Skip to main content

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/641/2023

ATA/435/2024 du 26.03.2024 sur JTAPI/1245/2023 ( LCI ) , ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/641/2023-LCI ATA/435/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 26 mars 2024

3ème section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants
représentés par Me Philippe PROST, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE - OAC intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 novembre 2023 (JTAPI/1245/2023)


EN FAIT

A. a. A______ et B______ sont copropriétaires d'un appartement situé au
8e étage en attique de l'immeuble sis sur la parcelle n° 4'537 de la commune de C______ (ci-après : la commune), en zone de développement 3, à l'adresse 9b, avenue D______.

b. Le 31 janvier 2022, le département du territoire (ci-après: le département) a reçu une dénonciation relative à l'installation d'une pergola bioclimatique sans autorisation de construire sur la terrasse de leur appartement.

c. Le 4 février 2022, le chef de l'inspection de la construction et des chantiers, E______, a contacté B______ par téléphone afin de lui faire part de la dénonciation et lui exposer les démarches administratives à entreprendre pour résoudre la situation. Par courriel du même jour, B______ a demandé à E______ de lui confirmer par écrit la teneur de cet entretien.

d. Par courriel du 7 février 2022, E______ a indiqué à B______ que son appel téléphonique visait à simplifier la suite de la procédure et que s'il voulait que les démarches lui soient précisées par écrit, il le ferait par le biais d'un dossier formel.

e. Par courrier du 9 février 2022, les époux AB______ ont transmis au département un avis d'ouverture de chantier pour travaux non soumis à autorisation de construire pour l'installation de cette pergola.

B. a. Le 4 mars 2022, le département a imparti un délai de dix jours aux époux AB______ pour lui faire part de leurs éventuelles explications et/ou observations sur la construction de la pergola sans autorisation de construire.

b. Par courrier du 14 mars 2022, les époux AB______ ont contesté la soumission de la pergola concernée à autorisation de construire et ont demandé à avoir accès à la dénonciation.

c. Par décision du 1er avril 2022, le département a confirmé aux époux AB______ la nécessité d'obtenir une autorisation de construire. Il a ordonné le dépôt d'une demande d'autorisation de construire dans un délai de 30 jours afin de tenter de régulariser la situation. Si une telle régularisation n'était pas souhaitée, il leur était loisible de procéder à la remise en état dans le même délai. Une éventuelle sanction administrative était réservée.

La dénonciation était un document confidentiel, indisponible à la consultation.

C. a. Le 2 mai 2022, par le biais de leur mandataire F______ (ci-après : F______), les époux AB______ ont déposé une demande d'autorisation de construire visant la régularisation de la pergola sur leur terrasse (I-1______), laquelle a été enregistrée sous la référence DD 2______.

b. Lors de l'instruction de cette demande, la direction des autorisations de construire (ci-après: DAC), la commune et la commission d'architecture (ci-après : CA) ont émis des préavis négatifs.

c. Par décision du 19 janvier 2023, le département a refusé de délivrer l'autorisation de construire sollicitée sur la base des art. 15 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) et 9 du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01).

Il faisait siens les préavis de la CA et de la commune. Malgré les demandes répétées de la DAC, l'extrait du plan cadastral n'avait pas été fourni, au motif que la pergola concernée ne créait pas un volume fermé et que dès lors, l'établissement d'une coupe de gabarit n'apportait aucune information pertinente.

d. Le 19 janvier 2023, un bordereau d'émolument pour la taxe d'enregistrement dans le dossier DD 2______, émis le 5 janvier 2023, a été envoyée à F______ en tant que requérante de l'autorisation de construire.

e. Par décision du 3 février 2023, le département a ordonné aux époux AB______ de supprimer et d’évacuer la pergola érigée sans autorisation d'ici au 31 mars 2023. Un reportage photographique attestant de la remise en état devait être fourni dans le même délai.

Il leur a infligé une amende administrative de CHF 1'000.-.

D. a. Par acte du 17 février 2023, les époux AB______ ont formé recours auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre les décisions des 1er avril 2022, 19 janvier et 3 février 2023, ainsi que le bordereau d'émolument du 5 janvier 2023.

Ils étaient fondés à obtenir la dénonciation et aucun intérêt public ni privé prépondérant ne s'y opposait.

La décision du 1er avril 2022 était certes incidente. Dans la mesure toutefois où elle était à la base de la décision du 19 janvier 2023, elle devait pouvoir être examinée à titre préjudiciel et annulée.

Se prévalant du principe de l’égalité de traitement, ils sollicitaient la production de tous documents en possession du département concernant les pergolas à partir du 10 mars 2017, date d'entrée en vigueur de la 5e version de la directive LCI n° 024 sur les constructions de peu d'importance (ci-après : directive CDPI).

Aucune autorisation de construire n'était nécessaire pour la construction d'une pergola bioclimatique, ce que l'administrateur de la propriété par étages (ci-après : PPE) avait vérifié auprès de sociétés de paysagisme et dans la LCI, ce d'autant plus que cette construction ne serait pas couverte, mais munie de lamelles orientables. Cette information leur venait également du directeur de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC). La directive CDPI confirmait l'absence de nécessité d'une telle autorisation. Plusieurs pergolas bioclimatiques avaient été construites dans le canton sans autorisation de construire.

Ils avaient initié les démarches en vue de la réalisation de la pergola une fois l'accord de la copropriété obtenu. Sur la base de la 5e version de la directive CDPI et des renseignements obtenus, ils n'avaient pas déposé d'autorisation de construire. S'il fallait considérer que la 7e version de la directive CDPI était applicable, dans le sens où l'édification de pergolas n'était désormais possible que dans les jardins, il convenait de prendre en compte le principe de non-rétroactivité du droit. Cette version de la directive CDPI n'avait été publiée que le 10 mars 2021, alors que les travaux avaient été commandés le 17 décembre 2020 et que le montage de la pergola était intervenu du 10 au 12 mars 2021.

