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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/15013/2023

ACJC/134/2025 du 23.01.2025 sur JTBL/821/2024 ( OBL ) , CONFIRME

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/15013/2023 ACJC/134/2025

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU JEUDI 23 JANVIER 2025

 

Entre

Monsieur A______, domicilié ______, appelant contre un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 26 août 2024, représenté par Me Dimitri LAVROV, avocat, rue Charles-Sturm 20, case postale 433, 1211 Genève 12,

et

B______ Sàrl, sise ______, intimée, représentée par Me Marco CRISANTE, avocat, rue du Conseil-Général 18, 1205 Genève.

 


EN FAIT

A.           Par jugement JTBL/821/2024, communiqué aux parties par pli du 27 août 2024, le Tribunal des baux et loyers a déclaré inefficace le congé signifié le 15 juin 2023 pour le 31 décembre 2023 à B______ Sàrl par A______ concernant l’atelier d’environ 100 m2 situé au rez supérieur de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à C______ [GE] (ch. 1 du dispositif), a débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et a dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B.            a. Par acte déposé le 27 septembre 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ (ci-après également : le bailleur) forme appel contre ce jugement, dont il sollicite l’annulation. Cela fait, il conclut à la validité du congé notifié le 15 juin 2023, au refus d’une prolongation de bail et à l’évacuation de B______ Sàrl dès l’entrée en force du présent arrêt.

b. B______ Sàrl (ci-après également : la locataire) conclut au rejet de l’appel et à la confirmation du jugement entrepris.

c. A______ n’ayant pas répliqué, les parties ont été avisées le 6 décembre 2024 par le greffe de la Cour de ce que la cause était gardée à juger.

C. Il résulte du dossier les faits pertinents suivants :

a. B______ Sàrl, locataire, dont le représentant est D______, a pris à bail de A______, bailleur, un atelier d’environ 100 m2 situé au rez supérieur de l’immeuble sis rue 1______ no. ______ à C______.

b. Le contrat a été conclu le 8 novembre 2017 pour une durée initiale de cinq ans, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2022, renouvelable ensuite tacitement d’année en année sauf résiliation respectant un préavis de six mois.

c. Le loyer mensuel a été fixé par le contrat à 1'700 fr.

d. Jan LINDGREN est également propriétaire de sept autres surfaces dans le même immeuble, composé notamment de surfaces aux étages, dont certaines sont habitées, et d’un autre grand atelier au rez-de-chaussée.

e. Par avis officiel du 15 juin 2023, le bailleur a résilié le bail de la locataire pour le 31 décembre 2023 au motif de son besoin personnel, souhaitant utiliser les locaux concernés pour son propre usage afin d’y déplacer à Genève son entreprise individuelle E______, dont le siège est à Berne.

f. Par requête du 10 juillet 2023, déclarée non conciliée à l’audience de la Commission de conciliation en matière de baux et loyers du 18 octobre 2023, puis portée devant le Tribunal le 17 novembre 2023, la locataire a conclu, principalement, à l’annulation du congé et, subsidiairement, à l’octroi d’une prolongation de bail de six ans.

La locataire a notamment allégué que lors d’une rencontre entre D______ et le bailleur, ce dernier, manifestement sous l’emprise de l’alcool, s’était montré agressif au sujet d’un retard dans le paiement du loyer. Le congé avait été notifié à la suite de cet incident et le motif invoqué n’était qu’un prétexte car la société du bailleur n’avait aucune activité à Genève.

g. Par mémoire de réponse du 5 janvier 2024, le bailleur a conclu au déboutement du locataire de ses conclusions.

Il a nié avoir eu une altercation violente avec D______, a allégué avoir informé la locataire en avril 2023 de son intention de récupérer les locaux et a confirmé le motif du congé.

h. A l’audience du 14 mai 2024 devant le Tribunal, D______ a déclaré qu’au mois d’avril 2023, le bailleur s’était rendu dans les locaux loués avec F______ et une troisième personne afin d’encaisser un loyer de retard. La rencontre s’était bien déroulée et l’argent avait été remis au bailleur. A aucun moment le bailleur ne l’avait informé de sa volonté de résilier le bail. En juin 2023, le bailleur l’avait appelé et ils s’étaient disputés au sujet de l’électricité et d’un retard de loyer.

D______ et G______, secrétaire au sein de B______ Sàrl entendue en qualité de témoin, ont confirmé qu’ils avaient entrepris sans succès des recherches de nouveaux locaux, ceux trouvés étant trop chers ou trop petits. Vu la hauteur des camionnettes de la société, les locaux devaient se situer au rez-de-chaussée et bénéficier d’une hauteur suffisante.

A______ a admis avoir eu plusieurs altercations avec D______, y compris en juin 2023, car ce dernier ne payait pas son loyer dans les délais, voire ne le payait pas du tout. Concernant le congé, il n’avait pas résilié le bail lors de leur conversation en avril 2023 car il voulait donner du temps à la locataire pour trouver une solution. Il avait travaillé à l'aéroport de Genève chez I______ jusqu’à la fin du mois de janvier 2023. Il devait reprendre une activité lucrative ensuite de son divorce, du fait que le Tribunal ayant traité son divorce lui avait calculé un revenu hypothétique en sus de ses revenus locatifs, lesquels ne lui suffisaient pas à payer la pension de son fils. Il avait une société sans activité à Berne et l’intention de développer ses affaires dans l’entretien d’avions à travers cette société. Les locaux loués devaient ainsi lui permettre d’entreposer ses outils et servir de siège de la société. Ils étaient les seuls adaptés dans l’immeuble pour l’activité de sa société car ils possédaient un accès pour les camions. A______ a ajouté qu’il avait des clients potentiels mais qu’il n’avait pas encore travaillé pour eux depuis qu’il avait quitté son emploi en janvier 2023.

Entendu en qualité de témoin, F______, mécanicien, a confirmé connaître tant D______ que A______ et être un ami de longue date de ce dernier. En avril 2023, il avait assisté à une rencontre entre les parties, lors de laquelle A______ avait fait part à la locataire de son intention de récupérer les locaux pour son usage personnel. A cette occasion, aucun loyer n’avait été payé en espèces. Il avait travaillé pour E______ à l'aéroport de Berne. Cette société était toujours active et il travaillait pour elle occasionnellement, une à deux fois par mois de manière irrégulière, la dernière fois en janvier 2024 et en général avec A______ qui travaillait également pour sa société. Ce dernier et lui-même avaient beaucoup travaillé avec l’Allemagne mais ils essayaient d’avoir leur activité à Genève. F______ a ajouté qu’il ne connaissait pas les projets de A______ en ce qui concernait la société de celui-ci mais il a confirmé que ce dernier avait l’intention de la déplacer à Genève dans les locaux de [la rue] 1______. Les locaux résiliés étaient les plus adaptés de l’immeuble aux besoins du bailleur. Il était l’auteur de la réponse à la contestation de congé, signée par A______.

Après l’audition des témoins, les parties ont procédé aux plaidoiries finales et ont persisté dans leurs conclusions, à la suite de quoi la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. 1.1 L'appel est recevable contre les décisions finales et les décisions incidentes de première instance (art. 308 al. 1 let. a CPC). Dans les affaires patrimoniales, l'appel est recevable si la valeur litigieuse au dernier état des conclusions est de 10'000 fr. au moins (art. 308 al. 2 CPC).

Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

La valeur litigieuse est déterminée par les dernières conclusions de première instance (art. 91 al. 1 CPC; JEANDIN, Commentaire Romand, Code de procédure civile 2ème éd., 2019, n. 13 ad art. 308 CPC; arrêt du Tribunal fédéral 4A_594/2012 du 28 février 2013).

Dans une contestation portant sur la validité d'une résiliation de bail, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste nécessairement si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné ou l'a effectivement été. Lorsque le bail bénéficie de la protection contre les congés des art. 271 ss CO, il convient, sauf exceptions, de prendre en considération la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1; 136 III 196 consid. 1.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1).

1.2 En l'espèce, le loyer annuel des locaux loués a été fixé par le contrat à 20'400 fr.

En prenant en compte la durée de protection de trois ans et le montant du loyer, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (20'400 fr. x 3 ans = 61'200 fr.).

La voie de l’appel est ainsi ouverte.

1.3 Selon l’art. 311 CPC, l’appel, écrit et motivé, est introduit auprès de l’instance d’appel dans les 30 jours à compter de la notification de la décision, laquelle doit être jointe au dossier d’appel.

L'appel a été interjeté dans le délai et suivant la forme prescrits par la loi (art. 130, 131 et 311 al. 1 CPC). Il est ainsi recevable.

1.4 La Cour revoit la cause avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC; Hohl, Procédure civile, tome II, 2ème éd., 2010, n. 2314 et 2416; Rétornaz in : Procédure civile suisse, Les grands thèmes pour les praticiens, Neuchâtel, 2010, p. 349 ss, n. 121).

2. L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir violé le principe de la libre appréciation des preuves de l’art. 157 CPC et d’avoir procédé à une constatation inexacte des faits en déniant toute force probante au témoignage de F______.

2.1 Chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit (art. 8 CC). Un fait n'est établi que si le juge en est convaincu (arrêts du Tribunal fédéral 4A_491/2008 du 4 février 2009 consid. 3; 5C.63/2002 du 13 mai 2002 consid. 2). Le tribunal établit sa conviction par une libre appréciation des preuves administrées (art. 157 CPC). Ce faisant, le tribunal décide d'après sa conviction subjective personnelle si les faits se sont produits ou non, c'est-à-dire s'ils sont prouvés ou non (HOHL, Procédure civile, Tome I, 2001, n. 1105). Le juge forge sa conviction sur la base de sa seule appréciation de toutes les preuves qui auront été réunies au cours de la phase probatoire (ATF 132 III 109 consid. 2; JEANDIN, L'administration des preuves, in Le Code de procédure civile, aspects choisis, 2011, p. 93).

L'appréciation des preuves par le juge consiste, en tenant compte du degré de la preuve exigé, à soupeser le résultat des différents moyens de preuves administrés et à décider s'il est intimement convaincu que le fait s'est produit, et partant, s'il peut le retenir comme prouvé (arrêt du Tribunal fédéral 5A_812/2015 du 6 septembre 2015 consid. 5.2).

Selon la jurisprudence, il n'y a violation du principe de la libre appréciation des preuves que si le juge dénie d'emblée toute force probante à un moyen de preuve ou s'il retient un fait contre son intime conviction; en revanche, une appréciation des preuves fausse, voire arbitraire, ne viole pas le principe de la libre appréciation des preuves (arrêts du Tribunal fédéral 4A_607/2015 du 4 juillet 2016 consid. 3.2.2.2; 4A_165/2009 du 15 juin 2009 consid. 5; ATF 143 III 297 consid. 9.3.2 p. 333).

2.2 En l’espèce, les premiers juges ont retenu que le témoignage de F______ était incompatible avec les déclarations de l’appelant. Ce dernier avait affirmé devant eux ne pas avoir repris son activité de maintenance d’avion depuis janvier 2023 et que sa société E______ était sans activité, alors que le témoin F______ avait déclaré devant eux que la société était active, qu’elle avait eu des clients en Allemagne mais tentait de centrer ses activités à Genève et que lui-même travaillait pour cette société en moyenne deux fois par mois de manière irrégulière, en général avec l’appelant.

Au regard de ces contradictions, le Tribunal a estimé que les déclarations du témoin F______ n’étaient pas probantes.

L’appelant ne conteste pas que les déclarations susmentionnées sont en partie contradictoires, mais selon lui seulement sur un point qui n’est pas déterminant pour l’issue du litige, à savoir sur la question de savoir si la société E______ est active ou non.

En outre et s’agissant des éléments pertinents, le témoin F______ a confirmé, selon l’appelant, que ce dernier avait signifié à D______ lors de leur rencontre en avril 2023 son intention de récupérer les locaux pour son usage personnel et que le bail concerné avait été résilié pour que A______ puisse occuper lui-même les locaux en question.

La Cour n’est pas du même avis que l’appelant. Il est pour le moins surprenant que les déclarations du témoin F______ et de l’appelant soient si contradictoires au sujet de l’activité de la société de ce dernier. Cet élément est pertinent dans la résolution du présent litige contrairement à ce que soutient l’appelant, afin de déterminer la réalité du motif du congé (cf. ci-après consid. 3ss).

Enfin, le Tribunal a encore apprécié à raison les déclarations du témoin F______ compte tenu de son implication dans la procédure et de ses liens d’amitié anciens avec l’appelant.

La Cour retiendra que le Tribunal n’a pas dénié d'emblée toute force probante au témoignage de F______ contrairement aux allégations de l’appelant, mais qu’il a analysé au contraire les faits pouvant être retenus ou non. De plus, les premiers juges ont retenu seulement les faits ayant forgé leur intime conviction.

Il découle de ce qui précède que le Tribunal n’a pas violé le principe de la libre appréciation des preuves de l’art. 157 CPC et qu’il a procédé à une constatation exacte des faits en déniant toute force probante à certaines des déclarations du témoin F______. Partant, ce grief sera rejeté.

3. L’appelant fait grief aux premiers juges d’avoir violé l’art. 271 al. 1 CO, en retenant l’inefficacité du congé jugé contraire à la bonne foi.

3.1 Le congé est annulable lorsqu'il contrevient aux règles de la bonne foi (art. 271 al. 1 CO). Pour que le congé soit annulable, il n'est pas nécessaire que l'attitude de la partie qui résilie puisse être qualifiée d'abus manifeste de droit au sens de l'art. 2 al. 2 CC.

Toute résiliation qui ne repose sur aucun intérêt digne de protection, qui consacre une attitude déloyale, qui résulte d’une disproportion manifeste entre les intérêts en présence ou dont le motif est manifestement un prétexte, tombe sous le coup de l'art. 271 al. 1 CO (LACHAT, Le bail à loyer, Lausanne, 2019, p. 958ss).

Le but de la réglementation des art. 271 et 271a CO est uniquement de protéger le locataire contre des résiliations abusives et n'exclut pas un congé même si l'intérêt du locataire au maintien du bail paraît plus important que celui du bailleur à ce qu'il prenne fin; seule une disproportion manifeste des intérêts en jeu, due au défaut d'intérêt digne de protection du bailleur, peut rendre une résiliation abusive (ACJC/1292/2008 du 3 novembre 2008; arrêt du Tribunal fédéral 4A_322/2007 du 12 novembre 2007 consid. 6; LACHAT, Commentaire romand, no 6 ad art. 271 CO).

Est contraire aux règles de la bonne foi une résiliation qui ne correspond à aucun intérêt digne de protection et apparaît comme une chicane, ainsi qu’un congé qui consacre une attitude déloyale (LACHAT, op. cit., 2019, p. 959). La motivation du congé ne constitue pas une condition de sa validité; l'absence de motivation véridique ou complète peut toutefois constituer un indice que le motif réel du congé est contraire à la bonne foi (ATF 125 III 231 consid. 4b; Commentaire USPI, no 26 ad art. 271 CO). S'il est par contre admis que le motif réel de la résiliation, qui seul entre en considération, était légitime, le congé ne peut être annulé, puisque seul le mensonge qui masque un dessein abusif justifie l'application de l'art. 271 al. 1 CO (arrêt du Tribunal fédéral 4C.85/2006 du 24 juillet 2006 consid. 2.1.2).

La motivation du congé a pour but de permettre au destinataire du congé de décider en toute connaissance de cause s'il entend requérir, ou non, l'annulation du congé ou la prolongation du bail, et de soupeser ses chances de succès. La partie qui résilie le bail fournira de préférence spontanément et d'emblée les motifs du congé; ils seront mentionnés sur la formule officielle ou sur la lettre de congé (LACHAT, op. cit., p. 953). La motivation doit être donnée dans le respect des règles de la bonne foi. En particulier, les motifs doivent être vrais (LACHAT, op. cit., p. 955; BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, Commentaire pratique, Bâle, 2010, no 22 ad art. 271 CO). Si le motif du congé cesse d'exister par la suite, la résiliation n'en demeure pas moins valable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_545/2013 du 28 novembre 2013 consid. 3.2.3).

Des précisions sur le motif de congé indiqué dans l'avis de résiliation peuvent toujours être apportées en complément au cours de la procédure judiciaire (ATF 138 III 59 consid. 2.3; arrêt du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2). Le bailleur est toutefois lié par le motif de résiliation qu'il a indiqué à l'appui de sa résiliation et il ne peut pas lui substituer par la suite un autre motif qui lui serait plus favorable (arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2017 du 21 décembre 2017 consid. 5.2.1).

3.2 Le bien-fondé de la résiliation doit être apprécié au moment où son auteur manifeste sa volonté de mettre un terme au contrat (DB 2006 p. 42; LACHAT, Commentaire romand, no 12 ad art. 271 CO).

C'est au destinataire du congé qu'il incombe de démontrer que celui-ci contrevient aux règles de la bonne foi, en particulier que le motif invoqué par le bailleur n'est qu'un prétexte (ATF 120 II 105 consid. 3a; arrêt du Tribunal fédéral 4C_411/2006 du 9 février 2007 consid. 2.2). Toutefois, la partie qui a résilié le bail a le devoir de contribuer loyalement à la manifestation de la vérité en fournissant tous les éléments en sa possession, nécessaires à la vérification du motif invoqué par elle (arrêt du Tribunal fédéral 4A_472/2007 du 11 mars 2008 consid. 2.1). Il n'appartient pas au bailleur de démontrer sa bonne foi car cela reviendrait à renverser le fardeau de la preuve (ACJC/334/2002 du 18 mars 2002).

3.3 La jurisprudence admet que le congé n'est pas contraire à la bonne foi lorsqu'il est motivé par le besoin du bailleur d'utiliser lui-même les locaux ou de les attribuer à l'un de ses proches (arrêts du Tribunal fédéral 4A_200/2017 du 29 août 2017 consid 3.1.1; 4A_198/2016 du 7 octobre 2016 consid. 4.3 et 4.5; 4A_18/2016 du 26 août 2016 consid. 3.3 et 4.2ss).

Le besoin invoqué par le bailleur ne doit pas être immédiat ou urgent. On ne saurait en effet lui imposer d'attendre le moment où le besoin se concrétise, au vu du temps habituellement nécessaire pour récupérer effectivement un logement après une résiliation. Même le fait qu'un bailleur soit propriétaire de plusieurs immeubles n'implique pas nécessairement qu'une résiliation d'un contrat de bail pour ses besoins propres ou ceux de l'un de ses proches soit contraire aux règles de la bonne foi (ACJC/106/2023 du 23 janvier 2023 consid 4.3). En revanche, le besoin du bailleur doit être sérieux, concret et actuel, et ne doit apparaître ni futile, ni trop vague, faute de quoi, selon les circonstances, le juge pourra retenir une disproportion manifeste des intérêts en présence, dans des situations où la résiliation entraîne des conséquences particulièrement pénibles pour des locataires de longue date (LACHAT, op. cit., p. 960).

Le juge décide si le propriétaire a un besoin propre en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes du cas particulier au moment de la résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4A_195/2016 du 9 septembre 2016 consid 3.1.2).

3.4 En l’espèce, les premiers juges ont considéré à raison que le congé avait été motivé par le fait que l’appelant désirait installer, dans les locaux loués, sa société sise dans le canton de Berne et sans activité à cette époque, pour y développer une activité de maintenance d’avion.

Ils ont également retenu que l’appelant avait déclaré que son emploi auprès de I______ avait pris fin en janvier 2023 et qu’il avait des clients potentiels, mais qu’il était en attente de reprendre son activité, et qu’un revenu hypothétique lui avait été imputé dans le cadre de son divorce.

A l’instar du Tribunal, la Cour retiendra que l’appelant n’a pas fourni d’éléments sérieux, concrets et actuels permettant de retenir la réalité de son projet, même sous l’angle de la vraisemblance. Celui-ci n’a apporté aucun détail sur son projet, ni n’a allégué avoir entrepris des démarches en vue de la reprise d’une activité professionnelle, ni encore ce qu’il attendait pour reprendre celle-ci. Le projet de l’appelant apparaît donc trop vague tant dans sa nécessité que dans sa substance pour pouvoir être retenu et digne de protection.

A cela s’ajoutent les relations tendues entre les parties en lien avec des retards dans le paiement du loyer, y compris en juin 2023 soit à l’époque de la résiliation du bail. Dans son appel, le bailleur soutient à titre subsidiaire que « quand bien même le réel motif du congé donné par l’appelant avait été en lien avec les retards dans les paiements du loyer par l’intimée, il n’aurait pas non plus été contraire à la bonne foi et dû être annulé ».

Bien que la motivation du congé ne constitue certes pas une condition de sa validité, l’appelant ne saurait à présent à l’appui de son appel faire valoir des retards dans le paiement du loyer pour justifier le congé. Il est en effet lié par le motif de la résiliation qu'il a indiqué au moment du congé puis qu’il a répété ensuite à plusieurs reprises en particulier dans la procédure. Il ne saurait donc lui substituer à présent au stade de l’appel un autre motif qu’il pense plus favorable, la motivation du congé devant être donnée dans le respect des règles de la bonne foi.

Quoi qu’il en soit, les deux épisodes d’avril et juin 2023 relatifs aux retards dans les paiements du loyer figurant au dossier ne justifieraient pas à eux seuls la résiliation du bail. En effet, la procédure n’a pas permis d’obtenir plus de précisions à ce sujet et les retards semblent avoir été rapidement résorbés, aucun rappel, ni mise en demeure ne figurant au dossier. Ces éléments ne seraient donc pas non plus suffisants pour fonder un intérêt digne de protection.

Par conséquent, le congé étant contraire à la bonne foi, c’est à juste titre que le Tribunal l’a déclaré inefficace. Le grief sera rejeté et le jugement entrepris sera donc confirmé dans son intégralité.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers.

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :


A la forme :

Déclare recevable l’appel interjeté le 27 septembre 2024 par A______ contre le jugement rendu le 26 août 2024 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/15013/2023-22-OSB.

Au fond :

Confirme ce jugement.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD et Madame
Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER et Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF;RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.