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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1924/2021

JTAPI/52/2022 du 24.01.2022 ( ICCIFD ) , REJETE

Descripteurs : RÉCLAMATION DE DROIT PUBLIC;OBSERVATION DU DÉLAI;RETARD
Normes : LIFD.133.al3; LPFisc.41.al3
En fait
En droit
Par ces motifs

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1924/2021 ICCIFD

JTAPI/52/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 24 janvier 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ADMINISTRATION FISCALE CANTONALE

ADMINISTRATION FÉDÉRALE DES CONTRIBUTIONS

 


 

 

EN FAIT

1.             En 2019, Monsieur A______ (ci-après : le contribuable, puis le recourant) a exercé successivement deux activités salariées, l’une du 1er janvier au 31 mars et l’autre du 1er avril au 31 décembre, percevant des rémunérations de respectivement CHF 92'741.- et CHF 106'349.-, lesquelles ont fait l’objet des retenues pour l’impôt à la source (ci-après : IS) de respectivement CHF 21'135,85 (au taux de 36,45) et CHF 21'408,30 (au taux de 20,13).

2.             Le 21 janvier 2020, il a saisi l’administration fiscale cantonale (ci-après : AFC-GE) d’une demande de rectification de son imposition à la source pour l’année 2019, se prévalant d’une déduction pour ses cotisations à la prévoyance liée (CHF 6'826.-) et de deux charges de famille pour sa mère et son père domiciliés à C______ (Liban).

Dans une lettre accompagnant cette demande, il a notamment exposé que son père, âgé de 71 ans et avocat de profession, était atteint de la maladie de Parkinson et qu’il avait dû cesser son activité à cause de la détérioration de son état de santé. Cette situation avait été aggravée par la crise politique et économique traversée par le Liban depuis le soulèvement populaire. Sa mère, quant à elle n'exerçait pas d'activité lucrative. Dans ce contexte, pour aider ses parents à subvenir à leurs besoins courants en 2019, il leur avait avancé CHF 50'669.-, somme dont il faisait valoir la déduction.

3.             Par bordereau du 6 octobre 2020, l'AFC-GE a admis partiellement cette demande, en ce sens qu’elle a accepté la déduction pour les cotisations à la prévoyance liée, la rejetant pour le surplus, au motif que les conditions pour l’octroi des deux charges de famille n’étaient pas remplies.

4.             Par courrier du 9 mars 2021, le contribuable a implicitement réitéré sa demande relative auxdites charges, en remettant à l'AFC-GE :

-          un extrait d'état civil de la famille B______ accompagné de sa traduction en français ;

-          un courrier de l'expert-comptable libanais de son père certifiant des revenus déclarés par celui-ci en 2019 ;

-          des extraits du compte bancaire détenu par son père auprès de la banque libano-française pour la période du 31 décembre 2018 au 31 décembre 2019 ;

-          des déclarations fiscales en langue arabe.

5.             Par décision du 4 mai 2021, percevant ce dernier courrier du contribuable comme une réclamation, l'AFC-GE l’a déclarée irrecevable au motif qu’elle n’avait pas été déposée dans le délai légal.

6.             Par courrier daté du même jour, le contribuable a demandé à l'AFC-GE de réexaminer sa décision.

Le retard de sa réclamation était dû à trois facteurs qui étaient hors de son contrôle et qui relevaient du cas de force majeure. En premier lieu, les explosions survenues dans le port de Beyrouth, le 4 août 2020, avaient dévasté la capitale libanaise, en particulier les administrations fiscales et notariales auprès desquelles il devait se procurer les justificatifs nécessaires à l’examen de sa réclamation. Deuxièmement, en raison de son état de santé fragile et de sa mobilité réduite, son père, présent sur place, n’était pas en mesure d’obtenir ces justificatifs. Enfin, la pandémie Covid-19 avait ralenti l'activité administrative, ayant parfois pour effet la fermeture des administrations locales. Les effets de cette pandémie conjugués à l’état de santé de son père ne lui avaient pas permis de produire ces justificatifs en temps utile. Par ailleurs, les restrictions de voyager dues à cette pandémie avaient rendu impossible son déplacement sur place afin de les obtenir et les produire à temps.

