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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3548/2025

ATA/1212/2025 du 30.10.2025 sur JTAPI/1084/2025 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3548/2025-MC ATA/1212/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 octobre 2025

2ème section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Tatiana FARINHA DO SUL, avocate

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 octobre 2025 (JTAPI/1084/2025)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 2003, est originaire d'Algérie.

b. Arrivé en Suisse en 2024, sans documents d'identité, il s'est présenté devant les autorités helvétiques sous deux alias, soit B______, né le ______ 2003 / né le ______ 2007, originaire d’Algérie.

c. Le 19 octobre 2024, A______ a été maintenu en arrestation provisoire par le Ministère public du canton de Genève après avoir été interpellé par les services de police la veille pour avoir agressé, au moyen d’un couteau, un passant à la gare de C______, blessant ce dernier à plusieurs endroits sur la jambe gauche afin de lui voler un téléphone portable, faits constitutifs de brigandage au sens de l’art. 140 ch. 2 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

d. Par jugement du 11 juin 2025, le Tribunal correctionnel de Genève a prononcé l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans, conformément à l'art. 66a CP. Il avait été reconnu coupable, notamment, de brigandage (art 140 ch. 1 al. 1 CP), de vol (art. 139 al. 1 CP) et de recel (art. 160 ch. 1 al. 1 CP).

B. a. Le 6 décembre 2024, en application de l'art 64 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a notifié à A______ une décision de renvoi de Suisse ainsi que du territoire des États membres de l'UE, et a chargé les services de police d’exécuter immédiatement cette décision, dès sa libération.

b. Le 10 décembre 2024, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM) a soumis une demande d'identification formelle de l'intéressé aux autorités algériennes, A______ étant démuni de document de voyage valable.

c. Le 24 février 2025, les services de police genevois, à savoir la Brigade migration et retour, se sont entretenus avec l'intéressé pour l'informer de sa situation administrative et de la suite de la procédure.

À cette occasion, A______ a déclaré qu'il n'avait pas de passeport national avec lui, ce dernier document se trouvant auprès de D______ à E______, en Espagne. Il était arrivé dans ce dernier pays en 2019, et y avait été scolarisé. Il souhaitait être renvoyé en Espagne pour régulariser sa situation, obtenir une autorisation de séjour et y travailler. Il ne souhaitait pas être renvoyé en Algérie. En Suisse, il était démuni d'argent, d'adresse et avait été pris en charge avant son incarcération par le service de protection des mineurs (ci-après : SPMi). Il prenait note qu'il pouvait être placé en détention administrative afin d'exécuter son renvoi de Suisse.

d. Le 13 mai 2025, le SEM a informé le canton de Genève que A______ avait été reconnu par les autorités algériennes, mais qu'un vol ne pourrait être réservé qu'une fois un entretien consulaire effectué. Lorsque le consul d’Algérie confirmerait que le laissez-passer pourrait être délivré, le vol de rapatriement pourrait être réservé avec un préavis d'au moins 30 jours ouvrables.

e. Le 16 septembre 2025, l'OCPM a reçu la confirmation de la part du SEM que A______ serait présenté le 30 septembre 2025 au consulat d’Algérie à Berne en vue de l'émission d'un laissez-passer.

f. Le 10 octobre 2025, à sa fin de peine, l'intéressé a été libéré de la prison de Champ-Dollon et remis aux services de police.

g. Le 10 octobre 2025, à 14h20, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de A______ pour une durée de trois mois, en application de l'art. 76 al. 1 let. b ch.1, renvoyant à l’art. 75 al. 1 let. h LEI, ch. 3 et 4 LEI.

Un vol à destination de l'Algérie serait organisé par les autorités helvétiques dès réception de la réponse du consulat d’Algérie quant à la délivrance d’un laissez‑passer en faveur du précité.

Lors de son audition, l’intéressé a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie, dans la mesure où il désirait retourner en Espagne. Il ferait parvenir des papiers à ce sujet.

C. a. Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) le même jour, soit le 10 octobre 2025.

b. Entendu le 13 octobre 2025 par le TAPI, A______ a indiqué n’être toujours pas d’accord d‘être renvoyé en Algérie. Il souhaitait être renvoyé en Espagne et était en train de prendre contact avec des personnes qui pourraient lui envoyer ses papiers de résidence dans ce pays. Il avait bien compris qu’il lui fallait faire ces démarches au plus vite et n’avait rien à ajouter. Sur question de son conseil, il avait des amis en Espagne.

Le représentant du commissaire de police a confirmé qu’ils étaient toujours dans l’attente d’une réponse du consulat algérien en vue de la délivrance d’un laissez‑passer en faveur de A______. Il a conclu à la confirmation de l’ordre de mise en détention administrative du 10 octobre 2025.

Le conseil de A______ a expliqué avoir adressé un courriel le matin même au centre social qui suivait et hébergeait son client en Espagne, afin qu’il lui fasse parvenir ses papiers de résidence. Elle avait également eu un contact téléphonique avec ledit centre. À ce stade, ils n’avaient pas pu lui confirmer l’existence des papiers précités, mais ils lui avaient dit qu’ils allaient faire des recherches. Elle a conclu, principalement, à la mise en liberté immédiate de son client, subsidiairement à la réduction de la durée de sa détention administrative à un mois et, plus subsidiairement encore, au renvoi de son client en Espagne. L’exécution du renvoi en Algérie était impossible vu le refus réitéré de son client de s’y rendre et l’absence de vols spéciaux vers ce pays. Les autorités avaient par ailleurs violé le principe de célérité et la détention administrative telle que prononcée était disproportionnée, pouvant tout au plus l’être pour une durée d’un mois. Enfin, des carences graves avaient été constatées au sein de l’établissement de détention administrative de Favra.

c. Par jugement du 13 octobre 2025, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 10 octobre 2025 à l’encontre de A______ pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 9 janvier 2026 inclus.

Le précité faisait l’objet d’une décision de renvoi de Suisse prononcée le 6 décembre 2024 ainsi que d’une expulsion judiciaire ordonnée le 11 juin 2025. Il avait été condamné pour vol, brigandage et recel, soit des infractions constitutives de crimes selon l’art. 10 al. 2 CP. Démuni de documents de voyage valables, utilisant des alias et se faisant passer pour un faux mineur, il avait obligé les autorités suisses à entreprendre des démarches en vue de son identification formelle. Il avait de plus indiqué, encore le jour même, ne pas vouloir retourner dans son pays d’origine. Il n'avait ainsi aucunement l’intention de se conformer aux décisions prises à son encontre ni de collaborer avec les autorités afin de concrétiser son renvoi en Algérie, étant souligné qu'il souhaitait se rendre en Espagne, en n’ayant toutefois pas pu démontrer qu’il y disposerait d’un titre de séjour. Il n’avait enfin aucun lieu de résidence en Suisse ni aucune source de revenu avérée. Les conditions d'une mise en détention administrative étaient remplies.

Seule une détention administrative était à même d'assurer l'exécution du renvoi de A______ à destination de son pays d’origine, toute mesure moins incisive apparaissant d'emblée vaine. Il existait en outre un intérêt public certain à exécuter le renvoi de l'intéressé. Par ailleurs, les autorités compétentes avaient agi avec diligence et célérité, puisqu’elles avaient d’ores et déjà présenté l’intéressé au consulat d’Algérie à Berne et étaient désormais dans l’attente d’une réponse de ce dernier quant à l’émission d’un laissez-passer, ce qui leur permettrait ensuite de réserver une place à bord d’un vol de ligne avec un préavis de 30 jours ouvrables.

La durée de la détention requise, de trois mois, n'apparaissait pas d'emblée disproportionnée, au vu des démarches en cours et encore à entreprendre et du risque non négligeable que A______ s’oppose à son renvoi en Algérie, comme il l’avait annoncé en audience. Cette durée permettrait également, le cas échéant, aux autorités de disposer du temps nécessaire pour entreprendre de nouvelles démarches ou demander la prolongation de la détention. Le renvoi n'était en l'espèce pas impossible. Enfin, la légalité de la détention administrative à l’établissement de Favra avait été mainte fois confirmée par le TAPI et la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative).

D. a. Par acte posté le 23 octobre 2025, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement précité, concluant principalement à l'annulation de celui-ci, à sa mise en liberté immédiate et à l'octroi d'une indemnité de procédure.

Bien qu'il ait systématiquement déclaré que ses documents d'identité se trouvaient en Espagne, en précisant l'endroit exact, les autorités suisses n'avaient jamais cherché à communiquer avec les autorités espagnoles et avaient préféré partir du principe qu'il n'avait pas de documents d'identité et qu'il refusait de collaborer. Il fournissait en annexe la copie de son permis de résidence espagnol, que son conseil avait pu obtenir auprès du centre social auquel il avait fait référence lors de ses auditions. Ce permis, qui l'autorisait à travailler, était valable jusqu'au 11 mars 2022.

Son renvoi vers l'Algérie était impossible, dès lors qu'il s'y opposerait par tous les moyens. Le principe de célérité avait été violé. Il s'était écoulé neuf mois entre la demande d'identification par les autorités algériennes et le rendez-vous consulaire, pendant lesquels les autorités suisses n'avaient pas relancé les autorités algériennes.

Il en allait de même du principe de la proportionnalité. Il avait quitté l'Algérie à l'âge de 15 ans et en conservait de très mauvais souvenirs. C'était en Espagne qu'il avait pu se former et devenir autonome. En Suisse, il avait commis plusieurs infractions qu'il n'aurait jamais dû commettre, mais il fallait les remettre dans le contexte de sa vie extrêmement difficile due à un encadrement familial défaillant, qui avait causé des dommages irréparables sur sa santé psychique. Il faisait fréquemment des crises d'angoisses et souffrait d'insomnie. Sa détention pénale avait déjà duré un an. Il ne souhaitait pas rester en Suisse ni dépendre d'aides étatiques. Son intérêt privé à être libéré l'emportait sur l'intérêt public à son maintien en détention, d'autant que, comme déjà exposé, son renvoi ne serait pas possible dans un délai raisonnable.

b. Le 28 octobre 2025, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

A______ faisait l'objet d'une décision de renvoi de l'OCPM du 6 décembre 2024 et d'une expulsion pénale prononcée le 11 juin 2025. Toutes deux prononçaient son renvoi de Suisse mais aussi du territoire de la zone Schengen. Par ailleurs, le fichier Eurodac ne faisait mention d'aucune demande d'asile déposée en Espagne, l'intéressé n'ayant du reste jamais fait état d'une telle requête. A______ s'était fait adresser une copie de son titre de séjour – qui était échu depuis 2022 – mais pas son passeport.

Le principe de célérité avait été respecté, des mesures en vue de son éloignement ayant été prises dès après son entrée en détention pénale. Au regard notamment de la durée usuelle du processus d'identification des ressortissants algériens par leurs autorités, des contraintes posées par celles-ci au counseling qu'elles exigeaient ainsi que du nombre de candidats au renvoi concernés en Suisse et du nombre de places disponibles pour le canton de Genève, on ne voyait pas en quoi les autorités suisses auraient manqué à leurs obligations de diligence.

L'exécution de l'expulsion de A______ en Espagne était impossible en l'absence de présence au fichier Eurodac et de titre de séjour en cours de validité. En particulier, les conditions de l'accord entre la Confédération suisse et le Royaume d'Espagne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, du 17 novembre 2003 (RS 0.142.113.329 - ci-après : l'accord) pour un rapatriement en Espagne n'étaient pas remplies.

c. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 24 octobre 2025 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Les considérants du jugement attaqué portant sur les conditions de la mise en détention administrative du recourant (consid. 6 à 12) ne prêtent pas le flanc à la critique et il peut y être renvoyé.

4.             Le recourant prétend que l’exécution de son renvoi serait impossible.

4.1 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). Dans ce cas, la détention dans l'attente de l'expulsion ne peut en effet plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; elle est, de plus, contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_955/2020 du 10 décembre 2020 consid. 5.1). Les raisons juridiques ou matérielles empêchant l'exécution du renvoi ou l'expulsion doivent être importantes (« triftige Gründe »).

Le renvoi d'une personne étrangère ne peut être ordonné que si l'exécution de celui‑ci est possible, licite ou peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'exécution n'est pas possible lorsque la personne concernée ne peut quitter la Suisse pour son État d'origine, son État de provenance ou un État tiers ni être renvoyée dans un de ces États (art. 83 al. 2 LEI). Elle n'est pas licite lorsqu'elle serait contraire aux engagements internationaux de la Suisse (art. 83 al. 3 LEI). Elle n'est pas raisonnablement exigible si elle met concrètement en danger la personne étrangère, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale (art. 83 al. 4 LEI).

4.2 L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références). Tel est par exemple le cas lorsqu'un État refuse explicitement, ou du moins de manière clairement reconnaissable et cohérente, de reprendre certains de ses ressortissants (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 ; 125 II 217 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_768/2020 du 21 octobre 2020 consid. 5.1). Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de la mesure d'éloignement semble possible dans un délai prévisible ou du moins raisonnable avec une probabilité suffisante (arrêts du Tribunal fédéral 2C_955/2020 précité consid. 5.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

4.3 En l’espèce, le motif d’impossibilité invoqué par le recourant est qu'il s'opposera à son renvoi dans ce pays par tous les moyens, ce alors que l'organisation de vols spéciaux n'est pas possible pour cette destination.

Son grief tombe à faux, son renvoi en Algérie ne contrevenant nullement à l’art. 83 al. 2 LEI. Dans la mesure où les autorités algériennes se sont engagées à lui accorder un laissez-passer, il convient de retenir que son renvoi n’est pas impossible. Force est en effet de constater que c’est uniquement son manque de coopération qui fait obstacle à son rapatriement, manque de coopération qui ne constitue pas une impossibilité à l'exécution du renvoi au sens de la jurisprudence précitée.

Pour le reste, le recourant ne soutient pas, ni a fortiori ne démontre, que son renvoi serait impossible en raison de son état de santé physique. Le dossier ne contient en particulier aucune pièce médicale établissant l’existence d’une nécessité médicale. Le grief sera écarté.

5.             Reste à examiner si la détention administrative ordonnée respecte le principe de la proportionnalité.

5.1 Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; ATA/1305/2022 du 21 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/611/2021 du 8 juin 2021 consid. 5a). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1132/2018 du 21 janvier 2019 consid. 3.3).

5.3 Si l’étranger a la possibilité de se rendre légalement dans plusieurs États, l’autorité compétente peut le renvoyer ou l’expulser dans le pays de son choix (art. 69 al. 2 LEI).

À cet égard, la jurisprudence a considéré qu'il n'importait pas de s'assurer de la véritable identité du recourant. Il suffisait de constater que les autorités du pays de renvoi avaient délivré et étaient encore disposées à délivrer un laissez-passer au nom du recourant, ce qui permettrait d'exécuter le renvoi à destination de ce pays dans un délai raisonnable (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1392/2022 du 26 janvier 2023 consid. 3.3 et les arrêts cités).

En outre, le renvoi dans un pays tiers du choix de l'étranger présuppose que ce dernier ait la possibilité de s'y rendre légalement et constitue, qui plus est, une simple faculté (« peut ») de l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 2C_285/2013 du 23 avril 2013 consid. 7). Lorsque l'étranger n'établit pas qu'il dispose de la possibilité de se rendre légalement dans un État tiers de son choix, il ne saurait reprocher aux autorités suisses de ne pas avoir accédé à son souhait de se rendre dans cet autre pays (arrêt du Tribunal fédéral 2C_935/2011 du 7 décembre 2011 consid. 6). La Suisse ne doit en effet pas encourager sciemment l'entrée illégale dans un pays tiers ; cela ressort clairement des accords de réadmission signés avec les pays voisins, qui obligent régulièrement la Suisse, « dans le but de lutter contre l'immigration illégale », à reprendre les étrangers (tiers) qui entrent illégalement dans ces pays depuis son territoire (ATF 133 II 97 consid. 4.2.2).

En ce qui concerne spécifiquement l'Espagne, l'art. 5 ch. 1 de l'accord prévoit que chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l’autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d’un État tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d’entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu’il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie, après avoir séjourné ou résidé ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. Toutefois, à teneur de l'art. 6 deuxième tiret de l'accord, l’obligation de réadmission prévue à l’art. 5 de l'accord n’existe pas à l’égard des ressortissants des États tiers qui séjournent depuis plus de six mois sur le territoire de la Partie contractante requérante, à moins qu’ils ne soient titulaires d’un titre de séjour en cours de validité délivré par la Partie contractante requise.

5.4 En l’espèce, l’intérêt public à l’exécution de l’éloignement du recourant est certain, celui-ci ayant commis à réitérées reprises des infractions, notamment des crimes, et fait l’objet d'une décision de renvoi et d'une décision d’expulsion judiciaire pour cinq ans. Il persiste à refuser de se conformer à son renvoi vers son pays d’origine.

Contrairement à ce que prétend le recourant, les autorités suisses ont fait preuve de la célérité voulue, en prenant contact pendant sa détention pénale avec les autorités algériennes, qui l'ont dans un premier temps identifié comme ressortissant algérien, puis organisé un rendez-vous consulaire. Que plusieurs mois séparent la demande d'identification du rendez-vous consulaire n'est pas imputable aux autorités suisses, et force est de constater que le processus d'obtention d'un laissez-passer auprès des autorités algériennes est notoirement long. La difficulté liée à l'éloignement du recourant est due principalement à son opposition, le recourant ayant annoncé vouloir s'opposer par tous les moyens à l'exécution de son renvoi dans son pays d'origine.

Le recourant demande à titre subsidiaire à être renvoyé en Espagne. Il n'y a toutefois pas déposé de demande d'asile selon la base de données européenne pertinente, et n'y a pas non plus de titre de séjour en cours de validité, ce alors qu'il réside illégalement en Suisse depuis plus de six mois. Il ne remplit dès lors pas les conditions d'une réadmission en Espagne.

Dans ces circonstances, aucune mesure moins incisive que la mise en détention administrative n’est à même de garantir la présence du recourant lors de l'exécution du renvoi. La détention est ainsi apte à atteindre le but voulu par le législateur, s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison du refus du recourant d’être renvoyé en Algérie. L’intérêt public à son renvoi l’emporte également sur son intérêt privé à ne pas subir de détention administrative.

Enfin, la durée de la mise en détention, d'une durée de trois mois, est conforme à l'art. 79 LEI, une telle durée étant nécessaire pour permettre aux autorités de migration d'organiser la suite du processus de renvoi en cas de refus – annoncé à plusieurs reprises – du recourant de prendre le vol qui sera réservé à destination de l'Algérie. C’est partant à juste titre que le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

6.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue de celui-ci, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 23 octobre 2025 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 octobre 2025 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Tatiana FARINHA DO SUL, avocate du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au Secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement de détention administrative de Favra, pour information.

Siégeant : Florence KRAUSKOPF, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

N. GANTENBEIN

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. KRAUSKOPF

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :