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Décisions | Chambre des assurances sociales de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4348/2020

ATAS/1041/2023 du 19.12.2023 ( LPP ) , PARTIELMNT ADMIS

Recours TF déposé le 14.02.2024, 9C_84/2024, 9C_92/2024
Recours TF déposé le 14.02.2024, 9C_92/2024, 9C_84/2024
En fait
En droit

rÉpublique et

1.1 canton de genÈve

POUVOIR JUDICIAIRE

 

A/4348/2020 ATAS/1041/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre des assurances sociales

Arrêt du 19 décembre 2023

Chambre 2

 

En la cause

A______

représenté par Me Marc MATHEY-DORET, avocat

demandeur

Contre

 

CAISSE DE RETRAITE B______

représentée par Me Anne TROILLET, avocate

défenderesse

Et

 

D______ SA

représentée par Me Daniel TUNIK, avocat

appelée en cause

 


EN FAIT

 

A. a. Monsieur A______ (ci-après : l’assuré ou le demandeur), né le ______ 1970, marié, est père de quatre enfants, nés en 2004, 2006, 2007 et 2010.

Il a travaillé pour la Banque C______ du 1er mars 1999 au 31 octobre 2001 puis, en tant que stagiaire, du 1er août au 30 septembre 2002. Du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2015, il était employé par D______ SA (ci-après : l’ex-employeur ou l’appelée en cause).

Il a été nommé sous-directeur le 1er avril 2010 (cf. convention relative aux modalités de fin des rapports de travail).

En tant qu’employé de D______ SA, il était assuré par la caisse de retraite B______ (ci-après : la caisse ou la défenderesse) au titre de la prévoyance professionnelle obligatoire et surobligatoire. Il était également assuré auprès de la fondation de prévoyance complémentaire E______ (ci-après : la fondation complémentaire).

b. L’assuré est incapable de travailler depuis le mois d’octobre 2013 (cf. décision de l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève [ci-après : l’OAI] du 8 mai 2017).

c. Son contrat de travail a été résilié avec effet au 30 juin 2015 (cf. lettre de résiliation du 4 décembre 2014), délai reporté d’un commun accord au 31 décembre 2015 (cf. convention relative aux modalités de fin des rapports de travail).

d. Par décision du 8 mai 2017, l’OAI a octroyé à l’assuré, avec effet au 1er juin 2015, une rente entière d’invalidité et quatre rentes complémentaires pour enfant d’invalide.

e. Par ailleurs, la fondation complémentaire verse à l’assuré, depuis le 14 mai 2016, une rente d’invalidité d’un montant annuel de CHF 100'000.-. En octobre 2017, elle a également versé à l’assuré son capital de retraite de CHF 630'239.95.

B. a. Par courrier du 13 juillet 2017, la caisse a informé l’assuré qu’il avait droit, dès le 1er juin 2015, au titre de la prévoyance professionnelle, à une rente entière d’invalidité ainsi qu’à des rentes complémentaires pour ses quatre enfants, étant toutefois précisé que, concrètement, les prestations précitées ne lui seraient versées qu’à compter du 1er mai 2016, dès lors qu’il avait perçu son salaire jusqu’au 31 décembre 2015 puis des indemnités journalières jusqu’au 13 mai 2016.

Le montant annuel de la rente était de CHF 146'388.- et celui de chaque rente pour enfant de CHF 36'600.-, pour un total de CHF 292'788.-. Cela étant, les rentes versées par la caisse devaient être adaptées en tenant compte des rentes d’invalidité et des rentes complémentaires d’enfant d’invalide versées par l’assurance-invalidité, afin d’éviter que le cumul des prestations n’excède le 100% du dernier salaire déterminant. Ainsi, la rente d’invalidité était ramenée à CHF 56'748.- et les rentes d’enfant d’invalide à CHF 14'196 chacune. La caisse précisait encore que le salaire annuel total présumé perdu était de CHF 186'804.-, soit CHF 170'004.- (dernier salaire déterminant), auquel il fallait ajouter les allocations familiales pour chacun des quatre enfants, d’un montant total de CHF 16'800.- (2x CHF 3'600.- et 2x CHF 4'800.-).

b. L’assuré a, par courrier du 8 février 2018, contesté la réduction des prestations au titre de la surindemnisation, expliquant que le revenu qu’il aurait réalisé, s’il n’avait pas été affecté dans sa santé, aurait dépassé celui retenu par la caisse. Pour s’en convaincre, il suffisait de considérer la progression de son revenu dans les années précédant son atteinte à la santé.

c. Le 13 mars 2018, la caisse a persisté dans les termes de son courrier du 29 juin 2017.

C. a. Le 22 décembre 2020, l’assuré a déposé, auprès de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice (ci-après : la Chambre de céans), une demande en paiement dirigée contre la caisse, dans laquelle il a conclu, préalablement, d’une part, à la production, par D______ SA, de toutes les évaluations annuelles de ses performances ainsi que des pièces anonymisées attestant de la rémunération totale de ses cadres avec le grade de sous-directeur, directeur adjoint et directeur, de 2013 à 2019, en rapport avec leur âge, leur degré de formation et leur ancienneté et, d’autre part, à la réalisation d’une expertise visant à déterminer l’évolution probable de son revenu s’il n’avait pas été atteint dans sa santé. A titre principal, le demandeur a conclu à la condamnation de la caisse à lui payer un arriéré de CHF 821'590.- plus intérêts à 5% dès le 15 septembre 2018, et les sommes annuelles de CHF 146'388.- pour lui et de CHF 36'600.- pour chacun de ses enfants, dès le 1er janvier 2021. En substance, le demandeur considérait que le salaire présumé perdu n’était pas de CHF 186'804.- comme retenu par la caisse mais d’au moins CHF 500'000.-. Ce montant intégrait non seulement sa rémunération variable mais également une progression de son revenu plus importante que l’indexation.

b. La défenderesse a répondu en date du 11 mars 2021, concluant au rejet de la demande en paiement et s’engageant, principalement, à verser au demandeur une rente d’invalidité réduite d’un montant de CHF 56'748.- par an ainsi que quatre rentes d’enfant d’invalide, réduites, chacune d’un montant de CHF 14'196.- par an, dès le 1er mai 2016. Elle concluait, subsidiairement, dans l’hypothèse où la Chambre de céans devait arriver à la conclusion que la rémunération variable aurait également dû être incluse dans le gain présumé perdu, à la constatation d’une surindemnisation des prestations réglementaires au vu du versement de la rente d’invalidité, de quatre rentes d’enfant d’invalide et d’une rente d’invalidité réglementaire de la fondation complémentaire, à la constatation que le montant à retenir, au titre de surindemnisation sur les prestations d’invalidité réglementaires, s’élevait à CHF 187'192.- et à la constatation de son obligation de verser au demandeur une rente annuelle d’invalidité, réduite, de CHF 52'796.- et de CHF 13'200.- pour chacun de ses enfants. A l’appui de ses conclusions, elle a principalement considéré que la part variable du revenu était assurée auprès de la fondation complémentaire, de sorte qu’elle n’entrait pas dans le gain présumé perdu pris en considération pour le calcul de la surindemnisation. Par ailleurs, le demandeur n’avait pas prouvé une progression salariale extraordinaire. Subsidiairement, il convenait de retenir le salaire de CHF 262'116.- réalisé en 2012, les frais de représentation ne devant pas y être inclus. La défenderesse notait enfin que la rente de CHF 100'000.- versée par la fondation complémentaire devait également être intégrée dans le calcul de la surindemnisation.

c. Les parties ont produit leurs réplique et duplique en date des 18 mai et 6 août 2021, persistant dans leurs conclusions, étant précisé que la défenderesse a encore conclu à l’audition de Monsieur F______.

d. Par déterminations spontanées du 2 septembre 2021, le demandeur a informé la Chambre de céans qu’il avait constaté un certain nombre d’irrégularités dans ses fiches de salaire et dans le prélèvement des cotisations sur sa rémunération variable. En particulier, il a allégué avoir financé seul l’avoir auprès de la fondation complémentaire et a considéré que les frais de représentation n’en étaient pas vraiment. Le calcul des prestations d’invalidité était ainsi erroné et contesté, étant relevé que la caisse était en primauté de cotisations. Pour ces motifs, il a sollicité, préalablement, outre les précédentes mesures probatoires, la réalisation d’une expertise actuarielle visant à reconstituer son avoir de retraite et l’augmentation des bonifications avec intérêts au taux fixé dans l’annexe du règlement de la défenderesse, qui auraient été attribuées jusqu’au jour de la retraite ordinaire s’il était resté en service jusqu’à cette date en conservant son dernier traitement cotisant. Principalement, il a conclu à l’appel en cause de D______ SA ou, subsidiairement, à l’octroi d’un délai raisonnable pour assigner cette dernière par-devant la Chambre de céans. Cela fait, il a conclu, à titre principal, à la condamnation de son ex-employeur à verser et continuer à verser à la défenderesse l’intégralité des cotisations, part employeur et part employé, dues en vertu du règlement, augmentées des bonifications et intérêts qui auraient dû être versés entre le 1er janvier 2007 et la date de l’arrêt de la Chambre de céans. Le demandeur a également conclu à la condamnation de la défenderesse à lui verser les prestations dues au titre du règlement, avec intérêts à 5%, et à l’autorisation de déposer de nouvelles conclusions chiffrées à ce propos, une fois en possession des éléments pour le faire. Pour le surplus, il a repris ses précédentes conclusions et arguments.

e. La défenderesse s’est opposée à l’appel en cause de l’ex-employeur par courrier du 27 octobre 2021, considérant, d’une part, que les prestations d’invalidité versées l’avaient été conformément aux dispositions légales et réglementaires et contestant, d’autre part, la compétence ratione materiae de la Chambre de céans. Elle a en particulier considéré que le demandeur avait signé une convention de fin de rapports de travail, par laquelle il avait renoncé à faire valoir une quelconque prétention à l’encontre de son ex-employeur. En tout état, d’éventuelles cotisations supplémentaires étaient prescrites. Enfin, le demandeur avait accepté le calcul du bonus et de l’intéressement ainsi que le versement des frais de représentation vu l’absence de contestation. S’agissant de la part variable, la défenderesse a invoqué l’interdiction de la double assurance.

f. Par courrier du 26 novembre 2021, le demandeur a persisté dans ses conclusions, relevant notamment que par la convention de fin de rapports de travail, il avait donné quittance s’agissant des prétentions de droit du travail et non par rapport à celles relevant de la prévoyance professionnelle. De toute manière, il avait invalidé ladite convention. Enfin, l’acceptation tacite (par actes concluants) de la méthode de calcul de la rémunération variable était soumise à certaines conditions strictes, non remplies en l’espèce.

g. Par ordonnance du 21 mars 2022, la Chambre de céans a appelé en cause l’ex-employeur et lui a octroyé un délai pour se déterminer et produire toute pièce utile, dont les fiches de salaire du demandeur pour les années 2006 à 2015, les décomptes relatifs aux versements des bonus et intéressements pour les années 2006 à 2015 et la liste anonymisée attestant de la rémunération totale détaillée (montant de la rémunération fixe, des bonus et de l’intéressement) de ses cadres avec le grade de sous-directeur, pour les années 2010 à 2019.

h. L’appelée en cause a produit ses observations en date du 24 juin 2022 et a conclu au déboutement du demandeur de toutes ses conclusions et à l’allocation d’une indemnité équitable à titre de dépens. A l’appui de ses conclusions, elle a notamment contesté, d’une part, la compétence de la Chambre de céans pour statuer sur les prétentions que le demandeur avait élevées à son encontre et, d’autre part, la réalisation des conditions de l’appel en cause. Sur le fond, l’appelée en cause a notamment expliqué que le demandeur avait signé une convention de fin des rapports de travail, qu’il avait accepté tacitement la méthode de calcul de la rémunération et les fiches de salaire et que ses prétentions étaient, quoi qu’il en soit, prescrites. Enfin, l’appelée en cause a produit les pièces demandées dans l’ordonnance du 21 mars 2022.

i. La défenderesse a, quant à elle, déposé ses observations le 4 octobre 2022, rappelant que l’assurance, à double, de la rémunération variable du demandeur était exclue. Constatant, au regard de la liste anonymisée des cadres produite par l’appelée en cause, que l’évolution de la rémunération des employés n’était pas automatique et que celle-ci pouvait augmenter ou diminuer, selon les années, la défenderesse a considéré que le demandeur n’avait pas démontré l’existence de circonstances concrètes justifiant de s’écarter du gain retenu au titre de plafond de surindemnisation. Pour le surplus, la défenderesse s’est référée à ses précédentes écritures.

j. Pour sa part, le demandeur a produit de nouvelles observations en date du 13 octobre 2022. Il a notamment considéré que la Chambre de céans était compétente pour examiner l’appel en cause et que les conditions de ce dernier étaient remplies. Sur le fond, il a persisté à considérer que les frais de représentations n’en étaient pas et que rien dans le contrat de travail ou les règlements de prévoyance permettait à l’employé de bonne foi de comprendre que l’intéressement et le bonus qui lui étaient contractuellement dus pouvaient être amputés de la part employeur des cotisations sociales, en plus de celle de l’employé. Enfin, le demandeur s’est prononcé sur la portée de la convention sur la fin des rapports de travail, la prescription de ses prétentions et le gain déterminant pour le calcul de la surindemnisation. Il a, également, procédé à une analyse des pièces produites par l’appelée en cause, les comparant aux originaux qui lui avaient été remis à l’époque. Enfin, le demandeur a requis la production de nouvelles pièces.

k. Le 16 décembre 2022, l’appelée en cause s’est prononcé sur les allégations du demandeur, reprenant en substance ses précédents arguments.

l. A la demande de la Chambre de céans, l’appelée en cause a produit, en date du 6 mars 2023, plusieurs tableaux détaillant le montant brut des rémunérations versées au demandeur entre 2012 et 2015 (rémunération fixe, bonus, intéressement et frais professionnels), avec des explications circonstanciées.

m. Le 4 avril 2023 s’est tenue une audience d’enquêtes et de comparution personnelle des parties.

A cette occasion, la Chambre de céans a entendu Messieurs G______ et F______, responsable (…), respectivement responsable (…) et membre du (…) de l’appelée en cause. Les témoins se sont notamment exprimés sur la qualité du travail du demandeur et sa rémunération.

Les parties ont également eu l’occasion de s’exprimer au cours de la même audience.

n. Suite à l’audience précitée, les parties ont pu formuler, en date des 22 mai et 12 septembre 2023 (demandeur), 23 juin et 4 octobre 2023 (défenderesse) et 26 juin et 3 octobre 2023 (appelée en cause), leurs observations, dans lesquelles elles ont récapitulé leurs précédentes écritures, étant relevé que le demandeur a, pour sa part, pris des conclusions supplémentaires dans ses écritures du 22 mai 2023, concluant notamment au versement des rentes à compter du 1er juin 2015 et non pas seulement dès le 1er mai 2016.

o. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

 


 

EN DROIT

 

1.              

1.1  

1.1.1 Selon l’art. 73 al. 1 de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle, vieillesse, survivants et invalidité du 25 juin 1982 (LPP – RS 831.40), chaque canton désigne un tribunal qui connaît, en dernier instance cantonale, des contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droits. La voie à suivre est celle de l’action (ATF 115 V 224 consid. 2), étant précisé que le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 3 LPP).

Conformément à l’art. 134 al. 1 let. b de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 (LOJ – E 2 05), la chambre des assurances sociales de la Cour de justice connaît en instance unique des contestations relatives à la prévoyance professionnelle opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droit, y compris en cas de divorce, ainsi qu’aux prétentions en responsabilité (art. 331 à 331e du Code des obligations [CO – RS 220]; art. 52, 56a, al. 1, et art. 73 LPP ; art. 142a du Code civil [CC – RS 210]).

1.1.2 Dans le cadre de contestations opposant institutions de prévoyance, employeurs et ayants droits, la compétence des autorités visées par l’art. 73 LPP est doublement définie. Elle l’est, tout d’abord, quant à la nature du litige : il faut que la contestation entre les parties porte sur des questions spécifiques de la prévoyance professionnelle, au sens étroit ou au sens large. Ce sont donc principalement des litiges qui portent sur des prestations d’assurance, des prestations de libre passage (actuellement prestations d’entrée ou de sortie) et des cotisations. Cette compétence est également limitée par le fait que la loi désigne de manière non équivoque les parties pouvant être liées à une contestation, à savoir les institutions de prévoyance, les employeurs et les ayants droits (ATF 128 V 254 consid. 2a).

Savoir si le point litigieux est ou non l’objet d’une réglementation expresse de la LPP ou de ses dispositions d’exécution n’est toutefois pas déterminant, en ce qui concerne la recevabilité de l’action devant le tribunal cantonal ou du recours subséquent devant le Tribunal fédéral des assurances. Au contraire, les tribunaux institués par l’art. 73 LPP sont appelés à connaître aussi de litiges qui opposent une institution de prévoyance à un employeur ou à un ayant droit, même s’ils n’appellent l’application d’aucune disposition du droit public fédéral, quant au fond, et qui doivent être tranchés exclusivement au regard du droit privé, du droit public cantonal ou du droit public communal (ATF 117 V 50 consid. 1).

1.1.3 Une contestation entre un employeur et un ayant droit peut porter, en particulier, sur le versement des cotisations par l'employeur à l'institution de prévoyance, y compris sur une demande de versement complémentaire en lien avec l'annonce d'un salaire à assurer plus élevé (art. 66 al. 2 et 3 LPP; SZS 1990 p. 205 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 4/99 du 6 décembre 1999 ; MEYER/UTTINGER, in Commentaire LPP et LFLP, 2020, n° 61 ad art. 73 LPP).

Dans de tels cas, ce ne sont pas les juridictions des prud'hommes qui sont compétentes, mais le juge désigné par l'art. 73 LPP, même si la question de l'existence d'un contrat de travail entre les parties doit être tranchée à titre préjudiciel (ATF 120 V 26 consid 2 et ATF 119 II 398 consid. 2).

1.2 Le for de l’action est au siège ou domicile suisse du défendeur ou au lieu de l’exploitation dans laquelle l’assuré a été engagé (art. 73 al. 2 LPP).

2.              

2.1  

2.1.1 En l’espèce, le demandeur est un ayant droit au sens de l’art. 73 al. 1 LPP. Son action est dirigée, d’une part, contre l’institution de prévoyance tenue de lui verser les prestations d’invalidité et, d’autre part, suite à l’appel en cause, contre son ancien employeur, en tant que débiteur des cotisations de prévoyance. Ces prétentions relèvent spécifiquement de la prévoyance professionnelle, de sorte qu’elles ressortissent à la juridiction désignée à l'art. 73 LPP.

Se référant à l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_34/2013 du 17 juin 2013, l’appelée en cause conteste la compétence ratione materiae de la Chambre de céans, considérant que le litige ressorti au droit du travail et, par conséquent, à la juridiction civile.

2.1.2 Force est de constater, d’emblée, que les principes dégagés de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_34/2013 du 17 juin 2013 susmentionné ne sauraient s’appliquer dans le cas d’espèce. En effet, dans l’arrêt en question, la prétention du demandeur était motivée par le fait que son ex-employeur n’avait pas fait le nécessaire pour qu’à la retraite, les prestations minimales de prévoyance lui soient versées. Le Tribunal fédéral a ainsi considéré que la prétention du demandeur consistait en une créance en réparation du dommage en raison de l’inexécution ou de l’exécution imparfaite d’une obligation issue du contrat de travail et qu’elle ne trouvait donc pas son fondement dans un règlement de l’institution de prévoyance mais dans le contrat de travail (consid. 3.3).

Le cas d’espèce s’apparente plutôt aux situations ayant fait l’objet de l’ATF 120 V 26 consid 2 et ou encore de l’ATF 119 II 398 consid. 2. En effet, dans le cas présent, le demandeur conclut au versement de cotisations supplémentaires. Il s’agit donc bien d’une question spécifique de la prévoyance professionnelle régie par la LPP, soit le versement des cotisations par l’ex-employeur, et ce quand bien même la Chambre de céans doit examiner, à titre préjudiciel, la nature de la rémunération sur laquelle lesdites cotisations doivent être prélevées, même si cette question ressortit au droit civil.

2.2 Par ailleurs, le lieu de l’exploitation dans laquelle le demandeur a été engagé se trouve à Genève, tout comme le siège de la défenderesse.

2.3 La Chambre de céans est ainsi compétente, tant ratione materiae que ratione loci, pour connaître des conclusions du demandeur prises à l’encontre de l’institution de prévoyance et de son ancien employeur.

3.             Selon la jurisprudence, en cas de changement de règles de droit et en l'absence de réglementation transitoire, les dispositions en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques sont pertinentes (arrêt du Tribunal fédéral H.92/06 du 26 octobre 2006 consid. 3.1 ; ATF 119 Ib 110; ATF 119 V 4 consid. 2a; MOOR, Droit administratif, vol. I, 2e éd., p. 170), ce qui correspond au principe de non-rétroactivité. Ces principes valent également en cas de changement de dispositions réglementaires ou statutaires des institutions de prévoyance (SVR 1994, BVG n. 12, p. 31 consid. 4a). Leur application ne soulève pas de difficultés en présence d'un événement unique, qui peut être facilement isolé dans le temps.

4.              

4.1  

4.1.1 Les institutions de prévoyance ne sont pas habilitées à rendre des décisions à l’égard de leurs affiliés. Les prétentions émises en matière de prévoyance professionnelle - que ce soit par les institutions de prévoyance elles-mêmes, les ayants droit ou les employeurs - doivent l’être par voie d’action (ATF 115 V 224 consid. 2).

C’est pourquoi, en matière de prévoyance professionnelle, le juge ne peut renvoyer l’affaire aux organes de l’assurance pour complément d’instruction et nouveau prononcé (ATF 117 V 237 consid. 2). Les prétentions qu’un affilié fonde sur la LPP ou sur le règlement de l’institution de prévoyance ne peuvent s’éteindre par suite de l’écoulement du temps qu’en raison de la prescription (ATF 117 V 329 consid. 4), question qui relève du fond et non de la recevabilité (ATAS/318/2016 consid. 1d). Du reste, l'exception de la prescription doit être expressément soulevée (ATF 129 V 237 consid. 4).

4.2 L’ouverture de l’action prévue à l’art. 73 al. 1 LPP n’est donc soumise, comme telle, à l’observation d’aucun délai (ATAS/708/2015 consid. 2; Raymond SPIRA, Le contentieux des assurances sociales fédérales et la procédure cantonale, RJN 1984, p. 19).

4.3  

4.3.1 L’art. 73 al. 2 LPP se limite à fixer des règles-cadres de la procédure. Celle-ci doit être simple, rapide et, en principe, gratuite. Lorsque le litige porte sur une contestation opposant ayant droit et institution de prévoyance, l’action est ouverte à l’initiative du premier par une écriture qui doit désigner l’institution de prévoyance visée et contenir des conclusions ainsi qu’une motivation. C’est donc la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure qui détermine l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral B.59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).

4.3.2 À Genève, la procédure en matière de prévoyance professionnelle est régie par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), plus particulièrement par les art. 89A ss.

4.4 En l’espèce, déposée dans les formes prévues par l'art. 89B al. 1 LPA, et par devant la juridiction compétente à raison du lieu et de la matière, la demande est recevable.

5.             La LPP ne prévoit pas l’application de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA - RS 830.1), si bien que celle-ci n’est pas applicable (art. 2 LPGA), en dehors des cas visés par l'art. 34a al. 2 et 3 LPP (et le renvoi des art. 18 let. c et 23 let. c LPP à l'art. 8 al. 2 LPGA), lesquels ne concernent pas le présent litige.

6.             Dans la mesure où l’appelée en cause conteste la réalisation des conditions de l’appel en cause, il y a lieu d’examiner ce point en premier lieu.

6.1 L'art. 71 LPA, applicable compte tenu du renvoi de l’art. 89A LPA, prévoit que l'autorité peut, d'office ou sur requête, ordonner l'appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d'être affectée par l'issue de procédure (al. 1). Dans ce cas, ils acquièrent les droits et obligations des parties et la décision leur devient opposable (al. 2).

D'une manière générale, dans les cantons qui, comme celui de Genève, connaissent cette institution de procédure, l'appel en cause permet de contraindre des tiers qui ne possèdent pas la qualité de partie faute d'en satisfaire les conditions à participer à la procédure afin de leur rendre opposable la décision, respectivement le jugement qui doit être rendu à son issue (cf. ATF 125 V 94 consid. 8b). L'appel en cause n'est pas destiné à faire intervenir ou à étendre la procédure à des personnes qui bénéficient déjà de la qualité de partie et qui ne participent pas pour une raison quelconque à la procédure. Il vise bien plutôt à préjuger un rapport de droit entre l'appelé en cause et une partie principale dans une procédure pendante entre les parties principales. Dans la mesure où il a pour fonction d'éviter le déroulement d'une autre procédure sur les mêmes questions litigieuses, l'appel en cause est dicté par un souci d'économie de procédure. Il permet également de prévenir le prononcé de décisions ou jugements contradictoires. Le tiers appelé en cause doit naturellement posséder la capacité d'être partie et la capacité d'ester (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 47/02 du 25 août 2003 consid. 3.2.1 ; voir également François BELLANGER, La qualité de partie à la procédure administrative, in Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 50). L'effet de l'appel en cause se produit même lorsque ce tiers ne souhaite pas être partie à la procédure (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral A-7454/2009 du 29 mars 2011). L’appel en cause permet ainsi de protéger ses intérêts juridiques ou de fait qui pourraient être touchés par l’issue de la procédure. Dans cette mesure, l´institution est un prolongement du droit d’être entendu (Alfred KÖLZ/Isabelle HÄNER/Martin BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2013, p. 324 n. 929).

A noter qu’il n’existe pas d’obligation de droit fédéral de donner suite à un appel en cause dans un contentieux relevant de l’art. 73 LPP, dont la procédure est régie par le droit cantonal (art. 73 al. 2 LPP ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_127/2012 du 22 août 2012 consid. 4).

6.2 Aux termes de l'art. 66 LPP, l'employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l'institution de prévoyance (al. 2). Il déduit du salaire les cotisations à charge du salarié (al. 3) et transfère à l'institution sa contribution ainsi que les cotisations des salariés (al. 4).

Selon la jurisprudence, dans la mesure où la procédure d'action est soumise à la maxime de disposition, la partie demanderesse peut, après la survenance d'un cas où l'institution de prévoyance est tenue à prestation, librement définir l'objet du litige et décider si elle entend diriger son action contre l'employeur afin qu'il satisfasse à son obligation de cotiser ou contre l'institution de prévoyance afin qu'elle verse les prestations de la prévoyance professionnelle dues par celle-ci (ATF 135 V 23 consid. 3 ; voir également ATAS/1104/2019 du 27 novembre 2019 consid. 1c). La partie demanderesse peut aussi - en vertu de la liberté dont elle dispose de définir l'objet du litige - choisir de diriger son action à la fois contre son (ancien) employeur et contre l'institution de prévoyance à laquelle celui-ci était affilié (arrêt du Tribunal fédéral 9C_640/2013 du 23 avril 2014 consid. 3).

Une contestation dirigée contre l’employeur peut porter, en particulier, sur le versement des cotisations par l'employeur à l'institution de prévoyance, y compris sur une demande de versements complémentaire en lien avec l'annonce d'un salaire à assurer plus élevé (art. 66 al. 2 et 3 LPP; SZS 1990 p. 205 ; arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 4/99 précité ; MEYER/UTTINGER, op. cit., n° 61 ad art. 73 LPP).

7.             En l’espèce, comme la Chambre de céans l’a relevé dans son ordonnance d’appel en cause du 21 mars 2022, le demandeur s’oppose à la réduction de ses prestations d’invalidité pour cause de surindemnisation, contestant notamment le montant de la rente d’invalidité octroyée par la défenderesse, dès lors que celle-ci a été calculée sur un avoir de vieillesse ne comprenant, à tort selon lui, pas les cotisations qui auraient dû être perçues sur la rémunération variable. Par le biais de l’appel en cause de son ex-employeur, le demandeur entend obtenir le versement de ces cotisations.

Le montant de la rente d’invalidité dépend de l’avoir de vieillesse constitué, lequel dépend des cotisations versées dans le cas d’une institution de prévoyance en primauté de cotisations, comme c’est le cas de la défenderesse (cf. infra consid. 14.1.2).

Par ailleurs, dans la mesure où, selon l’art. 66 LPP et 331 CO, c’est l’employeur qui est débiteur des cotisations, part employeur et part employé, il est touché juridiquement par la décision que la Chambre de céans rendra s’agissant des cotisations.

C’est pourquoi, pour des motifs d’économie de procédure et pour éviter cas échéant la contrariété des jugements, la Chambre de céans a appelé en cause l’ex-employeur du demandeur. Celui-ci est partie à la présente procédure, qu’il le souhaite ou non. Il ne peut pas s’opposer à l’appel en cause en tant que tel mais il lui est loisible de contester les conclusions en paiement des cotisations prises par le demandeur, ce qu’il a au demeurant fait.

8.             Il convient désormais de déterminer l’objet du litige au vu des conclusions nouvelles prises le 22 mai 2023.

8.1 L’objet du litige devant la juridiction cantonale est déterminé par les conclusions de la demande introduite par l’assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.72/04 du 31 janvier 2006 consid. 1.1). Comme indiqué précédemment, c’est la partie qui déclenche l’ouverture de la procédure qui détermine l’objet du litige (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2). Le juge n’est toutefois pas lié par les conclusions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendu (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B.59/03 du 30 décembre 2003 consid. 4.1).

8.2 En l’espèce, dans sa demande du 22 décembre 2020, le demandeur a conclu à la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de CHF 821'590.- plus intérêts à 5% dès le 15 septembre 2018 et à lui verser, dès le 1er janvier 2021, les sommes annuelles de CHF 146'388.- Plus CHF 36'600.- pour chaque enfant. Ces montants correspondaient aux rentes d’invalidités reconnues par la défenderesse, non réduites pour cause de surindemnisation, dues dès le 1er mai 2016, calculées sur la base de l’avoir de vieillesse constitué en fonction des cotisations prélevées sur la part fixe de sa rémunération.

Ces conclusions ont été confirmées par réplique du 18 mai 2021.

Le 2 septembre 2021, invoquant certaines irrégularités dans la perception des cotisations, le demandeur a pris des conclusions non chiffrées mais de toute évidence en amplification, relative à la rente due dès le 1er mai 2016. Concrètement, le demandeur a conclu au versement de rentes d’invalidité d’un montant supérieur à celui qui était précédemment reconnu, dès lors qu’il fallait les calculer en fonction de l’avoir de vieillesse constitué sur la base des cotisations prélevées sur la part fixe et la part variable de sa rémunération.

Ces conclusions ont été confirmées par écritures des 26 novembre 2021 et 13 octobre 2022.

Dans ses observations du 22 mai 2023, le demandeur a amplifié ses conclusions relatives au rentes d’invalidités dues dès le 1er mai 2016, afin d’y inclure les montants dus sur les rentes versées pendant la procédure et a pris de nouvelles conclusions portant, d’une part, sur le versement des rentes dès le 1er juin 2015 déjà et, d’autre part, sur le versement de cotisations supplémentaires à la défenderesse.

Force est de constater, au vu de ce qui précède, que par demande du 22 décembre 2020, le demandeur a limité la période litigieuse à celle courant dès le 1er mai 2016. Dans ses écritures successives, il a uniquement modifié le montant de la rente demandée pour cette période, amplifiant par-là ses premières conclusions. Suite à l’appel en cause, il a pris des conclusions dirigées contre son ex-employeur en paiement de cotisations sur la part variable de sa rémunération.

En revanche, par écriture du 22 mai 2023, le demandeur a étendu la période litigieuse, en la faisant remonter au 1er juin 2015 déjà. Ce faisant, il a pris des conclusions nouvelles. Or, celles-ci sortent de l’objet du litige que le demandeur a lui-même fixé par demande du 22 décembre 2020, à savoir le montant des rentes d’invalidité dues dès le 1er mai 2016.

Partant, les conclusions nouvelles prises le 22 mai 2023 sont irrecevables, car dépassant la période litigieuse et donc l’objet du litige. En revanche, lesdites conclusions doivent être considérées comme une demande de versement d’une rente pour la période du 1er juin 2015 au 30 avril 2016, demande sur laquelle la défenderesse est invitée à se prononcer après l’entrée en force du présent arrêt.

Retenir le contraire reviendrait à permettre aux parties de modifier l’objet du litige à leur convenance, et à n’importe quel stade de la procédure.

8.3 Cela étant précisé, la Chambre de céans constate qu’il est admis par les parties que le demandeur peut prétendre, de la part de la défenderesse, à une rente d’invalidité entière et à des rentes complémentaires pour enfant d’invalide. Le litige ne porte donc pas sur l’invalidité en tant que telle.

Les parties s’opposent en revanche sur le montant de la rente que la défenderesse doit effectivement verser, plus particulièrement, sur la question de la surindemnisation et les montants à prendre en considération.

9.              

9.1 Le système suisse de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité repose sur le principe des trois piliers (art. 111 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 [RS 101 - Cst.]). Les prestations du premier pilier (assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale et prestations complémentaires) doivent couvrir les besoins vitaux des personnes assurées de manière appropriée (art. 112 al. 2 let. b Cst.), alors que les prestations du deuxième pilier (prévoyance professionnelle) doivent permettre aux personnes assurées de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur (art. 113 al. 2 let. a Cst.; voir également art. 1 al. 1 LPP). II incombe au troisième pilier (prévoyance individuelle) de compléter les mesures collectives des deux premiers piliers selon les besoins personnels.

9.2 Les institutions de prévoyance qui participent à l'application du régime obligatoire de la prévoyance professionnelle (art. 48 al. 1 LPP) doivent respecter les exigences minimales fixées aux art. 7 à 47 LPP (art. 6 LPP). Il leur est toutefois loisible de prévoir des prestations supérieures aux exigences minimales fixées dans la loi (art. 49 LPP; Message à l'appui de la LPP, FF 1976 I 127 ch. 313 et 314; ATF 131 II 593 consid. 4.1 et les références).

9.3 En pratique, il existe trois modèles différents dans la prévoyance en faveur du personnel pour le traitement des prestations de prévoyance obligatoires et surobligatoires : l’institution de prévoyance enveloppante, l’institution de prévoyance splittée d’un point de vue organisationnel et l’institution de prévoyance splittée d’un point de vue juridique (SCHNEIDER, Das Modell der Versicherer mit Vollversicherung, in Schweizer Personalvorsorge [SVP] 5/2012 p. 45).

9.3.1 Les institutions dites enveloppantes peuvent définir librement le régime de prestations, le mode de financement et l'organisation leur convenant dans les limites des dispositions expressément réservées à l'art. 49 al. 2 LPP et le respect des principes d'égalité de traitement, de proportionnalité et d'interdiction de l'arbitraire. Concrètement, de telles institutions proposent de façon générale un plan unique de prestations qui inclut les prestations légales minimales et les améliore sans opérer de distinction entre prévoyance obligatoire et prévoyance plus étendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_951/2015 du 29 septembre 2016 consid. 3.1). Afin de s'assurer que les prestations réglementaires respectent les exigences légales minimales, autrement dit que la personne assurée bénéficie au moins des prestations minimales légales selon la LPP, l'institution de prévoyance est tenue de pouvoir procéder à un calcul comparatif entre les prestations selon la LPP sur la base du compte-témoin que les institutions de prévoyance doivent tenir afin de contrôler le respect des exigences minimales de la LPP – soit le compte individuel de vieillesse prévu par l'art. 11 al. 1 de l'ordonnance sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2 - RS 831.441.1) – et les prestations réglementaires (ATF 138 V 176 consid. 5.4). L'institution de prévoyance est tenue de verser les prestations légales minimales si celles-ci sont supérieures aux prestations réglementaires, conformément au principe d'imputation. Dans ce cadre, il n'est pas nécessaire de faire des calculs séparés pour les domaines obligatoire et surobligatoire, mais il convient de comparer les prétentions légales à celles de même nature prévues par le règlement pour une période identique (ATF 136 V 65 consid. 3.7).

9.3.2 Ce sont surtout les assureurs-vie qui appliquent le modèle de la prévoyance splittée sur le plan organisationnel dans le cadre d'une solution d'assurance complète. Dans ce modèle, les prestations obligatoires et surobligatoires sont définies séparément sur le plan organisationnel, avec des paramètres différents. L'ensemble des prestations réglementaires résulte de la somme des prestations obligatoires et surobligatoires.

9.3.3 La prévoyance juridiquement scindée existe sous la forme de deux institutions de prévoyance juridiquement indépendantes l'une de l'autre, en règle générale l'institution de prévoyance LPP d'une part et l'institution de prévoyance complémentaire ou pour cadres surobligatoire d'autre part. Les deux institutions de prévoyance sont des sujets de droit autonomes et une imputation réciproque des prestations ne peut pas avoir lieu.

10.          

10.1 Lorsqu'un employeur s'affilie à une institution pour la prévoyance de ses employés, trois relations juridiques distinctes coexistent :

-     Le contrat de travail de droit privé liant l'employé et l'employeur, fondé sur les art. 319 et ss CO.

-     La convention d'affiliation conclue entre l'employeur et l'institution de prévoyance, laquelle constitue un contrat sui generis au sens propre, pour la conclusion duquel il y a lieu d'appliquer les règles du droit des obligations (ATF 129 111 476 consid. 1.4 p. 478 et les références).

-     Enfin, l'assuré est lié à l'institution de prévoyance de par la loi en ce qui concerne les prestations obligatoires (RIEMER, Vorsorge-, Fürsorge- und Sparverträge der beruflichen Vorsorge, in Innominatverträge, Festgabe zum 60. Geburtstag von Walter R. SCHLUEP, 1988, p. 234) et, concernant les prestations surobligatoires, par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance, dont le règlement de prévoyance constitue le contrat préformé, savoir ses conditions générales, auxquelles l'assuré se soumet expressément ou par actes concluants (ATF 127 V 301, consid. 3a, voir également ATAS/703/2017 du 17 août 2017).

10.2 Le contrat de prévoyance (qui est donc un contrat innommé), dont le règlement constitue le contenu préformé, doit ainsi être interprété selon les règles générales sur l'interprétation des contrats (ATF 129 V 145 consid. 3.1, 127 V 301 consid. 3a).

Il y a lieu de rechercher, tout d'abord, la réelle et commune intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO ; ATF 127 III 444 consid. 1b ; 135 III 410 consid. 32).

Lorsque cette intention ne peut être établie, il faut tenter de découvrir la volonté présumée des parties en interprétant leurs déclarations selon le sens que le destinataire de celles-ci pouvait et devait raisonnablement leur donner selon les règles de la bonne foi (principe de la confiance) (ATF 132 V 286 consid. 3.2.1 et les références ; ATF 129 III 118 consid. 2.5 ; ATF 126 III 388 consid. 9d ; ATF 122 V 142 consid. 4c ; ATF 122 III 106 consid. 5a ; ATF 121 III 118 consid. 4b/aa ; ATF 116 V 218 consid. 2).

Le libellé de la disposition concernée constitue le point de départ de toute interprétation ; ceci ne signifie cependant pas qu'une interprétation fondée sur d'autres critères ne doive avoir lieu que si la formulation est floue (ATF 127 III 444 consid. lb). L'interprétation d'une disposition réglementaire doit toujours tenir compte du but et de la systématique du règlement de prévoyance, du comportement des parties au moment de la conclusion du contrat, ainsi que des autres circonstances. Il faut de plus respecter la règle de l'interprétation conforme à la loi. Si le sens d'une disposition réglementaire est confus, il convient, dans le doute, d'opter pour l'interprétation conforme à la prescription légale dispositive applicable. Si l'une des parties souhaite déroger au droit dispositif, elle doit alors le formuler de manière suffisamment claire (ATF 122 III 118 consid. 2a).

11.         Les prestations de vieillesse des institutions de prévoyance sont établies selon trois systèmes, également appelés « plans de prévoyance » (Montavon / Ballenegger / Reichlin / Dapples / Maillard / Montavon, Abrégé de droit civil, Art. 1er à 640 CC / LPart / LPD / LN, 2020, p. 267 s.) :

-        Selon le système de primauté de cotisations, les prestations sont financées par les cotisations des salariés et employeurs définies au préalable (7-18% du salaire assuré selon la tranche d'âge des assurés, ce qui est un minimum légal) ainsi que, le cas échéant, des rachats d'années que les salariés auront financés volontairement. La prestation de vieillesse de chaque assuré est définie principalement par l'avoir de vieillesse sur son compte, compte tenu des taux d'intérêt annuels sur les avoirs durant la période de prévoyance (en baisse depuis plusieurs années, 1% en 2019) et, en cas de versement de rentes, du taux de conversion applicable au capital de prévoyance (par ex. 6,8% qui correspond au taux de conversion minimal sur la part obligatoire). Pour les caisses enveloppantes, le taux de conversion peut être moindre, mais il doit équivaloir à au moins de 6.8% sur la part obligatoire.

-        Selon le système de primauté des prestations, les prestations de prévoyance devant être atteintes sont définies préalablement (par ex. 60% du dernier salaire pour 40 ans d'assurance) et les contributions des salariés et employeurs sont définies en conséquence.

-        Le système de bi-primauté regroupe quant à lui toutes les solutions intermédiaires dans lesquelles les institutions de prévoyance prévoient un plan mixte qui fixe à la fois les prestations et les cotisations dans le règlement de prévoyance (avec des propositions de rattrapages).

12.         En l’espèce, la défenderesse est une institution de prévoyance de droit privé pratiquant la prévoyance obligatoire et plus étendue (institution dite « enveloppante »), les prestations réglementaires allant au-delà des prestations minimales selon la LPP (notamment salaire coordonné correspondant au traitement déterminant [voir art. 10 du règlement de la caisse] et par conséquent supérieur au salaire coordonné selon l’art. 8 al. 1 LPP ; seuil de la surindemnisation augmenté à 100% [art. 23 du règlement de la caisse] et non à 90% comme en matière de prévoyance obligatoire). Elle l’admet d’ailleurs (cf. réponse du 11 mars 2021 ch. 2 p. 3).

Elle applique par ailleurs un plan de prévoyance en primauté de cotisations au sens de l’art. 15 de la loi fédérale sur le libre passage dans la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 17 décembre 1993 (loi sur le libre passage, LFLP - RS 831.42), comme cela ressort de l’art. 2 al. 2 du Règlement de la caisse de retraite B______ (ci-après : le Règlement).

13.         Préalablement à l’examen des prétentions du demandeur, il convient de présenter le système de rémunération et d’assurance proposé par [la partie appelée en cause].

13.1  

13.1.1 Il ressort du dossier et des explications des parties que le demandeur percevait une rémunération fixe et une rémunération variable.

La rémunération fixe comportait un salaire mensuel « de base » (art. 4 du contrat de travail) et une participation à l’assurance-maladie. Elle était consignée dans des décomptes de salaire qui étaient remis chaque mois au demandeur. Il en ressort que des cotisations LPP de 8% étaient prélevées sur le salaire mensuel « de base ».

En sus de cette rémunération mensuelle fixe, le demandeur percevait, d’une part, un intéressement sous la forme de parts, lesquelles donnaient droit à l’obtention d’un versement en espèces, aucun droit social n’étant conféré (art. 5 du contrat de travail) et, d’autre part, un bonus (art. 6 du contrat de travail).

Il ressort du dossier que, dans les faits, seule la rémunération fixe, soit le salaire de base, était concrètement assuré auprès de la défenderesse, la rémunération variable (intéressement et bonus) étant assurée auprès de la fondation complémentaire.

13.1.2 L’intéressement était versé sous la forme de deux acomptes, en mai et septembre, le solde étant versé l’année suivante en janvier. Seule la part « employé » des cotisations LPP était prélevée sur les acomptes sur l’intéressement versés en mai et septembre. Le solde de l’acompte était versé au demandeur en janvier, et correspondait au montant total de l’intéressement reconnu par l’ex-employeur, après déduction des acomptes de mai et septembre, de la part « employeur » des cotisations LPP déduite lors des acomptes et de frais de représentation. En d’autres termes, les cotisations versées par l’ex-employeur en mai et septembre et les frais de représentation étaient déduits du solde de l’intéressement versé en janvier, avant que celui-ci ne soit soumis aux charges sociales et aux cotisations LPP part « employé ».

13.2 Le demandeur est incapable de travailler depuis le mois d’octobre 2013 et perçoit une rente d’invalidité versée par l’OAI depuis le 1er juin 2015. A compter de cette date, il a également droit à une rente versée par la défenderesse, étant précisé que concrètement, ladite rente n’a été versée que depuis le 1er mai 2016, compte tenu du versement du salaire jusqu’au 31 décembre 2015, puis d’indemnités journalières jusqu’au 13 mai 2016.

Le montant annuel de la rente d’invalidité reconnu par la défenderesse, avant calcul de la surindemnisation, est de CHF 146'388.- et celui de chaque rente pour enfant d’invalide de CHF 36'600.-. Les rentes ont été calculées sur la base de l’avoir de vieillesse constitué par les bonifications afférentes aux années pour lesquelles des cotisations, calculées sur la rémunération fixe, ont été versées.

Pour le calcul de la surindemnisation, la défenderesse a pris un considération un gain présumé perdu ne comprenant que la part fixe de la rémunération et les allocations familiales. Elle a ensuite considéré que le cumul des rentes dues par l’OAI et par elle-même excédait le 100% du dernier salaire assuré, de CHF 186'804.- (CHF 170'004, dernier salaire fixe auquel s’ajoutaient les allocations familiales de CHF 16'800.-). C’est pourquoi, elle a réduit les rentes dues à CHF 56'748.- pour le demandeur (au lieu de CHF 146'388.-) et à CHF 14'196.- pour chaque enfant (au lieu de CHF 36'600.-).

13.3 Les parties s’opposent sur le montant des rentes d’invalidité versées ainsi que sur le calcul de la surindemnisation en tant que tel, plus particulièrement sur le montant du gain présumé perdu et les prestations et revenus à prendre en compte dans ledit calcul.

13.3.1 Tout d’abord, le demandeur conteste le salaire déterminant sur lequel les cotisations ont été prélevées. Il considère en effet que dans la mesure où le Règlement de la défenderesse n’exclut pas expressément la rémunération variable, celle-ci fait partie du salaire déterminant au sens de l’art. 10 du Règlement et entre donc en considération pour la détermination de l’avoir de vieillesse, sur la base duquel la rente d’invalidité se calcule (déterminations spontanées et conclusions additionnelles du 2 septembre 2021 p. 8 à 11). De plus, les frais de représentation constituent, selon lui, du salaire déguisé. Ils sont donc également soumis à cotisations (déterminations spontanées et conclusions additionnelles du 2 septembre 2021 p. 6 et 7 ; observations du 13 octobre 2022). Les cotisations dues sur le salaire variable et les frais de représentation viennent par conséquent augmenter l’avoir de vieillesse et, partant, le montant de la rente d’invalidité qui lui revient. C’est pourquoi, le demandeur a conclu, préalablement, au versement, par son ex-employeur, des cotisations dues sur la rémunération variable et les frais de représentation et, principalement, au versement d’une rente d’invalidité plus importante.

Pour sa part, la défenderesse explique que la rémunération globale du demandeur a été scindée et assurée auprès de deux institutions de prévoyance distinctes : la rémunération fixe auprès de la caisse et la rémunération variable auprès de la fondation complémentaire (réponse du 11 mars 2021, p. 20, duplique du 6 août 2021, p. 5 et 6, observations du 27 octobre 2021). On peut donc déduire de cette argumentation que pour la défenderesse, dans la mesure où seule la rémunération fixe était assurée auprès d’elle, le demandeur ne pouvait prétendre à des rentes d’invalidité plus élevées (cf. observations du 27 octobre 2021, titre p. 3).

Quant à l’appelée en cause, elle invoque l’existence d’une convention de fin des rapports de travail s’agissant notamment des critiques quant au système de rémunération et soulève la prescription des prétentions du demandeur (observations du 24 juin 2022, p. 15 et observations du 16 décembre 2022 p. 10).

En d’autres termes, la question à laquelle la Chambre de céans doit répondre en premier lieu est celle de savoir si d’éventuelles cotisations peuvent effectivement encore être recouvrées, ce qui implique de se prononcer sur la prescription. Dans l’affirmative, cela aurait pour conséquence une augmentation de l’avoir de vieillesse et, par voie de conséquence, des rente d’invalidité dues par la défenderesse. Dans la négative, en cas de prescription des cotisations, l’avoir de vieillesse et par conséquent le montant des rentes d’invalidité restent inchangés.

13.3.2 Ensuite, le demandeur conteste le calcul de la surindemnisation et, en premier lieu, le montant du gain présumé dont il a été privé en raison de son invalidité. En effet, ce salaire doit, selon lui, d’une part, inclure la part variable ainsi que les frais de représentation (réplique du 18 mai 2021, p. 16 et 17) et, d’autre part, prendre en considération l’avancement qui aurait été le sien s’il n’avait pas été invalide (demande en paiement du 22 décembre 2020, p. 17, réplique du 18 mai 2021, p. 17 à 19).

La défenderesse relève, pour sa part, que le dossier ne comporte pas d’indice quant à une rémunération globale plus importante que la rémunération fixe versée en 2013. En particulier, le demandeur n’a pas démontré l’existence de circonstances concrètes justifiant de s’écarter du gain retenu au titre de plafond de surindemnisation (observations du 4 octobre 2022, p. 2).

Quant à l’appelée en cause, elle a considéré que l’indemnité pour frais de représentation versée au demandeur l’avait été en toute transparence, de sorte que c’était à juste titre qu’elle n’avait pas été soumise à cotisation auprès de la fondation complémentaire (cf. notamment observations du 26 juin 2023 p. 12).

La question à laquelle la chambre de céans doit répondre, dans un deuxième temps, est celle du montant du gain présumé perdu. En particulier, il lui appartient de déterminer si le demandeur aurait bénéficié d’une progression salariale plus conséquente, dépassant l’évolution du renchérissement et l’évolution des salaires réels et si la part variable de la rémunération du demandeur et les frais de représentation entrent dans la définition du gain présumé perdu.

13.3.3 Enfin, s’agissant toujours du calcul de la surindemnisation, les parties s’opposent sur la prise en considération de la rente et du capital versés par la fondation complémentaire.

Pour le demandeur, la rente versée par la fondation complémentaire a été intégralement financée par ses seules cotisations (déterminations du 2 septembre 2021, observations du 13 octobre 2022, p. 7ss). Elle constitue dans tous les cas une sorte d’assurance de dommage, qui n’entre pas en considération dans le calcul de la surindemnisation (réplique du 18 mai 2021, p. 20 et 21, observations du 26 novembre 2021, p. 8).

La défenderesse est, quant à elle restée très évasive sur la nature de la relation contractuelle avec la fondation complémentaire et le financement de ses prestations, se limitant à considérer que la part « employeur » était incluse dans le montant du bonus et dans celui de l’intéressement et que cette manière de procéder n’était pas illicite (observations du 27 octobre 2021 p. 2 et 3).

De son côté, l’appelée en cause est d’avis que les cotisations patronales n’ont pas été mises à la charge du demandeur et que l’avoir constitué auprès de la fondation complémentaire l’a été de manière paritaire. La déduction était purement mathématique (observations du 24 juin 2022 p. 12 ; procès-verbal de l’audience de comparution personnelle du 4 avril 2023, p. 4 ; observations du 26 juin 2023 p. 10).

En d’autres termes, en troisième lieu, la chambre de céans doit trancher la question de la prise en considération de la rente de la fondation complémentaire, à savoir si l’avoir constitué auprès de ladite fondation a été constitué exclusivement par le demandeur ou non.

14.         Il convient d’examiner, dans un premier temps, si le montant des rentes d’invalidité doit être augmenté.

14.1  

14.1.1 L’art. 24 LPP, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, qui porte sur le montant de la rente d’invalidité, prévoit que l'assuré a droit à une rente entière s'il est invalide à raison de 70% au moins au sens de l'AI (al. 1 let. a). La rente d'invalidité est calculée avec le même taux de conversion que la rente de vieillesse à 65 ans pour les hommes (al. 2). L'avoir de vieillesse déterminant pour le calcul comprend : l’avoir de vieillesse acquis par l’assuré à la naissance du droit à la rente d’invalidité (let. a) et la somme des bonifications de vieillesse afférentes aux années futures jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite, sans les intérêts (let. b) (al. 3). Les bonifications de vieillesse afférentes aux années futures sont calculées sur la base du salaire coordonné de l’assuré durant la dernière année d’assurance auprès de l’institution de prévoyance (al. 4).

Selon l'art. 14 al. 2 LPP, le taux de conversion minimal s'élève à 6,8 % à l'âge ordinaire de 65 ans pour les hommes et les femmes.

L'avoir de vieillesse est défini à l’art. 15 LPP. Il comprend les bonifications de vieillesse, avec les intérêts, afférentes à la période durant laquelle l'assuré a appartenu à l'institution de prévoyance, cette période prenant toutefois fin à l'âge ordinaire de la retraite (al. 1 let. a LPP), ainsi que l'avoir de vieillesse versé par les institutions précédentes et porté au crédit de l'assuré, avec les intérêts (al. 1 let. b LPP).

Aux termes de l'art. 16 LPP, les bonifications de vieillesse sont calculées annuellement en pour-cent du salaire coordonné. Les taux suivants sont appliqués: âge 25-34: 7% du salaire coordonné, âge 35-44: 10% du salaire coordonné, âge 45-54: 15% du salaire coordonné, âge 55-65 ans: 18% du salaire coordonné. L'institution de prévoyance doit tenir pour chaque assuré un compte de vieillesse indiquant son avoir de vieillesse conformément à l'art. 15 al. 1 LPP (art. 11 al. 1 OPP 2). A la fin de l'année civile, ce compte individuel de vieillesse sera crédité notamment des bonifications de vieillesse sans intérêt pour l'année civile écoulée (art. 11 al. 2 OPP 2).

Le salaire coordonné, mentionné aux art. 16 et 24 al. 4 LPP susmentionnés, est défini à l’art. 8 al. 1 LPP, à teneur duquel la partie du salaire annuel comprise entre CHF 23'205.- et CHF 79'560.- (en 2007 et 2008), CHF 23'940.- et CHF 82'080.- (en 2009 et 2010) CHF 24'360.- et 83'520.- (en 2011 et 2012), CHF 24'570.- et CHF 84'240.- (en 2013 et 2014), CHF 24'675.- et CHF 84'600.- (entre 2015 et 2018) CHF 24'885.- et CHF 85'320.- (en 2019 et 2020) CHF 25'095.- et CHF 86'040.- (en 2021 et 2022), CHF 25'725.- et CHF 88'200.- (dès 2023) doit être assurée. Cette partie du salaire est appelée « salaire coordonné ».

C'est sur le salaire coordonné que sont prélevées les cotisations LPP lesquelles sont assumées, dans le régime obligatoire, à moitié par l'employeur au moins, le reste étant mis à la charge de l'employé (MONTAVON/MAILLARD, in Abrégé de droit civil, Art. 1er à 640 CC/LPart/LPD/LN, 2020, p. 266).

14.1.2 Dans son ATF 140 V 154, consid. 7.3.1 et 7.3.2, le Tribunal fédéral a notamment considéré qu’au regard de la relation étroite entre les cotisations et le montant des prestations de vieillesse de la prévoyance obligatoire (art. 14 LPP), on ne saurait admettre, sans violer le principe de l'équivalence collective, un droit à des prestations de vieillesse calculées en fonction de bonifications de vieillesse afférentes à une période d'assurance pendant laquelle des cotisations correspondantes n'ont pas été versées, même si les bonifications de vieillesse ne correspondent pas forcément, dans le système légal, au montant des cotisations versées.

14.2  

14.2.1 S’agissant de la prévoyance surobligatoire, l’art. 32 al. 3 du Règlement prévoit que la Caisse alloue les rentes d’invalidité suivantes :

Degré d’invalidité selon l’AI

Rente de la Caisse en % de la rente assurée

Pourcentage d’activité résiduel

Moins de 40%

0%

100%

Dès 40%

25%

75%

Dès 50%

50%

50%

Dès 60%

75%

25%

Dès 70%

100%

0%

Le montant annuel de la rente complète d’invalidité est égal à l’avoir de retraite projeté multiplié par le taux de conversion applicable à l’âge de la retraite ordinaire (art. 33 du Règlement).

Quant à l’art. 15 al. 1 du Règlement, il prévoit que l’avoir de retraite est notamment constitué par les bonifications de retraite (let. c), lesquelles sont exprimées, à teneur de l’art. 16 al. 2 du Règlement, en pourcent du traitement cotisant et compte tenu de l’âge de l’assuré (différence entre l’année en cours et l’année de naissance), soit :

 

Age

Bonifications de retraite

25-34 ans

10%

35-39 ans

12%

40-45 ans

20%

46-51 ans

25%

52-61 ans

30%

62-65 ans

12%

66-70 ans

12%

14.2.2 Les art. 10 et 11 du Règlement portent sur le traitement déterminant, respectivement le traitement cotisant. Ainsi, selon l’art. 11 al. 1 du Règlement, le traitement cotisant est égal au traitement déterminant. Ce dernier est défini à l’art. 10 du Règlement. Selon cette disposition, le traitement déterminant est égal au traitement annuel (al. 1). Au jour de l’affiliation à la Caisse, il est égal au traitement mensuel en vigueur à cette date, converti en traitement annuel sur la base de 12 mensualités (al. 2).

15.          

15.1 A teneur de l’art. 65 LPP, les institutions de prévoyance doivent offrir en tout temps la garantie qu’elles peuvent remplir leurs engagements (al. 1). Elles règlent leur système de cotisations et leur financement de telle manière que les prestations prévues par la présente loi puissent être fournies dès qu’elles sont exigibles (al. 2 1re phrase).

Cette disposition s’applique également en matière de prévoyance plus étendue, conformément à l’art. 49 al. 2 let. 16 LPP.

15.2  

15.2.1 Selon l'art. 66 al. 2 LPP, applicable en matière de prévoyance obligatoire, l’institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l’employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l’employeur ne peut être fixée plus haut qu’avec son assentiment (al. 1). L’employeur est débiteur de la totalité des cotisations envers l’institution de prévoyance. Celle-ci peut majorer d’un intérêt moratoire les cotisations payées tardivement (al. 2). L’employeur déduit du salaire les cotisations que les dispositions réglementaires mettent à la charge du salarié (al. 3). Il transfère à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues (al. 4).

15.2.2 En matière de prévoyance surobligatoire, une règle analogue figure à l'art. 331 al. 3 CO, lequel prévoit que lorsqu’il incombe au travailleur de verser des cotisations à une institution de prévoyance, l’employeur est tenu de verser en même temps une contribution au moins égale à la somme des cotisations de tous les travailleurs ; il financera sa contribution par ses moyens propres ou à l’aide de réserves de cotisations de l’institution de prévoyance ; ces réserves doivent avoir été accumulées préalablement dans ce but par l’employeur et être comptabilisées séparément. L’employeur doit transférer à l’institution de prévoyance le montant de la cotisation déduite du salaire du travailleur en même temps que sa propre contribution, au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour lesquelles les cotisations sont dues.

Dans le cas d’espèce, ce sont les art. 18 et 19 du Règlement qui portent sur les cotisations.

A teneur de l’art. 18, chaque assuré est tenu de cotiser dès son affiliation à la Caisse et aussi longtemps qu’il reste en service, mais au plus tard jusqu’au jour où il est libéré de l’obligation de payer des cotisations selon l’art. 34 ou jusqu’au jour de la retraite ordinaire (al. 1). Le montant de la cotisation de l’assuré est exprimé en pourcent du traitement cotisant et compte tenu de l’âge de l’assuré (différence entre l’année en cours et l’année de naissance) (al. 2) :

Age

Cotisations

 

Epargne

Risques

Total

17-24 ans

0.0%

0.0%

0.0%

25-39 ans

5.0%

1.5%

6.5%

40-61 ans

6.50%

1.5%

8.0%

62-65 ans

5.0%

1.5%

6.5%

66-70 ans

5.0%

1.5%

6.5%

La cotisation de l’assuré est retenue sur le traitement de ce dernier par l’Employeur pour le compte de la Caisse (al. 3).

L’art. 19 porte sur la cotisation de l’Employeur et prévoit que l’Employeur s’acquitte de cotisations pour l’ensemble de ses assurés soumis à cotisations (al. 1). Le montant des cotisations de l’employeur est exprimé en pourcent des traitements cotisants et compte tenu de l’âge des assurés (différence entre l’année en cours et l’année de naissance) :

Age

Cotisations

 

Epargne

Risques, retraite anticipée et frais

Total

17-24 ans

0.0%

3.0%

3.0%

25-34 ans

5.0%

3.0%

8.0%

35-39 ans

7.0%

3.0%

10.0%

40-45 ans

13.5%

3.0%

16.5%

46-51 ans

18.5%

3.0%

21.5%

52-61 ans

23.5%

3.0%

26.5%

62-65 ans

7.0%

3.0%

10.0%

66-70 ans

7.0%

3.0%

10.0%

Les cotisations de l’Employeur sont transférées chaque mois par ce dernier à la Caisse, avec les cotisations retenues sur les traitements des assurés (al. 3).

15.2.3 En résumé, le système voulu par le législateur est le suivant.

L’employeur est débiteur de la totalité des cotisations conformément aux art. 66 al. 2 LPP et 331 al. 3 CO, concrétisé, dans le cas d’espèce, par l’art. 19 al. 3 du Règlement.

L’institution de prévoyance peut réclamer, à l’employeur, le paiement des cotisations non payées sur la base des art. 66 al. 2 LPP et 331 al. 3 CO. La procédure de recouvrement de l’employeur à l’encontre du salarié pour des cotisations à la prévoyance professionnelle, non déduite du salaire, est quant à elle fondée sur l’art. 66 al. 3 LPP. Il en va de même de l’action par laquelle un ancien employé réclame à son ex-employeur le paiement ultérieur des cotisations d’employeur et d’employé à l’ancienne institution de prévoyance. A noter que dans cette dernière constellation, l’action est intentée contre l’ex-employeur et non contre l’ancienne institution de prévoyance (BRECHBÜHL / GECKELER HUNZIKER, in Commentaire LPP et LFLP, 2020, n° 31 et 32 ad Art. 66).

16.          

16.1 Selon l’art. 41 al. 2 LPP, les actions en recouvrement de créances se prescrivent par cinq ans quand elles portent sur des cotisations ou des prestations périodiques, par dix ans dans les autres cas. Les art. 129 à 142 CO sont applicables.

La disposition précitée est également applicable en matière de prévoyance plus étendue compte tenu du renvoi de l'art. 49 al. 2 LPP.

L'art. 41 al. 2 LPP ne limite pas son application aux rapports juridiques entre l'institution de prestation et l'employeur, seul débiteur à son égard des cotisations périodiques. Par conséquent, le versement des cotisations à l’institution de prévoyance, les créances pour les cotisations de l'employeur non déduites ou les cotisations de salarié non déduites, que l’employeur fait valoir à l’égard du salarié, sont soumises au délai de prescription de cinq ans de l'art. 41 LPP (PETREMAND, in LPP et LFLP, 2020, n° 23 ad Art. 41 LPP; ATF 142 V 118 consid. 6.1).

16.2 L’art. 130 al. 1 CO stipule que la prescription court dès que la créance est devenue exigible. L'exigibilité des créances de cotisation n’est prévue par la loi que depuis la révision de la LPP entrée en vigueur le 1er janvier 2005. En effet, depuis cette date, l’art. 66 al. 4 LPP prévoit que l’employeur transfère à l’institution de prévoyance sa contribution ainsi que les cotisations des salariés au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour laquelle les cotisations sont dues. L’institution peut toutefois prévoir une disposition réglementaire (BRECHBÜHL/GECKELER HUNZIKER, op. cit., n° 35 ad art. 66 LPP).

Selon la jurisprudence, le délai de prescription de cinq ans débute, pour chacune des prestations périodiques, à la fin du mois pour lequel elle aurait dû être versée, à moins que le règlement de prévoyance ne prévoie un autre mode de paiement, par exemple tous les deux mois, par trimestre, etc. (ATF 142 V 118 consid. 7.1).

Toutefois, si l’institution de prévoyance n’a pas connaissance de l’existence de rapports de travail soumis à cotisations à cause d’une violation qualifiée de l’obligation de déclarer de l’employeur, l’exigibilité des créances de cotisations est différée jusqu’au moment où l’institution de prévoyance a connaissance de l’existence des rapports de travail déterminants (ATF 136 V 73 consid. 4.1 et 4.2). Dans cette hypothèse, le délai relatif de cinq ans est toutefois complété par un délai absolu de dix ans qui court à compter de la naissance (virtuelle) de la créance de cotisations. Comme l’exigibilité de la créance est reportée jusqu’au moment de la connaissance, par l’institution de prévoyance, de l’état de fait justifiant la perception de cotisations, seules peuvent être réclamées des cotisations dont la naissance ne remonte pas à plus de dix ans à ce moment (ATF 136 V 73 consid. 4.3).

16.3  

16.3.1 A teneur de l’art. 135 CO, la prescription est interrompue lorsque le débiteur reconnaît la dette, notamment en payant des intérêts ou des acomptes, en constituant un gage ou en fournissant une caution (ch. 1), ou lorsque le créancier fait valoir ses droits par des poursuites, par une requête de conciliation, par une action ou une exception devant un tribunal ou un tribunal arbitral ou par une intervention dans une faillite (ch. 2).

Cette liste des actes interruptifs du créancier est exhaustive (PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code des obligations I, 2021, n. 25 ad art. 135 CO). L'ouverture d'action au sens de l'art. 135 ch. 2 CO est une notion de droit fédéral ; elle se définit comme tout acte introductif ou préparatoire par lequel le créancier s'adresse pour la première fois au juge, dans les formes requises, afin d'obtenir la reconnaissance du droit qu'il invoque (ATF 118 II 487 consid. 3 ; ATF 114 II 336 consid. 3a ; ATF 110 II 389 consid. 2a).

La reconnaissance de dette du débiteur au sens de l’art. 135 1 CO n’a pas besoin d’être chiffrée. Si elle ne l’est pas, l’interruption vaut pour la totalité de la créance quel qu’en soit le montant. Si la reconnaissance de dette mentionne un montant et qu’elle indique que le reste est contesté, l’effet interruptif de prescription ne vaudra alors que jusqu’à concurrence du montant indiqué par le débiteur. En revanche, dans la réquisition de poursuite ou la production de créances, l’effet interruptif de prescription ne porte que sur le montant indiqué, et cela même si le créancier ne connaît pas encore l’étendue exacte de sa créance. Le créancier a dès lors intérêt à mentionner un montant suffisamment important. Il en va de même pour les droits que le créancier fait valoir par une action, une requête en conciliation ou une exception. Toutefois, à certaines conditions, le créancier qui ne connaît pas le montant exact de sa créance au moment de l’ouverture d’action peut intenter une action en paiement non chiffrée ou une action en constatation du fondement juridique de sa prétention qui interrompent la prescription pour la totalité de la créance (Pichonnaz, op. cit., n° 26-27 ad Art. 135).

Par ailleurs, selon l’art. 136 al. 1 CO, la prescription interrompue contre l’un des débiteurs solidaires ou l’un des codébiteurs d’une dette indivisible l’est également contre tous les autres, si l’interruption découle d’un acte du créancier.

16.3.2 A teneur de l’art. 141 CO, le débiteur peut renoncer à soulever l’exception de prescription, à chaque fois pour dix ans au plus, à compter du début du délai de prescription (al. 1). La renonciation s’effectue par écrit. Seul l’utilisateur des conditions générales peut renoncer dans celles-ci à soulever l’exception de prescription (al. 1bis). La renonciation faite par l’un des codébiteurs solidaires n’est pas opposable aux autres (al. 2). Il en est de même si elle émane de l’un des codébiteurs d’une dette indivisible, et la renonciation faite par le débiteur principal n’est pas non plus opposable à la caution (al. 3). La renonciation faite par le débiteur est opposable à l’assureur et inversement, s’il existe un droit d’action direct contre ce dernier (al. 4).

16.3.3 Le débiteur commet un abus de droit en se prévalant de la prescription, non seulement lorsqu'il amène astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, mais aussi lorsque, sans dol, il a un comportement qui donne au créancier l'assurance qu'il sera payé et l'incite donc à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription, étant précisé que l'inaction du créancier doit apparaître objectivement compréhensible (ATF 113 II 264 consid. 2e  ; ATF 108 II 287 consid. 5b ; ATF 89 II 262 consid. 4). Un tel comportement peut consister par exemple à faire patienter le créancier par des pourparlers, en entretenant l'espoir d'un règlement amiable. Selon la jurisprudence, le débiteur de mauvaise foi peut aussi se prévaloir de la prescription sans pour autant commettre un abus de droit. Seul le comportement positif à l'origine du manquement de délai - même dépourvu d'astuce - justifie la contre-exception de l'abus de droit (ATF 83 II 93).

16.4 Il n’incombe pas au juge d’examiner d’office la question de la prescription, laquelle doit être expressément soulevée (PETREMAND, op. cit., n° 51 ad Art. 41 LPP ; voir également art. 142 CO).

17.          

17.1 Le juge des assurances sociales fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d’être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c’est-à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu’un fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux qui lui paraissent les plus probables (ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3; ATF 126 V 353 consid. 5b; ATF 125 V 193 consid. 2 et les références). Aussi n’existe-t-il pas, en droit des assurances sociales, un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré (ATF 126 V 319 consid. 5a).

17.2 Si l’administration ou le juge, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles ils doivent procéder d’office, sont convaincus que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu d’administrer d’autres preuves (appréciation anticipée des preuves ; ATF 122 II 464 consid. 4a; ATF 122 III 219 consid. 3c). Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu selon l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101 - Cst; SVR 2001 IV n. 10 p. 28 consid. 4b), la jurisprudence rendue sous l’empire de l’art. 4 aCst. étant toujours valable (ATF 124 V 90 consid. 4b; ATF 122 V 157 consid. 1d).

18.          

18.1 En l’espèce, le demandeur conteste le salaire qui était assuré auprès de la défenderesse jusqu’à ce qu’il soit licencié, avec effet au 31 décembre 2015. Concrètement, il conclut à ce que sa rémunération variable et les frais de représentation soient inclus dans le salaire déterminant sur lequel les cotisations auraient dû être prélevées et réclame, en conséquence, le prélèvement des cotisations y relatives, cotisations qui viennent, selon lui, augmenter l’avoir de vieillesse et, partant, le montant de la rente d’invalidité qui lui est due.

De leur côté, la défenderesse et l’appelée en cause ont principalement excipé de la prescription des cotisations dont le versement est réclamé par le demandeur, tout en relevant l’existence d’une convention de fin de apports de travail et un accord tacite du demandeur sur la méthode de calcul du salaire. Par ailleurs, le délai de prescription, qui est de cinq ans selon elles, a commencé à courir le 18 décembre 2015 et a expiré le 19 décembre 2020, de sorte que les prétentions du demandeur étaient prescrites au jour du dépôt des déterminations spontanées le 2 septembre 2021.

Le demandeur conteste l’acquisition de la prescription pour les motifs suivants : le délai absolu de prescription de dix ans s’applique et il n’était pas échu au jour du dépôt des déterminations spontanées le 2 septembre 2021 (ci-dessous :18.2.1) ; subsidiairement, compte tenu des infractions pénales commises, la prescription pénale plus longue s’applique et celle-ci n’était pas non plus échue (ci-dessous 18.2.2) ; la caisse a renoncé à invoquer la prescription jusqu’au 31 décembre 2020 et les déterminations spontanées, déposées le 2 septembre 2021, l’ont été en temps utiles (ci-dessous 18.2.3) ; enfin, la caisse commet un abus de droit en invoquant la prescription (ci-dessous 18.2.4).

Si la prescription est effectivement acquise, comme le prétendent la défenderesse et l’appelée en cause, aucune cotisation ne peut être prélevée sur la part variable et les frais de représentation, et il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si ces postes de la rémunération auraient dû être assurés auprès de la défenderesse.

18.2  

18.2.1 En principe, le versement de cotisations est soumis à un délai de prescription de cinq ans.

Le demandeur considère toutefois que c’est le délai absolu de dix ans prévu par l’art. 41 al. 2 LPP qui s’applique, de sorte que les cotisations dues sur la rémunération variable et les frais de représentation, et ce depuis 2010, n’étaient pas prescrites lors du dépôt de l’action le 22 décembre 2020.

Force est tout d’abord de constater que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un délai de dix ans est applicable dans les cas où l’institution de prévoyance ignorait le rapport de travail soumis à cotisations (cf. supra consid. 16.2 2e §).

Le cas d’espèce ne correspond toutefois pas à cette situation, dès lors que le rapport de travail était connu de l’institution de prévoyance, vu que des cotisations avaient été prélevées sur la part fixe et reversées à la défenderesse. Le cas d’espèce tombe en réalité sous le délai de prescription de cinq ans, applicable aux créances pour les cotisations de l’employeur ou du salarié non déduites (cf. ATF 142 V 118 consid. 6 notamment ; cf. également PETREMAND, op. cit., n° 23 ad Art. 31 et les références citées).

18.2.2 Le demandeur allègue en second lieu que c’est le délai de prescription pénale qui s’applique vu les infractions commises par la défenderesse et l’appelée en cause.

Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, l’art. 41 LPP ne réserve pas l’application de la prescription pénale plus longue. Le fait qu’un autre article de la loi, comme l’art. 35a al. 2 LPP, évoque une telle exception, n’y change rien. Dans la mesure où le législateur a prévu des règles de prescription spécifiques pour les différentes éventualités examinées (art. 35a, 41, 52 et 53 LPP), il n’y a pas de place pour une application de la prescription pénale plus longue dans le contexte de la prescription des cotisations. Par ailleurs, le fait que certaines dispositions en matière d’assurances sociales (art. 52 LAVS ou 24 al. 2 LPGA) prévoient le délai de prescription plus long du droit pénal, est dénué d’influence en matière de LPP. En effet, la LPGA n’est pas applicable dans ce dernier domaine et les autres normes susceptibles d’être citées en tant qu’elles réservent la prescription de plus longue durée du droit pénal sont des normes spéciales dont le champ d’application est limité à la loi dont elles émanent. On doit bien plutôt déduire du fait que le législateur a pris la peine de réglementer de façon complète et détaillée chacun des domaines de l’assurance sociale qu’il n’entendait pas, pour ce qui est des actions relevant de l’art. 41 LPP, introduire le délai plus long prévu par la législation pénale (voir en matière de responsabilité l’ATAS/823/2009 du 19 juin 2009 applicable par analogie).

Au demeurant, force est de constater que le demandeur ne se réfère à aucun arrêt ni aucun auteur pour étayer sa position.

La Chambre de céans relèvera encore que quoi qu’il en soit, l’accusation de détournement des retenues sur le salaire concerne les cotisations non versées à la fondation complémentaire (cf. observations du demandeur du 22 mai 2023 p. 20), laquelle n’est pas partie à la présente procédure. Cette infraction, pour autant qu’elle ait effectivement été commise, ce qui n’est pas établi, ne concerne dès lors pas le rapport de prévoyance avec la défenderesse. Ainsi, en l’absence d’infraction pouvant être reprochée à la défenderesse, aucun délai pénal n’est applicable.

18.2.3 Ensuite, pour le demandeur, la défenderesse a quoi qu’il en soit renoncé à la prescription.

Les renonciations à la prescription des 26 novembre 2018 et 10 décembre 2019 (pièces 7 et 9, déf.) ne sont toutefois d’aucune aide pour le demandeur. En effet, tout d’abord, elles ne concernent que les créances que le demandeur détiendrait à l’encontre de la défenderesse directement. Or, seule l’appelée en cause est débitrice des cotisations envers la défenderesse (art. 141 al. 2 et 3 CO applicable par analogie vu les renvois des art. 41 al. 2 et 49 al. 2 LPP ; art. 66 al. 2 LPP et art. 19 al. 3 du Règlement). Ainsi, la renonciation à la prescription convenue entre le demandeur et la défenderesse ne saurait viser des cotisations dont seule l’appelée en cause serait débitrice.

Cela étant et en tout état, par courrier du 10 décembre 2019, la défenderesse a renoncé à invoquer la prescription jusqu’au 31 décembre 2020. Par écriture du 22 décembre 2020, le demandeur a interrompu la prescription en ce qui concerne le montant de CHF 821'590.-, correspondant au plein des rentes d’invalidité qui lui reviendraient selon le Règlement. Le litige portait alors « sur la réduction des prestations opérées par la défenderesse au motif de surindemnisation en raison du cumul de ses prestations avec celles de l’assurance-invalidité, particulièrement sur le montant du revenu dont le demandeur se trouve privé en raison de son invalidité, de CHF 186'804.- (soit CHF 170'004.- de revenu plus CHF 16'800.- d’allocations familiales) retenu par la défenderesse à l’appui de son calcul » (demande en paiement du 22 décembre 2002, description du litige p. 16). A cette date, le demandeur concluait à la prise en considération de la rémunération variable dans le gain dont il se trouve privé en raison de son invalidité uniquement dans le cadre du calcul de la surindemnisation. Il n’alléguait alors nullement que sa rémunération variable et les frais de représentation auraient également dû être assurés auprès de la défenderesse et que les cotisations y afférentes auraient dues être prélevées. Il ne concluait pas non plus à une rente d’invalidité plus importante que celle qui lui était reconnue. En réalité, il contestait uniquement la réduction de la rente pour cause de surindemnisation.

Partant, si le demandeur a effectivement saisi la Chambre de céans d’une demande en paiement, pendant la validité de la dernière renonciation à la prescription, il n’a ce faisant interrompu la prescription que s’agissant du montant de la rente d’invalidité due suite au calcul de la surindemnisation mais non en ce qui concerne les cotisations qui aurait été dues sur la part variable de son salaire et les frais de représentation.

18.2.4 Enfin, le demandeur reproche à la défenderesse et à l’appelée en cause de commettre un abus de droit en invoquant la prescription.

Cette accusation est toutefois dénuée de tout fondement. En effet, pour que celle-ci puisse être retenue, le débiteur doit se prévaloir de la prescription, en amenant astucieusement le créancier à ne pas agir en temps utile, ou en adoptant, sans dol, un comportement qui donne au créancier l'assurance qu'il sera payé et l'incite donc à renoncer à entreprendre des démarches juridiques pendant le délai de prescription, étant précisé que l'inaction du créancier doit apparaître objectivement compréhensible.

Or, force est de constater que les différentes fiches de salaires remises au demandeur étaient claires : seule la part fixe était assurée auprès de la défenderesse, la part variable étant, quant à elle, assurée auprès de la fondation complémentaire, étant encore précisé que la question du bien-fondé de ce système peut en l’état rester ouverte (voir ci-dessous sous consid. 18.3). Les cotisations prélevées sur la rémunération fixe ne sont pas contestées et aucune accusation de détournement de retenues sur salaire n’a été élevée à l’encontre de l’ex-employeur en ce qui concerne les cotisations prélevées sur la part fixe, ladite accusation concernant uniquement les cotisations prélevées sur la rémunération variable, destinées à être versées à la fondation complémentaire et non à la défenderesse. Le demandeur disposait dès lors de tous les éléments lui permettant de contester cette situation dans le délai de prescription. Par ailleurs, jusqu’au 2 septembre 2021, le demandeur n’a formulé aucune critique relative à ce système, alors qu’il disposait de tous les documents (fiche de salaire, règlement de prévoyance, attestation de prévoyance, etc.).

Partant, on ne saurait accuser la défenderesse et l’appelée en cause d’abus de droit.

18.3 Il ressort donc de ce qui précède que le délai de prescription est de cinq ans et que toutes les cotisations dues antérieurement au 2 septembre 2016 sont prescrites, étant rappelé à cet égard que le demandeur a été licencié avec effet au 31 décembre 2015 et qu'aucune rémunération ne lui donc été versée par l’appelée en cause postérieurement à cette date. Aucune cotisation n’est donc devenue exigible après le 31 décembre 2015.

Ainsi, même dans l’hypothèse où la part variable et les frais de représentation auraient dû être intégrés dans le traitement cotisant au sens de l’art. 11 du Règlement, les cotisations qui auraient été dues auraient, quoi qu’il en soit, été prescrites. Dans cette mesure, elles ne pouvaient de toute manière plus être recouvrées. Partant, dans la mesure où seules les bonifications de vieillesse afférentes à une période d’assurance pendant laquelle des cotisations correspondantes ont été versées sont prises en considération, il n’y a aucune modification de l’avoir de vieillesse et partant du montant de la rente d’invalidité dans le cas particulier (cf. ATF 140 V 154 consid. 7.3).

Vu la prescription d’éventuelles cotisations dues, il n’est pas nécessaire de trancher la question de savoir si le traitement assuré comprend également la part variable du salaire du demandeur et les frais de représentation. Par ailleurs la Chambre de céans renoncera également à ordonner, par appréciation anticipée des preuves, la production des pièces requises dans le but d’établir le revenu annuel brut effectivement versé et celui qui aurait dû être versé selon les termes du contrat de travail sur toute la période d’engagement ainsi que la réalisation d’une expertise actuarielle pour reconstituer l’avoir de vieillesse, ces mesures étant superflues vu la prescription des éventuelles cotisations.

19.         En l’absence de modification de l’avoir de vieillesse et, partant, du montant de la rente d’invalidité, il y a désormais lieu d’examiner la question de la surindemnisation.

19.1  

19.1.1 Aux termes de l’art. 34a al. 1 LPP, dans sa teneur jusqu’au 31 janvier 2016, le Conseil fédéral édicte les dispositions afin d’empêcher que le cumul de prestations ne procure un avantage injustifié à l’assuré ou à ses survivants.

Sur la base de cette délégation précitée, le Conseil fédéral a édicté l’art. 24 al. 1 OPP 2. Dans sa teneur jusqu’au 31 janvier 2016, cette disposition prévoyait que :

1 L’institution de prévoyance peut réduire les prestations d’invalidité et de survivants dans la mesure où, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, elles dépassent 90 % du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé.

2 Sont considérées comme des revenus à prendre en compte les prestations d’un type et d’un but analogues qui sont accordées à l’ayant droit en raison de l’événement dommageable, telles que les rentes ou les prestations en capital prises à leur valeur de rentes provenant d’assurances sociales ou d’institutions de prévoyance suisses et étrangères, à l’exception des allocations pour impotents, des indemnités pour atteinte à l’intégrité et de toutes autres prestations semblables. Est aussi pris en compte le revenu provenant d’une activité lucrative exercée par un assuré invalide ou le revenu de remplacement ainsi que le revenu ou le revenu de remplacement que celui-ci pourrait encore raisonnablement réaliser, à l’exception du revenu supplémentaire réalisé pendant l’exécution d’une mesure de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité.

3 (…)

4 (…)

5 L’institution de prévoyance peut en tout temps réexaminer les conditions et l’étendue d’une réduction et adapter ses prestations si la situation se modifie de façon importante.

On précisera que le seuil de 90% fixé par l’art. 24 aOPP 2 a été jugé conforme au droit par le Tribunal fédéral, qui a rappelé que cette limite a été établie pour tenir compte du fait que l'assuré, après la réalisation du risque, est libéré de certaines charges sociales estimées à 10% du salaire brut (ATF 122 V 306 consid. 6b).

19.1.2 En vertu de l’art 34a al. 1 LPP, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017, l’institution de prévoyance peut réduire les prestations de survivants et d’invalidité dans la mesure où celles-ci, ajoutées à d’autres prestations d’un type et d’un but analogues ainsi qu’à d’autres revenus à prendre en compte, dépassent 90% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé.

Quant à l’art. 24 al. 1 OPP 2, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2017 également, il stipule désormais :

1 Lorsqu’elle réduit des prestations d’invalidité avant l’âge ordinaire de la retraite ou des prestations de survivants, l’institution de prévoyance peut prendre en compte les prestations et revenus suivants:

a. les prestations de survivants et d’invalidité servies à l’ayant droit par d’autres assurances sociales et institutions de prévoyance suisses et étrangères en raison de l’événement dommageable, les prestations en capital étant prises à leur valeur de rentes ;

b. les indemnités journalières servies par des assurances obligatoires;

c. les indemnités journalières servies par des assurances facultatives, lorsque ces dernières sont financées pour moitié au moins par l’employeur ;

d. lorsque l’assuré perçoit des prestations d’invalidité : le revenu provenant d’une activité lucrative ou le revenu de remplacement ainsi que le revenu ou le revenu de remplacement que l’assuré pourrait encore raisonnablement réaliser.

2 Elle ne peut pas prendre en compte les prestations et revenus suivants:

a. les allocations pour impotent, les indemnités pour atteinte à l’intégrité, les indemnités uniques, les contributions d’assistance et autres prestations similaires;

b. le revenu supplémentaire réalisé pendant l’exécution d’une mesure de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité.

3 (…)

4 (…)

5 L’institution de prévoyance peut en tout temps réexaminer les conditions et l’étendue d’une réduction et adapter ses prestations si la situation se modifie de façon importante.

6 Le revenu dont on peut présumer que l’assuré est privé correspond au revenu provenant d’une activité lucrative ou au revenu de remplacement que l’assuré percevrait si l’événement dommageable n’était pas survenu.

19.1.3 Sur le plan matériel, sont en principe applicables les règles de droit en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 129 V 1 consid. 1.2; ATF 127 V 466 consid. 1 et les références). Partant, la situation du demandeur doit être examinée à l’aune des dispositions en vigueur en 2016, année pour laquelle l’existence d’une surindemnisation doit être examinée pour la première fois.

Par ailleurs, le moment où le droit à une rente d'invalidité de la prévoyance professionnelle a pris naissance et à partir duquel l’institution LPP entend refuser, respectivement demander la restitution des prestations pour cause de surindemnisation est déterminant pour fixer le gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé (ATF 123 V 193 consid. 5 et 5b ; arrêt du Tribunal fédéral B 164/06 du 19 décembre 2007 consid. 3.3).

19.2 Il y a avantage injustifié – ou surindemnisation – lorsque la survenance de l’évènement assuré profite économiquement à l’assuré en le plaçant dans une position plus intéressante que si cet événement n’avait pas eu lieu du point de vue financier (HÜRZELER in Commentaire LPP et LFLP, 2020 n° 2 ad art. 34a LPP).

En définissant comme revenus à prendre en compte les prestations d’un type et d’un but analogues accordées à l’ayant droit en raison de l’événement dommageable, l’art. 24 aOPP 2 concrétise le principe de la concordance du point de vue objectif, personnel et événementiel. Le principe de la concordance objective implique que seules les prestations ayant pour fonction de couvrir le même dommage individuel peuvent conduire à une surindemnisation. Il y a concordance événementielle lorsque les événements à la base des prestations coïncident (HÜRZELER, op. cit., n. 23 ad art. 34a LPP).

Ainsi, selon le principe de la concordance consacré à l’art. 24 al. 2 aOPP 2, les prestations entrant en ligne de compte dans le calcul de la surindemnisation doivent remplir la même fonction (ATF 126 V 468 consid. 6a). La concordance constitue une condition supplémentaire et distincte, qui limite les revenus à prendre en considération dans le calcul de surindemnisation de l'art. 24 aOPP 2 (ATF 135 V 33 consid. 5.4.2.1). A titre d’exemples, la rente d'invalidité viagère de la prévoyance professionnelle et la rente de vieillesse du premier pilier ne sauraient être coordonnées, dès lors qu’elles ne se rapportent pas au même événement et que la rente de vieillesse est servie en raison de l’âge et non de l’invalidité (ATF 135 V 29 consid. 4.1). La concordance a également pour effet que la part de la rente servie par l'assurance-invalidité servant à indemniser une invalidité en raison de l'incapacité d'accomplir des travaux habituels ne doit pas être prise en considération dans le calcul de la surindemnisation (ATF 124 V 279 consid. 2a). Le Tribunal fédéral a également retenu, en application du principe de la concordance événementielle, que l’institution de prévoyance n’était pas fondée à tenir compte dans le calcul de la surindemnisation d’une augmentation de la rente de l’assurance-invalidité résultant d’une aggravation de l’état de santé consécutive à plusieurs infarctus, survenus alors que l’assuré n’était plus assuré par cette institution (ATF 142 V 75 consid. 6.4).

19.3  

19.3.1 Selon la jurisprudence, le gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé au sens de l’art. 24 al. 1 aOPP 2 (ou de l'art. 34a al. 1 LPP dans sa teneur depuis le 1er janvier 2017) est le salaire hypothétique que l'assuré réaliserait sans invalidité (si le cas de prévoyance ne s'était pas produit) au moment où se pose la question de la réduction des prestations LPP. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance du cas de prévoyance (ATF 122 V 151 consid. 3c; 122 V 316 consid. 2a; cf. également HÜRZELER, op. cit., 2020, no 18 ad art. 34a LPP; arrêt du Tribunal fédéral 9C_853/2018 du 27 mai 2019 consid. 3.3.1 et les références). Par ailleurs, il existe entre les premier et deuxième piliers (assurance-invalidité et prévoyance professionnelle) un lien qui permet d'assurer, d'une part, une coordination matérielle étendue entre ces deux piliers et de libérer, d'autre part, les caisses de pension chargées de mettre en application la LPP obligatoire de démarches importantes et coûteuses concernant les conditions, l'étendue et le début du droit aux prestations d'invalidité du deuxième pilier (cf., p. ex., ATF 140 V 399 consid. 5.2.1; 134 V 64 consid. 4.1.3). Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a établi une correspondance ou une équivalence de principe (« Kongruenz » ou « Grundsatz der Kongruenz ») entre, d'une part, le revenu sans invalidité et le revenu dont on peut présumer que l'intéressé est privé (prévu par l'art. 34a al. 1 LPP) et, d'autre part, le revenu d'invalide et le revenu que l'assuré pourrait encore raisonnablement réaliser (prévu par l'art. 24 al. 1 let. d OPP 2). Les revenus déterminants pour l'assurance-invalidité doivent être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation de la prévoyance professionnelle. La correspondance ou l'équivalence entre ces revenus doit cependant être comprise dans le sens d'une présomption (ATF 144 V 166 consid. 3.2.2; 143 V 91 consid. 3.2 et les références) qui, par définition, peut être renversée selon les circonstances (arrêt du Tribunal fédéral 9C_853/2018 précité consid. 3.3.1 et la référence). En tous les cas, il faut tenir compte de la totalité du gain dont on peut présumer que l'assuré est privé, qu'il s'agisse d'un revenu assuré ou non (ATF 126 V 93 ; voir également l’arrêt 9C_104/2016 du 4 mars 2016 consid. 3.2).

19.3.2 Il convient par ailleurs de tenir compte des conditions spécifiques et des chances réelles de la personne assurée sur le marché du travail concerné. En partant du dernier gain réalisé avant la survenance de l'atteinte à la santé ayant des répercussions sur la capacité de travail, il faut tenir compte de toutes les modifications ayant une incidence sur le revenu (renchérissement, augmentation du salaire réel, évolution de la carrière, etc.) qui, sans l'invalidité, se seraient probablement produites de manière prépondérante (ATF 137 V 20 consid. 5.2.3.1 ; voir également arrêt du Tribunal fédéral 9C_434/2012 du 11 octobre 2012 consid. 2.1).

Selon la doctrine, le salaire réel progresse généralement de 1 à 2% annuellement jusqu’à la retraite. S’y ajoute une progression individuelle jusqu’à l’âge de 50 ans, car l’expérience générale de la vie a prouvé que le revenu augmente avec l’âge, respectivement avec les années de service (HÜRZELER, op. cit., n° 29 ad Art. 34a).

La présomption d'une évolution du revenu plus que proportionnelle (soit supérieure à l'évolution des salaires et des prix) doit se fonder sur des circonstances concrètes ayant débuté avant la survenance de l'événement assuré (ATF 144 V 91 consid. 3.2 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_714/2013 du 12 juin 2014 consid. 2.3). Il doit exister des indices concrets de la progression professionnelle alléguée, par exemple si l'employeur l'a concrètement envisagée ou même assurée (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 21/04 du 29 novembre 2004 consid. 3.2 ; voir ans le même sens STAUFFER, Berufliche Vorsorge, 2ème éd. 2012, p. 356, n. 375). De simples déclarations d'intention de la personne assurée concernant son avenir professionnel ne suffisent pas pour qu'une telle évolution soit considérée comme vraisemblable de manière prépondérante. Il faut au contraire que l'intention de progresser professionnellement ait déjà été manifestée par des démarches concrètes, telles que la fréquentation de cours, le début d'études, le passage d'examens, etc. (arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 473/06 du 2 novembre 2007 consid. 3.1).

Il n’en va différemment que si l'augmentation du revenu, de par la nature du motif qui la sous-tend, n’a pu se produire qu'après l'événement assuré (ATF 144 V 91 consid. 3.2 ; voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_714/2013 du 12 juin 2014 consid. 2.3). Cette situation pourrait se présenter par l'achèvement d'une formation concrètement envisagée ou déjà entamée ou encore par une récompense salariale en raison d’un statut d’ancienneté atteint ultérieurement au sein d’une entreprise ou d’une expérience professionnelle acquise progressivement (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 70/01 du 25 octobre 2002 consid. 3.2). Cependant, le jeune âge de l’assuré au moment de l’atteinte à la santé ou de bons certificats de travail ne constituent pas des indices clairs laissant supposer que l’assuré aurait profité d’une progression professionnelle à laquelle auraient été associées de meilleures conditions de rémunération (arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 70/01 du 25 octobre 2002 consid. 3.5).

Le gain dont on peut présumer que la personne assurée est privée en raison du cas de prévoyance comprend l’ensemble de son revenu, soit outre le revenu de l’activité assurée, d’éventuels revenus accessoires provenant d’une activité lucrative indépendante ou salariée, qu’il s’agisse de revenus assurés ou non (Hürzeler/Brühwiler, Obligatorische berufliche Vorsorge, in SBVR, 2016, n° 193.

19.4 Dans le cadre de l'art. 24 al. 1 aOPP 2, les allocations familiales sont ajoutées au gain annuel dont on peut présumer que l'intéressé est privé (arrêt du Tribunal fédéral 9C_753/2009 du 27 janvier 2010 consid 5.1 et arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 60/03 du 16 décembre 2003, consid. 2.2 non publié aux ATF  130 V 78). 

19.5 En revanche, les indemnités de frais ne constituent pas un revenu et ne font, dès lors, pas partie du gain présumé perdu (HÜRZELER, op. cit., n° 22 ad Art. 34a).

19.5.1 Aux termes de l'art. 327a al. 1 CO, l'employeur rembourse au travailleur tous les frais imposés par l'exécution du travail et, lorsque le travailleur est occupé en dehors de son lieu de travail, les dépenses nécessaires pour son entretien. Un accord écrit, un contrat-type de travail ou une convention collective peut prévoir que les frais engagés par le travailleur lui seront remboursés sous forme d'une indemnité fixe, telle qu'une indemnité journalière ou une indemnité hebdomadaire ou mensuelle forfaitaire, à la condition qu'elle couvre tous les frais nécessaires (art. 327a al. 2 CO).

Il s'agit de toutes les dépenses nécessaires encourues pour l'exécution du travail : frais postaux, frais de téléphone, frais de déplacement ou vêtements professionnels spéciaux (Wyler/Heinzer, op. cit., p. 298). Le remboursement a lieu sur la base d'un décompte établi par le travailleur (cf. art. 327c al. 1 CO).

Les indemnités mensuelles (indemnités de repas, frais de représentation, supplément pour nettoyage des vêtements de travail) ne sont pas versées pendant les périodes d'incapacité de travail ou pendant les périodes où le travailleur est libéré de l'obligation de travailler. Dans un arrêt du 13 juillet 2018, la Cour de Justice, Chambre des prud’hommes a fait sien l'avis de la doctrine qui retient que le travailleur n'a pas droit à ces indemnités dans le cadre de l'art. 324 CO, dans la mesure où elles couvrent des frais directement liés à l'exécution du travail et qui sont épargnés en cas de demeure de l'employeur (CAPH/99/2018 du 13 juillet 2018, consid. 8.1.2 et les références).

19.5.2 Selon l’Information N° 6/2005, intitulée Frais de représentation des employés dans le cadre de leur activité professionnelle et prise en charge par leur employeur, établie par l’administration fiscale cantonale de Genève, les frais engagés par un employé dans le cadre de son activité professionnelle sont remboursés par son employeur selon les contraintes et modalités prévues par les dispositions de l'art. 327a du Code des obligations (CO). Sur le plan fiscal, le remboursement de ces frais ne saurait, dès lors qu'ils sont effectifs, être imposé dans le chef de l'employé puisqu'ils ne constituent pas un réel revenu. Si ce remboursement de frais effectifs devait être intégré dans les revenus bruts du travail de l'employé, une déduction correspondante devrait être admise pour la détermination du revenu imposable, à titre de frais d'acquisition du revenu. Au rang de ces frais figurent les frais de représentation qui, par analogie à ce que prévoit l'art. 327a du CO, peuvent être pris en charge, respectivement calculés, de manière forfaitaire. Ce calcul forfaitaire est relayé, au plan fiscal, par une pratique administrative que la présente Information a pour but d'actualiser et de recentrer. Il est admis que les frais effectifs de représentation, engagés par les employés qui exercent un fort devoir de représentation, puissent être pris en charge de manière forfaitaire par l'entreprise qui les emploie. Sur la base des données statistiques disponibles, l'administration admet qu'un fort devoir de représentation peut être reconnu dès que le salaire brut total atteint ou dépasse CHF 150'000 par année pour un degré d'occupation de 100%.

19.6 Les revenus à prendre en compte sont énumérés de manière exhaustive à l’art. 24 a OPP 2, à tout le moins pour le domaine obligatoire. Cette disposition n’autorise la réduction des prestations de prévoyance qu’en cas de concours avec celle d’une assurance sociale (ATF 128 V 243 consid. 3b et les références citées). Ainsi, des prestations d’une assurance privée ne peuvent être prises en considération, pas plus que les prestations d’une institution surobligatoire, telle qu’une assurance de cadre ou une organisation de bienfaisance patronale. Les prestations obligatoires de la LPP sont prioritaires par rapport à celles de l’assurance surobligatoire (STAUFFER op. cit., n. 1034 p. 379). Les prestations d’une assurance individuelle ne peuvent pas non plus être intégrées dans le calcul, sous peine de porter atteinte à la prévoyance individuelle dont la liberté doit être garantie (VETTER-SCHREIBER, Kommentar zur beruflichen Vorsorge 3ème éd. 2013, n. 39 ad art. 24 OPP 2).

19.7 En vertu de l’art. 24 al. 5 OPP 2, l’institution de prévoyance peut, en tout temps, réexaminer les conditions et l’étendue d’une réduction et adapter ses prestations si la situation se modifie de façon importante.

Est considéré comme un changement important de la situation une adaptation de la prestation d’au moins 10% en faveur ou au détriment du bénéficiaire de la rente (ATF 125 V 163 consid. 3b ; ATF 123 V 193 consid. 5d). Si cette condition est remplie, l’institution de prévoyance est tenue de recalculer la pension d’invalidité. Malgré la lettre de l’art. 24 al. 5 OPP 2, l’adaptation des prestations n’est pas
laissée à la libre appréciation de l’institution de prévoyance (ATF 125 V 163). Les circonstances pouvant conduire à une modification importante de la situation sont multiples ; il s’agit de prendre en compte tous les facteurs pouvant avoir une influence sur le calcul de surindemnisation. Hormis l’adaptation du gain présumé perdu au renchérissement et à l’évolution des salaires réels, peuvent notamment entrer en ligne de compte une modification ayant trait à l’activité hypothétique
de l’assuré (cf. ATF 129 V 150), l’adaptation au renchérissement des prestations versées par d’autres assurances (arrêt du Tribunal des assurances B 21/99 du 24 janvier 2000), la conversion d’une rente d’invalidité de l’assurance-invalidité en indemnités journalières ou la suppression de rentes pour enfant (HÜRZELER, op.cit., n° 79 ad Art. 34a). Lorsqu’un seul facteur de calcul subit une modification importante, à savoir qu’il entraîne une adaptation d’au moins 10% des prestations, l’institution de prévoyance examine en fait et en droit, sous tous ses aspects et sans être liée par les facteurs déterminés antérieurement, si et dans quelle mesure il y a surindemnisation (ATF 143 V 91 consid. 4.2).

19.8  

19.8.1 La réglementation de l’art. 24 OPP 2, y compris dans sa teneur antérieure au 1er janvier 2017, ne vaut que pour les prestations de la prévoyance professionnelle obligatoire ; pour ce qui est de la prévoyance étendue, les institutions de prévoyance restent libres de régler différemment la coordination avec d’autres assurances sociales (art. 49 al. 2 LPP ; ATF 122 V 151 consid. 3d ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_381/2010 du 20 décembre 2010, consid. 6), pour autant qu’elles respectent certains principes, notamment celui de la concordance des droits (ATF 129 V 150 consid. 2.2). Les institutions de prévoyance sont libres de reprendre les dispositions de la loi ou de l’ordonnance ou, sous respect des exigences constitutionnelles minimales, de prévoir d’autres solutions, en particulier une autre limite de surindemnisation (par ex. 100% du gain annuel dont on peut présumer que l’intéressé est privé ; HÜRZELER, op. cit., n° 10 ad art. 34a LPP; cf. ég. STAUFFER, op. cit., p. 356, n. 971).

19.8.2 La défenderesse a prévu une règle similaire à l’art. 23 de son Règlement, tout en relevant le seuil de la surindemnisation à 100% du gain dont l’assuré est privé. La teneur de cette disposition est la suivante :

1. La Caisse réduit les prestations d’invalidité et de survivants déterminées selon le présent règlement dans la mesure où, ajoutées à d’autres revenus à prendre en compte, elles dépassent le 100% du traitement annuel brut que réaliserait l’assuré s’il était resté en activité, augmenté des éventuelles allocations familiales, sous réserve de l’article 35 alinéa 2 (…).

2. Les prestations de tiers prises en compte sont :

a. les prestations de l’AVS et de l’AI ;

b. les prestations de l’assurance-accidents ;

c. les prestations de l’assurance militaire ;

d. les prestations de toute institution d’assurance ou de prévoyance qui ont été financées en tout ou partie par l’Employeur ;

e. les prestations provenant d’assurances sociales étrangères ;

f. les prestations d’institutions de libre passage et de l’institution supplétive ;

g. les revenus qu’un invalide total ou partiel retire de l’exercice d’une activité lucrative ou qu’il pourrait encore réaliser dans le cadre d’une activité lucrative raisonnablement exigible, à l’exception du revenu supplémentaire réalisé pendant ‘exécution d’une nouvelle réadaptation de l’AI.

3. (…)

4. (…)

5. (…)

6. Pour le calcul de la surassurance, les prestations en capital versées par des tiers sont transformées en rentes selon les bases techniques de la Caisse.

7.. Si les prestations de la Caisse sont réduites, elles le sont toutes dans la même proportion.

8. (…)

9. (…)

20.          

20.1 En l’espèce, le demandeur conteste tout d’abord le montant du gain présumé perdu retenu par la défenderesse, considérant que celui-ci devrait également inclure la part variable de son revenu.

20.1.1 L’art. 23 comporte les termes « traitement annuel brut que réaliserait l’assuré s’il était resté en activité ». Cette disposition n’exclut ainsi pas expressément la rémunération variable du gain présumé perdu et elle ne limite pas non plus le gain présumé à la seule rémunération fixe. En réalité, les notions de « traitement annuel » de l’art. 23 al. 1 du Règlement et de « gain annuel » des art. 24 aOPP2 et 34a LPP se superposent, les deux termes étant synonymes de rémunération ou de salaire. Dans de telles circonstances, ce sont donc les principes en matière de prévoyance professionnelle obligatoire qui doivent être appliqués.

Or, dans le domaine de la prévoyance obligatoire, le revenu dont on peut présumer que l’assuré est privé correspond au revenu hypothétique que la personne assurée aurait perçu si le cas de prévoyance ne s’était pas produit, au moment où la question de la réduction se pose (ATF 122 V 151 consid. 3c). C’est par ailleurs la totalité du gain dont on peut présumer que l'assuré est privé, qu'il s'agisse d'un revenu assuré ou non, dont il faut tenir compte (ATF 126 V 93, voir également l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_104/2016 du 4 mars 2016 consid. 3.2).

La part variable, assurée auprès de la fondation complémentaire, doit donc également être prise en considération dans le gain présumé perdu.

20.1.2 La défenderesse conteste ce qui précède, au motif que ladite part variable est déjà assurée auprès de la fondation complémentaire, de sorte que la jurisprudence fédérale précitée ne trouve pas application (réponse du 11 mars 2021 p. 19 et 20).

Force est toutefois de constater que, comme l’a relevé la défenderesse elle-même, [l'appelée en cause] a mis en place un système de prévoyance global en faveur de son personnel, avec une coordination entre la caisse et la fondation complémentaire, par le biais notamment des principes suivants :

-          Les prescriptions réglementaires de la défenderesse s’appliquent par analogie à la fondation complémentaire en cas de lacune (cf. art. 2 du règlement de la fondation) ;

-          Seules les personnes déjà affiliées à la défenderesse peuvent être assurées auprès de la fondation complémentaire (cf. art. 5 al. 1 du règlement de la fondation) ;

-          L’avoir de retraite constitué auprès de la défenderesse doit avoir atteint le montant maximum pour que l’assuré puisse procéder à des rachats dans la fondation complémentaire (art. 13 al. 2 du règlement de prévoyance) ;

-          Le règlement de la fondation complémentaire ne contient aucune disposition régissant la surindemnisation des prestations, au contraire de la défenderesse.

Partant, au vu du système global mis en place par [l'appelée en cause], voulant une coordination entre la prévoyance proposée par la défenderesse et celle proposée par la fondation complémentaire, la notion de traitement annuel brut que réaliserait l’assuré s’il était resté en activité inclut de toute évidence non seulement le revenu fixe mais également le revenu variable, les prestations versées par la fondation complémentaire étant en théorie prises en considération dans le calcul de la surindemnisation conformément à l’art. 23 al. 2 let. d (rente) et al. 6 (capital) du Règlement de la défenderesse.

L’argument de la défenderesse selon lequel la part variable était déjà assurée auprès de la fondation complémentaire tombe par conséquent à faux, étant précisé encore que la question de l’assurance de la part variable auprès de la défenderesse n’a pas à être tranchée par la Chambre de céans dans la présente procédure vu la prescription des cotisations (cf. supra consid. 18.2) et qu’aucune disposition légale n’interdit la double assurance dans le domaine de la prévoyance plus étendue (arrêt du Tribunal fédéral 9C_359/2008 du 19 décembre 2008 consid. 6).

20.1.3 Il ressort ainsi de ce qui précède que la part variable fait partie du gain présumé perdu, alors même qu’elle est assurée auprès de la fondation complémentaire et qu'aucune cotisation n’a été prélevée sur elle.

20.2 Le demandeur conclut ensuite à la prise en considération d’une progression salariale plus conséquente, dépassant l’évolution du renchérissement et l’évolution des salaires réels. A l’appui de cela, il invoque notamment le fait qu’il a suivi plusieurs formations, lesquelles auraient dû mener à une promotion et par conséquent à une rémunération plus importante. Pour étayer sa position, il a dans un premier temps sollicité, d’une part, la production de toutes les évaluations annuelles de ses performances ainsi que des pièces anonymisées attestant de la rémunération totale de ses cadres avec le grade de sous-directeur, directeur adjoint et directeur, de 2013 à 2019, en rapport avec leur âge, leur degré de formation et leur ancienneté et, d’autre part, la réalisation d’une expertise visant à déterminer l’évolution probable de son revenu s’il n’avait pas été atteint dans sa santé (cf. demande en paiement du 22 décembre 2020). Dans un deuxième temps, le demandeur a produit une expertise de la société H______, dont il ressort, selon lui, qu’il aurait perçu un revenu compris entre CHF 450'000.- et CHF 500'000.- dans les années suivant la survenance de son atteinte à la santé (cf. réplique du 18 mai 2021). Le demandeur a encore augmenté ce montant dans ses observations du 22 mai 2023.

A titre liminaire, la Chambre de céans relève que toute personne assurée - confrontée à la coordination des prestations - a un intérêt à faire valoir des circonstances dont on peut déduire un revenu annuel présumé perdu plus élevé. Cependant, l'hypothèse d'une évolution du salaire plus conséquente que celle du salaire assuré (i.e. dépassant l’évolution du renchérissement et l’évolution des salaires réels) doit pouvoir s’appuyer sur des circonstances concrètes ayant débuté avant la survenance de l’événement assuré. Il n'en va autrement que pour les augmentations de revenu qui, de par la nature du motif qui les sous-tend, ne pouvaient pas se produire avant l'événement assuré, par exemple l'achèvement d'une formation concrètement envisagée ou déjà entamée, une longue appartenance à une entreprise qui n'apparaît qu'ultérieurement au fil du temps, une expérience professionnelle à acquérir progressivement et qui est récompensée de manière supplémentaire (arrêt du Tribunal fédéral B 70/01 du 25 octobre 2002 consid. 3.2 ; voir également HÜRZELER, op. cit., n° 29 ad Art. 34a LPP).

Dans le cas d’espèce, les compétences et la formation du demandeur ne sont aucunement remises en question. La seule question qui se pose est celle de savoir si, en date du 1er mai 2016, date à laquelle débute le versement des rentes d’invalidité et à laquelle la question de la surindemnisation se pose pour la première fois, le demandeur aurait perçu, suite à une promotion dont il aurait bénéficié s’il n’était pas invalide, un revenu supérieur à celui retenu par la défenderesse.

Or, le dossier soumis à la Chambre de céans ne comporte aucun document dont il ressort que l’ex-employeur entendait octroyer une promotion au demandeur ni que celle-ci, si elle avait existé (ce qui n'est pas établi), aurait entraîné une augmentation de la rémunération comme celle alléguée par celui-ci. En particulier, le contrat de travail et à ses avenants sont muets sur ce point. Certes, l’ex-employeur a établi des lettres de recommandation en lien avec la formation envisagée, portant sur les compétences du demandeur. De tels documents, qui se rapprochent plus de certificats de travail, ne constituent toutefois pas des indices clairs laissant supposer que l’assuré aurait profité d’une progression professionnelle à laquelle auraient été associées de meilleures conditions de rémunération. Le jeune âge du demandeur ne constitue pas non plus un tel indice (cf. arrêt du Tribunal fédéral des assurances B 70/01 du 25 octobre 2002 consid. 3.5).

Par ailleurs, en comparant l’évolution des salaires des employés, avec le grade de sous-directeur, présents entre 2013 et 2016, on constate en moyenne une diminution du salaire entre 2013, dernière année avant que les atteintes à la santé du demandeur ne l’aient impacté de manière significative, et 2016, année du calcul de la surindemnisation :

 

No employé

2013

2016

Evolution

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Evolution moyenne

 

-4'022

L’audition de témoins et des parties n’a pas apporté d’autres éléments. En effet, de l’aveu même du demandeur, il n’a jamais reçu d’assurance, quelle qu’elle soit, quant à une éventuelle augmentation de sa rémunération (cf. procès-verbal de comparution personnelle des parties du 4 avril 2023, p. 3). Certes, le demandeur avait un potentiel d’augmentation. Toutefois, une éventuelle augmentation dépendait des résultats obtenus (performances) et du parcours professionnel. De plus, cette manière de faire était identique pour tous les employés de l’appelée en cause (cf. procès-verbal de l’audition de Monsieur F______ du 4 avril 2023 p. 2 ; procès-verbal de l’audition de Monsieur G______ du 4 avril 2023 également, p. 2).

En tout état, en date du 1er mai 2016, date à laquelle la question de la surindemnisation se pose pour la première fois, il n’est pas établi que la formation du demandeur aurait été terminée. En effet, ladite formation avait commencé, en présentiel, en septembre 2013 et devait durer trois ans selon le demandeur (cf. procès-verbal de comparution personnelle du 4 avril 2023, p. 2).

Par ailleurs, comme le soulève à juste titre la défenderesse, l’existence d’un potentiel de croissance ou d’augmentation de la rémunération ne s’apparente pas à des perspectives concrètes de progression salariale et encore moins à des garanties d’une telle progression à l’avenir.

En d’autres termes, le dossier soumis à la Chambre de céans ne permet pas de considérer que le gain présumé réalisé en 2016, date à laquelle il convient d’examiner la surindemnisation pour la première fois, aurait été supérieur à celui réalisé en 2013, dernière année avant que les problèmes de santé n’impactent le demandeur.

Partant, aucun élément ne permet de s’écarter du salaire fixe et variable réalisé par le demandeur en 2013.

Concernant les demandes de production de pièces, la Chambre de céans constate qu’aucun élément du dossier ne permet de retenir que le demandeur aurait bénéficié d’une promotion à laquelle aurait été associée une rémunération plus importante. Partant, en l’absence de tout élément suggérant un tel événement, il s’avère inutile, par appréciation anticipée des preuves, d’ordonner une expertise visant à déterminer l’évolution probable du revenu du demandeur s’il n’avait pas été atteint dans sa santé. Par ailleurs, dans la mesure où le demandeur occupait le poste de sous-directeur (voir pièce 16, dem.), il n’est pas utile de connaître les salaires des autres cadres, ceux des sous-directeurs de l’entreprise ayant déjà été produits.

20.3 Enfin, le demandeur conclut à ce que les frais de représentation soient pris en considération dans le gain annuel retenu dès lors qu’ils constituent, selon lui, un salaire caché. De son côté, l’appelée en cause a expliqué s’être acquittée des frais de représentation de manière forfaitaire, comme le permet l’administration fiscale pour les salaires de plus de CHF 150'000.- par année. En tout état, le demandeur n’a jamais contesté cette manière de procéder.

Préalablement, la Chambre de céans rappelle que le Tribunal fédéral a eu l’occasion de relever que le simple fait que l'employée ait reçu, pendant plusieurs années, un salaire inférieur à celui convenu entre les parties n'implique en soi aucune acceptation tacite du tarif réduit. En effet, il n'est pas rare qu'un employé, durant le rapport de travail, répugne à faire valoir l'intégralité de ses prétentions par crainte de perdre son poste. Il a ainsi été jugé que le simple écoulement du temps pendant le délai de prescription ne peut être interprété ni comme une renonciation à la prétention, ni comme son exercice abusif. Qu'un travailleur ne fasse pas valoir sa prétention durant le rapport de travail ne permet pas de déduire, pour les mêmes raisons, que cette prétention n'existe pas (arrêts du Tribunal fédéral 4A_477/2013 du 28 janvier 2014 et 4A_452/2012 du 3 décembre 2012 consid. 2.3).

Dans ces circonstances, on ne saurait donc déduire de l’attitude du demandeur, qui n'a pas contesté ses certificats de salaire ou de prévoyance avant ses déterminations spontanées du 2 septembre 2021, qu'il aurait accepté, par actes concluants, le montant du salaire assuré. Le simple fait que le demandeur ait toléré durant une longue période que le salaire qui lui était effectivement versé (soit y compris le revenu variable dépendant de ses performances) ne fût pas entièrement assuré ne permet pas de conclure qu'il aurait expressément consenti à cette situation.

C’est également le lieu de préciser que pour le Tribunal fédéral, la qualification fiscale de versements en tant que frais de représentation ou salaire, dans un cas particulier, n'est pas contraignante en matière de prévoyance professionnelle. S’il faut s'efforcer de faire concorder les principes applicables dans le domaine de la prévoyance professionnelle avec le droit fiscal, il convient de garder à l’esprit que le travailleur a intérêt à obtenir des frais de représentation aussi bas que possible dans le cadre de la prévoyance professionnelle, mais plus élevés dans le cadre du droit fiscal (cf. arrêt du Tribunal fédéral 9C_1043/2010 du 26 avril 2011, consid. 3.3).

Cela étant précisé, force est de constater que le demandeur a expliqué ne jamais avoir encourus de frais de représentation effectifs, n’ayant jamais rencontré de clients (cf. procès-verbal de l’audience de comparution personnelle des parties du 4 avril 2023). De plus, les fiches de salaire établies pendant la période d’incapacité de travail du demandeur, soit entre octobre 2013 et décembre 2015, font état de frais de représentation. Dans ces circonstances, il est permis de douter du fait que les montants versés à titre de frais de représentation avaient effectivement pour but de dédommager le demandeur pour des frais professionnels encourus, dès lors que pendant cette période, le demandeur était totalement incapable de travailler et que, partant, par définition, il ne pouvait pas encourir de tels frais.

Partant, les frais de représentation doivent être considérés comme un revenu et ajoutés au gain présumé perdu et ce même si le demandeur n’a jamais contesté le procédé de l’appelée en cause, qui était en sa faveur sur le plan fiscal.

21.         Les parties s’opposent enfin sur la question de la prise en considération, dans le calcul de la surindemnisation, de la rente annuelle de CHF 100'000.- versée par la fondation complémentaire. Pour le demandeur, cette rente ne doit pas être prise en considération pour deux motifs. Tout d’abord, il s’agit d’une assurance de somme qui n’est soumise à aucune réduction (réplique du 18 mai 2021, p. 21). En outre, il a intégralement financé ses avoirs de prévoyance auprès de la fondation complémentaire, qui ne peut dès lors être considérée comme une institution de prévoyance faute d’avoir été financée paritairement par l’ex-employeur et les employés, conformément à l’art. 331 al. 3 CO. Pour le demandeur, il s’agit donc d’une forme de prévoyance sui generis, non prévue par la loi, dont la qualification juridique reste à déterminer et dont les prestations émanent d’une fondation au sens des art. 80 et ss CO et non d’une fondation de prévoyance au sens de la loi (déterminations spontanées du 2 septembre 2021).

Pour l’appelée en cause, elle a versé elle-même à la fondation complémentaire la part employeur des cotisations sociales dues sur la rémunération variable du demandeur (observations du 26 juin 2023 p. 10ss).

Enfin, pour la défenderesse, dans l’hypothèse où la part variable de la rémunération devait être incluse dans le gain présumé perdu, la rente et le capital, transformé en rente, versés par la fondation complémentaire (cf. supra En Fait, A.e.) devaient être pris en considération à titre de surindemnisation (observations du 23 juin 2023 p. 21).

22.          

22.1 A teneur de l’art. 24 aOPP2, sont considérées comme des revenus à prendre en compte les prestations d’un type et d’un but analogues qui sont accordées à l’ayant droit en raison de l’événement dommageable, telles que notamment les rentes ou les prestations en capital prises à leur valeur de rentes provenant d’institutions de prévoyance suisses et étrangères.

Quant au Règlement de la défenderesse, il prévoit que les prestations de toute institution de prévoyance qui ont été financées en tout ou partie par l’Employeur doivent être prises en considération dans le calcul de la surindemnisation (art. 23 al. 2 let. d).

22.2  

22.2.1 Tout employeur occupant des salariés soumis à l’assurance obligatoire doit être affilié à une institution de prévoyance inscrite dans le registre de la prévoyance professionnelle (art. 11 al. 2 LPP). Selon l’art. 48 LPP, les institutions de prévoyance qui entendent participer à l’application du régime de l’assurance obligatoire se feront inscrire dans le registre de la prévoyance professionnelle auprès de l’autorité de surveillance dont elles relèvent (al. 1). Les institutions de prévoyance enregistrées doivent revêtir la forme d’une fondation ou être une institution de droit public dotée de la personnalité juridique (…) (al. 2). A teneur de l’art. 66 al. 1 LPP, l’institution de prévoyance fixe dans ses dispositions réglementaires le montant des cotisations de l’employeur et de celles des salariés. La somme des cotisations (contribution) de l’employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations de tous les salariés. La contribution de l’employeur ne peut être fixée plus haut qu’avec son assentiment.

S’agissant de la prévoyance surobligatoire, l’art. 331 CO prévoit que si l’employeur effectue des prestations dans un but de prévoyance ou si les travailleurs versent des contributions à cette fin, l’employeur doit transférer ces prestations et contributions à une fondation, à une société coopérative ou à une institution de droit public (al. 1). Lorsqu’il incombe au travailleur de verser des cotisations à une institution de prévoyance, l’employeur est tenu de verser en même temps une contribution au moins égale à la somme des cotisations de tous les travailleurs; il financera sa contribution par ses moyens propres ou à l’aide de réserves de cotisations de l’institution de prévoyance; ces réserves doivent avoir été accumulées préalablement dans ce but par l’employeur et être comptabilisées séparément. L’employeur doit transférer à l’institution de prévoyance le montant de la cotisation déduite du salaire du travailleur en même temps que sa propre contribution, au plus tard à la fin du premier mois suivant l’année civile ou l’année d’assurance pour lesquelles les cotisations sont dues (al. 2).

22.2.2 Les articles 66 al. 1 LPP et 331 al. 3 CO fixent le principe de la parité des cotisations dans les domaines respectivement obligatoire et surobligatoire. Ces deux dispositions n'exigent toutefois qu'une parité collective ou relative et non une parité individuelle : la somme des cotisations de l'employeur doit être au moins égale à la somme des cotisations des salariés. Cela n'exclut cependant pas que certains salariés aient à payer davantage que les autres, voire même plus que ce que l'employeur verse pour eux personnellement, notamment s'ils occasionnent un travail administratif tout particulier, par exemple pour le versement anticipé ou la mise en gage de moyens de prévoyance tendant à l'acquisition de la propriété du logement (ATF 124 II 570 consid. 2).

23.          

23.1 En l’espèce, il ressort du règlement de la fondation complémentaire que celle-ci n’assure que des prestations surobligatoires (art. 3 al. 1) pour les cadres (art. 5. al. 1). Le montant de la rente d’invalidité dépend d’une part du titre de l’assuré (directeur, directeur-adjoint, sous-directeur, fondé de procuration, mandataire et autre bénéficiaire) et, d’autre part, du taux d’activité (art. 17 al. 2). Pour un sous-directeur avec un taux d’activité de 100%, la rente annuelle s’élève à CHF 100'000.-.

23.2 De toute évidence, une institution qui n’assure que des prestations surobligatoires, sur la base d’un rapport contractuel de droit privé uniquement, ne saurait être qualifiée d’assurance sociale. S’ajoute en outre le fait que dans le cas d’espèce, il s’agit là d’une assurance de cadres, laquelle n’est pas prise en considération dans le cadre de la surindemnisation dans le domaine obligatoire (cf. STAUFFER, op. cit., n° 1034 p. 379).

En d’autres termes, en matière de prévoyance obligatoire, la rente et le capital versés par la fondation complémentaire n’ont pas à être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation.

23.3 La situation est autre dans le domaine surobligatoire dans le cas présent, dès lors que l’art. 23 al. 2 let. d du Règlement de la défenderesse prévoit la prise en considération des prestations de toute institution d’assurance ou de prévoyance qui ont été financées en tout ou partie par l’employeur.

Par conséquent, en théorie, la rente de CHF 100'000.- et le capital, converti en rente, devraient être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation, dès lors que selon le règlement de la fondation complémentaire, l’employeur verse des cotisations (art. 10 du règlement).

Les parties s’opposent toutefois sur l’identité du débiteur réel des cotisations déduites du bonus et de l’intéressement dans le cas d’espèce. Pour le demandeur, il est le seul débiteur. Pour l’appelée en cause, les cotisations sont paritaires. A l’appui de sa position, elle se réfère notamment à l’arrêt du Tribunal fédéral 4A_498/2018 pour considérer que les cotisations sont paritaires dans le cas d’espèce.

23.3.1 Dans l’arrêt 4A_498/2018 du 11 avril 2019, cité par l’appelée en cause, le Tribunal fédéral était notamment amené à trancher la question de savoir si l’employeuse avait fait supporter à l’employée la part patronale des charges sociales en prélevant celle-ci sur son salaire. Il ressort de l’état de fait que la rémunération de l'employée comprenait une partie fixe (salaire fixe) et une partie variable calculée selon une méthode décrite dans un document, signé par l'employée, annexé à son contrat (ci-après : l'annexe au contrat). Cette annexe au contrat contenait (notamment) les bases de calcul du salaire variable. Celui-ci était calculé en partant de la « rémunération globale » de la « Business Unit 1 » (ci-après : unité B.U1), composée de la seule employée, qui correspondait à 60% du chiffre d'affaires annuel net de l'unité, la part de 40% restant acquise à l'employeuse. Du montant de la « rémunération globale », il fallait déduire les charges d'exploitation de l'unité B.U1 comprenant le « salaire fixe brut et charges sociales du Gestionnaire (...) Business Unit 1 », l'octroi des autres avantages en nature et/ou en espèces (leasing, parking, assurances, etc.), l'indemnisation des frais de voyages ainsi que tous autres frais engendrés par la recherche et le suivi des clients de la B.U1 (frais commerciaux, frais de restaurants, etc.). Si le solde était positif, il était versé à titre de salaire variable. Si le résultat était négatif, aucun salaire variable n’était versé et l'unité (donc l'employée) s'engageait à corriger la situation en prenant les mesures appropriées parmi celles figurant dans l'annexe (réduction déterminée du salaire fixe brut, etc.). 

Au vu des termes de cette annexe au contrat, le Tribunal fédéral a considéré que l'employeuse n'avait pas fait supporter à l'employée la part patronale des charges sociales en prélevant cette part sur son salaire mais qu’elle n'avait en réalité fait qu'appliquer la méthode de calcul convenue entre les parties et définie dans l'annexe au contrat, pour fixer la participation (salaire variable) auquel avait droit l'employée selon l'art. 322a CO. Autrement dit, la déduction était purement mathématique (destinée à calculer le salaire variable) et le paiement effectif de la part patronale des cotisations sociales était bien effectué par l'employeuse.

23.3.2 Dans le cas d’espèce, le contrat de travail conclu entre le demandeur et l’appelée en cause prévoit aux art. 4 à 6 les éléments de rémunération, lesquels comprennent un salaire de base, versé douze fois l’an (art. 4), un intéressement, correspondant à la valeur des parts reconnues au demandeur, versées en espèces (art. 5), et un bonus (art. 6). Les charges sociales légales et usuelles sont déduites de la rémunération annuelle brute du collaborateur (art. 8).

Force est de constater qu’aucun des documents contractuels signés par le demandeur ne prévoit de méthode de calcul similaire à celle de l’annexe au contrat examinée dans l’arrêt susmentionné. Au contraire, au vu des documents transmis au demandeur, l’intéressement global était calculé sur la valeur des parts, y incluant les cotisations patronales. Au demeurant, les documents internes intitulés « I_____» mentionnent expressément des bonus et participations avant cotisations de l’ex-employeur.

Concrètement, toutefois, le prélèvement des cotisations s’effectuait comme suit (par exemple bonus 2010 et intéressement 2011, selon les extraits des relevés remis au demandeur et produits sous pièce 44 et 49, dem, (…)) :

 


 

Bonus 2010 :

 

 

 

 

Premier acompte de l’intéressement, en mai 2011 :

 

 

 

 

Deuxième acompte de l’intéressement, en septembre 2011

 

 

 

 

Solde de l’intéressement, versé en janvier 2012

 

 

 

 

 

Il ressort des extraits qui précèdent que l’appelée en cause a déduit du bonus reconnu au demandeur la part employeur des cotisations dues à la fondation complémentaire (…).

Interrogée à ce propos lors de l’audience de comparution personnelle, notamment en ce qui concerne le calcul du bonus, l’appelée en cause a expliqué que « le bonus est exprimé en ‘brut brut’ (ici CHF 25'000.-), c’est-à-dire qu’il inclut la part employeur [fondation complémentaire] De ce montant est soustrait la part employeur de CHF 2'777.80 ici, qui nous permet d’arriver au total brut qui est ensuite soumis aux charges sociales employé. Cette part employeur (ici CHF 2'777.80) est versée à la [fondation complémentaire]» (cf. procès-verbal de l’audience d’enquêtes du 4 avril 2023, p. 4).

La Chambre de céans ne saurait suivre les explications de l’appelée en cause. En effet, d’une part, comme indiqué précédemment, la présente situation n’est pas visée par l’arrêt 4A_498/2018 du 11 avril 2019. D’autre part, les documents I______ se réfèrent aux montants que l’appelée en cause qualifie de « brut brut » lorsqu’ils récapitulent la rémunération due au demandeur. Ainsi, tant selon le relevé ci-dessus relatif au solde de l’intéressement pour 2011 (versement en janvier 2012) que selon le I______, la part reconnue au demandeur avait une valeur brute de CHF 585.-. En toute logique, si la part reconnue au demandeur avait vraiment une valeur de CHF 520.- (soit CHF 585.- - CHF [12,5% de CHF 585.-]), c’est ce montant qui aurait dû apparaître dans le I______ en tant que montant des parts reconnu au demandeur :

 

En réalité, quoi qu’en dise l’appelée en cause, les cotisations employeur pour la fondation complémentaire ont été déduites du montant brut du bonus et de l’intéressement, ce qui revient à faire supporter au demandeur non seulement ses propres cotisations mais également celles de son employeur. En d’autres termes, le demandeur a, dans les faits, intégralement financé son avoir constitué auprès de la fondation complémentaire, en violation du règlement de ladite fondation, lequel prévoit le versement de cotisations paritaires.

Partant, ni la rente de CHF 100'000.- ni le capital de CHF 630'239.95, converti en rentes, ne sauraient être pris en considération dans le calcul de la surindemnisation en lien avec les prestations surobligatoires, dès lors qu’ils n’ont pas du tout été financés par l’ex-employeur du demandeur mais exclusivement par celui-ci.

24.          

24.1 En conclusion, il ressort des considérations qui précèdent que l’avoir de vieillesse constitué par le demandeur ne saurait être modifié, d’éventuelles cotisations supplémentaires étant, quoi qu’il en soit, prescrites (consid. 10 supra). En d’autres termes, le montant des rentes d’invalidité dues au recourant ne saurait être augmenté.

Concernant le calcul de la surindemnisation, il y a lieu de retenir que le gain présumé perdu comprend non seulement la part fixe mais également la part variable de la rémunération du demandeur (consid. 20.1 supra), sans prise en considération d’une progression salariale plus conséquente (consid. 20.2 supra). S’y ajoutent les frais de représentation qui constituent, en réalité, un salaire caché (consid. 20.3 supra). Quant à la rente versée par la fondation complémentaire, elle n’a pas à être prise en considération dans le calcul de la surindemnisation, dès lors qu’elle a été intégralement financée par le demandeur. Il en va de même du capital (consid. 23 supra).

24.2 Eu égard aux données qui précèdent, le calcul de surindemnisation est le suivant, compte tenu des revenus réalisés en 2013 :

PRESTATIONS D’INVALIDITE VERSEES

 

Caisse

Rente d’invalidité dem.

CHF 146'388.00

 

 

Rente d’enfant (J______)

CHF 36'600.00

 

 

Rente d’enfant (K______)

CHF 36'600.00

 

 

Rente d’enfant (L______)

CHF 36'600.00

 

 

Rente d’enfant (M______)

CHF 36'600.00

 

Total caisse

 

 

CHF 292'788.00

AI

Rente d’invalidité dem.

CHF 28'200.00

 

 

Rente d’enfant (J______)

CHF 11'280.00

 

 

Rente d’enfant (K______)

CHF 11'280.00

 

 

Rente d’enfant (L______)

CHF 11'280.00

 

 

Rente d’enfant (M______)

CHF 11'280.00

 

Total AI

 

 

CHF 73'320.00

[Fond. compl.]

Rente d’invalidité

N’a pas à être pris en considération*

 

Capital

N’a pas à être pris en considération*

TOTAL DES PRESTATIONS VERSEES

 

CHF 366'108.00

* prestations financées par le seul demandeur (cf. art. 23 ch, 2 let. d du règlement a contrario)

SALAIRE PRESUME PERDU

 

 

100% du salaire présumé perdu

362'264.50

 

Allocations familiales (J______)

CHF 3'600.00

 

Allocations familiales (K______)

CHF 3'600.00

 

Allocations familiales (L______)

CHF 4'800.00

 

Allocations familiales (M______)

CHF 4'800.00

 

TOTAL SALAIRE PRESUME PERDU

 

CHF 379'064.50

Il ressort de ce tableau que les prestations d’invalidité versées n’atteignent pas le salaire total présumé perdu, de sorte qu’il n’y a pas lieu de procéder à une réduction des prestations LPP pour cause de surindemnisation. En effet, comme indiqué précédemment, la rente de CHF 100'000.- et le capital ont été financés par le demandeur seul, de sorte que, conformément au règlement de la défenderesse, il n’y a pas lieu de les prendre en considération dans le calcul de la surindemnisation. Il en serait allé différemment si l’appelée en cause avait financé sa part des cotisations sans la déduire du revenu variable mais par ses moyens propres ou à l’aide de réserves de cotisations accumulées préalablement.

24.3 La défenderesse doit verser les rentes suivantes :

-          CHF 146'388.- à titre de rente d’invalidité pour le demandeur ;

-          CHF 36'600.- à titre de rente d’invalidité pour chacun de ses enfants ;

Soit un montant total de CHF 292'788.- par année.


 

Par conséquent, du 1er mai 2016 au 31 décembre 2023, le montant dû est le suivant :

 

Période

Montant dû

Montant versé

Différence due

01.05.2016 – 31.12.2016

195'192.-.-

75'688.-

119'504.-

01.01.2017 - 31.12.2017

292'788.-

113'352.-

179'436.-

01.01.2018 - 31.12.2018

292'788.-

113'352.-

179'436.-

01.01.2019 - 31.12.2019

292'788.-

113'352.-

179'436.-

01.01.2020 - 31.12.2020

292'788.-

113'352.-

179'436.-

01.01.2021 - 31.12.2021

292'788.-

113'352.-

179'436.-

01.01.2022 - 31.12.2022

292'788.-

113'352.-

179'436.-

01.01.2023 - 31.12.2023

292'788.-

113'352.-

179'436.-

Montant total dû pour la période du 01.05.16 au 31.12.2023

1'375'556.-.-

A compter du 1er janvier 2024, la défenderesse est tenue de verser les rentes annuelles pour un montant total de CHF 292'788.-.

24.4  

24.4.1 Selon l’art. 22 al. 2 let. a du Règlement de la défenderesse, un intérêt moratoire est dû en cas de versement de rentes, à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice. Le taux d’intérêt correspond au taux minimal LPP.

A teneur de l’art. 12 OPP2 let. j, intitulé taux d’intérêt minimal, l’avoir de vieillesse sera crédité d’un intérêt d’au moins 1% pour la période à partir du 1er janvier 2017.

24.4.2 S’y ajoute donc un intérêt de 1% depuis le dépôt de la demande, le 22 décembre 2020, date du dépôt de la demande en justice

L’intérêt courra de la manière suivante :

-          1% depuis le 22 décembre 2020 sur le montant de CHF 837'248.- (montant dû à titre de rentes entre le 1er mai 2016 et le 31 décembre 2020) ;

-          1% depuis le 1er juillet 2022 (date moyenne) sur le montant de CHF 538'308.- (montant dû à titre de rentes d’invalidité entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023).

25.          

25.1 Au vu de ce qui précède, la demande en paiement du 22 décembre 2020, telle que modifiée par les écritures des 2 septembre 2021 et 23 mai 2023, dans la mesure de leur recevabilité, sera partiellement admise au sens des considérants.

La défenderesse sera condamnée à payer au demandeur :

-        un montant de CHF 837'248.- (montant dû à titre de rentes entre le 1er mai 2016 et le 31 décembre 2020), avec intérêt à 1% depuis le 22 décembre 2020 ;

-        un montant de CHF 538'308.- (montant dû à titre de rentes d’invalidité entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023) avec intérêt à 1% depuis le 1er juillet 2022 (date moyenne) ;

-        dès le mois de janvier 2024, les rentes annuelles pour montant total de CHF 292'788.-, soit CHF 146'388.- à titre de rente d’invalidité pour le demandeur et CHF 36'600.- à titre de rente d’invalidité pour chacun de ses enfants.

25.2  

25.2.1 Le recourant qui obtient gain de cause a droit à une indemnité à titre de participation à ses frais et dépens (art. 89H al. 3 LPA). Saisi d’un litige concernant le domaine de la prévoyance professionnelle, dans lequel les procédures sont introduites par la voie non du recours mais de l’action de droit administratif, le demandeur a droit à des dépens, et ce malgré le terme de « recourant » (ATF 126 V 143 ; ATF 108 V 111).

Obtenant partiellement gain de cause, le demandeur a droit à une indemnité de procédure, qui sera mise à la charge de la défenderesse dès lors que c’est à l’encontre de cette dernière que la demande est jugée, matériellement, bien fondée quant à son principe.

Contrairement aux autres branches des assurances sociales, la législation en matière de prévoyance professionnelle ne contient aucune disposition relative à la fixation des dépens pour la procédure devant le tribunal cantonal désigné pour connaître des litiges en matière de prévoyance professionnelle (art. 73 al. 2 LPP). Il appartient par conséquent au droit cantonal de procédure de déterminer si et à quelles conditions il existe un droit à une indemnité de dépens (arrêt du Tribunal fédéral 9C_590/2009 du 26 mars 2010, consid. 3.1). Selon l’art. 89H al. 3 LPA, une indemnité est allouée au recourant qui obtient gain de cause. Les dépens sont fixés en fonction du nombre d’échanges d’écritures, de l’importance et de la pertinence des écritures, de la complexité de l’affaire et du nombre d’audiences et d’actes d’instruction (ATAS/334/2013).

25.2.2 En l’espèce, il se justifie d’allouer, à titre de dépens, une indemnité de CHF 3'000.- au demandeur qui n’obtient que partiellement gain de cause. En effet, il n’y a eu qu’une seule audience. Si plusieurs échanges d’écritures ont bien eu lieu, c’est le demandeur qui a, en partie, inutilement complexifié la cause, de sorte que des dépens plus importants ne se justifient pas.

Par ailleurs, quand bien même l’appelée en cause obtient gain de cause, il ne lui sera pas accordé de dépens au vu de la formulation de l’art. 89H al. 3 LPA, qui les réserve uniquement au recourant ou au demandeur, soit en d’autres termes à la personne physique qui agit.

25.3 Pour le surplus, la procédure est gratuite (art. 73 al. 2 LPP).

 

***


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA CHAMBRE DES ASSURANCES SOCIALES :

Statuant sur partie et sur incident

À la forme :

1.        Déclare la demande du 22 décembre 2020, telle que modifiée par les écritures des 2 septembre 2021 et 23 mai 2023, recevable au sens des considérants.

2.        La déclare irrecevable pour le surplus.

Au fond :

3.        L’admet partiellement au sens des considérants.

4.        Constate que la défenderesse doit verser, depuis le 1er mai 2016, un montant total de CHF 292'788.- par année à titre de rentes d’invalidité, soit :

-          CHF 146'388.- à titre de rente d’invalidité pour le demandeur ;

-          CHF 36'600.- à titre de rente d’enfant pour chacun des quatre enfants du demandeur.

5.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur un montant de CHF 837'248.- (montant dû à titre de rentes entre le 1er mai 2016 et le 31 décembre 2020), avec intérêt à 1% depuis le 22 décembre 2020 ;

6.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur un montant de CHF 538'308.- (montant dû à titre de rentes d’invalidité entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2023) avec intérêt à 1% depuis le 1er juillet 2022 (date moyenne) ;

7.        Condamne la défenderesse à verser, dès le mois de janvier 2024, les rentes annuelles pour montant total de CHF 292'788.-, soit CHF 146'388.- à titre de rente d’invalidité pour le demandeur et CHF 36'600.- à titre de rente d’invalidité pour chacun de ses enfants ;

8.        Condamne la défenderesse à verser au demandeur la somme de CHF 3'000.- à titre de participation à ses frais et dépens.

9.        Dit qu’aucune indemnité de procédure n’est allouée à l’appelée en cause.

10.    Dit que la procédure est gratuite.

11.    Informe les parties de ce qu’elles peuvent former recours contre le présent arrêt dans un délai de 30 jours dès sa notification auprès du Tribunal fédéral (Schweizerhofquai 6, 6004 LUCERNE), par la voie du recours en matière de droit public, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110); le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire; il doit être adressé au Tribunal fédéral par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi.

 

 

La greffière

 

 

 

 

Diana ZIERI

 

Le président

 

 

 

 

Blaise PAGAN

Une copie conforme du présent arrêt est notifiée aux parties ainsi qu’à l’Office fédéral des assurances sociales par le greffe le