En cas de décision négative de l'AFC-GE ou de l’absence d’une réponse de celle-ci dans un délai d’un mois, à compter de la notification de la décision du 4 mai 2021, il se verrait dans l’obligation de recourir contre celle-ci auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), afin de faire valoir ses droits.

7.             Par acte du 2 juin 2021, reprenant les termes de son courrier précédant, le contribuable a recouru auprès du tribunal contre la décision du 4 mai 2021, concluant implicitement à son annulation et à l’octroi d’une déduction pour « l’ensemble des frais liés à la prise en charge » de ses parents.

8.             Dans sa réponse du 9 juillet 2021, l'AFC-GE a conclu au rejet du recours.

La réclamation du recourant était tardive, ce que celui-ci reconnaissait. Pour le surplus, les circonstances invoquées par ce dernier, s’étant produites au Liban, ne constituaient ni des motifs d’empêchement, ni des cas de force majeure. Elles ne l’empêchaient pas de déposer, par lui-même ou par l’intermédiaire d’un tiers, une réclamation temps utile, puis de la compléter ultérieurement par la production des justificatifs en question. Par ailleurs, même si l'on admettait que ces circonstances constituaient un empêchement valable justifiant une restitution de délai de la réclamation, le recourant n'avait pas démontré avoir agi dans les trente jours à compter de la fin de l’empêchement dont il se prévalait.

Enfin, les conditions d'entrée en matière sur une reconsidération de la taxation en cause n’étaient manifestement pas remplies. D'une part, le recourant n’invoquait aucun fait ou moyen de preuve nouveau susceptible de lui conférer un droit à ce qu'il soit entré en matière sur une éventuelle reconsidération de cette taxation. D’autre part, il aurait très bien pu former sa réclamation en temps utile dans le cadre de la procédure ordinaire de réclamation, s'il avait fait preuve de toute la diligence que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui.

9.             Le recourant n’a pas donné suite au courrier du tribunal du 12 juillet 2021 qui l’invitait à déposer son éventuelle réplique d’ici au 4 août suivant.

EN DROIT

1.             Le tribunal connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions sur réclamation de l'AFC-GE en matière d’IS (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 49 de la loi de procédure fiscale du 4 octobre 2001 - LPFisc - D 3 17 cum art. 17 de la loi sur l’imposition à la source des personnes physiques et morales du 16 janvier 2020 - LISP - D 3 20; art. 140 de la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct du 14 décembre 1990 - LIFD - RS 642.11).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous l’angle de des art. 140 LIFD et 49 LPFisc (cum art. 17 LISP).

3.             Tout en admettant avoir déposé tardivement sa réclamation et invoquant des motifs qui l'auraient empêché de la déposer en temps utile, le recourant sollicite la rectification du bordereau de taxation du 6 octobre 2020, ce qui impliquerait son examen au fond. Or, lorsque - comme en l’espèce - les décisions sur réclamation sont des décisions d'irrecevabilité, seule la question de l'irrecevabilité peut faire l'objet du recours, mais non pas la taxation en tant que telle. Dans un tel cas, l'autorité de recours doit en effet d'abord examiner si les conditions formelles de la recevabilité de la réclamation (forme écrite, délai, motivation, moyen de preuve, etc.) étaient ou non remplies et, si tel n'est pas le cas, elle doit rejeter le recours déposé devant elle sans examiner elle-même le détail de la taxation (cf. ATF 131 II 548 consid. 2.3 ; 123 II 552 consid. 4c ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_930/2018 du 25 octobre 2018 consid. 3 ; 2C_543/2017 du 1er février 2018 consid. 1.2).

4.             Lorsque, suite à une retenue de l'IS, dans le cadre de la procédure d'auto-taxation, l'autorité fiscale émet un bordereau rectificatif, le contribuable peut contester celui-ci conformément à l'art. 132 al. 1 LIFD (cum art. 139 al. 1 LIFD), à savoir par la voie de la réclamation, dans un délai de 30 jours à compter de sa notification (arrêt du Tribunal fédéral 2C_168/2014 du 29 octobre 2014 consid. 5.1 ; Andrea PEDROLI, in Yves NOËL/Florence AUBRY GIRARDIN [éd.], Commentaire romand, Impôt fédéral direct, 2ème éd., 2017, ad art. 139 LIFD, n. 1 p. 1759).

En droit cantonal, aux termes de l'art. 39 al. 1 LPFisc (cum art. 17 LISP), le contribuable peut adresser au département une réclamation écrite contre la décision de taxation dans les 30 jours qui suivent sa notification, cette disposition étant applicable dès que l'AFC-GE établit un bordereau rectifiant la retenue de l'IS effectuée par l'employeur (ATA/73/2013 du 6 février 2013 consid. 4).

5.             En l’espèce, comme observé plus haut, le recourant admet avoir déposé sa réclamation du 9 mars 2021 en dehors de ce délai, ne prétendant en effet qu’à la restitution de celui-ci.

6.             Selon les art. 133 al. 3 LIFD et 41 al. 3 LPFisc, une réclamation tardive n'est recevable que si le contribuable établit que par suite de service militaire, de service civil, de maladie, d'absence du pays ou pour d'autres motifs sérieux, il a été empêché de présenter son acte en temps utile et qu'il l'a déposé dans les 30 jours après la fin de l'empêchement.

Les conditions pour admettre un empêchement sont très strictes. La restitution du délai suppose que le contribuable n'a pas respecté le délai légal en raison d'un empêchement imprévisible, dont la survenance ne lui est pas imputable à faute (ATF 119 II 86 ; 112 V 255 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_40/2018 du 8 février 2018 consid. 5.1 et 5.2 et les références citées ; ATA/463/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/1245/2017 du 29 août 2017 ; ATA/417/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/984/2014 du 9 décembre 2014 ; ATA/251/2014 du 13 mai 2014). Celui-ci peut résulter d'une impossibilité objective ou subjective. Il doit être de nature telle que le respect des délais aurait exigé la prise de dispositions que l'on ne peut raisonnablement attendre de la part d'un homme ou d’une femme d'affaires avisée (ATA/463/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/1245/2017 du 29 août 2017 ; ATA/417/2017 du 11 avril 2017 ; ATA/984/2014 du 9 décembre 2014 ; ATA/888/2014 du 11 novembre 2014).

Les cas de force majeure, soit les événements extraordinaires et imprévisibles qui surviennent en dehors de la sphère d'activité de l'intéressé et qui s'imposent à lui de l'extérieur de façon irrésistible demeurent aussi réservés (art. 16 al. 1 2ème phr. LPA ; ATA/461/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/328/2018 du 10 avril 2018 ; ATA/296/2017 du 14 mars 2017 ; ATA/212/2014 du 1er avril 2014).

Pour établir l'existence d'un cas de force majeure, le fardeau de la preuve incombe à l'assujetti (ATA/463/2018 du 8 mai 2018 ; ATA/735/2015 du 14 juillet 2015 ; ATA/544/2013 du 27 août 2013 consid. 8c ; ATA/744/2012 du 30 octobre 2012 consid. 7 et les références citées).

7.             En l’espèce, force est de constater que les motifs d’empêchement invoqués par le recourant ne concernent que le délai lui ayant été nécessaire pour réunir les justificatifs qu’il a remis à l'AFC-GE le 9 mars 2021, et non pas son acte de réclamation en tant que tel. Rien ne l’empêchait en effet de déposer cet acte en temps utile, tout en demandant à l'AFC-GE un délai pour produire ces justificatifs. A cet égard, selon les art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc, il n’était pas tenu de les produire avec son acte, les art. 43 al. 1 LPFisc et 135 al. 1 LIFD prévoyant du reste que l'AFC-GE prend sa décision après l’instruction de la réclamation, ce qui signifie que s’il avait déposé sa réclamation dans le délai légal, elle lui aurait demandé la production des justificatifs utiles et, au vu des circonstances, aurait était contrainte de lui accorder le délai nécessaire pour le faire.

Il en résulte que la restitution du délai de réclamation fixé aux art. 132 al. 1 LIFD et 39 al. 1 LPFisc est exclue et que, par conséquent, la taxation querellée est entrée en force.

8.             Pour le surplus, force est de constater que les conditions d'entrée en matière sur une reconsidération de cette taxation ne sont manifestement pas remplies en l'espèce.

En effet, à teneur des art. 55 al. 1 LPFisc et 147 al. 1 LIFD, une décision entrée en force - comme celle en l’espèce - ne peut être révisée en faveur du contribuable que lorsque : des faits importants ou des preuves concluantes sont découverts (let. a), l'autorité qui a statué n'a pas tenu compte de faits importants ou de preuves concluantes qu'elle connaissait ou devait connaître, ou qu'elle a violé de quelque autre manière l'une des règles essentielles de la procédure (let. b) ou un crime ou un délit a influé sur la décision ou le prononcé (let. c).

Les art. 55 al. 2 LPFisc et 147 al. 2 LIFD précisent que la reconsidération est exclue lorsque le requérant invoque des motifs qu'il aurait déjà pu faire valoir au cours de la procédure ordinaire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui. En d'autres termes, même en présence d'un motif de révision, si le contribuable ou son représentant omet, de manière négligente, de faire valoir celui-ci dans la procédure ordinaire, la révision n'est pas possible, la jurisprudence se montrant stricte à cet égard (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Le seul facteur décisif est ainsi celui de savoir si le contribuable aurait déjà pu présenter les motifs de révision dans la procédure ordinaire, le but de la procédure extraordinaire et subsidiaire de la révision n'étant pas de réparer les omissions évitables du contribuable commises au cours de la procédure ordinaire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_245/2019 du 27 septembre 2019 consid. 5.3 et les références citées). Il appartient en effet à ce dernier de contrôler la décision de taxation lorsqu'il la reçoit et de signaler en temps utile les vices dont elle serait affectée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 : 2C_941/2015 du 9 août 2016 consid. 6.3 et les arrêts cités).

Il n'est ainsi pas possible de déroger aux principes régissant la révision, quand bien même le résultat de leur application est choquant et heurte le sentiment de l'équité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_212/2016 du 6 septembre 2016 consid. 5.2 et 5.3).

En l’occurrence, le recourant aurait pu faire valoir les charges de famille pour ses parents par le biais d’une réclamation déposée en temps utile, ce que, comme constaté plus haut, il n’a pas fait, alors qu’il aurait pu le faire s'il avait fait preuve de toute la diligence qui pouvait raisonnablement être exigée de lui. Dans ces conditions, comme l’a indiqué l'AFC-GE dans ses écritures, une entrée en matière sur une demande de révision du bordereau de taxation du 6 octobre 2020 est exclue.

9.             Compte tenu de ce qui précède, le recours doit être rejeté.

10.         Vu cette issue, un émolument de CHF 600.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 144 al. 1 LIFD et 52 al. 1 LPFisc). Il est couvert par l’avance de frais de CHF 700.- versée à l'ouverture du recours.

11.         Le solde de cette avance, soit CHF 100.-, sera restitué au recourant.


 

 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 2 juin 2021 par Monsieur A______ contre la décision sur réclamation de l'administration fiscale cantonale du 4 mai 2021 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 600.-, lequel est couvert par son avance de frais de 700.-, et ordonne la restitution, en sa faveur, du solde de cette avance, soit CHF 100.- ;

4.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant: Olivier BINDSCHEDLER TORNARE, président, Alia CHAKER MANGEAT et Stéphane TANNER, juges assesseurs.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

 

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière