querellée n'est pas en force, doit primer sur celui des recourants à ne pas subir, durant la procédure de recours, les nuisances en raison du bruit de l'unité de ventilation qu'ils invoquent, et ce jusqu'à ce que le tribunal ait statué sur le bien-fondé ou non de leur recours, étant précisé que la PAC a été déplacée à un second emplacement, sur demande des recourants, et ne fonctionne pas la nuit. D'ailleurs, avec le département, il doit être relevé que les fenêtres des recourants peuvent demeurer closes la majeure partie du temps compte tenu de la saison, de sorte que le fonctionnement de la PAC ne devrait pas les gêner excessivement durant cette période. Cette solution permet de préserver les intérêts des recourants tout en permettant aux intimés de se chauffer adéquatement durant l’hiver.

En outre, il ressort du JTAPI/10______, que le recours avait été admis pour la raison que le département n’avait pas examiné la portée du principe de prévention et non au motif que la PAC ne respectait pas les valeurs légales en matière de bruit. Or, prima facie, il ressort du dossier que cet élément a été examiné dans le cas d’espèce, au regard tant de l’emplacement de la PAC, que des mesures de prévention prises pour diminuer le bruit, ainsi que de leur coût, et ces éléments ont été considérés par l’instance spécialisée comme adéquats.

Compte tenu de l'examen prima facie des pièces figurant au dossier, la demande de retrait de l’effet suspensif sera ainsi admise mais jusqu’au 10 avril 2022 uniquement, date proche de celle ordinairement retenue pour la coupure des chauffages collectifs dans le canton. Dès le 11 avril 2022, il sera fait interdiction aux intimés d'utiliser le compresseur/évaporateur extérieur de l'installation sous la menace de l'art. 292 CP.

Le tribunal soulignera encore que l'effet suspensif attaché au recours déploiera à nouveau ses effets à partir du 11 avril 2022, et qu’à compter de cette date jusqu'à droit connu sur le recours, l'éventuelle utilisation de l'installation querellée le sera sans droit, ce que le cas échéant le département sera à même de contrôler et de sanctionner.

11.         La suite de la procédure est réservée et le sort des frais de l'instance sera tranché avec le fond du litige (art. 87 al. 1 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

statuant sur effet suspensif

1.             admet temporairement la demande de retrait d'effet suspensif au recours formée par Madame C______ et Monsieur D______, soit jusqu’au 10 avril 2022 ;

2.             dit, qu’à compter du 11 avril 2022, l’effet suspensif au recours sera restitué ;

3.             fait interdiction à Madame C______ et Monsieur D______ d'utiliser le compresseur/évaporateur de la pompe à chaleur à compter du 11 avril 2022 jusqu'à droit jugé au fond, sous la menace de la peine prévue par l'art. 292 CP ;

4.             réserve la suite et le sort des frais de la cause jusqu’à droit jugé au fond ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. b et 65 LPA, la présente décision est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné de la présente décision et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de cette décision est communiquée aux parties.

Genève,

 

La greffière