Une visite sur place aurait permis au département de constater que l'ouvrage correspondait à la définition de CDPI. Il leur était impossible de vivre dans leur appartement en l'absence de cette pergola, sauf à fermer complètement leur store et à vivre dans l'obscurité ou à éclairer artificiellement leur appartement en plein jour. Leur pergola ne créait pas de volume fermé. Dans le cadre de la DP 3______ relative à l'immeuble, la CA avait accordé un gabarit asymétrique. Lors de l'instruction de la DD 4______, aucune interdiction d'installation de pergola non couverte ou autre système de protection solaire sur les terrasses du 8e étage n'avait été mentionnée. Ces considérations pouvaient valoir pour la décision du 19 janvier 2023.

Leur droit d'être entendus avait été violé. Dans cette décision, le département s'était limité à rappeler le premier préavis de la CA et à citer son second préavis du
3 octobre 2022, au sujet duquel ils n'avaient pas pu se prononcer, ce qui était le cas également pour les préavis de la commune.

En les obligeant à requérir une autorisation de construire pour la pergola, la décision violait le principe de légalité. Dans le cadre de l'instruction des DP 18'201 et DD 4______ concernant l'immeuble et à suivre le préavis de la CA, le gabarit tracé en jaune incluait tous les éléments de la pergola bioclimatique. Cet ouvrage n'entraînait pas un usage accru en termes de fond dominant et ne modifiait pas le calcul du gabarit de l'immeuble, ni n'augmentait les distances et vue droite.

Plusieurs pergolas similaires à la leur avaient été érigées dans le canton, sans autorisation de construire, à l'aune de la 7e version de la directive CDPI. Le directeur de l'OAC avait spécifié que ce type de construction n'était pas soumis à autorisation de construire.

Sur la base des indications de E______, ils avaient rempli et signé, le 8 février 2022, un avis d'ouverture de chantier pour travaux non soumis à autorisation de construire. F______ l’avait également signé mais avait omis de l’envoyer au département. Dans la mesure où l'ouvrage avait été construit sur la base des renseignements donnés par le département, il ne pouvait leur être imposé de le démolir.

La CA et la commune avaient émis des préavis défavorables uniquement pour des motifs d'ordre esthétique, purement subjectifs et discutables. Concernant la demande de compléments de la DAC, le département n'avait pas pris en compte l'absence de nécessité de l'établissement d'un plan cadastral, puisque la pergola, non couverte, ne créait pas de volume fermé.

L'ordre de remise en état était disproportionné dans la mesure où aucun intérêt public prépondérant ne le justifiait, par rapport à la finalité de l'ouvrage, lequel permettait d'assurer l’habitabilité de leur logement.

b. Le département a conclu au rejet du recours, pour autant que recevable.

Le recours était irrecevable à l'encontre de la facture du 5 janvier 2023, adressée à F______.

La dénonciation n'était pas anonyme. L'accès à ce document n'était pas pertinent pour résoudre le litige d'autant plus que les intéressés ne contestaient pas l'installation de la pergola en question. Les intérêts du dénonciateur à ne pas voir son identité dévoilée et les intérêts publics de l'État permettant l'accomplissement de ses tâches publiques primaient l'intérêt privé des époux AB______.

L'utilité de produire toutes les autorisations de construire délivrées pour des pergolas bioclimatiques à partir du 10 mars 2017 n'était pas compréhensible, ce d'autant que le fardeau de la preuve incombait à celui qui entendait se prévaloir de ce droit.

N’étaient considérées comme pergolas, en tant que constructions de très peu d'importance, que celles installées en rez, sur une terrasse ou dans un jardin, au regard du peu d'impact que de telles installations engendraient. Les photographies de la 5e version de la directive CDPI le corroboraient. La 7e version précisait cet élément, étant relevé que la 6e version n'avait pas été publiée. Les installations projetées en attique ou en toiture n'étaient donc pas des pergolas au sens de
l'art. 1 al. 5 LCI et devaient faire l'objet d'une autorisation de construire, au vu de leur impact potentiel sur le gabarit de l'immeuble et visuel potentiellement important. Les photographies produites par les époux AB______ démontraient un tel impact. La décision contestée avait été rendue le 19 janvier 2023, soit après la publication de la 7e version de la directive CDPI qui s’appliquait donc. Les 5e et 7e versions de la directive CDPI n'étaient pas différentes sur le fond. Ces documents n'avaient pas force de loi, étant précisé qu'il convenait d'appliquer le droit en vigueur au moment où l'autorité statuait sur la requête en cause.

Les considérations relatives à la création d'un volume fermé et au gabarit autorisé dans le cadre des autorisations de construire de l'immeuble n'étaient d'aucun secours aux époux AB______. Les documents complémentaires demandés par la DAC constituaient l'un des motifs de refus mais étaient aussi nécessaires à la vérification que l'installation s'inscrivait bien dans le gabarit légal autorisé. Il s'était fondé sur le préavis de la CA, comme la loi l'obligeait à faire. La commune s'était également opposée au projet. Les prétendus renseignements obtenus auprès du directeur de l'OAC, G______, pas plus que l’accord de la copropriété n'avaient d’influence sur sa décision.

Les époux AB______ n’avaient pas un droit à être interpellés sur tous les préavis rendus, et encore moins quand les seconds préavis faisaient suite à leurs propres explications. En outre, l'ensemble du dossier était consultable sur la plateforme
AC-DEMAT.

S'agissant de l'argument relatif à l'art. 11 al. 5 LCI et au gabarit asymétrique du bâtiment, on peinait à saisir en quoi cela démontrerait une violation du principe de la légalité.

Les conditions pour se prévaloir du principe de la bonne foi n'étaient pas remplies. E______ niait formellement avoir indiqué aux époux AB______ qu'un avis d'ouverture de chantier règlerait la situation. Dans son courriel du 7 février 2022, il les invitait au contraire à déposer un dossier formel. Par ailleurs, les époux AB______ n'avaient pas consulté l'OAC avant de réaliser leur projet.

Les conditions nécessaires au prononcé d'un ordre de remise en état étaient remplies. Sous l'angle de la proportionnalité, l'installation concernée ne pouvait être régularisée, de sorte que sa démolition était le seul moyen de rétablir une situation conforme au droit. Les époux AB______ ne se prévalaient que d'un intérêt de confort, alors que d'autres moyens existaient pour se protéger de la chaleur ambiante et que les autres personnes vivant en attique parvenaient pleinement à s'accommoder de l'absence de pergola.

c. Dans leur réplique, les époux AB______ ont relevé que leur recours contre la décision du 5 janvier 2023 était recevable, dès lors qu’ils s’acquitteraient de l'émolument en cause.

Ils devaient avoir accès à la dénonciation et connaître l'identité du dénonciateur, afin de faire valoir ultérieurement tous droits légitimes. Il était vraisemblable que la dénonciation fût le fruit d'une personne ayant voté favorablement à la construction de la pergola durant l'assemblée générale de la copropriété, ce qui constituerait un fort indice que cette personne aurait agi dans le seul but de nuire à leurs intérêts.

Le département ne produisait aucune pièce en lien avec d’autres pergolas bioclimatiques pour la raison qu'il n'avait délivré aucune autorisation de construire, puisque cela n'était pas nécessaire aux termes de la 5e version de la directive CDPI. On ne pouvait leur demander de démontrer un fait négatif. S'il avait été nécessaire d'ajouter pour les pergolas la précision « dans un jardin », c’était que la teneur de la directive CDPI précédente n'était pas claire. La pergola avait été érigée alors que la teneur de la 5e version de la directive CDPI était applicable. Retenir le contraire reviendrait à permettre au département de choisir de statuer au moment où il le souhaiterait afin d’appliquer les considérations qui l'arrangeaient. S’y ajoutait que la 7e version de la directive CDPI n'avait été assortie d'aucune disposition transitoire et qu'aucune publication officielle n'avait eu lieu.

Avant la pergola, un store banne était fixé au paravent, mais il était inefficace compte tenu des fortes chaleurs et en cas de temps venteux.

d. Dans sa duplique, le département a notamment indiqué qu’G______ n’avait pas le souvenir d’avoir été consulté au sujet de la pergola. Il lui était toutefois impensable qu'il eût pu, ces dernières années, soutenir qu'une telle installation n'était pas soumise à autorisation de construire.

e. Dans des observations spontanées, les époux AB______ ont ajouté que leur pergola ne comportait aucun cloisonnement latéral, de sorte qu’elle ne pouvait pas être fermée et n'apparaissait pas comme une avancée de façade totalement close.

f. Le TAPI a, par jugement du 9 novembre 2023, déclaré irrecevable le recours interjeté contre la décision du département du 1er avril 2022 et l’a rejeté pour le reste.

La nature incidente de la décision du 1er avril 2022 n'était pas remise en question par les parties. L’absence de recours à son encontre ne saurait remettre en cause sa contestation à l'occasion du recours contre la décision finale, soit celle du 19 janvier 2023, conformément à l'art. 93 al. 3 de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110). En outre, il paraissait évident que la question de la nécessité du dépôt d'une autorisation de construire était susceptible d’avoir une influence sur la décision de refus d'autorisation de construire, sur le bordereau d'émolument et sur l'ordre de remise en état subséquents. Toutefois la décision du 1er avril 2022 n'ayant pas été contestée dans le délai de dix jours imparti par la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), elle ne pouvait plus être contestée pour elle-même, ce d'autant plus que les époux AB______ s'y étaient conformés et avaient formé recours contre la décision finale de refus d'autorisation de régularisation.

Le bordereau d’émolument avait certes été formellement adressé à F______, en tant que requérante de l'autorisation de construire, mais c’était en définitive les époux AB______ qui en restaient concrètement les débiteurs. Ils devaient donc à tout le moins être considérés comme des tiers touchés par cette décision au sens de l'art. 60 al. 1 let. b LPA, disposant manifestement d'un intérêt digne de protection à la contestation de cet émolument.

La saisie du département par une dénonciation ne posait aucun problème et était prévue par l’art. 10A LPA. Pour les raisons que le TAPI développait, le département était légitimé à ne pas divulguer l’identité du dénonciateur et avait respecté le droit d’être entendu des époux AB______ en se fondant sur l'instruction de la demande de régularisation ainsi que leurs explications pour motiver la décision de refus d’autorisation. Dès lors que les époux AB______ ne contestaient pas l’installation de leur pergola sans autorisation de construire, on peinait à entrevoir l'utilité de la communication de la dénonciation pour la résolution du litige. Il n’était donc pas fait droit à la demande de production de la dénonciation.

La demande de production de l'ensemble des autorisations de construire délivrées pour des pergolas en toiture ou en attique après le 10 mars 2017 visait à leur permettre de démontrer l'absence de nécessité d'une autorisation de construire pour un tel objet. Outre que cette demande apparaissait manifestement disproportionnée, vu le travail de recherche qu'elle impliquerait pour le département, il ne fallait pas perdre de vue qu’ils supportaient le fardeau de la preuve et qu'ils avaient déjà produit un certain nombre d'exemples en ce sens dans leur chargé de pièces. Cette demande était écartée.

La note de bas de page de la directive CDPI concernant les pergolas n'avait en substance pas changé entre la 5e et la 7e version, celle-ci étant toujours fondée sur la même décision du 12 mai 2016. Ainsi, puisque la base de la réflexion n'avait pas changé, il pouvait raisonnablement être admis que la pratique du département n'avait pas évolué et que, dès lors, les contenus respectifs de ces deux versions de la directive CDPI pouvaient être considérés comme identiques.

À cela s'ajoutait que la consultation des données librement accessibles sur le système d’information du territoire à Genève (SITG) et de la plateforme
SAD-Consult démontrait que sous la 5e version de la directive CDPI, l'installation d'une pergola en toiture était soumise à l'obtention préalable d'une autorisation de construire (APA 307'357).

La directive CDPI ne fournissait au demeurant qu'une définition de ce qu'il fallait entendre par pergola et indiquait qu'une telle construction, avec lamelles orientables, ne constituait pas un couvert, de sorte qu'elle ne pouvait pas être prise en compte comme CDPI. L'ajout de la précision « dans un jardin » ne constituait qu'une clarification supplémentaire de la notion de pergola. L'exigence ou non d'obtention préalable d'une autorisation de construire ne pouvait ainsi être formellement déduite de la seule consultation de cette directive interprétative.

La situation d'une pergola en rez-de-chaussée ou dans un jardin n'était manifestement pas identique à celle d'une pergola en attique ou en toiture. La première n'avait notamment pas d'impact sur le gabarit légal de l'immeuble, alors que la seconde, surtout en attique, avait pour effet d'augmenter la hauteur de la façade, quand bien même elle ne créerait pas de volume fermé permanent. L'édification d'une telle pergola pouvait exercer une influence sur les questions de gabarit réel et théorique de l'immeuble (art. 36 LCI). Il se justifiait donc de soumettre une telle installation en toiture ou en attique à autorisation de construire.

Il ressortait des différents échanges entre le département et les époux AB______ que ce dernier avait pris en compte leurs observations et remarques au fur et à mesure de l'avancement de l'instruction, raison pour laquelle il avait requis une seconde consultation des instances de préavis.

La décision de refus de régularisation du 19 janvier 2023 était claire. Elle mentionnait les bases légales applicables et le motif de refus. La lecture du recours suffisait à démontrer que les époux AB______ en avaient saisi le sens. Ils avaient aussi eu l’occasion de prendre connaissance des arguments développés dans les observations du département du 28 avril 2023 et d’y répliquer, de sorte qu’une éventuelle violation de leur droit d’être entendu aurait amplement été réparée dans le cadre de la procédure de première instance.

Les époux AB______ ne pouvaient se prévaloir des éventuelles dérogations accordées par le département dans le cadre des procédures DP 18'201 puis DD 4______ s’agissant de l’application de l’art. 11 al. 5 LCI, dès lors que ces procédures concernaient la réalisation de l'immeuble, manifestement sans pergola sur les terrasses de l'attique. La production de plans de géomètre sollicitée par la DAC visait justement à déterminer si leur pergola respectait le gabarit de l'immeuble tel qu'autorisé par la DD 4______.

Rien ne permettait de retenir que le département avait renoncé à soumettre les autres pergolas du canton à autorisation. Les installations identifiées par les époux AB______ pouvaient être illégales, comme la leur, auquel cas ils ne pouvaient se prévaloir d’égalité dans l’illégalité.

Le principe de non-rétroactivité n’avait pas été violé, puisque les 5e et 7e versions de la directive CDPI étaient en substance les mêmes. De plus, les directives n'avaient pas force de loi et la jurisprudence admettait d'une façon générale qu'une demande d'autorisation de bâtir déposée sous l'empire du droit ancien était examinée en fonction des dispositions en vigueur au moment où l'autorité statuait.

Aucun élément du dossier ne permettait d'affirmer que le département aurait, par l'entremise d’un collaborateur, fait naître de quelconques attentes dans l'esprit des époux AB______. Au contraire, E______ leur avait uniquement indiqué les démarches à entreprendre en vue de régulariser la situation. Ils ne s’étaient pas fondés sur un échange préalable avec lui avant d'entreprendre les travaux litigieux.

Selon les préavis défavorables de la CA des 13 juin et 3 octobre 2022, la pergola péjorait la silhouette du bâtiment et n'avait pas le même impact qu'une toile de tente et, selon la commune, elle défigurait le gabarit du bâtiment et l'harmonie de sa façade. Le département s'était ainsi fondé sur les préavis défavorables et motivés des instances compétentes en matière d'architecture.

La mise en place de la pergola nécessitait une autorisation de construire, de sorte que la perception d'un émolument était manifestement justifiée.

La pergola n'avait pas été autorisée et ne bénéficiait pas de la prescription trentenaire. Une motivation de confort devait céder le pas face à l'intérêt public prépondérant au respect du droit des constructions. L’ordre de remise en état était apte à remplir le but visé et fondé.

L’amende de CHF 1'000.- était fondée dans son principe et son montant adapté.

E. a. Par acte du 8 décembre 2023, les époux AB______ ont formé recours contre le jugement du TAPI auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative), concluant, préalablement à la production de la dénonciation et de toutes les autorisations de construire en lien avec les pergolas dès le 10 mars 2017, principalement à l’annulation dudit jugement et subsidiairement au renvoi de la cause pour nouvelle décision autorisant la construction.

Le recours contre la décision du 1er avril 2022 avait à tort été considéré comme irrecevable par le TAPI.

L’identité de la personne qui avait dénoncé la construction devait être révélée, aucun intérêt public ou privé ne s’y opposant. Leur propre intérêt ne faisait aucun doute, les procédures engendrant des coûts et pouvant faire l’objet d’une action civile en réparation du dommage.

Le TAPI ne s’était basé sur aucune preuve concrète pour considérer qu’une autorisation de construire serait requise pour les pergolas non autorisées qu’ils avaient évoquées à l’appui d’une violation du principe d’égalité de traitement.

Les témoignages formels d’G______ et de E______ devaient être recueillis, les éléments transmis par le département les concernant n’étant pas suffisants.

Le TAPI n’avait pas suffisamment motivé son argumentation concernant la constatation lacunaire des faits et la violation de leur droit d’être entendus. Il n’avait notamment par pris en compte leurs nombreux arguments en lien avec l’absence d’obligation de requérir une autorisation de construire pour une pergola et avec la demande déposée.

Plusieurs pergolas bioclimatiques avaient été érigées dans le canton de Genève sans autorisation avant l’adoption de la 7e version de la directive. Un seul exemple avait été donné par le TAPI où une autorisation avait été requise, mais la situation n’était pas semblable. L’exigence d’autorisation de construire qui leur était imposée constituait une inégalité de traitement.

L’intimé avait violé le principe de la bonne foi en refusant de leur délivrer l’autorisation de construire sollicitée. Les renseignements donnés par E______ au téléphone les avaient conduits à retourner un avis d’ouverture de chantier pour travaux non soumis à autorisation. Rien ne prouvait qu’G______ niât avoir été en contact avec eux.

La pergola ne créait pas un usage accru en terme de fond dominant ni modifiait le calcul du gabarit de l’immeuble. En refusant de délivrer l’autorisation, l’intimé avait outrepassé son pouvoir d’appréciation.

Les décisions contestées étaient arbitraires, puisqu’elles excluaient de façon contraire au droit l’application de la 5e version de la directive, étaient en opposition avec de nombreux renseignements et assurances donnés par des tiers et retenaient qu’ils auraient dû déposer une demande d’autorisation, alors même que d’autres pergolas avaient été construites sans en bénéficier.

Les recourants ont pour le surplus repris l’argumentation présentée devant le TAPI.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

Il avait pris le soin de consulter les deux témoins dont l’audition avait été requise et avait retranscrit leur position dans ses observations au TAPI, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de les entendre.

Les deux versions des directives gardaient le même sens, ce qui était corroboré par leur renvoi à la décision de l’OAC du 12 mai 2016. La 7e version apportait la précision que la pergola de peu d’importance devait se trouver dans un jardin. Les constructions en attique ne pouvaient ainsi pas être des pergolas. Les nouvelles photographies produites étaient trompeuses au regard de l’angle de vue choisi et du fait que l’ensemble des stores étaient ouverts.

Rien ne permettait de retenir qu’il renoncerait à exiger des autorisations de construire pour les pergolas citées par les recourants.

Le département a pour le reste repris l’argumentation présentée au TAPI.

c. Dans leur réplique du 16 février 2024, les recourants ont persisté à soutenir que leur recours était recevable à l’encontre de la décision incidente.

La connaissance de l’identité du/de la dénonciateur/trice était pertinente car, s’il s’agissait d’un propriétaire de la PPE ayant donné son accord à l’édification de la pergola lors de l’assemblée générale, ils pourraient faire valoir leurs droits à son encontre.

Les auditions des témoins par un juge neutre et impartial étaient primordiales.

L’intimé donnait une définition biaisée d’une pergola, qui ne se fondait sur aucune base juridique. Les photographies produites dans la 5e version de la directive servaient uniquement à illustrer ce qu’était une pergola au sens primaire du terme et non pas dans ce contexte. La précision dans la 7e version que la pergola devait se trouver « dans un jardin » n’était pas une simple clarification, puisqu’elle avait entraîné la modification de la directive. Dès lors, avant son introduction, une pergola, au sens de la 5e version de la directive, correspondait à ce qu’ils avaient construit.

La situation de l’APA 307'357 n’était pas comparable à leur situation, contrairement aux exemples qu’ils avaient produits qui démontraient que plusieurs personnes, sous l’application de la 5e version de la directive, avaient construit des pergolas sans autorisation.

Si les directives n’avaient pas force de loi, la loi cantonale s’appliquerait, soit la LCI, selon laquelle les pergolas non couvertes ne nécessitent pas d’autorisation.

d. Sur ce, les parties ont été informées, le 19 février 2024, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. LPA et 149 LCI).

2.             Les recourants soutiennent que leur recours auprès du TAPI était recevable à l’encontre de la décision incidente du 1er avril 2022.

2.1 Selon l’art. 57 let. c LPA in initio, les décisions incidentes peuvent faire l’objet d’un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable. Selon la même disposition in fine, elles peuvent également faire l’objet d’un tel recours si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse. Le délai de recours est de dix jours (art. 62 al. 1 let. b LPA).

2.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que la décision du 1er avril 2022 est une décision incidente et n’a pas fait l’objet d’un recours dans le délai légal de dix jours. Les recourants ne démontrent au demeurant pas en quoi cette décision leur causerait un préjudice irréparable. Celle-ci a donné lieu à une décision finale, soit celle du 19 janvier 2023, également objet du présent recours.

C’est dès lors à juste titre que le TAPI a retenu que le recours était irrecevable à l’encontre de la décision incidente du 1er avril 2022.

Ce grief sera dès lors rejeté.

2.3 C’est en revanche à juste titre que le TAPI a considéré que le recours était recevable à l’encontre du refus de régularisation du 19 janvier 2023, du bordereau d’émolument généré le 5 janvier 2023 ainsi que de l’ordre de remise en état du 3 février 2023, objets du présent litige.

3.             Les recourants sollicitent la révélation de l’identité du dénonciateur, que l’ensemble des autorisations de construire délivrées dans le canton pour des pergolas en toiture depuis le 10 mars 2017 soient produites ainsi que l’audition de E______ et G______.

3.1 Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d'avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

L'autorité peut renoncer à procéder à des mesures d'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de forger sa conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

Selon l'art. 18 LPA, la procédure administrative est en principe écrite, toutefois si le règlement et la nature de l'affaire le requièrent, l'autorité peut procéder oralement. Par ailleurs, les garanties minimales en matière de droit d'être entendu découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. ne comprennent en principe pas celui d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_15/2020 du 30 janvier 2020 consid. 2).

En tout état, le droit d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour décider de l'issue du litige (ATF 142 II 218 consid. 2.3 ; 141 V 557 consid. 3.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui‑ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a et les références citées).

3.3 La LPA prévoit l'accès général au dossier, sauf si l'intérêt public ou des intérêts privés prépondérants permettent de l'interdire (art. 44 et 45 LPA). Il n'existe pas en la matière de norme spécifique et concrète garantissant l'anonymat, et seule est interdite l'instruction d'une dénonciation anonyme (art. 10A LPA). Le Tribunal fédéral a précisé que l’intérêt de la personne dénoncée à connaître l'identité de ses dénonciateurs peut se voir limiter par les intérêts publics de l'État ou les intérêts légitimes du tiers dénonciateur. Toutefois, il ne peut être accepté un intérêt général pour garantir la confidentialité de tout informateur ; il convient de se déterminer par une pesée des intérêts en examinant les intérêts du dénoncé et du dénonciateur (ATF 129 I 249ATA/583/2022 du 31 mai 2022 consid. 2a ; ATA/235/2014 du 8 avril 2014 consid. 13a).

3.4 En l’espèce, il ressort du dossier qu’une personne identifiée par le département intimé lui a dénoncé la construction litigieuse. Dans la mesure où cette dénonciation a uniquement eu pour effet l’ouverture de la procédure à l’encontre des recourants, mais que le département ne s’est pas basée sur celle-ci pour rendre les décisions litigieuses, il n’avait pas à révéler l’identité du dénonciateur. L’hypothèse évoquée par les recourants de faire valoir une éventuelle action civile en réparation du dommage ne prime pas l’intérêt public pas plus que l’intérêt privé du dénonciateur à conserver son identité anonyme. Cela est d’autant plus vrai que les recourants ne contestent pas la construction de leur pergola sans autorisation de construire et que c’est suite à une instruction du département que les décisions litigieuses ont été rendues.

Il ne sera ainsi pas fait droit à la demande des recourants de connaître l’identité du dénonciateur.

3.5 Il ne sera pas plus donné une suite favorable à leur requête de production de l’ensemble des autorisations de construire des pergolas en toiture ou en attique après le 10 mars 2017. En effet, comme relevé à juste titre par le TAPI, une telle démarche apparaît disproportionnée au regard du travail de recherche que cela impliquerait pour le département. Dans tous les cas, la question de savoir si la pergola est autorisée ou non constitue une question de droit qui peut être tranchée sans l’apport de ces pièces. Il sera au surplus rappelé que les recourants supportent le fardeau de la preuve et qu’ils ont déjà produit un certain nombre d’exemples dans ce sens, encore au stade du recours.

3.6 Outre le fait que les recourants ne disposent d’aucun droit à l’audition de témoins, ils ont eu l’occasion d’exposer leurs arguments et de produire les pièces qu’ils jugeaient nécessaires pour appuyer leurs écritures, tant devant l’autorité intimée et le TAPI que devant la chambre de céans. E______ a nié fermement avoir indiqué aux recourants qu'un avis d'ouverture de chantier règlerait la situation, et donc, implicitement, que la pergola en question n'était pas soumise à autorisation de construire. Il est peu probable qu’il vienne dire le contraire en audience. G______ a indiqué ne pas se rappeler avoir été en contact avec les recourants et dans tous les cas ne pas avoir donné d’assurance dans le sens qu’une autorisation n’aurait pas été nécessaire. Ici encore, son audition ne permettrait pas d’apporter d’élément nouveau.

Par appréciation anticipée des preuves, le dossier contient suffisamment d’éléments, comme il sera vu ci-dessous, en lien avec la question de la légalité de la pergola.

La chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige en toute connaissance de cause. Les demandes d’audition seront partant rejetées.

4.             Selon l’art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (al. 1 let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (al. 1 let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l’égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (art. 69 al. 1 LPA).

5.             Les recourants contestent l’exigence d’une autorisation de construire pour leur pergola.

5.1 Sur tout le territoire du canton de Genève, nul ne peut, sans y avoir été autorisé, élever en tout ou partie une construction ou une installation (art. 1 al. 1 let. a LCI).

5.2 Conformément à l’art. 1 al. 4 LCI, en zone à bâtir, l’édification de constructions de très peu d’importance n’est pas soumise à autorisation de construire. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine.

Sont réputées constructions de très peu d’importance les cabanes amovibles de dimension modeste, soit de l'ordre de 5 m2 au sol et 2 m de hauteur, les pergolas non couvertes et les antennes paraboliques dont le diamètre n'excède pas 90 cm pour les installations individuelles et 130 cm pour les installations collectives (art. 1 al. 5 LCI).

5.3 Selon l’art. 3 al. 3 RCI sont réputées CDPI, à distinguer donc des constructions de très peu d’importance précitées, à la condition qu'elles ne servent ni à l'habitation, ni à l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale, les constructions dont la surface n'excède pas 50 m2 et qui s'inscrivent dans un gabarit limité par : a) une ligne verticale dont la hauteur n'excède pas 2,50 m ;
b) une ligne oblique faisant avec l'horizontale partant du sommet de la ligne verticale un angle de 30° ; c) une ligne horizontale de faîtage située à 4,50 m du sol au maximum. Dans tous les cas, la surface totale des CDPI ne doit pas excéder 8% de la surface de la parcelle et au maximum 100 m(art. 3 al. 3 RCI ; ATA/1168/2023 du 31 octobre 2023 ; ATA/318/2017 du 21 mars 2017 ; ATA/284/2016 du 5 avril 2016 ; ATA/1345/2015 du 15 décembre 2015), ces seuils constituant des conditions cumulatives (arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013 consid. 3.3).

5.4 D'après la jurisprudence, afin d'assurer l'application uniforme de certaines dispositions légales, l'administration peut expliciter l'interprétation qu'elle leur donne dans des directives. Celles-ci n'ont pas force de loi et ne lient ni les administrés, ni les tribunaux, ni même l'administration. Elles ne dispensent pas cette dernière de se prononcer à la lumière des circonstances du cas d'espèce
(ATF 145 II 2 consid. 4.3). Par ailleurs, elles ne peuvent sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elles sont censées concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elles ne peuvent prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_522/2012 du 28 décembre 2012 consid. 2.3 ; ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 8d ; ATA/829/2019 du 25 avril 2019 consid. 6a).

5.5 Les CDPI font l’objet d’une directive du département du 3 février 2014, modifiée d’abord le 10 mars 2017 sous le numéro 024-v5, puis le 9 mars 2021 sous le numéro 024-v7 (ci-après : la directive CDPI). Cette dernière version comporte quelques ajouts issus de la jurisprudence (ATA/805/2020 du 25 août 2020 ; ATA/1300/2019 du 27 août 2019 consid. 4e et les arrêts cités : pour le calcul relatif aux balcons/terrasses), mais ne change pas le contenu de la version antérieure.

S’agissant des constructions considérées comme CDPI, la directive CDPI cite les garages, ateliers non professionnel, couverts à voitures, couverts de plaisance, couverts à bois, abris ou cabanes de jardin et pool-house. Elle précise également que les constructions de très peu d’importance au sens de l’art. 1 al. 4 LCI ne sont pas à prendre en compte au titre de CDPI, ainsi que les jardins d’hiver au sens de l’art. 59 al. 3 LCI et les pergolas (p.1). S’agissant de ce dernier objet, une note de bas de page précise (p. 5) qu’une pergola est « une construction légère dans un jardin, servant de support à des plantes grimpantes ». Cette mention est accompagnée de deux photographies d’installations comprenant des lamelles orientables, avec la précision que ce type de constructions est considéré comme une pergola et non comme un couvert.

La directive CDPI rappelle que le respect du 8% est impératif. Selon la directive CDPI, la hauteur maximale se prend construction finie, par exemple à la tuile faîtière, et se mesure entre le point le plus haut de la construction, pris à l’aplomb du terrain naturel.

La chambre administrative se fonde, de jurisprudence constante, sur la directive CDPI pour déterminer les surfaces à prendre en compte à ce titre (ATA/93/2021 du 26 janvier 2021 consid. 9d et 10 ; ATA/1104/2020 du 3 novembre 2020 consid. 3d et 4).

5.6 La notion de pratique administrative désigne la répétition constante et régulière dans l'application d'une norme par les autorités administratives. De cette répétition peuvent apparaître, comme en ce qui concerne la jurisprudence, des règles sur la manière d'interpréter la loi ou de faire usage d'une liberté d'appréciation. Elle vise notamment à résoudre de manière uniforme des questions de fait, d'opportunité ou d'efficacité. Cette pratique ne peut être source de droit et ne lie donc pas le juge, mais peut néanmoins avoir indirectement un effet juridique par le biais du principe de l'égalité de traitement (ATA/877/2023 du 22 août 2023 consid. 5.7 et les arrêts cités).

Pour être compatible avec les art. 8 et 9 Cst., un changement de pratique administrative doit reposer sur des motifs sérieux et objectifs, c'est-à-dire rétablir une pratique conforme au droit ou remédier à celle qui aurait conduit à des abus répétés (ATF 126 V 36 consid. 5a et les arrêts cités), mieux tenir compte des divers intérêts en présence ou d'une connaissance plus approfondie des intentions du législateur, d'un changement de circonstances extérieures, de l'évolution des conceptions juridiques ou des mœurs. Les motifs doivent être d'autant plus sérieux que la pratique suivie jusqu'ici est ancienne. À défaut, elle doit être maintenue (ATF 142 V 112 consid. 4.4 ; 135 I 79 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_44/2021 du 8 août 2021 consid. 6.1).

Lorsque ces motifs sont donnés et pour autant que la nouvelle pratique s’applique de façon générale à tous les cas non encore traités au moment de son adoption, un changement de pratique ne contrevient ni à la sécurité du droit, ni à l’égalité de traitement et ce, bien qu’il en résulte inévitablement une différence de traitement entre les cas anciens et les cas nouveaux (ATF 125 II 152 consid. 4c/aa =
RDAF 2000 I p. 575, 577 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2010 du 17 décembre 2010 consid. 4.2).

Lorsqu’il n’est pas accompagné d’un changement législatif, un changement de pratique justifié vaut en général immédiatement et pour toutes les procédures pendantes (ATA/515/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). Lorsque la nouvelle pratique est défavorable à l'assujetti, le droit à la protection de la bonne foi doit être pris en considération et peut s'opposer à l'application immédiate de la nouvelle pratique. Selon les cas, elle ne peut être appliquée qu'après avoir été préalablement annoncée ; il en va ainsi notamment en matière de droits des parties dans la procédure (ATF 135 II 78 consid. 3.2).

Les autorités disposent d'un pouvoir d'appréciation important pour déterminer le moment de l'application d'une nouvelle pratique ou pour instaurer un régime transitoire. Elles devraient en faire usage de manière à atténuer les effets du changement de pratique lorsque cela est possible (ATA/304/2021 du 9 mars 2021 consid. 6b). Lorsque la nouvelle pratique est moins favorable que l'ancienne pour l'administré, lorsque le changement n'était pas prévisible et qu'il n'y a pas d'intérêt public prépondérant à une application immédiate de la nouvelle pratique, l'autorité est obligée d'assortir le changement de mesures permettant d'adoucir, pour les administrés, les effets négatifs du changement qui ne seraient pas absolument nécessaires. Une telle obligation découle des exigences posées par les principes de la bonne foi (dans sa composante d'interdiction des comportements contradictoires), de la proportionnalité et de la sécurité du droit (ATA/515/2023 précité consid. 3.2 et les références citées ; Aurélie GAVILLET, La pratique administrative dans l'ordre juridique suisse, 2018, n. 708).

5.7 Valant pour l'ensemble de l'activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l'administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l'administration doit s'abstenir de toute attitude propre à tromper l'administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d'une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4). Il protège le citoyen dans la confiance légitime qu'il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 ; 137 I 69 consid. 2.5.1). Plus largement, le principe de la bonne foi s'applique lorsque l'administration crée une apparence de droit, sur laquelle l'administré se fonde pour adopter un comportement qu'il considère dès lors comme conforme au droit. Ce principe, qui ne peut avoir qu'une influence limitée dans les matières dominées par le principe de la légalité lorsqu'il entre en conflit avec ce dernier, suppose notamment que celui qui s'en prévaut ait, en se fondant sur les assurances ou le comportement de l'administration, pris des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice (ATF 131 II 627 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_659/2013 du 4 novembre 2013 consid. 3.1).

5.8 L’État informe largement, consulte régulièrement et met en place des cadres de concertation (art. 11 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 - Cst‑GE - A 2 00). Les règles de droit sont publiées. Les directives s’y rapportant le sont également, à moins qu’un intérêt public prépondérant ne s’y oppose (art. 11 al. 2 Cst-GE).

5.9 En l'espèce, selon la loi et la directive en vigueur au moment où la pergola a été commandée puis érigée, les pergolas non couvertes en attique n’étaient pas soumises à autorisation. Le texte de l’art. 1 al. 4 et 5 LCI est clair. Jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle version des directives CDPI le 10 mars 2021, les pergolas non couvertes étaient légalement considérées comme des constructions de très peu d’importance non soumises à autorisation, sans précision de l’emplacement où elles devaient se trouver. Le département n’allègue d’ailleurs pas et n’avance aucun exemple qui permettrait de retenir qu’il aurait, en pratique, systématiquement demandé une autorisation de construire pour les pergolas en attique ou sur toiture construites avant le mois de mars 2021.

Au contraire, il ressort des photographies et pièces produites par les recourants que la pratique consistait à autoriser des pergolas sans couvert en attique, sans demander d’autorisation au préalable. Ces derniers ont dès lors rendu vraisemblable qu’aucune autorisation de construire n’était demandée pour les pergolas avant le mois de mars 2021 et le département n’a produit aucune contre preuve. À ce titre, le seul exemple avancé par le TAPI (APA 307'357) ne permet pas de retenir une pratique particulière, puisque, dans ce cas, la pergola avait une dimension supérieure à 50 m2 et était ainsi obligatoirement soumise à autorisation.

Il n’existait ainsi pas, au moment de la construction de la pergola des recourants, une pratique administrative sur laquelle le département pouvait se fonder afin de ne pas appliquer la directive (024-v5) en vigueur au moment de l’installation de la construction litigieuse et appliquer de manière rétroactive la directive (024-v7).

La pergola construite par les recourants est de plus semblable à celles qui figurent à titre d’exemple dans les directives, à savoir munie d’un toit à lamelles amovibles.

Les recourants ne pouvaient dès lors connaître, au moment des faits, le changement tout prochain de pratique du département et partant de la directive. Un tel changement, dès lors imprévisible, n’a pas été annoncé par le département et ne ressortait à ce moment d’aucune base légale ou directive.

La nouvelle pratique est de plus défavorable aux administrés, dans la mesure où elle exige que seules les pergolas sises dans un jardin ou sur une terrasse peuvent être construites sans autorisation, puisque considérées comme des constructions de très peu d’importance.

La procédure ne démontre pas que les recourants auraient eu connaissance du changement de pratique envisagé, que ce soit au moment de la commande (décembre 2020) ou de la construction (mars 2021) de la pergola, et encore moins que ce changement était prévisible pour l'ensemble des administrés. L'intimé ne peut donc en tirer aucun argument, ce d'autant plus que la directive du 9 mars 2021 n'était pas encore publiée au moment de la commande de la pergola et du début des travaux.

5.10 En second lieu, la prise de mesures est exclue lorsque l'application immédiate de la nouvelle pratique se justifie par un intérêt public prépondérant. Si la nouvelle pratique est certes justifiée par des intérêts publics importants, soit notamment de protéger l’esthétique, le gabarit et l’harmonie de l’immeuble, ces derniers ne sauraient toutefois justifier l’application de la directive (024-v7) de façon rétroactive. En effet, la directive ne vise pas, à titre d'exemple, à remédier sans délai à une situation qui serait grave d'un point de vue environnemental ou sanitaire (voir ATF 141 II 393) ni à poursuivre des motifs d'ordre public ou de sécurité publique.

5.11 Au vu de ce qui précède, soit du manque de prévisibilité du changement de pratique et de l'absence d'intérêt public prépondérant à une application immédiate de la nouvelle pratique, l'autorité se devait de prendre des mesures permettant d'adoucir les effets négatifs de la modification de sa pratique. La chambre administrative considère ainsi que l'intimé aurait dû, de façon concomitante à la publication de la directive, prévoir un régime transitoire ou annoncer de façon claire le changement de pratique quelques mois avant ladite publication. Elle constatera qu'en exigeant une autorisation de construire pour une pergola sise en attique et non dans un jardin, dont la construction a débuté avant l’entrée en vigueur de la directive (024-v7) et sans qu’une pratique administrative n’existe quant à une demande systématique d’autorisation dans ce cadre, l'intimé a violé le principe de la bonne foi protégeant les administrés.

La pergola des recourants, construite avant la modification de la directive, devait ainsi être qualifiée de construction de très peu d’importance, non soumise à autorisation.

Le grief sera admis sur ce point.

Le recours sera dès lors admis.

Les décisions du département du territoire – OAC de refus de régularisation du
19 janvier 2023, le bordereau d’émolument généré le 5 janvier 2023 ainsi que l’ordre de remise en état du 3 février 2023 seront dès lors annulées.

6.             Vu l’issue du litige, il ne sera pas perçu d’émolument (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée aux recourants, à la charge du département du territoire – OAC (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 8 décembre 2023 par A______ et B______contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 9 novembre 2023 ;

au fond :

l'admet ;

annule les décisions du département du territoire – OAC de refus de régularisation du 19 janvier 2023, le bordereau d’émolument généré le 5 janvier 2023 ainsi que l’ordre de remise en état du 3 février 2023 ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______ et B______, à la charge du département du territoire – OAC ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Philippe PROST, avocat des recourants, au département du territoire – OAC, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. MAZZA

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :